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Full text of "Bulletin de la Société historique franco-américaine"

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BOSTOl^ 
PUBLIC 
LIBRARY 


1952 


BULLETIN 

de  la 

Société     Historique 
Franco-Américaine 

Boston,  Massachusetts 


Imprimerie  Ballard  Frères,  Inc. 
Manchester,  New-Hampshire 

1953 


Réunion  Annuelle 

La  Société  Historique  Franco-Américaine 

Dix-neuf  novembre  1952 

University  Club 

Boston,  Massachusetts 


MENU 

COUPE  DE  FRUITS 

CREME  DE  TOMATES  AUX  CROUTONS 

BOEUF  ROTI  JARDINIERE 

POMMES  DE  TERRE  A  LA  CREME 

HARICOTS  VERTS  FRANÇAIS 

SALADE  DU  CHEF 

CREME  GLACEE 

DEMI-TASSE 


à  sept  heures  précises 

le  mercredi  19  novembre  1952 

Salle  des  banquets 


BIENVENUE  ET  PRESENTATION 

Abbé  Adrien  Verrette,  Président 

PROBLEME  D'ORIENTATION  LITTERAIRE 

Conférence  de  Mgr  Félix-Antoine  Savard 

doyen  de  la  Faculté  des  lettres  de 

l'Université  Laval  de  Québec 

REMERCIEMENTS 

Présentation  du  diplôme  de  membre  d'honneur 
par  le  Président 

PRESENTATION  DU  "GRAND  PRIX" 
de 

LA  SOCIETE  HISTORIQUE  FRANCO-AMERICAINE 
au 

Dr  Georges-A.  Boucher,  ancien  vice-président 

N.  B.  —  Brève  séance  d'affaires  au  cours  du  programme. 


EXERCICE  1952-1953 


BUREAU 

Gilbert  Chinard,  Président  d'Honneur 
Pierre-Georges  Roy,  Vice-Président  d'Honneur 
Antoine  Dumouchel,  M.  D.,  Vice-Président  d'Honneur 

Adrien  Verrette,  prêtre,  Président 
Valmore-M.  Carignan,  avocat,  Vice-Président 
Gabriel  Nadeau,  M.  D.,  Secrétaire 
Roland  Cartier,  M.  D.,  Secrétaire-adjoint 
Antoine  Clément,  Trésorier 


CONSEILLERS 

Damase  Brochu 
Oscar-W.  Perrault,  M.  D. 
Lauré-B.  Lussier 

R.  P.  Thomas-M.  Landry,  o.  p. 
Edouard-J.  Lampron,  juge 
Lucien  SanSouci 

Emile  Lemelin,  juge 
Fernand  Hémond,  M.  D. 
Valmore  Forcier 


1952 


BULLETIN 


de  la 


Société     Historique 
Franco-Américaine 

Boston,  Massachusetts 


Imprimerie  Ballard  Frères,  Inc. 
Manchester,  New-Hampshire 

1953 


Présentation 


La  variété  des  textes  de  la  présente 
livraison  du  bulletin  atteste  que  la  so- 
ciété continue  son  travail  diligemment. 
Il  importe  de  maintenir  bien  vivante  et 
active  cette  gardienne  de  notre  présence 
française  en  Amérique.  Les  membres 
aideront  grandement  à  cette  tâche  en 
s'acquittant  promptement  de  leur  coti- 
sation, en  invitant  d'autres  compatriotes 
à  devenir  membre  et  en  fournissant  au 
secrétaire  des  études  sur  notre  histoire. 


Abbé  Adrien  Verrette 
Président 


Bulletin  de 

Fondée  le  4  septembre  1899 
Administration:    Secrétaire;  Gabriel  Nadeau,  M.D.,  Rutland,  Mass. 

Trésorier;  Antoine  Clément,  195  W.  Sixth  St.,  Lowell,  Mass. 

Boston,  Massachusetts  Année  1952 


Conférence 


Orientation  Littéraire 
Mgr  Félix  Antoine  Savard,  P.D.  * 

Lorsqu'en  juin  dernier,  vous  m'invitiez  à  venir  à  Boston,  "parler 
de  mes  livres",  ainsi  que  vous  disiez  fort  aimablement  d'ailleurs,  en  me 
tendant  un  piège,  je  jugeai  que  je  devais  répondre  à  votre  appel. 
Oui,  comment  résister  à  votre  invitation?  Je  vous  savais  si  inlassable- 
ment zélé  pour  la  cause  française;  et  derrière  vous,  je  voyais  tout  ce 
peuple  de  mes  frères  américains  qui  serait  heureux,  pensais-je,  qu'une 
voix  de  Québec,  une  fois  de  plus,  lui  apportât  des  paroles  d'amitié 
et  de  réconfort! 

Ces  sentiments  que  j'éprouvais  à  votre  égard,  Monsieur  le  Pré- 
sident et  chers  auditeurs,  étaient  justes,  bien  sûr.  Et  sans  les  altérer, 
passèrent  les  vacances,  puis  les  fêtes  de  Laval,  cependant  que  la  con- 
férence promise  se  contentait  de  flotter  vaguement  dans  les  régions 
les  plus  indécises  de  ma  bonne  volonté. 

Or,  il  y  a  une  semaine,  je  commençai  de  sentir  que  j'avais  été  un 
peu  téméraire;  et  je  le  sens  aujourd'hui  davantage  en  face  de  ce  grand 
auditoire  français  qui  m'écoute.  Et  ma  gêne  est  de  ne  vous  point 
apporter  le  beau  et  fervent  discours  que  vous  méritez. 

Qu'au  moins,  je  vous  salue  très  cordialement  chers  Franco-Amé- 
ricains, mes  frères.  La  nombreuse  et  noble  famille  que  vous  faites! 
famille  solidement  fondée  sur  des  droits  dont  l'histoire  est  antérieure 
même  à  la  constitution  de  votre  grande  république,  droits  qui  font  les 
peuples  forts  et  les  rendent  utiles  au  bonheur  de  leur  patrie. 

Il  y  en  a  parmi  vous  dont  les  ancêtres  ont  été  violemment  amenés, 
il  y  a  près  de  200  ans,  des  bords  de  la  tragique  Acadie,  et  qui  ne  veulent 

*  Conférence  prononcée  le  19  novembre,  au  University  Club  de  Boston,  à  la 
réunion  annuelle  par  le  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de  l'Université  Laval. 


b  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

plus  évoquer  de  si  tristes  souvenirs  que  pour  montrer  aux  fils  de  leurs 
persécuteurs  la  générosité  du  pardon  chrétien  et  la  force  de  l'âme 
française. 

Il  y  en  a  d'autres  dont  les  pères  ont  été  poussés  ici  par  les  con- 
ditions économiques  qui  sévissaient  jadis  au  pays  de  Québec.  Que  si, 
vous  retrouvant  si  prospères  et  si  fidèles,  nous  regrettons  encore  de 
vous  avoir  perdus,  notre  consolation  est  de  penser  que  c'est  la  Provi- 
dence qui  guide  les  peuples  pieux  dans  leur  marche  mystérieuse,  notre 
espoir  est  de  vous  voir  maintenir  toujours,  à  côté  de  nous,  cette  civili- 
sation catholique  et  française,  l'une  des  plus  belles  et  des  plus  solides 
qui  soient. 

Et  maintenant,  occupons-nous,  puisque  tel  est  votre  désir,  de  ce 
que  Claudel  appelle  un  "minime  personnage  précis"  s'avançant  par 
le  sentier  du  monde,  "en  remuant  nettement  les  jambes". 

Je  suis  né  fortuitement  à  Québec  d'une  famille  saguenéenne  de 
navigateurs,  de  commerçants  et  d'hommes  de  loi.  Ma  grand'mère 
maternelle  était  Mary  Ann  O'Neil,  née  en  Louisiane,  émigrée  à  Chi- 
coutimi  pour  y  faire  la  classe.  Elle  était,  je  le  vois  mieux  aujourd'hui, 
d'une  grande  délicatesse  d'âme.  Elle  ne  s'adressait  jamais  à  nous 
qu'en  français,  mais  nous  écrivait  en  anglais,  alternant  ainsi,  avec 
sourire  et  bonté,  le  droit  que  nous  avions  d'entendre  notre  langue 
natale  et  celui  qu'elle  avait  de  parler  la  sienne.  Ah  oui,  c'était  une 
très  respectueuse  et  très  juste  grand'mère  irlandaise  que  la  mienne  .  .  , 

Le  conférencier  raconte  ensuite  son  enfance,  à  Chicoutimi,  ses 
années  d'études,  les  vacances  qui  furent,  nous  dit-il,  "le  beau  temps 
de  son  esprit!"  .  .  .  "Elles  étaient  agréablement  mi-rustiques,  mi-mari- 
nes, sentant  le  foin,  goûtant  la  mer.  En  ce  temps-là,  le  Saguenay  était 
libre;  belles  et  douces,  les  grèves  natales.  Nous  partirons  sur  le  Saint- 
Louis  vers  en  bas,  vers  le  grand  fleuve.    Et, 

Vogue,   petite   galéote,   toi   qui   vas   dans   ces  îles! 

Il  y  avait  la  mer,  et,  dans  les  belles  nuits  paisibles,  les  saintes  veillées  dans 
la  timonerie  noire,  les  colloques  avec  le  vent,  le  compas,  les  étoiles; 
ou  encore,  dans  les  havres  sûrs,  c'étaient  les  bons  mouillages  et  les 
rêves  qui  peuplaient  cette  vie  d'aventure  ....  Ainsi,  nous  étions  à  même 
mes  compagnons  et  moi,  d'acquérir  une  bonne  santé  de  l'esprit,  de 
l'élan,  de  l'audace,  une  curiosité  des  choses  de  la  nature,  un  besoin 
de  voir  par  soi-même,  cependant  que,  le  sel  aux  lèvres,  les  jambes 
pendantes  au-dessus  des  vagues,  la  poitrine  lavée  et  durcie  par  les 
embruns,  nous  chantions: 

Ohé!  c'est  le  vent!  Ohé!  c'est  le  vent! 

Le  vent  du  nord  m'appelle! 

Je  rentrais  des  flots  pour  les  foins.  Il  y  avait  entre  la  ville  et 
les  collines  une  terre  où  nous  allions  faner.  Je  revois  encore  ma 
première  source  bleue,  le  bel  oeil  limpide  qui  s'ouvrait  au  milieu  de  ce 


ORIENTATION    LITTERAIRE 


premier  champ.  Nous  revenions  nichés  sur  les  hauts  voyages.  Là, 
plongés  dans  le  parfum  des  trèfles,  altiers,  triomphants,  nous  effeuil- 
lions au  passage  les  branches  des  saules. 

Ainsi  allait  l'été;  et,  l'hiver,  c'étaient,  le  long  des  grèves,  les  rem- 
parts; des  tours  de  glace  s'élevaient  sur  les  rochers;  de  fragiles  faiences 
bleues  brillaient,  dons  de  la  marée  ...  Et  ainsi  j'allai  de  saison  en 
saison  jusqu'à  ce  septembre  heureux  où  mon  père  m'amena  vers  la 
forêt  que  j'ignorais  encore.  Et  là,  après  beaucoup  de  lacs,  de  portages 
et  d'émerveillement,  me  montrant  l'horizon  qui  s'était  levé  devant 
moi:  "Regarde,  me  dit-il,  le  pays  de  tes  ancêtres."  Et  de  ce  jour, 
je  me  mis  à  aimer  Charlevoix,  et  hautes  et  irrésistibles  furent  ses  mon- 
tagnes en  mon  coeur. 

Après  les  années  d'enseignement,  ce  furent  celles  du  ministère  à 
Sainte-Agnès,  à  la  Malbaie,  puis  à  Clermont.  "Je  m'évadais  parfois, 
poursuit  notre  conférencier.  Je  reprenais  le  chemin  des  draveurs  et 
les  sentiers  de  la  forêt.  Or,  un  soir,  sans  penser  que  j'en  pourrais  faire 
un  livre,  les  paroles  du  vieux  Menaud  que  j'avais  rencontré  me  revin- 
rent au  coeur.  Et  je  commençai  de  les  écrire,  et  j'étais  possédé  par 
une  sorte  de  violente  passion.  Toutes  ces  descriptions  que  je  voulus 
bientôt  faire  de  la  vie  des  champs  et  des  bois  ,elles  n'avaient  qu'un 
objet:  l'affranchissement  des  miens  que  je  souffrais  de  voir  réduits 
au  rang  de  serviteurs  dans  un  pays  qu'ils  avaient  si  péniblement  décou- 
vert et  défriché. 

En  1935,  j'entrepris  de  diriger  des  colons  vers  le  Nord.  Je  partis 
allègre  vers  les  terres  neuves  de  l'Abitibi.  Ah!  la  belle  aventure  que 
celle-là,  et  que  je  voudrais  avoir  le  loisir  de  vous  raconter.  Quand  j'y 
pense:  la  grande  terre  vierge  encore:  le  vivant  et  doux  commerce  avec 
tous  ces  bons  défricheurs  que  j'aimais  comme  des  enfants!  L'oeuvre 
des  oeuvres  de  notre  race!  Mes  marches,  mes  fatigues,  mes  décou- 
vertes, mes  transports,  mes  premiers  couchages  à  la  belle  étoile  !  J'étais 
heureux.  Je  faisais  en  paix  le  tour  de  ma  journée.  J'avais  donné 
cinquante  lots.  Cette  bande  de  terre  était  là,  devant  moi,  neuve, 
longue;  et  je  brodais  sur  ce  canevas,  champs,  églises,  maisons,  moissons, 
un  arbre  ici,  là,  le  ruisseau,  et  des  hommes  puissants  et  des  femmes 
fertiles.  .  .  .  Prière  faite,  je  m'endormais  face  à  cette  mesure  du  Ciel 
qui  serait,  pour  mes  gens,  leur  part  à  contempler,  leur  champ  d'espoir, 
leur  héritage  de  soleil  et  d'étoiles. 

En  1948,  je  publiais  la  Minuit.  Dans  le  cadre  d'un  pauvre  vallon 
de  Charlevoix,  j'essayai  de  montrer  que  les  solutions  offertes  par  le 
matérialisme  à  la  question  sociale  sont  illusoires;  et  à  la  fin,  je  le 
plaçais  en  face  de  la  mort.  C'est  là  qu'il  s'avère  impuissant  et  ne  trouve 
plus  rien  à  répondre  aux  angoisses  de  l'homme.  L'unique  réponse  est 
celle  qui  nous  a  été  donnée  par  le  Verbe  de  Dieu  dont  on  adore  la 
naissance  à  la  Minuit  de  Noël  de  chaque  année. 


8  BULLETIN   DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Je  termine.  Où  s'en  va  donc  la  littérature  d'aujourd'hui?  C'est 
une  question  qu'on  m'a  posée.  L'une  s'enfonce  résolument  dans  les 
ténèbres  extérieures;  et  l'autre  fait  effort  vers  la  lumière. 

Certes,  il  y  aurait  beaucoup  de  choses  à  dire  sur  les  devoirs  de 
l'écrivain.  Ce  que  Dieu  et  les  hommes  sont  en  droit  d'attendre  de  lui, 
c'est  la  consonnance  et  la  noblesse.  Je  m'explique.  La  consonnance, 
ai-je  dit.  Car,  il  y  a  une  symphonie  dans  cette  création  qui  nous  a 
été  donnée,  un  accord.  Mais  le  chant  a  été  brisé  par  le  péché.  Le 
péché  fait  fausser  l'homme  dans  le  concert  des  êtres.  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ,  lui,  a  restauré  le  chant;  et  c'est  par  la  seule  charité  du 
Christ  que  l'homme  pécheur  peut  désormais  entrer  dans  cette  commu- 
nion de  saints  concertants  qu'est  le  royaume  de  Dieu. 

Et  l'écrivain,  lui,  non  tantum  in  verbis,  non  seulement  dans  ce 
qu'il  exprime,  non  seulement  dans  les  pensées  de  son  oeuvre,  sed  etiam 
in  cantu,  mais  même  dans  la  texture  sonore  de  son  style,  doit,  tout 
comme  le  plus  humble  de  ses  frères,  s'accorder  aux  lois  mêmes  de 
l'harmonie  sans  doute,  au  monde  mystérieux  des  proportions  premières 
et  des  nombres  étemels,  mais  cela  ne  suffit  pas  encore.  Il  doit  monter 
plus  haut,  entraîner  ses  frères  vers  la  rédemption  de  toute  musique,  et 
s'efforcer  de  passer  avec  eux,  par  le  Christ,  vers  la  sainte  et  ineffable 
unité. 

La  noblesse  est  le  second  devoir  de  l'écrivain.  Ce  mot,  vous  le 
savez,  signifie  la  qualité  de  ce  qui  mérite  d'être  connu.  La  noblesse 
est  une  propriété  transcendente.  Il  ne  faut  donc  point,  ici,  confondre 
ce  que  le  monde  met  habituellement  en  vedette  avec  ce  qui  est  noble 
en  esprit  et  en  vérité  aux  yeux  de  Dieu.  L'écrivain  doit,  à  la  ressem- 
blance de  Dieu,  produire  à  la  lumière  ce  qui  est  digne  de  la  lumière. 
Il  fait  oeuvre  diabolique  si,  usurpant  le  juste  jugement  de  Dieu,  il 
accorde  gloire  et  honneur  aux  fils  d'iniquité,  s'il  induit  ses  frères  à 
devenir  eux-mêmes,  fils  d'iniquité.  Le  nescio  vos  de  l'Evangile  est  à 
l'antipode  de  ce  cercle  que  tant  de  livres,  tant  de  théâtres,  tant  de 
revues,  pervertissant  l'ordre  sacré  du  monde  et  méprisant  le  sang  de 
Jésus-Christ,  vouent  au  vice  et  à  l'iniquité.  Les  chrétiens  le  compren- 
dront-ils avant  le  jugement  dernier?  et  cesseront-ils  d'être  les  complices 
de  ceux  qui  profanent  la  sainte  lumière  de  Dieu  et  agissent  à  la  façon 
de  Béhémoth  dont  il  est  dit,  au  livre  de  Job,  qu'il  avait  sous  lui  les 
rayons  du  soleil  comme  litière  et  comme  fumier? 

Chers  Franco-Américains,  cette  civilisation  chrétienne  d'ordre,  de 
beauté,  de  respect,  de  sévérité,  mais  de  miséricorde  aussi,  elle  est  le 
seul  espoir  du  monde.  Or,  c'est  elle  que  vous  avez  assumé  de  mainte- 
nir, de  défendre,  d'illustrer  par  tous  les  moyens  que  vous  offre  la  grâce 
de  Jésus-Christ.  Gardez-la  jalousement  dans  son  intégrité;  gardez-la 
dans  cette  modalité  française,  qu'un  devoir  naturel  vous  prescrit,  que 
tout  un  passé  de  sacrifices,  que  les  aptitudes  mêmes  de  votre  génie  vous 
obligent  de  conserver.    Et  plaignant  ceux  qui  renient,  car  ils  ne  savent 


ORIENTATION    LITTERAIRE  9 

ce  qu'ils  renient;  et  pardonnant  à  ceux  qui  vous  persécutent,  car  ils 
ne  savent  ce  qu'ils  font,  dans  la  justice  et  la  charité  toujours,  avec  nous 
du  Québec  et  avec  vos  frères  du  Canada  tout  entier,  la  main  dans  la 
main,  continuez  à  mener  le  bon  combat  séculaire  de  votre  vie  catho- 
lique et  française. 


Exemple  de  continuité  * 

C'est  toujours  dans  une  atmosphère  de  franche  cordialité  que  se 
déroulent  les  assises  de  la  Société  Historique  franco-américaine.  De 
tous  les  coins  de  la  Nouvelle-Angleterre,  nous  revenons  chaque  fois 
fraterniser  sous  le  charme  de  quelqu'évocation  historique  qui  berce  nos 
âmes  aux  accents  de  notre  douce  "parlure".  Nous  puisons  ainsi  dans 
le  riche  écrin  de  notre  histoire  de  famille  des  pages  qui  nous  invitent 
à  la  méditation  et  nous  en  retirons  de  nouvelles  leçons  de  persévérance. 
Ainsi  notre  société  continue  sa  mission  fièrement. 

Voilà  une  de  nos  institutions  qui  ne  sent  pas  le  besoin  ni  le  désir 
de  modifier  son  âme  pour  continuer  ses  labeurs  au  sein  de  la  franco- 
américanie.  Dieu  veuille  qu'elle  demeure  jalousement  fidèle  à  sa  voie 
en  recueillant  pieusement  et  en  interprétant  les  gestes  de  notre  présence 
en  Amérique.  Elle  donne  un  vigoureux  exemple  de  continuité  qui  ne 
manque  pas  de  valeur  en  ces  jours  inquiétants  que  nous  vivons. 

Aussi,  en  cette  53e  réunion  annuelle,  nous  est-il  très  agréable  de 
saluer  nombre  de  figures  familières  et  sympathiques  qui  se  joignent  à 
nos  invités  pour  cette  soirée  vraiment  réconfortante.  Les  réunions  de 
notre  société  laissent  toujours  des  échos  profitables  dans  les  esprits. 
Elles  nous  font  davantage  apprécier  les  incomparables  richesses  spiri- 
tuelles et  culturelles  dont  nous  sommes  les  porteurs.  Réjouissons-nous 
que  la  flamme  de  la  fidélité  brûle  encore  intensément  au  sein  de  notre 
société.     C'est  là  son  plus  beau  titre  à  notre  commune  admiration. 

Il  faut  le  reconnaître,  la  Société  Historique  franco-américaine 
n'aurait  plus  sa  raison  d'être;  elle  perdrait  son  âme,  elle  trahirait  les 
buts  des  fondateurs,  elle  abdiquerait  la  noblesse  de  ses  origines  et  renon- 
cerait même  à  notre  respect  si  elle  allait  changer  sa  voie  parce  que  les 
conditions  de  vie  française  deviennent  plus  difficiles  mais  non  moins 
sacrées  pour  nous. 

Dans  la  poursuite  paisible  et  sincère  de  notre  idéal  catholique  et 
français,  franchement  intégré  dans  notre  vie  américaine,  nous  n'avons 
jamais  cru  depuis  un  siècle  que  nous  étions  des  tenants  du  racisme  et 
que  nous  refusions  à  la  patrie  ou  à  l'Eglise  le  meilleur  de  notre  dévoue- 
ment. 


*  Allocution  du  président,  l'abbé  Adrien  Verrette. 


10  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Dans  notre  formule  de  vie  nous  avons  toujours  prétendu,  et  cela 
avec  raison,  que  nous  ne  pouvions  pas  séparer  la  culture  de  la  vie  fran- 
çaise, qui,  elle,  s'incarne  dans  le  parler  dont  nos  existences  franco-amé- 
ricaines sont  marquées.  Depuis  un  siècle,  appuyés  sur  les  enseignements 
de  l'Eglise,  sur  le  droit  naturel  et  sur  l'histoire,  nous  avons  reconnu 
l'usage  du  français  comme  le  véhicule  naturel  de  nos  âmes.  Si  nous 
devons  demeurer,  il  ne  peut  donc  pas  être  question  de  préconiser  une 
autre  formule  qui  ferait  mine  de  favoriser  intensément  la  culture  fran- 
çaise, mais  qui  dans  son  application  utilitaire  renoncerait  fatalement  à 
l'usage  de  la  langue  française  comme  véhicule  de  pensée  et  d'expression 
dans  nos  foyers  et  au  sein  de  nos  maisons  d'enseignement.  Nous  dé- 
plorons donc  l'attitude  de  ceux  des  nôtres  qui  se  font  les  défenseurs 
d'une  telle  aberration. 

Au  nombre  des  joies  particulières  de  cette  réunion,  nous  désirons 
en  votre  nom  rendre  hommage  à  deux  de  nos  membres  très  distingués 
qui  ont  été  récemment  élevés  à  la  prélature  romaine.  Saluons  avec 
admiration  Mgr  F.  X.  Larivière,  p.d.,  curé  de  la  paroisse  Ste-Marie 
de  Marlboro  et  Mgr  Joseph  Boutin,  p.d.,  curé  de  la  paroisse  du  Très 
Saint-Rosaire  de  Gardner,  deux  fidèles  amis  de  la  société  et  deux  fer- 
vents apôtres  de  notre  vie  franco-américaine. 

Nous  voulons  également  saluer  le  nouveau  consul  général  de  Fran- 
ce parmi  nous,  M.  François  Charles-Roux.  L'amitié  qui  unit  le  con- 
sulat de  France  à  notre  société  est  déjà  une  vieille  tradition.  Nous  dési- 
rons accueillir  M.  Charles-Roux  avec  empressement  en  l'assurant  de 
notre  entier  dévouement  dans  l'oeuvre  qu'il  accomplit  et  qui  doit  faire 
rayonner  l'influence  de  la  France  au  sein  de  notre  patrie.  Nous  savons 
qu'il  a  déjà  rencontré  nombre  de  nos  compatriotes  et  qu'il  ne  leur  a  pas 
ménagé  les  sympathies  de  son  âme  exquise.  Nous  avons  confiance  que 
son  séjour  chez  nous  sera  rempli  de  féconds  jaillissements. 

Bien  que  son  rôle  le  porte  dans  tous  les  secteurs  officiels  de  la  vie 
américaine  pour  y  représenter  efficacement  son  gouvernement,  nous 
voulons  assurer  M.  le  consul  général  et  madame  qu'ils  ne  trouveront  pas 
d'oasis  plus  reposant  que  l'amitié  de  leurs  cousins  d'Amérique.  Leur 
place  est  toute  indiquée  dans  nos  coeurs.  Elle  est  large  et  affectueuse, 
et  elle  se  réclame  de  la  plus  authentique  hospitalité  française,  celle  de 
nos  pères. 

D'ailleurs,  la  carrière  diplomatique  de  M.  le  consul,  déjà  si  brillante 
et  chargée  de  féconds  travaux,  nous  invite  à  l'exploiter  très  amicalement 
à  notre  avantage,  ce  que  nous  ne  manquerons  pas  de  faire.  Saluons 
aussi  M.  le  consul  et  Madame  Delisle  qui  sont  déjà  pour  nous  de  pré- 
cieux amis,  qui  ont  voulu  nous  accueillir  il  y  a  quelques  mois,  et  tous 
nos  invités.  Cette  soirée  doit  laisser  dans  nos  coeurs  une  autre  belle 
leçon  de  persévérance. 

Je  m'en  voudrais  de  ne  pas  saisir  cette  occasion  magnifique  pour 
remercier  vivement,  Mgr  Marie-Alphonse  Parent,  p.d.,  vice  recteur  de 


ORIENTATION    LITTERAIRE  11 

l'université  Laval,  et  l'abbé  Robert  Dolbec,  son  sympathique  secrétaire. 
Mgr  Parent  vient  de  s'acquitter  d'une  façon  admirable  de  l'exécution 
des  grandes  fêtes  centenaires  de  son  université,  manifestations,  sans 
parallèle  dans  notre  histoire  et  qui  ont  proliféré  un  nouveau  lustre 'de 
gloire  sur  notre  vie  catholique  et  française  en  Amérique. 

Je  désire  le  remercier  surtout  au  nom  de  tous  mes  compatriotes 
pour  sa  bienveillance  et  son  dévouement  à  l'endroit  de  nos  jeunes  com- 
patriotes qui  fréquentent  l'université  Laval. 

Au  mois  d'octobre  dernier,  à  Québec,  le  Conseil  de  la  Vie  française 
en  Amérique  recevait  à  dîner  le  Cercle  des  Etudiants  Franco-Améri- 
cains de  Laval.  Le  spectacle  d'une  vingtaine  de  jeunes  compatriotes, 
presque  tous  étudiants  à  la  faculté  de  médecine,  nous  a  fait  saisir  tout 
l'avantage  qu'il  y  a  pour  nous  de  diriger  ces  futurs  médecins  et  chefs  de 
nos  chrétientés  vers  la  maison  mère  de  notre  vie  française  en  Améri- 
que. Demain,  ils  seront  de  nouveaux  chaînons  qui  maintiendront  dans 
une  ferme  solidarité  et  les  coeurs  et  les  esprits  de  chaque  côté  de  la 
frontière. 

C'est  grâce  à  la  sympathie  de  Mgr  Parent,  à  son  intérêt  soutenu 
et  à  sa  bonté  que  nous  jouissons  d'un  pareil  bienfait  et  nous  formulons 
le  voeu  que  des  centaines  de  nos  futurs  universitaires  deviennent  les 
images  vivantes  et  fidèles  de  cette  vénérable  institution. 

Mgr  Savard 

Encore  tout  pénétrés  des  grandes  leçons  du  Troisième  Congrès  de 
la  Langue  française  et  des  éblouissantes  fêtes  du  centenaire  de  l'univer- 
sité Laval,  il  était  tout  naturel  d'inviter  à  notre  tribune  ce  soir  l'une  des 
voix  les  plus  écoutées  et  des  plus  délicieuses  du  Québec,  Mgr  Félix 
Antoine  Savard,  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de  cette  vénérable  insti- 
tution. Combien  nous  sommes  honorés  par  sa  présence  et  combien 
nous  avons  hâte  d'écouter  sa  voix  que  l'on  a  justement  appelée  celle 
"d'un  raconteur  du  plus  emporté  et  du  plus  contagieux  lyrisme." 

Avant  de  le  céder  à  votre  joie,  permettez  que  je  résume  brièvement 
les  principales  dates  de  sa  carrière.  Originaire  de  Québec  même,  où 
il  naît  le  31  août  1896,  c'est  dans  les  "pays  neufs"  qu'il  ira  chercher 
son  éducation,  dans  le  beau  royaume  de  Chicoutimi.  Ordonné  en 
1922,  il  enseigne  les  lettres  dans  son  collège  pour  devenir  en  1935,  le 
courageux  curé  fondateur  de  la  paroisse  St-Philippe  de  Clermont, 
comté  de  Charlevoix,  aujourd'hui  dans  le  diocèse  d'Amos.  C'est  là, 
durant  un  séjour  de  dix  années  de  colonisation,  qu'il  s'attache  à  la  terre 
dont  il  voudra  chanter  bientôt  toute  la  richesse  et  la  poésie.  Il  n'oublie- 
ra jamais  sa  patrie,  l'Abitibi,  qui  est  entrée  dans  toutes  les  fibres  de  son 
âme,  au  point  que  le  moindre  appel  de  là-bas,  le  retrouve  penché  sur  les 
gras  sillons  dont  il  a  su  respirer  toute  la  fraîcheur  et  les  secrets  humani- 
sants. 


12  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Oui,  c'est  dans  sa  chère  paroisse  que  l'abbé  Savard  se  révèle  racon- 
teur incomparable.  Après  ses  courses  de  missionnaire  où  il  soutient 
le  courage  de  ses  colons,  le  soir  "sous  la  lampe"  dans  son  modeste  pres- 
bytère, il  confie  à  sa  plume  les  chapitres  de  cette  vibrante  histoire  "Me- 
naud  maître  draveur"  qui  traduira  jusqu'aux  fantastiques  chasses-gale- 
ries que  la  hache  du  bûcheron  refoule  avec  la  noirceur  de  la  forêt. 

Ce  premier  jet  atteint  vite  les  sommets.  Tout  le  Canada  français 
s'empare  de  cet  ouvrage  et  la  critique  dira  que  dans  sa  force  d'huma- 
nité, de  rusticité  et  de  culture,  ce  roman  livre  "les  plus  belles  images 
dont  il  nous  ait  été  donné  de  jouir  au  Canada  littéraire." 

La  critique  ira  plus  loin.  Valdombre  croira  presqu'au  chef  d'oeu- 
vre tandis  que  Dantin  se  contente  d'en  proclamer  le  "mérite  littéraire 
indiscutable".  Mais  l'auteur  est  un  artiste.  Il  a  vite  saisi  la  mesure 
de  son  oeuvre  .  Il  remet  la  main  à  la  pâte  pour  recréer  son  Menaud  et 
lui  donner  une  version  définitive  de  roman  réaliste  en  1944.  Entre 
temps  l'Académie  Française  et  le  gouvernement  de  la  Province  de 
Québec  lui  ont  décerné  des  prix  de  langue  et  de  littérature. 

C'est  ainsi  que  l'abbé  Savard  entre  dans  la  gloire.  Désormais  il 
ne  s'appartient  plus.  Conférences,  allocutions,  articles  de  revues  et 
cours  universitaires  lui  sont  imposés  à  un  rythme  croissant. 

Toujours  dans  l'Abitibi  où  se  dépensent  les  forces  ardentes  de  tout 
un  peuple  plein  d'espoir,  l'abbé  Savard  découvre  de  nouveaux  souve- 
nirs dans  son  âme.  Il  les  réunit  cette  fois  dans  "UAbhatis"  (1943) 
"Un  hymne  enthousiaste  à  la  terre."  Enfin,  c'est  "La  Minuit"  (1948) 
avec  ses  grandes  fresques  de  moeurs  et  de  fidélité  et  oi!i  la  poésie  et  le 
symbolisme  fixent  en  exergue  les  directives  sociales  de  l'Evangile.  C'est 
tout  le  problème  de  la  vie  chrétienne  qui  repose  "sur  les  vraies  richesses 
qui  ne  périssent  pas,  et  que  l'on  retrouve  en  Dieu,  qui  nous  les  réserve 
toutes."  Avec  ce  dernier  ouvrage  Mgr  Savard  se  voit  attribué  le  prix 
littéraire  de  la  Société  St- Jean-Baptiste  de  Montréal. 

La  réputation  de  Mgr  Savard  est  donc  fixée.  En  1945,  il  est  ac- 
clamé au  sein  de  la  Société  Royale  du  Canada  et  reçoit  la  médaille 
Lorne  Pierce  qui  consacre  la  valeur  de  son  oeuvre. 

Et  l'ascension  continue.  En  quelques  mois  les  événements  se  pré- 
cipitent dans  cette  vie  débordante.  La  célébrité  est  en  train  de  faire 
son  oeuvre  dévorante.  Professeur  aux  cours  d'été  à  l'université  Laval 
depuis  1943,  il  est  agrégé  à  la  faculté  des  lettres  l'année  suivante  pour 
en  devenir  le  doyen  en  1949. 

Elevé  à  la  prélature  romaine,  président  de  la  Société  de  Géogra- 
phie de  Québec,  il  est  invité  à  la  Sorbonne  pour  y  professer  sur  "La  civi- 
lisation canadienne-française".  Il  parcourt  plusieurs  centres  universi- 
taires de  l'Europe  pour  ravir  ses  auditeurs.  Il  est  tellement  prenant 
qu'on  l'appelle  et  on  l'acclame  comme  le  Mistral  du  Canada! 

Enfin  Mgr  Savard  est  élu  à  la  direction  de  la  Société  du  Parler 
Français  du  Canada  pour  diriger  d'une  façon  très  brillante  les  fêtes 


ORIENTATION    LITTERAIRE  13 

cinquantenaires  de  cette  vénérable  institution  à  l'occasion  du  Troisième 
Congrès,  en  juin  dernier.  Il  y  préconise  avec  force  l'établissement  d'un 
Office  de  la  Langue  Française  au  Canada,  un  voeu  très  cher  à  tous 
ceux  qui  s'intéressent  à  l'enrichissement  de  notre  langue  parlée  sur  ce 
continent. 

En  cette  circonstance  remarquable,  Mgr  Savard,  eut  la  joie  d'en- 
tendre l'un  des  plus  célèbres  linguistes  de  France,  M.  Charles  Bruneau, 
lire  avec  onction  quelques-unes  de  ses  pages  ravissantes  avec  ce  com- 
mentaire; "il  faut  une  langue  jeune  et  riche  pour  rendre  exactement 
la  fraîcheur  de  ces  délicates  impressions  .  .  .  ." 

Voilà  quelques  détails  nécessaires,  ce  nous  semble,  pour  apprécier 
cet  écrivain  de  grande  classe  que  nous  accueillons  ce  soir.  Nous  savons 
qu'il  aime  ses  frères  d'outre-frontière.  Il  connaît  nos  problèmes  et  nos 
misères,  mais  il  ne  nous  croit  pas  en  voie  de  désintégration  culturelle. 

Je  suis  certain  que  Mgr  Savard  nous  apporte  de  nouveaux  fer- 
ments d'espérance,  car  sur  ses  lèvres  vibre  délicieusement  ce  verbe  qu'il 
sait  faire  aimer.  Nous  lui  disons  toute  notre  affectueuse  admiration 
et  toute  la  fierté  que  nous  éprouvons  à  le  saluer  comme  une  des  âmes 
exquises  de  notre  génération,  un  ambassadeur  incomparable  de  notre 
rayonnement  culturel  sur  ce  continent. 

(Avant  d'inviter  Mgr  Savard  à  nous  donner  sa  conférence,  je  dois 
m'excuser  du  titre  un  peu  confus  que  portait  l'avis  de  convocation. 
Malgré  un  accident  du  fil  télégraphique  vous  avez  sans  doute  compris 
qu'il  nous  parlerait  de  "Problèmes  d'orientation  littéraire".  J'invite 
donc  notre  poète  romancier  à  nous  dire  tout  ce  que  son  âme  d'artiste 
ressent  à  ce  premier  contact  avec  la  franco-américanie.  ) 

Remerciements 

L'heure  de  la  reconnaissance  est  toujours  douce  à  vivre  car  elle 
permet  de  dire  sans  alliage  ce  qui  jaillit  vraiment  du  coeur.  Vous  com- 
prendrez alors  Monseigneur,  toute  la  profondeur  de  notre  gratitude 
après  les  réconfortantes  et  lumineuses  réactions  que  vous  venez  de  pro- 
voquer dans  nos  esprits.  Nous  vous  remercions  très  cordialement. 
Votre  message  nous  suffit.     Nous  le  méditerons  avec  profit. 

Mais  notre  société  a  une  façon  bien  à  elle  de  conserver  le  souvenir 
de  ces  illustres  conférenciers.  Elle  ne  veut  pas  oublier  leur  passage 
bienfaisant  et  alors,  en  plus  de  déposer  leur  message  dans  ses  archives, 
elle  les  invite  à  s'inscrire  sur  la  liste  déjà  imposante  de  ses  bienfaiteurs, 
en  leur  décernant  le  diplôme  de  membre  d'honneur. 

Monseigneur,  veuillez  donc  accepter  ce  parchemin  qui  vous  fait 
membre  de  la  famille.  Il  est  un  gage  d'affection  et  vous  donne  droit 
de  regard  sur  notre  comportement.  Il  vous  invite  à  nous  continuer 
au  moins  dans  votre  coeur  cette  sympathie  dont  vous  nous  avez  donné 
ce  soir  de  si  réconfortants  accents. 


14  BULLETIN    DE   LA   SOCIETE    HISTORIQUE 


Puisse  ce  nouveau  lien  qui  nous  unit  davantage  à  nos  frères  du 
Québec,  nous  aider  à  forger  encore  plus  solidement  cette  solidarité  indis- 
pensable qui  doit  régner  chaque  côté  de  la  frontière,  au  sein  de  notre 
grande  famille.  C'est  bien  là  toute  la  raison  d'être  de  l'apostolat  qui 
se  dégage  de  votre  grande  oeuvre,  faire  aimer,  embellir,  resplendir  et 
rayonner  cet  héritage  qui  nous  est  commun,  et,  qui  pour  vous  comme 
pour  nous,  comme  vous  l'avez  proclamé  si  magnifiquement  "n'est  pas 
une  folie  comme  une  autre." 

En  ce  dix-neuvième  jour  de  novembre  de  l'an  1952,  j'ai  donc 
l'honneur  de  vous  proclamer  Mgr  Félix-Antoine  Savard,  au  nom  de 
mes  collègues,  MEMBRE  D'HONNEUR  de  la  Société  Historique 
franco-américaine. 


Remise  de  la  Médaille  "Grand  Prix" 
au  Docteur  Georges  Boucher 

Séance  du  19  novembre 

Au  mois  de  juin  dernier,  à  titre  de  président  du  Troisième  Congrès 
de  la  Langue  française,  j'avais  le  grand  bonheur  d'assister  avec  Mgr 
Savard,  au  baptême  du  dernier  né  du  docteur  Georges  Alphonse  Bou- 
cher: "Chants  du  nouveau  monde."  Comme  franco-américain,  j'étais 
aussi  très  fier  de  m'associer  à  l'élite  intellectuelle  de  l'Amérique  fran- 
çaise, pour  rendre  cet  hommage  très  mérité  à  notre  cher  barde  national. 
C'était,  comme  vous  le  devinez  bien,  la  réception  donnée  par  la  Librai- 
rie du  Quartier  Latin  dans  les  salons  de  la  Maison  des  Anciens  de  Laval 
à  Québec. 

Ce  soir,  croyez-moi,  je  suis  très  heureux  en  votre  nom,  et  pourquoi 
ne  pas  inclure  toute  la  franco-américanie,  de  présider  cette  fraternelle 
cérémonie  qui  veut  honorer  notre  vénéré  poète,  en  lui  remettant  avec 
notre  affection  et  notre  admiration  la  médaille  "Grand  Prix"  de  la 
Société  Historique  franco-américaine. 

Sur  le  promontoir  de  Québec,  après  avoir  assisté  aux  grandes  as- 
sises de  famille  de  1912  et  de  1937  où  il  avait  chanté  au  pied  du  monu- 
ment Champlain  son  ode  à  la  langue  française:  "O  toi,  verbe  sacré, 
qu'à  nos  lèvres  la  France  imprima  pour  toujours",  en  1952,  cette  fois, 
après  62  années  de  labeurs,  le  docteur  revenait  déposer  le  testament 
de  sa  fidélité  avec  cette  prière:  "Vous  nous  avez  cachés  dans  votre 
sanctuaire,  et  vous  avez  fait  de  nous  une  espèce  de  prodige.  Seigneur, 
et  vous  ne  nous  avez  pas  confondus".  N'était-ce  pas  là  l'hymne  de 
la  reconnaissance,  qui  empoignait  en  ces  heures  mémorables  toute  la 
famille  française  agenouillée  au  berceau  de  nos  pères. 

Et  comme  gage  de  son  immortelle  ferveur,  notre  poète  voulut  en 
cette  occasion,  confier  à  la  postérité  le  recueil  de  toutes  ses  générosités 
spirituelles,  son  plus  grand  trésor,  son  livre  à  qui  il  adressait  ce  regard 
de  tendresse: 

"Cher  livre!    un  dernier  mot.    Plus  je  touche  à  mon  soir, 
Plus  j'aime  à  parcourir  tes  strophes  où.  ma  vie 
Avec  tous  ses  chagrins,  ses  amours,  son  espoir. 
Avec  tout  ce  qui  l'a  tourmentée  ou  ravie. 
Repasse  sous  mes  yeux  comme  dans  un  miroir. 
Tu  m'aides  à  vieillir.    Grâce  à  toi,  je  n'envie 
Plus  rien  à  l'existence,  et,  fort  de  mon  avoir. 
Je  m'en  vais  sans  regret  et  d'une  âme  assouvie. 

Ce  soir  c'est  un  autre  hymne  que  nous  voulons  chanter,  "l'invi- 
tation à  la  vie"  afin  que  se  prolonge  encore  longtemps,  pour  se  répan- 
dre dans  une  véritable  vieillesse  les  87  ans  de  notre  cher  compatriote. 


16  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Dans  l'introduction  de  ses  "Chants  du  nouveau  monde",  notre 
cher  docteur  a  eu  la  gentillesse  de  nous  parler  un  peu  de  lui-même. 
Nous  savons  alors  qu'il  est  né  le  13  septembre  1865,  dans  la  paroisse 
St-Edouard-de-Lotbinière,  dans  le  riant  village  Rivière-Bois-Clair  où 
souvent  "sur  un  petit  pont  en  madrier"  il  allait  rêver  "le  coeur  gros, 
souvent  une  larme  à  l'oeil,  et  sans  savoir  pourquoi  non  plus,  des  heures 
entières"  .  .  .  c'était  peut-être  déjà  l'appel  des  muses! 

Fils  de  terriens,  parents  très  religieux,  car  quatre  de  ses  oncles, 
frères  de  son  père  se  destinent  aux  ordres  sacrés,  il  a  tôt  fait  d'imprimer 
dans  son  âme  de  profonds  sillons  de  foi,  que  sa  tendre  mère  Elize  Chavi- 
gny  de  la  Chevrotière  saura  embaumer  de  la  plus  vive  candeur.  Un 
jour,  ce  fils  reconnaissant  écrira: 

"O  ma  mère,  voici  le  livre 

Que  je  t'avais  promis; 

Avant  que  je  le  livre 

En  souvenir  à  mes  amis 

Sur  ta  tombe  où  ma  foi  repose 

Je  le  dépose." 

Sa  première  instruction,  il  la  reçoit  d'un  autre  oncle  prêtre,  celui-ci 
frère  de  sa  mère  et  c'est  en  1878  qu'il  termine  brillamment  ses  huma- 
nités au  Collège  d'Ottawa,  avec  son  baccalauréat-ès-arts  et  les  médailles 
du  cardinal  Zigliara  et  du  pape  Léon  XIII,  et,  rassurez-vous,  il  avait 
déjà  commencé  à  rymer. 

Durant  ses  études  médicales  à  l'université  Laval,  une  faiblesse  pul- 
monaire allait  lui  confier  le  secret  de  la  modération  qu'il  n'abandonnera 
jamais.  Mais  son  coeur  d'artiste  restait  généreux  et  aimant  et  c'est 
vers  1888,  nous  confie-t-il,  après  une  première  peine  qui  lui  ravissait 
son  "envollée"  réclamée  par  la  mort  que  le  Ciel  déposa  cette  fois  sur 
sa  route,  celle  qui  partagera  son  bonheur,  Fabiola  Voyer;  et  il  écrira: 

"Quand  je  la  vis  .  .  .  je  crus  que  c'était  Elle, 

La  fiancée  enfuie  en  sa  paix  éternelle  .... 


Et  j'aimai  cette  enfant 

Comme  si  l'autre  eut  pris  sa  place  accoutumée." 

Disciple  d'Esculape  et  poète  par  surcroit,  le  docteur  Boucher 
s'établira  à  Brockton,  centre  franco-américain  au  Massachusetts,  le 
1er  octobre  1890.  Il  fonde  son  foyer  et  se  livre  à  son  ministère  de 
clémence  qu'il  quittera  après  un  soixantenaire  bien  sonné. 

A  un  moment,  il  voudra  retourner  sur  la  glèbe  de  ses  pères  pour 
mieux  chanter  dans  ses  vers,  mais  un  bon  ami,  Chapleau  lui  enjoint: 
"docteur,  ne  quittez  pas  votre  pratique  .  .  .  si  vous  avez  été  créé  et 
mis  au  monde  pour  chanter  Québec,  vous  le  chanterez  envers  et  contre 
tout." 

Et  c'est  ainsi  en  guettant  les  ours,  accoucheur  émérite  et  incompa- 
rable, que  des  longues  nuits  durant  il  voudra  à  ses  songes  donner  une 
grâce  ailée! 


Le  président  remet  la  médaille  "Grand  Prix"  au  docteur  Georges  Boucher, 
de  Brockton,  Mass. 


REMISE    DE    LA    MEDAILLE      GRAND    PRIX  1  / 

Voilà  donc  notre  héros,  barde  insatiable  que  les  années  ont  blan- 
chi, et,  qui,  ce  soir,  en  notre  présence  ,avec  son  sourire  toujours  prenant 
nous  a  enseigné  au  fil  des  ans  comment  croire,  chanter  et  aimer  pour 
reporter  à  Dieu  le  grand  bienfait  de  la  vie. 

Sa  plume,  il  ne  la  quittera  donc  jamais.  Un  jour,  à  son  chevet, 
elle  recueillera  son  dernier  sonnet.  Vingt  fois  sur  le  métier,  il  remet 
son  rouage  et  les  muses  nous  assurent  qu'après  avoir  retouché  encore 
odes,  glanures_,  épitaphes,  épigrammes,  sonnets,  chants  de  guerre  et 
prières,  il  nous  livrera  bientôt  les  derniers  trésors  de  sa  pensée:  "A 
l'heure  où  je  m'en  vais,  A  toi  cher  Nouveau  Monde,  ému  je  les  dédie." 

Vous  conviendrez  qu'il  n'entre  pas  dans  les  attributions  d'une  so- 
ciété historique  de  porter  jugement  sur  la  valeur  ou  la  puissance  d'une 
oeuvre  de  poésie.  Ce  qui  nous  suffit,  sans  oublier  le  lyrisme,  la  déli- 
catesse de  sentiment  et  les  harmonies  délicieuses  qui  enveloppent  la 
pensée  de  notre  poète,  c'est  le  souffle  de  fidélité  et  l'amour  de  la  vérité 
qui  circulent  à  travers  toute  son  oeuvre. 

Nous  laissons  à  la  critique  le  soin  de  fixer  dans  le  panthéon  de  la 
poésie  la  place  bien  enviable  qu'occupera  le  docteur  Boucher.  D'ail- 
leurs le  poète  nous  avertit  avec  justesse: 

"Que  mon  vers  soit  brillant  ou  qu'il  soit  très  mauvais. 

Je  défends  qu'on  y  touche 
On  regarde  le  temps,  même  quand  il  est  laid 
D'un  geste  las  parfois,  mais  la  main  sur  la  bouche!" 

Pour  nous,  c'est  la  main  sur  le  coeur  que  nous  saluons  notre  barde 
national.  Bien  avant  que  la  plupart  d'entre  nous  fussent  de  ce  monde, 
il  avait  déjà  commencé  à  faire  aimer  les  choses  que  la  France  immor- 
telle avait  semées  sur  nos  rives. 

Ce  qui  nous  impressionne  dans  cette  vie  faite  de  devoir,  de  probité 
et  d'idéal,  c'est  la  continuité  qui  en  enfile  tous  les  battements.  Oui,  cher 
barde  à  nous,  que  vous  irnporte  comme  vous  le  chantez  si  bien  et 
l'éloge  et  le  trépas,  car  votre  vie  vous  l'avez  consumée  comme  une 
flamme  ardente  au  service  de  votre  Divin  Maître,  au  bonheur  de  vos 
frères  et  à  la  gloire  de  ce  verbe  qui  trouva  sur  vos  lèvres  une  si  riche 
résonnance.  Honneur  et  mérite!  personne  ne  vous  ravira  votre  place, 
car  toute  une  vie  de  labeurs  et  de  nobles  accents  ne  s'efface  jamais 
dans  l'admiration  d'un  peuple! 

Enfin,  c'est  bien  parce  que  le  docteur  Boucher  est  un  peu  des 
nôtres  que  nous  nous  réjouissons  ce  soir.  Membre  fidèle,  il  fut  durant 
plusieurs  années,  le  vice  président  de  notre  société.  Que  de  fois  il 
nous  a  charmés  à  cette  table  avec  sa  voix  sympathique  et  son  verbe 
plein  de  sens. 

La  Société  Historique  Franco-Américaine  est  donc  particulière- 
ment heureuse  ce  soir,  et  j'en  éprouve  avec  vous  tout  le  bonheur,  de 
proclamer  le  grand  mérite  littéraire  et  patriotique  de  ce  fidèle  serviteur. 
Elle  caresse  même  un  peu  l'espoir  de  faire  de  son  geste  l'un  des  beaux 


18  BULLETIN    DE   LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

jours  dans  la  carrière  de  notre  héros.  Car,  c'est  notre  voeu  bien  ardent 
que  longtemps  encore,  la  plume  sans  cesse  près  du  coeur,  notre  vénéré 
compatriote  puisse  répéter  en  les  scandant  avec  un  amour  renouvelé 
ces  émotions  d'hier  comme  autant  de  soleils  couchants  qui  ont  illuminé 
sa  vie.     Il  nous  l'a  dit  un  jour. 

"Rien  n'égale  à  mes  yeux  un  soleil  qui  décline 

Amis,  voilà  pourquoi  souvent  sur  la  colline, 

A  l'heure  où  le  jour  fuit. 

Vous  me  voyez  monter  et  m'asseoir  en  silence. 

Rêver  jusqu'à  la  nuit." 
J'ai  donc  l'honneur  de  présenter  à  monsieur  le  docteur  Georges 
A.  Boucher,  chrétien  admirable,  père  de  famille  admirable,  médecin 
admirable,  poète  à  la  voix  d'argent  et  apôtre  infatigable  de  notre  cul- 
ture, la  médaille  "Grand  Prix"  de  la  Société  Historique  Franco- Amé- 
ricaine. 

Docteur  Boucher 

Merci  de  vos  éloges  ainsi  que  de  votre  très  précieuse  décoration. 

Cette  médaille  Grand-Prix  que  vous  me  décernez,  m'est  double- 
ment chère.  D'abord  elle  m'honore  au-delà  de  toute  expression,  et 
puis,  par  le  fait  qu'elle  m'arrive  au  déclin  de  mes  jours,  alors  que  je 
vais  paraître  devant  mon  juge  pour  rendre  compte  de  mes  oeuvres, 
elle  est  pour  moi  un  témoignage. 

Ah!  je  craindrai  moins,  dorénavant,  de  faire  face  à  mon  auteur, 
car  je  sais  maintenant,  puisque  vous  me  le  dites,  que  je  ne  lui  retour- 
nerai pas  les  mains  vides.  Je  sais  qu'en  retour  de  ce  qu'il  m'a  donné 
—  et  qui  pourra  jamais  dire  comme  il  fut  prodigue  à  mon  égard  — 
je  lui  rapporterai  une  oeuvre  sinon  volumineuse  au  moins  originale, 
dans  laquelle  j'ai  mis  tout  mon  coeur  et  ma  foi. 

Merci! 


m 

Etudes 

La  paroisse  Saint-Jean-Baptiste  de  Warren, 
Etat  du  Rhode-Island 


(Dr  Ulysse  Forget) 

C'est  grâce  à  l'amabilité  de  votre  président,  M.  l'abbé  Adrien 
Verrette,  que  j'ai  l'honneur  de  vous  causer  ce  soir.  Il  m'a  demandé 
de  vous  parler  de  l'histoire  de  ma  paroisse,  Saint- Jean-Baptiste  de 
Warren  dans  le  Rhode-Island.  J'ai  écrit  cette  histoire  afin  de  répondre 
au  but  que  l'Institut  d'Histoire  de  l'Amérique  française  s'est  donné 
par  l'entremise  de  son  fondateur,  M.  le  chanoine  Lionel  Groulx;  à 
savoir  que  chaque  membre  écrive  l'histoire  du  petit  coin  de  terre  qu'il 
habite.  Il  y  a  cinq  ans,  quand  j'ai  commencé  mes  recherches,  j'avais 
aussi  en  vue  la  célébration  de  notre  soixante-quinzième  anniversaire  de 
fondation. 

Le  travail  est  divisé  en  quatre  partie: 

1°  Le  texte  français. 

Les  débuts  de  la  paroisse  et  un  mot  sur  les  pionniers.  Les  pre- 
miers Canadiens  Français  sont  arrivés  à  Warren  vers  1865.  C'est 
durant  cette  année-là  que  la  première  naissance,  le  premier  mariage  et 
le  premier  décès  chez  les  nôtres  eurent  lieu.  Tous  nos  prêtres  ont  une 
place  d'honneur  au  début  du  volume,  ayant  chacun  une  photographie 
et  une  courte  biographie.  Ensuite  viennent  nos  hommes  de  profession 
qui  sont  surtout  des  médecins,  car  le  prêtre  en  pays  étranger  veut  se 
faire  seconder  par  le  médecin  compatriote.  Nos  enfants  ont  aussi  une 
place  d'honneur  et  sont  repartis  comme  suit:  Ceux  qui  sont  au  service 
de  l'Eglise:  un  prêtre  séculier,  un  Père  Blanc  d'Afrique,  quatre  Frères 
religieux  et  quatorze  religieuses.  Ceux  qui  sont  dans  les  professions: 
deux  médecins,  un  dentiste,  cinq  gardes-malades,  un  médecin  vétéri- 
naire, deux  pharmaciens,  deux  avocats,  trois  musiciens  et  un  grand 
nombre  d'éducateurs  dont  l'un  est  docteur  es  Lettres.  Je  m'attarde 
sur  la  question  éducation  pour  faire  remarquer  que  soixante-dix  de  nos 
enfants  sont  diplômés  de  collège.  Depuis  1927,  plus  de  250  de  nos 
enfants  ont  fait  leur  "High  School",  452  ont  fini  le  cours  grammaire 
aux  écoles  publiques  et  578  sont  sortis  du  huitième  cours  de  notre 
école  paroissiale.  J'insiste  sur  ce  fait  afin  de  prouver  que  nous  n'avons 
pas  négligé  l'éducation  de  nos  enfants.  Enfin  il  y  a  ceux  de  nos 
enfants  qui  ont  fait  du  service  militaire  durant  les  deux  guerres  mon- 
diales.    Leurs  noms  figurent  dans  un  chapitre  spécial. 


20  BULLETIN   DE   LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Suivant  les  directives  de  M.  le  chanoine  Groulx  qui  fut  mon  men- 
tor dans  la  préparation  de  cet  ouvrage,  j'ai  ajouté  un  chapitre  sur 
l'Eglise,  l'Ecole  et  la  Famille.  Et  pour  terminer,  une  conclusion  où 
il  est  question  de  survivance  française.  La  famille  franco-américaine 
forme  le  sujet  le  plus  important  du  volume  et  j'y  reviendrai  plus  tard. 

2°  Le  texte  anglais. 

Me  reprochera-t-on  d'écrire  en  anglais  dans  une  histoire  de 
paroisse  franco-américaine?  D'abord,  près  de  la  moitié  de  nos  Francos 
ne  lisent  pas  le  français.  Et  puis,  des  amis  chez  les  autres  nationalités 
s'intéressent  à  nous  et  nous  connaîtrons  mieux  en  lisant  notre  histoire. 
Mais  la  raison  principale  qui  m'a  amené  à  ajouter  un  texte  anglais, 
c'est  que  j'y  donne  des  arguments  probants  en  faveur  de  la  langue 
française.  Les  brebis  perdues  qui  prendront  connaissance  de  ces  faits 
auront  peut-être  des  remords  de  conscience.  Ces  gens  ne  savent  pas 
que  nous  représentons  plus  de  350  ans  d'histoire  française  en  Amérique 
du  Nord.  Ils  ne  savent  pas  qu'en  se  laissant  assimiler,  ils  prennent  une 
part  directe  au  suicide  national.  Ils  ne  savent  pas  que  des  Américains 
de  la  trempe  de  M.  Joël  Fletcher,  président  de  la  "Southwestern  Louis- 
iana  Institute"  et  d'autres  éducateurs  du  même  calibre,  travaillent  à  la 
préservation  du  français  aux  Etats-Unis.  Ils  ne  savent  pas  qu'il  y  a 
un  mouvement  nouveau  au  pays  en  vue  d'élargir  l'enseignement  des 
langues.  Ce  mouvement  prit  naissance  à  Allentown,  dans  la  Pennsyl- 
vanie et  à  Danbury,  dans  le  Connecticut,  où  l'on  enseigne  le  français 
et  l'espagnol  dans  les  écoles  publiques  à  partir  de  la  quatrième  année. 
Ils  ne  savent  pas  que  depuis  la  dernière  guerre,  le  cadre  de  nos  rela- 
tions étrangères  est  tellement  agrandi  que  notre  gouvernement  emploie 
au  delà  de  5,000  personnes  parlant  plus  qu'une  langue,  et  une  per- 
sonne qui  parle  le  français  peut  se  faire  comprendre  dans  tous  les  pays 
du  monde.  C'est  M.  Fletcher  qui  le  disait  aux  Louisianais:  "Ce  dont 
le  gouvernement  a  surtout  besoin  ce  sont  des  gardes-malades  et  des 
personnes  qui  parlent  deux  langues  et  plus."  Ils  ne  savent  pas  que 
notre  gouvernement  dépense  des  millions  chaque  année  pour  l'ensei- 
gnement des  langues  étrangères.  Ils  ne  savent  pas  qu'un  des  premiers 
actes  importants  du  général  Eisenhower  en  arrivant  à  Paris,  fut  la  fon- 
dation d'une  école  où  ses  subalternes  puissent  apprendre  le  français. 
Si  on  ne  dit  pas  ces  choses-là  en  anglais,  à  nos  transfuges,  ils  ne  les 
sauront  jamais. 

3°  Les  documents  inédits 

Les  documents  inédits  par  excellence  que  nous  possédons,  sont  les 
recensements  de  1888  et  de  1895.  Je  dirai  que  ces  recensements  sont 
plus  que  complets,  car  le  curé  Bernard,  en  plus  de  nous  renseigner  sur 


21 


l'état  civil  complet  de  ses  paroissiens,  mentionne  les  "vieux  parents" 
demeurés  dans  le  Québec,  donne  les  défauts  et  les  qualités  de  chacun. 
Il  va  sans  dire  que  l'on  ne  peut  pas  publier  ces  commentaires  avec  les 
noms.  Ainsi  le  curé  écrit:  "Ivrogne  avéré",  "Bon  garçon",  "Généreux 
pour  l'église",  "Son  mari  est  au  loin  et  elle  demeure  seule  avec  les 
enfants",  "Grand  parleur,  et  avec  du  bon  sens",  etc.  .  . 

J'ai  compilé  des  statistiques  concernant  ces  deux  recensements  et 
avec  la  coopération  de  mon  curé,  M.  l'abbé  Omer  Paquin,  j'ai  pu  me 
procurer  des  données  comparatives  avec  le  recensement  de  1950. 
Warren  est  peut-être  un  peu  plus  anglicisé  que  bien  d'autres  villes, 
mais  le  pourcentage  des  différentes  catégories  de  mariages  tel  que 
publié  dans  le  Bulletin  de  la  Société  Historique  Franco-Américaine, 
pour  les  années  1946  et  1947,  concernant  les  familles  Forget,  Grégoire 
et  autres  et  les  villes  de  Lowell  et  Fall  River,  ce  pourcentage,  dis-je, 
est  à  peu  près  le  même. 

Résultats   comparatifs   des   recensements  ou   démographie   de   la 
paroisse  Saint- Jean-Baptiste  de  Warren,  Etat  du  Rhode-Island. 
Recensement  de 
Nombre  de  familles 

Nombre  d'enfants  plus  jeunes  que  20  ans 
Nombre  d'adultes  au-dessus  de  20  ans 
Naissances 
Mariages 
Sépultures 

Epoux  et  épouses  franco-américaines 
Epoux  francos  et  épouses  irlandaises 
Epoux  francos  et  épouses  italiennes 
Epoux  francos  et  épouses  portugaises 
Epoux  francos  et  épouses  polonaises 
Epoux  francos  et  épouses  anglaises 
Epouses  francos  et  époux  irlandais 
Epouses  francos  et  époux  italiens 
Epouses  francos  et  époux  portugais 
Epouses  francos  et  époux  polonais 
Epouses  francos  et  époux  anglais 
L'un  des  grands-parents  n'est  pas  franco 
Epoux  francos  et  épouses  protestantes 
Epouses  francos  et  époux  protestants 
Les  deux  époux  sont  de  nationalité  étrangère 
Epoux  francos  divorcés 
Epouses  francos  divorcées 
Epoux  séparés 

Veufs  au-dessous  de  50  ans,  avec  enfants 
Veufs  au-dessus  de  50  ans,  avec  enfants 
Veuves  au-dessous  de  50  ans,  avec  enfants 
Veuves  au-dessus  de  50  ans,  avec  enfants 


888 

1895 

1950 

199 

154 

609 

690 

489 

718 

517 

486 

1552 

57 

64 

52 

15 

7 

22 

19 

21 

25 

197 

151 

323 

0 

0 

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0 

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G 

0 

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G 

0 

2 

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1 

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G 

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G 

0 

24 

G 

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1 

2 

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0 

15 

0 

1 

9 

0 

1 

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0 

0 

3 

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0 

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9 

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9 

3 

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0 

6 

1 

5 

2 

3 

0 

22 


BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Veufs  au-dessus  de  50  ans,  sans  enfants 
Veuves  au-dessus  de  50  ans,  sans  enfants 
Epoux  au-dessous  de  50  ans,  sans  enfants 
Epoux  au-dessus  de  50  ans,  sans  enfants 
Garçons  célibataires,  de  20  à  30  ans 
de  30  à  40  ans 
de  40  ans  et  plus 
Filles  célibataires,  de  20  à  30  ans 

de  30  à  40  ans 

de  40  ans  et  plus 
Familles  avec   1  enfant 

2  enfants 

3  enfants 

4  enfants 

5  enfants 

6  enfants 

7  enfants 
8  enfants 

9  enfants 

10  enfants 

11  enfants 
Propriétaires  de  leur  maison 
Ceux  qui  ont  des  propriétés  en  Canada 
Ceux  qui  sont  naturalisés 

Ceux  qui  sont  dans  le  commerce 

Hommes  de  métier 

Moyenne  d'enfants  par  famille 

(1)   De  nos  jours  la  main  d'oeuvre  est  si  hautement  spécialisée  que  la 
majorité  de  nos  compatriotes  sont  des  hommes  de  métier. 

En  1895,  il  y  avait  177  adultes  venus  du  Canada,  qui  savaient  lire. 
En  1950,  il  y  a  une  moyenne  de  260  familles  où  l'on  ne  parle  pas  le 
français.  Dans  les  listes  municipales  ,on  trouve  encore  157  Franco- 
Américains  qui  n'appartiennent  pas  à  notre  paroisse.  La  plupart,  à 
cause  de  leur  mariage  mixte,  fréquentent  d'autres  paroisses;  les  autres 
se  sont  mariés  en  dehors  de  l'Eglise  ou  ont  simplement  lâché.  Il  y  a 
aussi  un  nombre  considérable  de  Franco-Américaines  qui  se  sont  sépa- 
rées de  nous  pour  les  mêmes  raisons,  mais  comme  une  femme  s'inscrit 
sous  le  nom  de  son  mari,  il  est  impossible  de  retracer  ces  brebis  perdues. 

4°  En  souvenir  de  nos  morts. 


0 

0 

31 

6 

7 

7 

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10 

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3 

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3 

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317 

56 

10 

0? 

12 

50  Presque 

tous 

9 

15 

42 

17 

21 

(1) 

1.08 

3.17 

1.17 

Comme  nous  ne  pouvions  pas  publier  d'annonces  dans  un  ouvrage 
de  cette  envergure,  nous  avons  décidé  d'intéresser  les  paroissiens  à  faire 
des  dons  en  mémoire  de  leurs  défunts.    J'ai  inclus  dans  cette  partie  un 


23 


peu  de  généalogie,  de  sorte  que  la  question  financière  du  projet  de 
publication  fut  en  partie  réglée.  Enfin,  pour  compléter  ce  volume,  il 
y  aura  un  index. 

Pour  terminer  cette  esquisse  de  notre  groupe  franco-américain  de 
Warren,  dans  le  Rhode-Island,  scrutons  un  peu  les  recensements. 
Nous  constatons  d'abord  que  l'enfant  est  en  minorité.  Dans  toute 
société  viable,  l'enfant  doit  être  en  majorité;  or  nous  n'avons  que  28 
enfants  de  plus  qu'en  1888  et  nous  sommes  400  familles  de  plus.  Le 
nombre  des  adultes  double  celui  des  enfants;  ceci  vient  du  fait  que 
nous  avons  94  foyers  sans  enfants  et  dont  les  époux  sont  plus  jeunes 
que  50  ans;  noias  avons  132  ménages  qui  n'ont  qu'un  enfant  et  104 
qui  en  ont  deux.  C'est  dans  ces  trois  groupes  que  nous  perdons  les 
enfants  qui  devraient  nous  remplacer.  Quant  aux  autres  foyers,  les 
enfants  y  sont  assez  nombreux  pour  remplacer  les  parents  quand  ils 
mourront.  Les  célibataires  viennent  encore  augmenter  le  nombre  des 
adultes,  car  nous  comptons  35  garçons  et  58  filles  âgés  de  plus  de  40 
ans.  Remarquez  bien  que  je  ne  fais  pas  une  croisade  pour  éloigner 
nos  enfants  du  célibat,  mais  s'il  y  a  du  coulage,  il  faut  bien  en  découvrir 
la  cause.  Nos  vieillards,  que  nous  vénérons,  viennent  aussi  s'ajouter 
au  nombre  déjà  trop  considérable  d'adultes.  Il  y  a  dans  la  paroisse 
94  veufs  et  76  veuves  âgés  de  plus  de  50  ans.  C'est  là  sans  doute  une 
tendance  générale  en  notre  pays,  puisque  le  recensement  du  pays,  de 
1950,  indique  une  augmentation  de  37  pour  cent  chez  les  personnes 
âgées  de  plus  de  65  ans.  Ces  conditions  de  survie  nationale  s'avèrent 
précaires  pour  les  autres  groupements  ethniques,  mais  le  mal  des 
autres  ne  guérit  pas  le  nôtre. 

Considérons  maintenant  les  époux  dans  nos  foyers  franco-améri- 
cains. Nous  trouvons  323  foyers  où  les  époux  sont  franco-américains, 
mais  par  contre  il  y  en  a  217  oià  le  père  et  la  mère  sont  de  nationalité 
étrangère  et  sur  ce  nombre,  il  y  a  26  protestants.  De  plus  il  y  a  14 
ménages  brisés  par  le  divorce  et  9  par  simple  séparation.  Je  n'ai  pas  à 
critiquer  les  époux  de  nationalité  étrangère,  car  ce  sont  de  très  bonnes 
gens.  Je  les  connais  parce  qu'il  ne  se  passe  pas  une  journée  sans  qu'au 
moins  la  moitié  des  clients  que  je  soigne  soient  de  ces  gens-là.  Encore 
une  fois,  je  constate  cet  état  de  choses  qui  est  à  la  base  de  la  survie 
française  aux  Etats-Unis.  Bien  que  nous  soyions  entourés  de  nationa- 
lités étrangères  à  la  nôtre,  il  y  a  tout  de  même  un  point  en  notre  faveur. 
Ces  nationalités  sont  presque  toutes  catholiques.  Les  Anglais  protes- 
tants que  nous  appelons  Américains  nous  ont  devancés  de  100  ans  dans 
l'état  des  mariages  stériles  ou  des  mariages  ayant  un  enfant  unique; 
et  aujourd'hui,  ils  sont  presque  disparus.  Dans  notre  conseil  municipal, 
le  président  ou  maire  est  franco-américain,  et  les  quatre  conseillers 
comprennent  un  allemand,  un  irlandais,  un  polonais  et  un  portugais. 
Où  sont  les  Américains  de  1867,  époque  où  il  n'y  avait  qu'un  contri- 
buable étranger  qui  s'appelait  Louis  Saillant?  Les  Irlandais  ont  aussi 
suivi  la  même  route  que  les  Américains,  mais  ils  ont  commencé  plus 


24  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

tard  qu'eux.  Je  n'ai  pas  de  statistiques  pour  les  autres  nationalités, 
mais  nous  glissons  tous  sur  la  même  pente. 

Qui  est-ce  que  mon  garçon  va  épouser?  Qui  est-ce  qui  épousera  ma 
fille?  Nous  avions  52  naissances  en  1950,  avec  nos  609  familles;  par 
contre  nous  en  avions  57  en  1888,  avec  199  familles  et  64,  en  1895, 
avec  154  familles.  Voici  le  nombre  de  mariages:  12  en  1888,  7  en 
1895  et  22  en  1950.  Avec  nos  609  familles,  nous  avons  à  peu  près  le 
même  nombre  de  garçons  et  de  filles,  entre  20  et  30  ans,  que  nous 
avions  il  y  a  60  ans  avec  199  familles.  Mais  entre  30  et  40  ans  la 
différence  est  frappante:  en  1888,  3  filles  et  3  garçons,  en  1895,  4 
filles  et  4  garçons,  et  en  1950,  23  filles  et  23  garçons.  La  conclusion 
saute  aux  yeux:  nos  garçons  et  nos  filles  n'ont  pas  assez  de  choix  pour 
se  trouver  des  épouses  et  des  maris.  Mais  me  dira-t-on:  "En  1888,  la 
paroisse  ne  venait  de  commencer  et  les  gens  se  tenaient  plus  ensemble". 
C'est  vrai  jusqu'à  un  certain  point,  mais  1888  c'est  presque  25  ans  après 
l'arrivée  des  premiers  Canadiens  à  Warren.  A  mon  avis,  il  n'en  reste 
pas  moins  vrai  que  nous  n'avons  pas  assez  d'enfants  et  que  les  jeunes 
qui  veulent  se  marier  manquent  de  choix  parmi  les  jeunes  de  leurs 
âge. 

Il  y  a  d'autres  causes  pour  cet  état  de  choses.  D'abord,  l'enfant 
franco-américain  arrive  à  l'âge  adulte  tout  à  fait  anglicisé  et  les  enfants 
des  autres  races  le  sont  encore  davantage  parce  qu'ils  n'ont  pas  d'école 
paroissiale.  A  l'exception  de  ceux  qui  ont  fait  leurs  études  académi- 
ques dans  les  "High  Schools"  catholiques,  tous  ces  jeunes  gens  vivent 
ensemble  depuis  le  début  du  cours  élémentaire.  Plus  tard,  à  l'usine  ou 
au  bureau,  c'est  la  même  chose;  les  hommes  travaillent  à  côté  des 
femmes.  Il  n'est  donc  pas  surprenant,  qu'un  grand  nombre  se  lient 
d'amitiés  sérieuses  qui  conduisent  au  mariage. 

C'est  donc  dire  que  dans  les  conditions  actuelles,  notre  survivance 
est  en  danger.  Elle  l'est  d'autant  plus  que  l'histoire  nous  apprend  que 
tous  les  petits  peuples  qui  n'ont  pas  combattu  pour  survivre,  ont  été 
invariablement  assimilés.  Les  Acadiens  semblent  faire  exception  à  ce 
fait  historique,  et  encore.  .  .  Les  16,000  âmes  dispersées  aux  quatre 
coins  du  monde,  il  y  a  deux  cents  ant,  ont  semé  leurs  noms  partout  et 
leur  race  est  encore  bien  vivante.  Toutefois  le  château  fort  de  la  survi- 
vance acadienne  n'est  pas  aux  Etats-Unis,  mais  au  Nouveau-Brunswick. 
Les  Acadiens  de  la  Nouvelle-Angleterre  subissent  les  mêmes  pertes  que 
nous,  parce  qu'ils  vivent  de  la  même  manière  que  nous. 

De  tous  les  peuples  de  la  terre,  les  Juifs  sont  les  seuls  qui  ont  sur- 
vécus intacts,  à  travers  les  âges.  Et  sur  ce  sujet,  je  cite  un  paragraphe 
extrait  de  "La  Caravane  Humaine",  ouvrage  du  comte  DuPlessis: 
"A  cette  tradition,  en  effet,  dans  toute  la  suite  des  siècles,  à  travers 
toutes  les  vicissitudes,  en  dépit  de  tous  les  obstacles,  Israël  se  tient. 
Il  s'y  tient  malgré  lui,  car  il  n'a  pas  pour  les  superstitions  et  les  idoles 
moins  de  penchant  que  les  Gentils.     En  vérité,  il  ne  s'y  tient  pas,  il  y 


25 


est  tenu.  C'est  lui-même  et  dans  ses  Livres  Sacrés  qui  nous  en  rend  té- 
moignage. Il  faut  toute  une  suite  de  miracles  pour  l'arracher  au  paga- 
nisme et  le  contraindre  à  garder  le  dépôt  intact.  Il  faut  les  rigueurs  de 
la  Loi  et  sa  jalousie  exclusive.  Il  faut  la  sainteté,  l'autorité,  l'incessant 
labeur  des  Prophètes.  Aussi  le  peuple  de  la  Promesse,  tant  qu'il  s'obs- 
tine à  ne  pas  la  voir  accomplie,  reste-t-il  au  milieu  de  nous  inassimi- 
lable et  indestructible,  seul  survivant  dans  l'hémisphère  occidental  de 
l'Antiquité  disparue.  Il  est  défait,  dispersé,  mais  non  pas  dissous; 
mêlé  à  tous  les  autres  peuples,  mais  non  pas  absorbé  par  eux."  Cette 
synthèse  philosophique  de  l'histoire  juive  du  comte  Du  Plessis  devrait 
être  un  sujet  de  méditation,  répété  souvent  par  tous  les  nôtres.  Pour 
ma  part,  je  vous  avoue  que  ce  texte  m'a  touché  profondément. 

Mes  chers  amis,  je  vous  ai  donné  une  courte  démographie  de  notre 
petite  paroisse  de  Saint- Jean-Baptiste  de  Warren,  Etat  du  Rhode- 
Island.  Nous  verrions  beaucoup  plus  clair  dans  notre  inventaire  natio- 
nal, si  nous  possédions  de  tels  états  de  comptes  de  tous  nos  centres 
franco-américains. 


Vieilles  Chansons 

(Au  domaine  essentiel  de  la  Survivance:  La  Maison) 
par  Yvonne  Le  Maître 

La  Survivance,  le  mot  du  jour,  avec  une  grande  S  .  .  .  Et  cette 
ambiance  anglo-américaine  dont  on  parle  avec  sévérité,  hostile  à  la 
Survivance,  voleuse  de  petites  âmes  franco-américaines  .  .  .  Mais 
toute  cette  histoire  de  Survivance,  j'en  suis,  c'est  la  mienne.  J'en  suis, 
une  Survivante,  je  suis  même  la  plus  obstinée,  la  plus  fieffée  que  je 
connaisse,  sans  y  songer,  sans  y  tâcher,  sans  m'y  appliquer  une  seconde, 
Comme  je  respire. 

J'ai  soixante-quinze  ans.  Ma  famille  vint  aux  Etats-Unis  quand 
je  n'en  avais  que  dix.  Il  y  a  donc  soixante-cinq  ans  que  cette  fameuse 
ambiance  anglaise^  si  mal  vue  des  apôtres  de  la  Survivance,  m'enve- 
loppe en  tout  et  partout.  Et  avant  d'entrer  au  service  du  Travailleur 
il  y  a  quelques  années,  jamais  je  n'avais  eu  vent  de  la  Survivance  telle 
qu'on  l'entend  en  Franco-Américanie,  chose  de  résistance  et  de  lutte. 
En  ai-je  perdu,  pour  d'autant,  mon  "héritage  culturel  français",  com- 
me disent  ses  combattants?  Mon  Dieu,  non!  Des  flots  d'ambiance 
m'ont  passé  sur  la  tête  comme  l'eau  sur  le  dos  d'un  canard.  Me  voilà 
Gros- Jean  comme  devant,  en  aucune  façon  inondée  par  le  Mississippi. 
Tel  M.  Jourdain  avec  sa  prose,  depuis  soixante-cinq  ans,  je  fais  de  la 
Survivance  sans  le  savoir. 


26  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

A  quoi  cela  a-t-il  tenu?  A  la  maison;  à  la  maison  de  ma  petite 
enfance,  hantée,  de  la  cave  au  grenier,  de  vieilles  chansons.  Là,  à  la 
bonne  ancienne  façon  française,  on  apprenait  des  tas  de  choses  par 
coeur:  chansons,  prières,  contes,  fables,  poèmes  et  proses  qui  deve- 
naient de  par  ce  fait  possessions  intimes,  partie  de  vous-même,  pain  de 
votre  psyché,  nourriture  de  votre  pensée  à  venir  .  Etait-ce  donc  là  un 
programme  conscient  de  survivance  française?  Pas  du  tout!  C'était 
pour  rien,  pour  le  plaisir,  par  simple  instinct  irraisonné  et  joyeux  de 
chanter,  d'entendre  chanter  votre  langage.  Il  n'y  a  pas  dix  ans  que 
j'entends  parler  de  la  Survivance  française  en  Amérique,  armée  pour 
le  combat,  clamante  sur  les  hauteurs,  et  de  ses  projets  pour  l'avenir. 
Et  je  suis  bien  convaincue  que  mes  parents,  en  leur  vieille  maison  pleine 
de  chansons,  n'y  songeaient  guère  non  plus. 

*  *         * 

J'eus  une  enfance  baignée  de  vieilles  chansons  populaires  fran- 
çaises, de  contes  de  Perrault,  de  fables  de  La  Fontaine.  Du  premier 
au  dernier  de  douze  petits  Le  Maître  de  Pierreville  au  Québec,  nagè- 
rent au  Clair  de  la  Lune  avec  le  Petit  Poucet  et  les  Animaux  malades 
de  la  Peste,  apprenant  par  coeur  pièce-ci,  pièce-là.  Pas  tous  les  mêmes 
à  la  fois;  sur  douze,  n'est-ce  pas?  Il  y  avait  grande  variété  d'âge. 
Quand  les  plus  âgés  étaient  de  graves  messieurs  finissants  au  collège 
ou  à  l'université,  moi  j'étais  encore  plongée  en  mes  chansons  et  fables 
naïves,  benjamine  émerveillée  des  morceaux  majestueux  que  mes  frères 
rapportaient  de  leurs  voyages  académiques,  tous  farcis  de  Racine  et 
de  Corneille.  L'un  de  mes  souvenirs  persistants  est  de  l'émotion  où 
me  plongeait  mon  frère  Godefroy,  âgé  de  quatorze  ans  quand  j'en  avais 
huit,  me  la  faisant  à  la  Louis  Jouvet  avec 

C'était  pendant  l'horreur  d'une  profonde  nuit. 

Ma  mère  Jésabel  à  mes  yeux  se  montra  — 
Il  roulait  des  yeux  ronds.    Il  prenait  une  voix  de  basse  terrible.  C'était 
sublime! 

*  *         * 

Vous  étiez  donc,  me  direz-vous,  une  collection  de  petits  pédants 
raseurs  citant  leurs  auteurs  à  tort  et  à  travers?  Mais  non,  mais  non. 
Nous  étions  de  petits  bouts  d'hommes  et  de  femmes  pas  bêtes  du  tout 
et  plutôt  amusants.  Nos  "talents"  jamais  ne  s'exerçaient  sur  cette 
innocente  victime,  la  visite.  C'était  entre  nous,  "dans  la  plus  stricte 
intimité";  tout  auditoire  récalcitrant  n'avait  qu'à  se  sauver  au  jardin, 
ou  à  crier  plus  fort.  Nous  étions  élevés  à  l'ancienne  mode  française, 
voilà  tout,  à  apprendre  par  coeur  une  quantité  de  chansons,  contes, 
fables  et  pièces  de  vers  qui  ne  dépassaient  pas  trop  nos  petits  moyens. 
C'est  ainsi  que  tout  petit  Le  Maître  pouvait  vous  chanter  avec  âme 
la  merveilleuse  résurrection  des  trois  petits  protégés  de  saint  Nicolas: 

//  était  trois  petits  enfants 

Qui  s'en  allaient  glaner  aux  champs  .  .  . 


27 


la  Poule  Grise  qui  pondait  dans  l'église;  vous  dire  la  métamorphose 
par  un  baiser  de  la  Belle  au  Bois  Dormant,  ou  la  dure  leçon  infligée  à 
Maître  Corbeau  sur  un  arbre  perché.  At  the  drop  of  a  hat!  Si  vous  le 
demandiez  ou  si  vous  ne  le  demandiez  pas. 

*  *         * 

Que  de  chansons,  que  de  chansons!  Et  l'on  devait  y  mettre  "de 
l'expression";  de  l'âme;,  comme  on  dit  mieux  aujourd'hui.  C'était 
d'ailleurs,  facile,  car  un  charme  puissant  habite  souvent,  en  air  et  en 
paroles,  l'âme  des  vieilles  chansons  elles-mêmes.  On  n'a  qu'à  lui  ouvrir 
la  porte  et  la  laisser  jaser  pour  soi.  Je  ne  suis  jamais  revenue  de  l'en- 
voûtement qu'avait  Ysabeau  pour  mes  huit  ans: 

Ysabeau  s'y  promène 

Le  long  de  son  jardin 

Le  long  de  son  jardin 

Sur  le  bord  de  Vile 

Le  long  de  son  jardin 

Sur  le  bord  de  l'eau 

Sur  le  bord  du  vaisseau. 
Comment  Ysabeau  pouvait  se  livrer  à  une  gymnastique  aussi  éton- 
nante, un  pied  dans  son  jardin  sur  le  bord  de  l'île  et  l'autre  sur  le 
bord  du  vaisseau,  ne  me  dérangeait  aucunement.    Mon  sens  critique 
ne  valait  pas  cher. 

*  *         * 

Je  respecte  fort,  je  respecterai  toujours  cette  vieille  coutume  fran- 
çaise de  faire  apprendre  aux  enfants  beaucoup  de  choses  par  coeur. 
C'est  un  don  précieux,  un  don  à  perpétuité,  à  leur  faire.  Ils  en  possé- 
deront des  souvenirs  qui  jamais  ne  meurent,  des  souvenirs  auxquels  les 
hommes  n'ont  qu'à  ouvrir  la  porte  pour  qu'ils  chantent  en  eux,  encore 
comme  autrefois.  Survivance!  En  est-il  de  plus  aimable  que  celle-là? 
La  survivance,  c'est  la  famille,  c'est  la  maison,  et  la  maison  c'est  des 
chansons,  des  prières,  des  histoires,  des  légendes,  des  contes  d'enfants 
qui  jamais  ne  se  perdent  en  mémoires  d'hommes.  Il  est  de  mauvais 
goût  de  parler  de  soi,  c'est  entendu,  mais  la  survivance  la  plus  crampon 
que  je  connaisse  au  sein  de  cette  ambiance  anglo-saxonne  dont  on  dit 
tant  de  gros  mots,  c'est  la  mienne,  et  elle  est  faite  de  chansons. 

*  *         * 

Je  n'ai  fréquenté  que  les  écoles  publiques  américaines.  Des  études 
prolongées,  des  lectures  ininterrompues  de  l'anglais,  une  langue  que 
j'aime  profondément  et  que  j'écris  plus  facilement  que  le  français  — 
n'ignore-t-elle  pas  l'accord  mortel  des  participes  passés?  —  l'exercice  du 
journalisme  en  anglais  durant  de  longues  années,  rien  de  tout  cela 
n'enterra  dans  mon  âme  Ysabeau  s'y  promène  ou 

Quatre  canards  déployant  leurs  ailes 
Disaient  à  leurs  cannes  fidèles 
Coin!  Coin!  Coin! 


28 


BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


J'allai  habiter  Paris.  Et  en  quelle  langue  pensez-vous  que  j'y 
écrivais?  En  anglais,  pour  des  journaux  et  magazines  américains.  J'ai 
fait  des  traductions^  adapté  des  pièces  dramatiques,  du  français  à  l'an- 
glais. J'ai  enseigné  dans  les  écoles  de  langues  à  Berlitz,  refugium  pecca- 
torum  des  plumitifs  déplumés,  et  qu'y  enseignai-je,  pensez-vous? 
L'anglais!  J'ai  habité  New- York  en  y  faisant  des  besognes  identiques, 
besognes  de  plumitifs  de  quat'  sous,  sans  rarement  y  parler  un  mot  de 
français.  Jamais  je  n'entendais  le  mot  survivance  au  sens  franco-amé- 
ricain du  mot.  Ce  n'est  que  depuis  mon  affiliation  au  Travailleur  que 
j'entends  parler  de  Survivance  avec  S  majuscule.  Et  ne  suis-je  pour- 
tant une  survivante  fieffée?  Mes  amis,  il  y  a  vraiment  plus  que  soixan- 
te-cinq ans  que  je  fais  de  la  Survivance  sans  le  savoir.  C'est  plutôt 
soixante-quinze,  car  tout  cela  commença  au  Québec  avec  des  chansons. 
A  mon  baptême,  probablement.  Quatre  fils  m'avaient  précédé.  On 
me  reçut  comme  le  Messie.     Une  fille  enfin  — 

V'ià  l'bon  vent! 
V'ià  l'joli  vent! 


Je  vais  vous  dire  les  voyages  d'une  chanson.  J'avais  une  soeur 
nommée  Estelle,  qui  se  maria  à  Lowell,  oii  naquît  une  petite  Estelle. 
C'était  l'ère  de  Théodore  Botrel,  barde  breton,  qui  peuplait  l'air  de 
chansons,  dont  vous  avez  chanté  La  Paimpolaise,  comme  tout  le  monde. 
Estelle  II,  comme  sa  maman  l'avait  été  au  Québec,  fut  saturée  de 
vieilles  chansons  françaises,  de  contes  de  Perrault,  de  fables  de  La 
Fontaine;  vécut  avec  le  Petit  Poucet,  la  Poule  grise,  Maître  Corbeau, 
et  en  sus,  et  surtout,  avec  le  Grand  Lustucru  de  Botrel.  Suivant  la 
tradition,  elle  y  mettait  "de  l'expression".  Grosse  comme  une  puce, 
elle  levait  en  l'air  un  doigt  sévère  et  en  menaçait  les  mauvais  garçons 
qui  ne  veulent  pas  faire  dodo: 

C'est  le  Grand  Lustucru  qui  passe, 

Entendez-vous  dans  la  plaine 

Ce  bruit  venant  jusqu'à  nous? 

On  dirait  un  bruit  de  chaîne 

Se  traînant  sur  des  cailloux. 

Qui  repasse  et  s'en  ira. 

Emportant  dans  sa  besace 

Tous  les  petits  gâs 

Qui  ne  dorment  pas. 
Lon  Ion  la 
Lon  .  .  .  lon  .  .  .  la 
Lonlon  .  .  .  la. 
Elle  avait  un  succès  fou.    Devint-elle,  pensez-vous,  étoile  de  radio? 
Non;  elle  se  maria,  comme  tout  le  monde,  et  s'en  alla  demeurer  en 


ETUDES  29 

Californie,  où  naquît  Estelle  III.  Et  Botrel  le  Breton  perdit-il  alors  le 
fil,  avec  son  Grand  Lustucru?  Non;  de  la  France  au  Québec,  du 
Québec  à  la  Nouvelle-Angleterre,  de  la  Nouvelle-Angleterre  à  la 
Californie,  jamais  il  n'a  encore  manqué  le  bateau.  Sa  chanson  habite 
le  pays  des  oranges.  Les  chansons,  comme  on  dit,  "voyagent  léger", 
et  d'un  signe,  d'un  mot,  d'une  note,  elles  accourent,  pleines  de  survi- 
vance. 

*  *         * 

Plusieurs  journaux  et  revues  venaient  chez  nous  à  Pierreville;  de 
France,  des  Etats-Unis,  du  Canada  même.  Mon  père  avait  une  dent 
prononcée  contre  les  chroniqueuses  canadiennes  françaises,  qui  com- 
mençaient à  dire  à  l'univers,  dans  les  journaux  métropolitains  du 
Québec,  comment  vivre  et  mourir.  "Ces  bécasses"  était  sa  façon 
favorite  d'en  parler.  Ces  dames  de  la  chronique  avaient  invariable- 
ment le  ton  prêchi-prêcha.  C'étaient  les  Soeurs  Prêcheuses,  self-ap- 
pointed.  Sans  la  belle  robe  blanche  du  Dominicain,  sans  son  autorité 
et  sa  culture,  elles  brandissaient  en  l'air  un  bras  implacable,  prononçant 
des  édits  contre  ce  pauvre  demain.  Hier  seul  méritait  de  vivre,  au- 
jourd'hui pouvait  aspirer  au  mérite  en  lui  ressemblant,  mais  ce  pauvre 
chien  de  demain  était  foutu.  Leurs  ukases  s'appliquaient  le  plus 
souvent  aux  choses  les  plus  futiles:  la  femme  pouvait-elle  sans  morale- 
ment déchoir  porter  le  pyjama,  fumer  la  cigarette,  envoyer  promener 
le  chignon  encombrant  pour  les  cheveux  courts?  Leur  influence  était 
telle  que  de  bonnes  vieilles  dames  de  mon  âge  voient  encore  de  travers 
une  poodle  eut  à  la  tête  de  petites-filles,  ou  une  humble  cigarette  à 
leurs  lèvres.  Je  lisais  parfois  les  bécasses.  Non  par  goût;  par  curiosité. 
Je  voulais  voir  quel  était  le  texte  du  sermon  aujourd'hui. 

*  *         * 

Quand  mon  père  m'y  prenait,  il  n'y  allait  pas  par  quatre  chemins. 
"Pourquoi  perdre  ton  temps  à  ces  inepties?"  disait-il.  "Lis  quelque 
chose  d'humain,  qui  te  restera."  Un  jour,  il  m'enleva  une  chroni- 
queuse des  mains  et  la  remplaça  par  les  Dernières  Solitudes  de  Sully 
Prudhomme,  à  la  page  ouverte  à  L'Agonie  .  .  .  L'Agonie  qui  dit  la 
puissance  des  vieilles  chansons  sur  l'âme  humaine. 

"Apprends  cela  par  coeur",  me  dit-il,  "et  ce  sera  à  toi,  pour  tou- 
jours.    Ce  sera  ton  bien.     Tu  le  posséderas". 

Je  répétai  après  lui:  "Mon  bien,  à  moi  pour  toujours"  ...  Et 
je  m'emparai  de  L'Agonie  par  le  simple  truc  de  l'apprendre  par  coeur. 

Vous  qui  m'aiderez  dans  mon  agonie. 

Ne  me  dites  rien; 
Pour  allégement  un  peu  d'harmonie 

Me  fera  grand  bien. 
Je  suis  las  des  mots,  je  suis  las  d'entendre 

Ce  qui  peut  mentir; 


30  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

J'aime  mieux  les  sons  qu'au  lieu  de  comprendre 

Je  n'ai  qu'à  sentir. 
Vous  irez  chercher  ma  vieille  nourrice 

Qui  mène  un  troupeau, 
Vous  lui  direz  que  c'est  un  caprice 

Au  bord  du  tombeau 
D'entendre  chanter,tout  bas,  de  sa  bouche 

Un  air  d'autrefois, 
Simple  et  monotone,  un  doux  air  qui  touche 

Avec  peu  de  voix. 
Lors  elle  sera  peut-être  la  seule 

Qui  m'aime  toujours, 
Et  je  m'en  irai  dans  son  chant  d'aïeule 

Vers  mes  premiers  jours. 
Pour  ne  pas  sentir,à  ma  dernière  heure. 

Que  mon  coeur  se  fend; 
Pour  ne  plus  penser,  pour  que  l'homme  meure 

Comme  est  né  l'enfant. 
Vous  qui  m'aiderez  dans  mon  agonie. 

Ne  me  dites  rien. 
Faites  que  j'endende  un  peu  d'harmonie. 

Et  je  mourrai  bien. 


Franco-Américains  au  Manitoba 

(Adrien   Verrette,  ptre) 

Les  liens  qui  unissent  tous  les  groupements  français  sur  le  conti- 
nent sont  nombreux.  Ils  s'expliquent,  en  partie,  par  le  fait  de  la 
parenté  très  rapprochée  qui  existait  entre  les  familles  qui  passaient  la 
frontière  ou  qui  se  rendaient  en  d'autres  provinces  en  vue  de  s'établir 
ou  de  coloniser.  C'est  ainsi  que  d'un  bout  à  l'autre  du  continent,  des 
familles  alliées  entre  elles,  et,  peut-être  ne  se  connaissant  plus  à  cause 
des  distances,  forment  la  toile  et  les  ramifications  du  fait  français  en 
Amérique. 

Le  mouvement  migrateur  du  Québec  connut  donc  des  revire- 
ments étranges.  Aux  masses  qui  déferlaient  en  Nouvelle-Angleterre, 
on  adressait  des  appels  pressants  de  retour.  On  sentait  bien  dans  le 
Québec  la  perte  de  ce  capital  humain,  en  face  de  l'attrait  irrésistible 
du  déplacement. 

Des  sociétés  et  des  agences  de  rapatriement  opéraient  en  plusieurs 
centres,  encouragées  par  les  compagnies  de  chemins  de  fer  ou  par  les 


31 


offices  de  colonisation.  Il  ne  sera  peut-être  jamais  possible  d'établir 
au  juste  le  nombre  de  ceux  qui  retournèrent  au  Québec  durant  ce  va 
et  vient.  Il  n'est  pas  rare  cependant  de  noter,  que  nombre  de  cana- 
diens-français, dans  la  cinquantaine  et  plus  ,sont  nés  aux  Etats-Unis, 
enfants  de  familles  qui  avaient  fait  un  certain  stage  outre  frontière 
pour  revenir  au  Canada. 

C'est  ainsi  que  vers  1874,  déjà,  un  sérieux  effort  de  rapatriement 
fut  tenté  dans  l'intérêt  des  provinces  de  l'Ouest  pour  se  continuer 
durant  plusieurs  années.  Mgr  Alexandre  Taché,  évêque  de  St.  Boni- 
face  au  Manitoba,  s'intéressait  vivement  à  ce  travail  afin  de  peupler 
les  immenses  régions  de  la  Rivière  Rouge,  oii  il  entrevoyait  un  avenir 
prospère.  On  dit  même  qu'il  se  rendit  lui-même  dans  certaines  villes 
d'outre  frontière  pour  plaider  en  faveur  de  la  colonisation.  Le  P. 
Lacombe,  o.m.i.,  le  grand  apôtre  de  l'Ouest  y  fit  plusieurs  tournées 
avec  un  Charles  Lalime  pour  obtenir  des  résultats. 

De  fait,  à  l'occasion  des  75  ans  de  la  paroisse  St- Jean-Baptiste  du 
Manitoba,  l'abbé  Sylvio  Caron  rappelait  l'apport  des  Franco-Améri- 
cains du  Massachusetts  qui  furent  au  nombre  des  fondateurs  de  cette 
paroisse.  Ils  auraient  encore  participé  à  la  fondation  de  plusieurs  autres 
paroisses. 

Dans  le  "Rapport  de  Sa  Grandeur  Mgr  Alexandre  Taché,  arche- 
vêque de  St-Bonijace,  à  Messieurs  les  directeurs  de  l'Oeuvre  de  la 
Propagation  de  la  Foi",  le  16  juillet  1888,  il  est  écrit:  "c'est  en  1876 
que  des  immigrants,  venus  des  Etats-Unis  se  sont  groupés  à  Saint- 
Jean-Baptiste  et  y  ont  nécessité  la  création  d'une  paroisse  qui  prend 
un  développement  rapide,  que  le  curé  y  a  baptisé  46  enfants  l'année 
dernière  (1887)  et  donné  la  communion  pascale  à  450  personnes. 
Il  y  a  une  bonne  école  à  côté  de  l'église  et  trois  autres  à  diffédents 
endroits.  Les  135  enfants  d'âge  de  recevoir  une  instruction  élémen- 
taire fréquentent  tous  ces  écoles."  (Cf.  Bulletin  de  la  Société  Histo- 
rique de  St-Boniface,  Vol.  V,  1915,  p.  28). 

Charles  Lalime  habitait  Boston.  Il  était  le  beau-frère  de  Ferdi- 
nand Gagnon.  A  la  mort  de  celui-ci  en  1889,  Lalime  dirigea  le  jour- 
nal "Le  Travailleur"  durant  cinq  ans.  Il  était  originaire  de  St-Hya- 
cinthe,  né  en  1844,  et  avait  été  agent  de  la  Cie  Vermont  Central,  puis 
du  Grand  Tronc,  puis  enfin  du  Boston,  Barre  &  Gardner.  En  1875, 
il  était  déjà  agent  d'immigration  pour  le  Canada  et  il  dirigea  nombre 
de  colons  vers  le  Manitoba. 

Au  nombre  de  ses  appuis,  il  comptait  le  docteur  R.  G.  Janson 
Lapalme,  de  Lawrence,  Massachusetts,  qui  dirigea  pendant  quelques 
années  "Le  Progrès"  dans  lequel  hebdomadaire,  il  préconisait  le  retour 
au  Canada  et  les  offres  d'un  avenir  prospère  dans  l'Ouest.  Tout  cela, 
bien  entendu,  était  publicité  commenditée  par  les  compagnies  de  che- 
mins de  fer  ou  les  agences  de  colonisation. 


32  BULLETIN   DE   LA   SOCIETE    HISTORIQUE 

Le  10  mai  1888,  le  docteur  Janson  Lapalme  écrivait  à  son  ami  le 
sénateur  T.  A.  Bernier  de  St-Boniface,  l'un  des  fondateurs  de  la  Société 
Historique  de  St-Boniface,  au  sujet  de  la  situation  des  canadiens  dans 
le  Massachusetts,  Un  simple  hazard  conserva  cette  lettre.  Comme  on 
brûlait  "les  papiers"  de  feu  le  sénateur  Bernier,  geste  inconcevable,  un 
coup  de  vent  emporta  cet  imprimé  et  une  fillette  le  recueillit  dans  la 
rue.  Il  est  conservé  dans  les  archives  de  la  société  et  son  président, 
l'abbé  Antoine  d'Eschambault  nous  en  a  fait  tenir  le  texte.  La  lecture 
de  ces  pages  fait  voir  que  les  mêmes  inquiétudes  préoccupaient  nos 
devanciers,  à  cette  date  déjà  lointaine. 

Lettre  du  docteur  Janson  Lapalme 

T.  A.  Bernier 
Monsieur, 

J'aurais  dû  me  hâter  de  répondre  à  la  vôtre  du  23  avril  dernier 
pour  vous  répondre  sur  ce  que  vous  me  demandiez  sur  les  Canadiens 
des  Etats-Unis  mais  je  n'ai  pu  le  faire,  malgré  ma  bonne  volonté, 
veuillez  excuser  mon  retard. 

L'observation  que  vous  me  faites  que  le  sentiment  public  paraît 
s'égarer  aujourd'hui  sur  les  questions  véritablement  nationales,  est  un 
fait  que  j'ai  observé  depuis  longtemps,  et  je  vous  dirai  même  que  cela 
me  paraît  beaucoup  plus  accentué  chez  mes  compatriotes  des  Etats- 
Unis  depuis  ces  dernières  années,  apoutant  quoiqu'il  m'en  coûte,  que 
le  Canada  y  a  bien  grandement  contribué.  Le  grand  mouvement  de 
rapatriement  créé  par  la  Presse  du  Canada  et  des  Etats-Unis,  en  1873 
et  74,  est  venu  trop  vite;  la  Province  de  Québec  n'avait  pas  plus  qu'au- 
jourd'hui changé  ses  lois  et  n'en  avait  pas  créé  de  nouvelles  pour  retenir 
ses  habitants  sur  leurs  terres:  aussi  ça  été  un  fiasco  complet;  ça  fait  plus 
de  tort  que  de  bien. 

Se  voyant  trahis  dans  leur  ardente  aspiration  à  rapatrier  leurs 
frères  émigrés,  n'étant  secondés  qu'en  belles  paroles  par  les  politiciens 
d'alors,  les  Journalistes  français  des  Etats-Unis,  comme  ceux  en  qui 
leurs  compatriotes  avaient  une  confiance  sans  bornes,  ont  été  obligés 
de  modérer  leur  patriotisme  et  d'en  rabattre  de  beaucoup  sur  le  Pro- 
vince de  Québec  et  le  Canada  tout  entier. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  de  voir  aujourd'hui  quelques-uns  qui 
sont  de  ce  côté-ci  des  lignes,  faire  des  efforts  inouis  pour  chercher  à 
discréditer  le  Canada  aux  yeux  de  leurs  compatriotes  comme  des  étran- 
gers, tout  en  protestant  de  leur  amitié  pour  leur  mère  patrie. 

Ce  n'était  pourtant  pas  sans  raison  qu'on  travaillait  à  faire  com- 
prendre aux  Canadiens  émigrés  combien  il  valait  mieux  pour  eux  de 
retourner  au  pays.  Depuis  longtemps  déjà  on  avait  à  déplorer  cette 
détestable  manie  des  Canadiens  français  de  ne  parler  que  l'anglais 
dans  l'intimité  de  la  famille  et  de  traduire  ou  changer  leurs  noms  pour 


ETUDES  33 

avoir  un  nom  anglais;  on  savait  qu'un  grand  nombre  avait  renié  leur 
nationalité  comme  leur  langue^  et  ces  raisons,  comme  vous  le  pensez, 
étaient  plus  que  suffisantes  pour  pousser  les  hommes  de  coeur,  les  Cana- 
diens véritables,  à  faire  tous  leurs  efforts  pour  arrêter  un  tel  ordre  de 
choses  .... 

Le  courant  de  l'émigration  des  Canadiens  vers  les  Etats-Unis  a  été 
si  rapide,  qu'on  pourrait  penser,  de  prime  abord,  que  cette  manie  de 
nos  compatriotes  de  ne  parler  que  l'anglais,  de  changer  leurs  noms, 
etc.,  a  dû  disparaître;  malheureusement  il  n'en  est  pas  ainsi. 

D'ailleurs,  le  besoin  d'apprendre  et  de  parler  l'anglais  pour  régler 
leurs  propres  affaires,  pour  exécuter  les  travaux  qu'on  leur  commande, 
le  contact  journalier  avec  des  individus  qui  n'ont  pas  leurs  manières, 
leurs  habitudes  ni  leurs  langage,  tout  concourt  à  leur  faire  adopter 
peu-à-peu  les  moeurs  et  la  langue  de  l'immense  majorité  avec  qui  ils 
sont  forcément  en  relation  tous  les  jours. 

Malgré  le  bien  que  font  les  journaux  français  des  Etats-Unis  qui 
s'efforcent  de  mettre  en  garde  leurs  compatriotes  contre  cette  fatale 
tendance  de  s'américaniser  ou  s'assimiler  on  en  voit,  hélas!  encore  un 
grand  nombre  qui  prétendent  se  passer  de  leurs  salutaires  conseils. 

Je  vous  envoie  quelques-uns  de  ces  articles  de  nos  journaux,  où 
vous  trouverez  la  justification  de  mes  avances. 

Il  n'y  a  aucun  doute  qu'un  bon  nombre  de  nos  compatriotes  sont 
destinés  à  mourir  ici,  malgré  l'espoir  qu'ils  ont  toujours,  pour  la  plupart, 
de  retourner  au  pays.  Mais  parce  qu'ils  doivent  mourir  sur  ce  sol 
étranger,  parce  qu'ils  prétendent  mieux  vivre,  avec  plus  de  comfort 
paraît-il  qu'au  Canada,  cela  signifit-il  qu'ils  font  plus  d'économie.  Eh! 
bien,  non.  .  . 

On  a  trop  exagéré  le  bien-être  des  Canadiens  émigrés;  ils  sont 
rares  les  Canadiens  qui  sont  riches  dans  la  Nouvelle-Angleterre.  Le 
petit  nombre  de  ceux  qui  ont  réussi  à  mettre  un  tant  soit  peu  d'argent 
de  côté,  savent  au  prix  de  quels  sacrifices  ils  y  sont  parvenus;  c'est  en 
se  privant  de  tout  repos,  en  ruinant  leur  santé  et  celle  de  leurs  enfants, 
par  un  travail  exagéré  ou  par  une  mauvaise  alimentation.  Ceux  qui 
maintenant  veulent  vivre  un  peu  plus  largement,  avec  un  peu  de 
comfort,  quelles  économies  font-ils  ou  peuvent-ils  faire,  quand  ils  ont 
à  chaque  page  du  livre  de  compte,  un  tableau  comme  celui-ci:  maladie, 
chômage,  usage  immodéré  de  liqueurs,  luxe  des  habits,  cherté  des 
comestibles,  prix  élevé  des  loyers,  gages  réduits.  Un  coup  d'oeil  jeté 
dans  les  livres  du  marchand,  du  grocer,  du  médecin,  etc,  pourra  vous 
convaincre  d'une  manière  très  positive  que  pour  une  grande  portion 
de  nos  compatriotes  des  Etats-Unis,  il  est  presqu' impossible  de  thésau- 
riser. 

Que  peut-on  dire  maintenant  de  la  condition  morale  de  nos  com- 
patriotes émigrés?  Cette  grave  question,  la  plus  importante  de  toutes, 
est  celle  dont  on  a  le  moins  parlé;  ou  plutôt  si  on  en  a  parlé,  c'est  que 


34  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

toujours  on  en  a  fait  force  louanges  et  qu'on  n'a  jamais  eu  en  même 
temps  le  courage  de  dire  la  triste  vérité.  .  .  .  J'aimerais  vous  voir  vivre 
quelques  mois  au  milieu  de  nos  centres  manufacturiers  pour  juger  pour 
vous-même. 

Il  faut  bien  le  dire,  les  moeurs  d'ici  sont  loin  d'être  ce  que  sont 
nos  moeurs  au  Canada.  Comment  voulez-vous  qu'il  en  soit  autrement 
quand  vous  prenez  des  jeunes  garçons  et  des  jeunes  filles  ignorants  des 
choses  du  monde  ,ayant  toujours  vécu  dans  une  atmosphère  paisible, 
sous  la  surveillance  continuelle  de  bons  parents,  et  que  vous  les  jetez 
tout-à-coup  dans  d'immenses  manufactures  où  tous  les  exemples  de  la 
license  se  multiplient  tous  les  jours?  Joignez  à  cela  un  air  empesté,  une 
température  élevée,  l'usage  de  peu  de  viandes,  le  manque  d'exercice,  la 
perte  de  l'appétit,  un  climat  humide  et  tempéré  et  il  vous  sera  facile 
de  comprendre  le  besoin  qui  se  fait  sentir  d'employer  contre  ces  diverses 
causes  de  débilité  générale,  un  régime  approprié,  mais  dont  on  abuse 
énormément,  c'est-à-dire,  une  nourriture  stimulante,  les  alcools,  et  .  .  . 
c'est  ainsi  que  les  organes  de  ces  jeunes  intelligences,  continuellement 
surexcitées  par  le  sang  sans  cesse  fouetté  par  cette  nourriture  stimulante, 
se  développent  prématurément ,  et  que  cette  jeunesse,  qui  fait  notre 
orgueil  au  Canada,  devient  ici  une  proie  facile  pour  les  vices  et  la 
débauche. 

On  connaît  vite,  aux  Etats-Unis,  la  valeur  de  la  liberté.  Les  en- 
fants, à  peine  en  âge  de  travailler,  sentent  déjà  qu'ils  peuvent  aisément 
se  dispenser  d'obéir  à  leurs  parents;  ils  croient,  par  la  contagion  de 
l'exemple,  à  leur  indépendance  absolue,  et  si  leurs  parents  veulent  les 
reprendre  sur  leur  conduite,  ils  se  révoltent  et  veulent  les  abandonner: 
alors  ceux-ci,  craignant  de  s'aliéner  pour  toujours  leurs  fils  ou  leurs 
filles,  craignant  de  plus  d'être  privés  de  leur  gain  de  la  semaine  pour  les 
aider  à  sustenter  le  reste  de  la  famille,  usent  envers  eux  d'une  autorité 
des  plus  débonnaire. 

Il  y  a  comme  toujours  de  nombreuses  exceptions  à  cette  observa- 
tion que  je  vous  fais  de  la  condition  morale  de  mes  compatriotes  d'ici; 
on  dira  que  j'exagère;  que  je  suis  un  pessimiste:  Je  vous  donne  le  fait 
pour  avoir  été  observé  des  milliers  de  fois  non  seulement  par  moi-même 
mais  aussi  par  un  grand  nombre  de  personnes,  tant  de  la  profession  que 
du  clergé. 

Voilà  un  avancé,  qui  vous  prouve  qu'il  serait  temps  plus  que 
jamais,  pour  les  gouvernements  comme  pour  les  hommes  de  coeur  du 
Canada,  d'étudier  comme  vous  dites,  les  questions  véritablement  natio- 
nales sur  le  compte  desquelles  le  sentiment  public  paraît  s'égarer.  A 
eux  de  prendre  des  mesures  énergiques  pour  empêcher  d'émigrer  un 
si  grand  nombre  de  familles  qui  viennent  tous  les  jours  grossir  le  nom- 
bre d'esclaves  des  manufactures.  Ce  qui  est  étrange,  c'est  qu'après 
avoir  constaté  depuis  si  longtemps  la  dépopulation  toujours  croissante 
des  paroisses  du  Canada,  après  s'être  rendus  compte  des  efforts  qui  ont 


35 


été  faits  depuis  nombre  d'années  par  des  Canadiens  émigrés,  pour  rapa- 
trier leurs  compatriotes  ,les  hommes  d'Etat  de  la  Province  de  Québec 
n'ont  pris  aucune  mesure  directe  pour  empêcher  l'émigration,  pas  plus 
que  pour  inciter  au  moins  une  partie  des  Canadiens  émigrés  à  retourner 
au  pays.  Ces  Messieurs  sont-ils,  comme  Sir  Georges  Cartier,  contents 
de  ce  que  la  Province  en  est  débarrassée? 

Connaissant  d'un  côté  le  mauvais  vouloir  des  gouvernements  de 
Québec,  de  l'autre  sachant  qu'il  sera  toujours  impossible  pour  un  grand 
nombre  de  retourner  au  pays,  pour  les  raisons  que  je  vous  ai  plus  haut 
énumérées,  quelques-uns  de  la  classe  dirigeante  ont  entrepris  de  faire 
les  Canadiens  se  naturaliser  citoyens-américains.  On  a  fondé  ça  et  là 
quelques  clubs  de  naturalisation  où  on  souscrit  certains  fonds  pour 
payer  les  premiers  papiers  de  ceux  qui  ont  été  gagnés  à  la  cause  de  la 
naturalisation,  mais  qui  ne  se  feraient  pas  naturaliser  s'ils  étaient  obligés 
à  ces  déboursés. 

D'ailleurs  la  naturalisation  ira  toujours  lentement  tant  que  les 
Canadiens  ne  seront  pas  plus  familiers  avec  la  politique  des  Etats-Unis 
et  qu'on  n'aura  pas  complètement  extirpé  de  leurs  coeurs  l'espérance 
de  retourner  au  Pays;  et  chose  extraordinaire,  on  leur  fait  reproche 
d'entretenir  cet  espoir,  comme  si  c'était  un  crime  pour  un  enfant  de 
conserver  dans  son  coeur  un  sentiment  d'affection  pour  sa  mère  et  de 
la  supplier  de  lui  venir  en  aide  quand  il  est  en  détresse. 

J'ai  déjà  dit  ailleurs  ce  que  je  pensais  de  la  naturalisation;  je  le 
dis  encore,  c'est  une  bonne  chose;  c'est  un  devoir  pour  ceux  qui  décidé- 
ment veulent  rester  au  pays,  et  même  pour  ceux  qui  ne  savent  pas  s'ils 
n'y  resteront  que  quelques  années. 

A  part  ceux  qui  sont  instruits  et  qui  ne  veulent  pas  de  la  naturalisa- 
tion, il  y  a  encore  un  grand  nombre  qui  ne  savent  pas  lire,  ou  qui  sa- 
chant lire  le  français,  ne  peuvent  lire  l'anglais;  pour  ceux-là,  quand 
bien  même  ils  voudraient  se  faire  naturaliser,  c'est  impossible,  la  loi  ne 
leur  permet  pas. 

Puisque  la  presse  française  aux  Etats-Unis,  est  si  chatouilleuse, 
quand  on  parle  colonisation,  sur  le  serment  d'allégeance  qu'elle  a  renié 
une  fois  déjà,  ne  reste-il  pas  un  grand  nombre  de  compatriotes  qu'un 
gouvernement  un  peu  libéral  pourrait,  presque  sans  effort,  ramener  au 
Pays?  Des  millions  ont  été  versés  par  les  Gouvernements  du  Canada 
pour  faire  venir  des  émigrants  d'Angleterre,  d'Ecosse,  d'Irlande  et  de 
Russie,  (combient  sur  ce  nombre  sont  passés  aux  Etats-Unis),  ne  pour- 
rait-on pas  affecter  quelques  milliers  de  piastres  pour  faire  venir  des 
Canadiens  des  Etats-Unis,  cent  fois  meilleurs  colons  que  ces  étrangers? 

Mais  je  m'arrête,  j'abuse  de  votre  patience  et  je  m'aperçois  que  je 
m'écarte  de  la  ligne  que  je  m'étais  tracée.  Je  ne  doute  pas,  d'ailleurs, 
que  dans  votre  prochain  ouvrage,  vous  traiterez  cette  question  de 
manière  à  faire  comprendre  combien  il  serait  utile,  pour  le  Canada  de 
s'occuper  un  peu  plus  et  d'une  manière  active  des  Canadiens  émigrés. 


36  BULLETIN   DE   LA   SOCIETE    HISTORIQUE 

Espérant  que  votre  livre  aura  tout  le  succès  possible,  et  que  ces  quelques 
pages  pourront  être  de  quelques  utilité  pour  vous,  je  vous  prie  d'excuser 
ma  franchise  et  me  croire,  avec  considération, 

Votre  dévoué  serviteur 

Dr  R.  G.  Janson-La-Palme. 

Lawrence  10  mai,  1888 

N.B.  Veuillez  prendre  connaissance  des  articles  de  M.  L.  Garisson  de 
Boston  qu'il  va  publier  bientôt  dans  les  colonnes  de  l'Etendard  de 
Montréal;  vous  y  trouverez  de  nombreux  renseignements  qui  vous 
seront  très  utiles,  c'est  de  la  statistique.  Je  suis  en  relation  constante 
avec  ce  monsieur,  et  je  puis  vous  assurer  que  ce  qu'il  dit  est  vrai.  J'au- 
rais bien  voulu  vous  donner  un  plus  grand  nombre  d'articles  de  jour- 
naux que  je  collectionne  depuis  plusieurs  années  et  qui  avaient  rapport 
aux  renseignements  que  vous  me  demandiez,  malheureusement  ils  ont 
été  anéantis  au  mois  de  janvier  dernier.  Je  vous  promets  cependant  de 
vous  envoyer  tous  ceux  qui  pourront  être  pour  vous  de  quelqu  intérêt. 

Dr  J.  L.  P. 


IV 


Eloges  des  disparus 


Abbé  Roland  J.  Massé,  ptre 

(1904-1952) 
Fall-River, .  Massachusetts 

(T.  R.  P.  Thomas-Marie  Landry,  o.p.) 

Le  dimanche  20  janvier  dernier,  la  Société  Historique  Franco- 
Américaine  perdait  un  autre  de  ses  membres  distingués  en  la  personne 
de  feu  l'abbé  Roland  J.  Massé,  ptre,  vicaire  à  la  paroisse  Notre-Dame 
de  Lourdes  de  Fall  River,  Mass. 

La  veille,  en  la  demi-obscurité  du  soir  tombant,  M.  Massé,  appa- 
remment en  hâte  de  quérir  une  automobile  à  un  poste  d'essence  situé 
non  loin  du  presbytère,  par  mégarde  était  tombé  dans  un  de  ces  puits 
de  restauration  (grease-pit)  que  nous  avons  tous  déjà  vus.  Chute 
pénible,  faite  alors  qu'il  était  seul  et  dont  personne  ne  se  rendit  compte 
que  beaucoup  plus  tard.  Enfin  transporté  à  l'hôpital  Ste-Anne  ,avec 
fracture  de  plusieurs  côtes  et  souffrant  de  graves  lésions  internes,  l'abbé 
Massé  ne  devait  pas  se  remettre.  Malgré  les  meilleurs  soins  que  l'hô- 
pital pût  lui  prodiguer,  il  devait  expirer  le  lendemain  à  la  grande 
consternation  de  toute  la  population  catholique  et  franco-américaine 
de  Fall  River.  Il  n'avait  que  48  ans.  Et  c'est  ainsi  qu'un  accident 
baroque,  sûrement  involontaire  de  sa  part,  mais  en  soi  enrageant,  nous 
prive  des  services  d'un  excellent  prêtre  qui  meurt  avant  d'avoir  achevé 
sa  carrière,  alors  que  notre  peuple  franco-américain  a  si  grand  besoin 
de  prêtres,  de  ses  prêtres.  .  .  . 

M.  l'abbé  Roland  J.  Massé  était  né  à  Fall  River,  fils  de  feu  Dieu- 
donné  Massé  et  de  feu  Clara  Frédette.  Issus  de  parents  profondément 
chrétiens;  il  était  membre  d'une  famille  nombreuse  qui  devait  donner 
trois  prêtres  à  Dieu  et  à  l'Eglise.     L'un  d'eux  vit  encore. 

Après  ses  études  primaires  à  l'école  paroissiale  de  Notre-Dame  de 
Lourdes  et  ses  études  classiques  à  Québec,  l'abbé  Roland  entre  au 
Séminaire  St.  Mary's  de  Baltimore.  C'est  là  qu'il  reçoit  sa  formation 
philosophique  et  théologique.  Le  30  mai  1931,  en  l'église  cathédrale 
St.  Mary's  de  Fall  River,  il  reçoit  l'onction  sacerdotale  des  mains  de 
Son  Excellence  Mgr  James  E.  Cassidy.  Sa  première  assignation  l'a- 
mène, comme  vicaire,  en  la  paroisse  du  T.  S.  Sacrement  de  Fall  River. 
En  1935,  son  évêque  l'assigna  à  la  paroisse  St- Jacques  de  Taunton. 
Puis,  de  1937  jusqu'en  juillet  1951,  l'abbé  Massé  exerce  un  ministère 
très  continu  et  très  fructueux  en  la  paroisse  des  prémices  de  son  sacer- 
doce, la  paroisse  du  T.  S.  Sacrement  de  notre  ville.     C'est  là  qu'il 


38  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

donne  la  pleine  mesure  de  son  talent  et  de  son  zèle.    Il  est  alors  trans- 
féré en  sa  paroisse  natale  et  six  mois  après  il  y  meurt  en  pleine  maturité. 

L'abbé  Massé  avait  été  doué  d'un  esprit  vif,  d'un  coeur  sensible, 
d'une  santé  robuste.  Tout  ceci  devait  l'aider  en  son  ministère  et 
donner  à  celui-ci  une  empreinte  particulière. 

Prêtre  animé  d'une  foi  et  d'une  piété  profondes,  il  se  fit  remar- 
quer par  la  dévotion  avec  laquelle  il  accomplissait  les  fonctions  sacrées. 
Il  se  fit  remarquer  aussi  par  la  chaleur  de  son  verbe  en  chaire,  ce  qui 
ne  faisait  que  traduire  la  profondeur  de  ses  convictions  chrétiennes  et 
sacerdotales.  Son  zèle  portait  la  marque  distinctive  de  l'universalisme 
évangélique:  il  se  faisait  "tout  à  tous".  Et  c'est  ainsi  que  les  enfants, 
les  jeunes  gens  et  jeunes  filles,  les  adultes,  les  vieillards,  les  malades  et 
les  pauvres  surtout,  les  gens  du  monde  comme  les  religieux  et  les  reli- 
gieuses, tous  bénéficient  tour  à  tour  de  ses  bons  offices. 

Rien  de  plus  touchant  comme  témoignage,  sous  ce  rapport,  que 
l'éloge  si  spontané  jailli  à  la  fois  du  coeur  et  de  la  plume  de  ce  parois- 
sien anonyme  de  Notre-Dame,  au  lendemain  de  la  mort  de  l'abbé 
Massé,  et  que  l'Indépendant  devait  publier  deux  fois  en  la  même  se- 
maine. Rien  de  plus  senti  et  de  plus  vécu  que  les  paroles  tombées  des 
lèvres  de  son  ami  et  confrère  de  ministère,  M.  l'abbé  Hervé  Jalbert, 
au  jour  des  obsèques  solennelles  et  qui  peignent  admirablement  la  phy- 
sionomie spirituelle  de  ce  bon  prêtre  que  fut  l'abbé  Massé.  Rien  de 
plus  significatif  enfin  que  ce  mot  de  son  évêque.  Son  Excellence  Mgr 
James  L.  Connolly,  qui,  apprenant  ce  décès  inattendu,  se  serait  écrié: 
"j'aurais  tant  voulu  lui  dire  merci  pour  tout  ce  qu'il  a  fait." 

Aussi  bien,  la  Société  Historique  Franco-Américaine  se  fait-elle 
un  pieux  devoir  d'exprimer  ce  soir  sa  peine  très  sincère  de  la  dispari- 
tion malencontreuse  de  ce  digne  prêtre  de  chez-nous  et  d'offrir  à  sa 
famille  ainsi  qu'à  ses  nombreux  amis  l'assurance  de  sa  sympathie  la 
plus  profonde. 

Paix  à  l'âme  de  ce  prêtre  au  coeur  ardent  et  zélé  que  fut  l'abbé 
Roland  J.  Massé! 
le  21  mai  1952 


Abbé  J.  Charles  Cormier 

1899-1952  Brockton,  Mass. 

{M.  l'abbé  Georges  J.  C.  Duplessis) 

M.  l'abbé  J.  Charles  Cormier,  dont  j'ai  l'honneur  de  faire  l'éloge 
funèbre  devant  vous  ce  soir,  est  décédé  le  15  mars  dernier  à  Brockton, 
Mass.  Il  était  membre  de  la  société  historique  depuis  1940.  Car  tout 
ce  qui  touchait  au  problème  franco-américain  lui  était  sympathique. 

Il  est  mort  pieusement  et  sans  peur,  comme  il  avait  vécu.  Il  avait 
toujours  été  un  prêtre  pieux,  dévoué,  charitable.    Aussi,  avait-il  mérité 


ELOGES    DES    MEMBRES    DISPARUS  39 

le  titre  si  enviable  de  "bon  Père  Cormier".  II  se  savait  frappé  mortelle- 
ment depuis  un  certain  temps  et  il  vit  la  mort  avec  courage  et  résigna- 
tion quoiqu'encore  dans  la  force  de  l'âge.  Ainsi  en  est-il  toujours  pour 
le  bon  soldat  du  Christ  qui  toute  sa  vie  a  combattu  le  bon  combat. 
L'assistance  à  ses  funérailles  fut  nombreuse,  recueillie  et  fort  peinée, 
parce  que  un  bon  prêtre  était  disparu. 

M.  le  curé  Cormier  était  un  franco-américain  authentique  et  de 
bonne  trempe,  comme  il  s'en  trouve  de  moins  en  moins  aujourd'hui. 
Il  était  né  le  15  juin,  1899,  à  Marlboro,  Mass.,  de  feu  Amédée  L.  Cor- 
mier et  de  feue  Célina  Rochefort.  Sa  famille  compta  huit  enfants, 
dont  deux  prêtres  et  deux  religieuses.  Famille  profondément  chré- 
tienne chez  qui  s'étaient  conservées  les  meilleures  traditions  religieuses 
et  ethniques  des  bonnes  familles  franco-américaines  d'autrefois.  Enfant, 
il  fréquenta  l'école  St-Antoine  de  sa  paroisse,  puis  fit  ses  études  classi- 
ques au  séminaire  St-Hyacinthe,  au  Canada.  En  1918,  toujours  animé 
du  désir  de  se  faire  prêtre,  il  entra  au  séminaire  diocésain  de  Boston, 
où  il  poursuivit  ses  études  philosophiques  et  théologiques. 

Il  fut  ordonné  prêtre  le  23  mai  1924.  Le  jeune  Charles  Cormier, 
collégien  et  séminariste,  fit  preuve  d'une  intelligence  solide,  d'un  bon 
jugement  et  d'une  piété  toujours  soutenue.  Au  moral  il  avait  beaucoup 
d'entregent  et  une  belle  humeur  qui  le  rendaient  agréable  et  recherché. 
Il  exerça  son  ministère  successivement  à  St-Louis-de-Gonzaque,  de 
Newburyport,  à  St-Antoine,  de  Shirley,  à  St-Louis-de-France,  de  Lowell. 
Partout  il  laissa  le  souvenir  d'un  prêtre  dévoué,  zélé,  empressé  à  faire 
le  bien.  Dans  sa  prédication,  il  visait  uniquement  à  convaincre  et  à 
convertir.  En  août  1940,  il  fut  promu  à  sa  première  cure,  la  seule 
qu'il  devait  occuper,  et  dans  laquelle  il  y  mit  son  coeur.  C'était  au 
Sacré-Coeur,  de  Brickton,  Mass.  C'est  là  que,  pendant  douze  ans  tout 
près,  qu'il  donna  son  plein  rendement:  curé  entièrement  consacré  au 
bien  des  âmes,  administrateur  avisé  et  soucieux  des  biens  paroissiaux. 
Pendant  son  séjour  à  Brockton,  il  éteignit  une  dette  considérable,  em- 
bellit les  propriétés  paroissiales  et  laissa  un  joli  montant  d'argent  en 
banque  à  son  décès. 

L'abbé  Cormier,  dans  sa  carrière  sacerdotale,  occupa  des  postes 
qui  lui  permirent  de  toucher  du  doigt,  à  sa  grande  peine  et  à  son  grand 
découragement,  l'infiltration  anglicisante  chez  les  nôtres  —  la  dispari- 
tion du  français  dans  les  familles,  les  sociétés,  les  clubs,  l'engouement 
pour  r"American  way  of  life".  Comment  espérer  encore  en  la  survi- 
vance des  nôtres,  pensait-il,  quand  ils  se  laissent  aller  si  facilement  au 
fil  du  courant,  si  fort  soit-il.  Car,  lui  était  un  franco-américain  authen- 
tique, parlant  bien  le  français  et  l'anglais,  qui  avait  fréquenté  des  insti- 
tutions canadiennes  et  américaines  et  qui  conservait  encore  la  convic- 
tion qu'on  pouvait  être  en  même  temps  bilingue  et  américain  de  bon 
aloi. 


40  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Combien  de  Francos  partagent  encore  cette  conviction?  On  en 
est  rendu  dans  nos  écoles  et  collèges  à  avoir  recours  à  toutes  sortes  de 
trucs  pour  encourager  les  enfants  et  adultes  à  parler  français  comme  si 
c'était  une  tâche  tellement  difficile  et  gênante  qu'elle  méritât  d'être 
récompensée.  N'est-ce  pas  le  signe  évident  du  manque  de  respect,  de 
goût,  d'attachement  et  de  fierté  pour  le  français,  qui  est  général  aujour- 
d'hui et  devient  de  plus  en  plus  prononcé. 

Le  fait  français  existera  toujours  historiquement  et  géographique- 
ment.  Mais  oij  en  est-il  aujourd'hui  dans  les  moeurs,  le  parler  et  la 
culture?  —  malgré  nos  paroisses,  nos  écoles,  nos  journaux,  nos  sociétés. 
Je  crois  au  maintien  d'une  culture  française  aux  Etats-Unis,  mais  il 
n'est  pas  sûr  qu'elle  soit  toujours  soutenue  par  une  majorité  franco- 
américaine.  Elle  sera  le  partage  d'une  élite  américaine  tout  court  qui 
en  apprécie  la  beauté  et  même  l'utilité  pratique,  mieux  que  les  nôtres. 
Ainsi  pensait  l'abbé  Cormier  devant  le  nombre  grandissant  des  mariages 
mixtes  de  nationalités,  des  enfants  qui  se  présentent  à  l'école  ne  parlant 
que  l'anglais,  des  professionnels,  des  prêtres,  du  peuple  en  général 
dont  la  langue  habituelle  est  l'anglais. 

Le  "melting  pot"  fait  son  oeuvre  du  point  de  vue  langue  comme 
autrement.  Qui  va  l'empêcher?  La  presse  franco-américaine?  Qui 
se  donne  la  peine  de  la  lire  et  de  l'épauler?  Les  sociétés  nationales? 
Leurs  membres  sont  déjà  trop  fortement  atteints.  La  paroisse?  Elle 
fut  fondée  avant  tout  pour  la  conservation  religieuse,  pour  conserver 
la  foi  chez  un  peuple  qui  au  début  ne  comprenait  pas  l'anglais.  Et 
malgré  tous  ses  efforts  par  le  verbe  français  et  la  fondation  d'écoles 
bilingues,  à  quoi  avons-nous  abouti  aujourd'hui?  La  famille  reste  le 
dernier  refuge.  Mais,  les  familles  franco-américaines  d'aujourd'hui 
parlent  de  préférence  l'anglais  au  français  au  foyer. 

Réagir Nous  tâchons  de  le  faire  depuis  cent  ans.  Ten- 
tative inutile  et  trop  coûteuse?  Non.  L'américanisation  complète 
n'est  pas  avantageuse.  La  culture  américaine  n'égale  pas  la  française. 
Le  peuple  s'en  rend-il  compte?  Faut-il  nous  soumettre  graduellement 
à  une  situation  insoluble?  Peuple  bilingue?  Oui,  oii  plus  d'une  langue 
est  officielle  et  obligatoire  dans  les  écoles.  Mais  pas  dans  un  pays  uni- 
lingue  officiellement,  comme  le  nôtre.  Le  polonais,  l'Italien,  le  séné- 
galais se  francisent  en  France  à  son  avantage  culturel.  Aux  Etats-Unis, 
le  non-anglophone  s'américanise  à  son  détriment.  Sorte  de  loi  natu- 
relle par  laquelle  l'élément  le  plus  fort  absorbe  le  plus  faible.  Et  tous 
les  peuples  de  l'Europe,  à  commencer  par  la  France,  ne  sont-ils  pas  le 
résultat  de  la  fusion  de  plusieurs  races  en  celle  qui  a  su  s'imposer  par 
sa  langue  et  sa  culture? 

Voilà  les  considérations  que  la  carrière  sacerdotale  de  l'abbé  Cor- 
mier m'a  inspirées  et  sur  lesquelles  lui-même  a  sûrement  souvent  médité. 


ELOGES    DES    MEMBRES    DISPARUS  41 

Arthur-Edmond  Moreau 

Manchester,  New  Hampshire 
1885-1951 

(Juge  Emile  Lemelin) 

C'est  le  soir  du  quatre  juillet  1951,  au  moment  même  ovi  le  grand 
public  célébrait  avec  éclat  le  175e  anniversaire  de  la  Déclaration  d'In- 
dépendance de  sa  patrie  bien-aimée,  que  l'honorable  Arthur-Edmond 
Moreau,  à  la  suite  d'une  crise  cardiaque,  rendit  son  âme  à  Dieu. 

Homme  d'affaires  consommé,  politique  averti,  mutualiste  compé- 
tent, philanthrope  discret  et  chrétien  exemplaire,  Arthur  Moreau,  selon 
moi,  mérite  d'être  placé  presque  au  premier  rang  du  trop  petit  nombre 
de  Franco-Américains  dignes  d'être  cités  comme  modèles  aux  généra- 
tions présente  et  futures.  De  fait,  son  succès  extraordinaire  dans  le 
commerce  semble  indiquer  que  toute  sa  vie  durant  il  a  compris  le  con- 
seil de  Corneille:    "Vous  devez  un  exemple  à  la  postérité". 

Né  le  5  mars  1885  à  Manchester  —  où  il  jouera  plus  tard  un 
rôle  prépondérant  pendant  plus  d'un  quart  de  siècle  —  né,  dis-je,  du 
mariage  de  Joseph  J.  Moreau  et  de  Marie  E.  Houde,  il  reçut  son  édu- 
cation à  l'école  primaire  Ste-Marie,  au  Central  High  School  et  au 
Hesser's  Business  Collège. 

Dès  1903  il  devient  l'associé  de  son  père  dans  le  commerce  de 
quincaillerie;  en  1906  il  en  est  le  gérant,  puis,  en  1918,  le  propriétaire. 
Son  intelligence,  son  talent  pour  le  commerce,  son  ambition  et  sa  per- 
sévérance, sans  compter  une  capacité  prodigieuse  pour  le  travail,  ne 
tardèrent  pas  à  se  faire  sentir.  Et  c'est  grâce  à  ses  efforts,  si  en  peu 
d'années,  la  maison  J.  J.  Moreau  et  Fils,  d'un  tout  petit  magasin  devint 
la  firme  la  plus  considérable  du  genre  au  nord  de  Boston.  S'entendant 
comme  peu  au  négoce  et  à  la  légitime  réclame,  ses  intérêts  commer- 
ciaux et  financiers  dépassent  enfin  les  limites  de  ses  grands  magasins 
et  en  font  un  des  grands  propriétaires  d'immeubles  de  Manchester.  Pas 
surprenant,  n'est-ce  pas?  qu'il  fut  membre  du  Bureau  de  direction  de 
trois  banques,  directeur  de  la  Public  Service  Co.  of  New  Hampshire, 
président  ou  membre  de  nombreuses  associations  commerciales  et  indus- 
trielles, y  compris  la  N.  E.  Hardware  Dealers'  Association  et  le  N.  E. 
Industrial  Council. 

Mais  il  y  a  plus.  Aux  jours  sombres  de  la  grande  crise  économique 
de  1933,  la  ville  de  Manchester  est  menacée  d'une  terrible  catastrophe 
par  la  banqueroute  de  l'Amoskeag  Manufacturing  Company,  alors  la 
plus  grande  industrie  textile  au  monde.  C'est  le  désarroi  dans  les 
milieux  ouvriers,  financiers,  commerciaux  et  industriels  de  Manchester. 
Toutefois,  Arthur  Moreau,  maintenant  devenu  son  principal  commer- 
çant, ne  désespère  point  et  c'est  à  lui  que  revient  l'insigne  honneur 
d'avoir  trouvé  une  solution.    Il  suggère  l'acquisition  des  pouvoirs  d'eau 


42  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

et  des  propriétés  immobilières  de  la  compagnie  en  faillite.  Au  prix  de 
cinq  millions  de  dollars  avancés  par  certaines  banques  et  hommes  d'af- 
faires, sa  suggestion  se  réalise  au  moyen  de  la  fondation  de  l'Amoskeag 
Industries,  Inc.,  et  la  ville  de  Manchester  est  non  seulement  sauvée  du 
désastre  mais  est  mise  en  mesure  de  se  réhabiliter  sur  des  bases  plus 
solides  que  jamais.  La  réussite  des  démarches  d'Arthur  Moreau  dans 
cette  affaire  lui  valut  une  renommée  nationale  en  plus  d'un  degré  de 
Maître-ès-Arts,  honoris  causa,  du  Collège  Dartmouth. 

Toutes  ces  activités  et  réalisations  auraient  sans  doute  suffi  à 
l'homme  moyen.  Mais  Arthur  Moreau  n'était  pas  un  homme  moyen. 
Il  ne  fut  jamais  "serf  de  ses  négoces".  Au  contraire,  il  sut  trouver  le 
temps  de  s'intéresser  à  la  chose  publique  et  civique. 

En  politique,  il  fut  tour  à  tour  membre  de  la  Garde  du  gouverneur 
du  New  Hampshire  avec  titre  de  major;  commissaire  des  incendies  de 
sa  ville;  conseiller  du  gouverneur;  syndic  de  l'Hôpital  Industrielle; 
maire  de  Manchester  de  1925  à  1931;  membre  de  la  commission  de 
police  et  syndic  de  l'Université  du  New  Hampshire.  A  son  décès  il 
occupait  encore  ces  deux  derniers  postes. 

Membre  de  nombreux  clubs  civiques,  tels  le  Rotary,  le  Jolliet,  le 
Lafayette,  le  Cercle  National,  il  faisait  ausi  partie  de  l'Ordre  des  Fores- 
tiers Catholiques,  de  l'Union  St- Jean-Baptiste  d'Amérique,  de  l'Asso- 
ciation Canado-Américaine,  de  l'Ordre  des  Knights  of  Columbus  et 
des  Elks. 

En  1939  il  accepta  gracieusement  de  servir  comme  premier  direc- 
teur et  membre  de  l'Exécutif  de  l'Association  Canado-Américaine. 
Pendant  six  ans  il  accomplit  les  multiples  devoirs  de  cette  tâche  avec 
sagesse  et  prudence  et  je  me  fais  un  plaisir  et  un  honneur  à  la  fois 
d'exprimer  publiquement  ma  profonde  reconnaissance  pour  les  im- 
menses services  rendus  à  l'Association  durant  cette  période. 

Arthur  Moreau  fut  aussi  un  excellent  chrétien.  Toujours  fidèle 
à  ses  devoirs  religieux,  il  donnait  l'impression  d'avoir  constamment  à 
l'esprit  la  pensée  de  Montaigne:  "Tous  les  jours  vont  à  la  mort,  et 
le  dernier  y  arrive".  Ceci  explique  peut-être  le  secret  et  la  discrétion 
dont  étaient  entourés  ses  généreux  dons  à  nombre  d'individus  et  insti- 
tutions. De  ces  dernières,  l'Hôpital  Notre-Dame,  l'Orphelinat  St- 
Pierre,  la  paroisse  Ste-Marie  et  la  paroisse  St-Georges  doivent  être 
comptés  parmi  les  principaux  bénéficiaires  de  ses  largesses. 

Toujours  bon  compagnon,  Arthur  Moreau  possédait  la  plupart 
des  qualités  et  quelques-uns  des  défauts  des  Gaulois.  Généralement 
gai,  d'humeur  égale,  il  se  faisait  souvent  taquin,  parfois  malin,  mais 
jamais  mesquin.       En  somme,  c'était  le  type  du  bon  copain. 

Homme  de  coeur,  toujours  humble  et  modeste,  ne  parlant  jamais 
de  lui-même  ni  de  ses  succès,  tendre  époux  et  bon  père  de  famille, 
Arthur  Moreau  n'a  jamais  rougi  de  sa  race  et  les  siens  ont  aujourd'hui 
maintes  raisons  d'être  fiers  de  lui. 


ELOGES    DES    MEMBRES    DISPARUS  43 


Devant  sa  tombe  inclinons-nous  avec  respect  en  nous  rappelant 
ces  paroles  de  Bossuet:  "L'univers  n'a  rien  de  plus  grand  que  les 
grands  hommes". 

William  L.  Bourgeois 

Southhridge,  Massachusetts 

(Juge  Edouard  ].  Lampron) 

La  Société  Historique  Franco-Américaine  n'échappe  pas  plus 
qu'aucun  autre  groupe  aux  effets  de  la  grande  moissonneuse.  A  cha- 
que réunion,  ou  à  peu  près,  nous  devons  rappeler  aux  pieux  souvenirs 
des  membres  la  disparition  d'un  des  nôtres. 

Le  6  décembre  dernier,  à  l'âge  de  quarante-sept  ans,  William- 
Louis  Bourgeois,  nous  quitta  pour  aller  recevoir  du  Souverain  Educa- 
teur son  dernier  degré,  celui  décerné  à  un  chrétien  qui  passa  sa  vie 
à  l'enseignement  de  la  jeunesse. 

Né  à  Fall  River,  il  fut  diplômé  du  Collège  de  l'Assomption  en  mil 
neuf  cent  vingt-six.  Il  poursuivit  ensuite  des  études  spécialisées  à 
l'Ecole  d'Education  des  Universités  de  Harvard  et  de  Boston  ainsi  qu'à 
celle  du  Connecticut.  En  vertu  d'une  bourse  obtenue  du  gouverne- 
ment français  il  suivit  des  cours  à  la  Sorbonne. 

Après  un  stage  comme  professeur  à  l'école  Boston  Latin  il  occupa 
le  poste  de  Surintendent  des  Ecoles  à  Jewett  City  ainsi  qu'à  South- 
hridge. 

Toujours  avide  d'augmenter  ses  connaissances  il  préparait  sa  thèse 
de  doctorat  au  Boston  School  of  Education  lorsque  la  mort  le  frappa. 

Notre  société  lui  est  aussi  redevable  des  services  qu'il  lui  a  rendus 
comme  secrétaire  de  mil  neuf  cent  trente-quatre  à  trente-six. 

Nous  partageons  avec  son  épouse,  née  Pauline  Cartier,  ses  parents 
et  ses  amis,  la  douleur  de  cette  mort  qui  nous  semble  si  prématurée. 

Wilford  E.  Lamarine 

(1878-1950) 
Joseph  Adolphe  Bonvouloir 

(1870-1951) 
Central-Falls,  Rhode-Island 

(R.  de  Blois  La  Brosse) 

Durant  le  cours  des  deux  années  qui  viennent  de  s'écouler,  nous,  les 
Franco-Américains  de  Central  Falls  et  Pawtucket,  avons  perdu  deux 
de  nos  plus  importantes  lumières  dans  le  monde  de  la  finance  et  de 
l'industrie. 


44  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Le  28  juin,  1950,  mourait  à  Central  Falls,  Wilford  E.  Lamarine, 
millionnaire,  fondateur  et  gérant  de  la  Bonin  Spinning  Co.  de  Woon- 
socket.  Né  à  Central  Falls,  le  11  novembre  1878,  fils  de  F.  X.  Lama- 
rine et  de  Tarsile  Lévesque. 

D'humble  origine,  par  son  industrie  et  son  sens  des  affaires,  il 
arriva,  passant  par  tous  les  échelons,  au  pinacle  de  sa  sphère  indus- 
trielle. 

Ce  fut  toujours  une  personnalité  prête  à  se  dépenser  pour  ses 
concitoyens.  Durant  toute  la  dernière  guerre  il  fut  président  du  "Draft 
Board"  de  Central  Falls,  position  sans  aucune  rémunération  et  ingrate 
au  plus  haut  degré,  à  laquelle  il  se  dévoua  sans  ménager  ses  fatigues. 

C'est  surtout  comme  Président  de  l'Hôpital  Notre-Dame  de 
Central  Falls  que  nos  Franco- Américains  se  le  rappelleront;  pendant 
les  dernières  vingt-deux  années  il  s'y  rendait  tous  les  jours  pour  gérer 
à  son  administration,  s' occupant  même  de  maints  détails. 

Le  14  décembre  1951,  la  veille  de  son  départ  projeté  pour  une 
croisière  aux  Antilles,  Joseph  Adolphe  Bonvouloir  quittait  soudaine- 
ment et  paisiblement  cette  terre  où  il  s'était  réellement  préparé  à  la 
mort  par  l'assistance  quotidienne  à  la  messe  et  à  la  communion  et  par 
des  retraites  fermées  régulières.  Syndic  de  la  paroisse  Notre-Dame  du 
Sacré-Coeur  depuis  1935,  il  était  un  des  fondateurs  et  maintenant  le 
seul  propriétaire  des  actions  de  la  Central  Falls  Manufacturing  Com- 
pany, une  industrie  de  construction  où  les  aînés  de  nos  Franco-Amé- 
ricains dans  le  travail  du  bois  se  donnaient  libre  cours  et  son  commerce 
vendait  toutes  les  matières  de  construction.  C'était  une  maison 
importante  valant  dans  les  quelques  cent  milles  dollars. 

Né  le  2  janvier  1870  à  Ste-Brigide,  Québec,  fils  de  Pierre  Bonvou- 
loir et  de  Maria  Nadeau. 

Depuis  longtemps  au  Bureau  de  Direction  de  notre  même  Hôpital 
Notre-Dame,  il  succéda  à  M.  Lamarine  comme  président  et  avec  les 
deux  autres  membres  de  son  comité  exécutif.  Messieurs  Edgar  L.  Jodoin 
et  J.  Orian  Duchesneau,  l'administra  jusqu'à  sa  mort. 

Démocrate  de  vieille  souche,  il  assistait  aux  conventions  nationales 
de  son  parti  pour  la  nomination  des  candidats  à  la  Présidence  depuis 
plusieurs  années.  Il  fut  aussi  longtemps  inspecteur  de  la  construction 
pour  la  ville  de  Central  Falls. 

Ni  l'un  ni  l'autre  ne  laissèrent  d'enfants  et  leurs  industries  passè- 
rent à  des  neveux. 

Tous  deux  avaient  vu  naître,  des  sous  des  écoliers,  notre  Crédit 
Union  Central  Falls  en  1915  et  M.  Lamarine  comme  son  Vice-Prési- 
dent depuis  1920,  et  M.  Bonvouloir  comme  Président  de  son  Comité 
de  Prêts  depuis  sa  fondation,  ont  largement  contribué  à  son  accrois- 
sement jusqu'à  ses  8  millions  d'à  présent.  Tous  deux  étaient  aussi 
membres  fondateurs  et  actifs  du  Foyer  Franco-Américain  et  M.  Bon- 
vouloir  était  en  plus  Président  de  son  Syndicat  des  bourses  scolaires. 


ELOGES    DES    MEMBRES    DISPARUS  45 

Il  était  aussi  très  actif  dans  nos  sociétés  paroissiales  et  fraternelles,  ayant 
été  longtemps  président  de  notre  Société  paroissiale  St- Joseph  et  mem- 
bre de  l'Union  St- Jean-Baptiste  d'Amérique,  et  des  Artisans  Canadiens 
Français,  Intéressé  au  beau,  il  assistait  régulièrement  aux  réunions  de 
notre  Société  Historique. 

Leur  rôle  dans  notre  élément  sera  difficile  à  combler  et  l'estime 
dans  laquelle  nous  les  tenons  les  gardera  longtemps  en  notre  mémoire. 

Paul  Mongeau 

(Indian  Orchard,  Massachusetts) 
1882-1952 

(Abbé  Adrien   Verrettc) 

Un  septième  deuil  venait  assombrir  les  cadres  de  la  Société  au 
cours  de  l'exercice  avec  la  disparition  du  très  estimé  confrère,  M.  Paul 
Mongeau,  pharmacien  de  Indian  Orchard,  Massachusetts,  le  16  jan- 
vier à  l'âge  de  60  ans. 

Depuis  nombre  d'années  déjà,  les  compatriotes  de  St-Louis-de- 
Gonzague  étaient  familiers  avec  la  figure  sympathique  de  ce  distingué 
franco-américain  qui  avait  conservé  pour  les  siens  un  culte  fraternel 
très  prononcé.     Il  portait  en  lui  une  âme  vraiment  française. 

Il  dirigeait  son  établissement  en  face  de  l'église.  C'est  dire  que 
tout  le  monde  appréciait  ses  services  dans  l'atmosphère  accueillante  de 
l'endroit  le  plus  fréquenté  d'un  village,  la  pharmacie. 

Né  à  Ashland,  Massachusetts,  le  20  octobre  1882,  il  était  le  fils 
de  Joseph  Mongeau,  maître  menuisier  et  de  Aurélie  Gatineau.  Après 
ses  études  et  quelques  années  de  pratique,  il  venait  s'établir  à  Indian 
Orchard. 

Mutualiste,  il  était  membre  de  l'Union  St- Jean-Baptiste  d'Amé- 
rique, de  l'Ordre  des  Forestiers  Catholiques  et  de  l'Alliance  Nationale. 
Très  sympathique  à  nos  oeuvres  il  était  encore  un  ami  du  journal  ré- 
gional "La  Justice  de  Holyoke".  Son  succès  dans  les  affaires  lui  avait 
mérité  un  directorat  à  la  "Ludlow  Savings  Bank". 

Durant  plusieurs  années  il  fut  membre  actif  de  la  société. 

Un  brave  serviteur  disparaît  en  la  personne  de  ce  collègue  et  la 
société  lui  conserve  un  souvenir  fidèle.     Paix  à  ses  cendres. 


Troisième  Congrès  de  la  Langue  française 


Les  assises  du  Troisième  Congrès  de  la  Langue  française  à  Québec, 
du  18  an  25  juin,  ont  provoqué  au  sein  de  la  société  un  vif  intérêt. 
C'est  le  docteur  Ubalde  Paquin,  alors  président,  qui  remettait  la  mé- 
daille "Grand  Prix"  à  Mgr  Camille  Roy,  P.A.,  président  du  Deuxième 
Congrès  en  1937.  Cette  fois  le  président  de  la  société  était  le  président 
même  du  congrès  et  les  membres  s'en  réjouissaient.  La  médaille  "Grand 
Prix"  fut  décernée  le  19  novembre  1951  à  l'abbé  Paul-Emile  Gosselin, 
secrétaire  du  Comité  de  la  Survivance  française  en  Amérique. 

A  la  réunion  du  21  mai,  à  l'hôtel  Lenox  de  Boston,  la  société  s'em- 
pressa de  formuler  son  adhésion  au  congrès  dans  le  texte  suivant: 

"Comme  en  1912  et  en  1937,  la  Société  Historique  franco-améri- 
caine est  très  heureuse  de  participer  aux  grandes  assises  du  congrès  en 
juin  prochain. 

Elle  accepte  avec  empressement  l'invitation  du  Comité  du  Con- 
grès et  s'inscrit  à  titre  de  Membre  Bienfaiteur  du  Troisième  Congrès 
de  la  Langue  française.  Elle  délègue  en  plus  son  secrétaire,  M.  le 
docteur  Gabriel  Nadeau,  de  Rutland,  Mass.  à  la  représenter  aux  assises. 

L'importance  de  cette  convocation  ne  peut  échapper  à  la  recon- 
naissance des  Franco-Américains.  Voilà  encore  une  occasion  splendide 
qui  devra  resserrer  nos  liens  culturels  de  chaque  côté  de  la  frontière. 

Elle-même  consacrée,  depuis  plus  de  50  ans  à  préciser  la  partici- 
pation française  à  la  vie  américaine,  notre  société  veut  occuper  une 
place  importante  dans  ces  délibérations.  Elle  veut  retirer  de  cette 
enquête  sur  les  conditions  actuelles  de  notre  comportement  culturel 
sur  le  continent  une  nouvelle  ferveur  pour  continuer  son  travail  de  con- 
servation dans  les  cartables  de  notre  histoire. 

Le  Troisième  Congrès  est  un  appel  à  une  nouvelle  croisade  au 
pays  de  nos  pères.  La  Société  veut  être  présente  pour  recueillir  les 
échos  et  les  leçons  de  cette  grande  réunion  de  famille  en  y  apportant 
son  hommage  et  sa  promesse  de  fidélité." 

Gabriel  Nadeau 
Secrétaire 

21  mai  1952. 


VI 

Centenaire  de  l'Université  Laval  * 

Les  fêtes  du  centenaire  de  l'Université  Laval,  au  cours  de  l'année, 
et  particulièrement  les  journées  du  19  au  22  septembre,  ont  projeté 
sur  toute  l'Amérique  française  un  éclat  réconfortant  et  précieux.  La 
franco-américanie  qui  se  reconnaît  tant  de  liens  de  famille  avec  cette 
vénérable  institution  de  haut  savoir,  d'où  sont  sortis  tant  de  ses  fils 
illustres,  ne  fut  pas  oubliée  dans  le  faste  de  cette  évocation.  Le  prési- 
dent de  la  société  assistait  aux  fêtes  centenaires. 

Pour  exprimer  elle-même  son  affection  et  sa  reconnaissance  à 
l'endroit  de  ses  fils  dispersés,  l'université  choisit  une  circonstance  heu- 
reuse. A  l'occasion  de  la  réunion  du  21  novembre,  au  Club  Univer- 
sitaire de  Boston,  Mgr  Alphonse-Marie  Parent  P.D.,  vice-recteur,  ac- 
compagné de  l'abbé  Robert  Dolbec,  secrétaire  de  l'université,  apportait 
le  témoignage  de  son  admiration  aux  Franco-Américains. 

Après  avoir  rappelé  brièvement  l'histoire  et  le  rayonnement  de 
Laval  en  Amérique,  Mgr  Parent  établissait  comment  l'université  veut 
servir  les  intérêts  franco-américains  surtout  en  accueillant  nos  jeunes 
étudiants  à  la  faculté  de  médecine,  aux  sciences  sociales  et  aux  cours 
d'été. 

Comme  gage  de  son  inaltérable  encouragement,  l'Université  Laval 
remettait  par  son  vice  recteur,  aux  représentants  de  six  des  principaux 
organismes  de  vie  catholique  et  française  aux  Etats-Unis,  sa  "Médaille 
du  Centenaire"  soit  à  l'abbé  Adrien  Verrette,  président  de  la  Société 
Historique  Franco- Américaine,  à  M.  Adolphe  Robert,  président  de 
l'Association  Canado-Américaine,  à  M.  le  juge  Eugène  Jalbert,  avocat 
conseil  de  l'Union  St-Jean-Baptiste  d'Amérique,  à  M.  Louis  Israël 
Martel,  secrétaire  du  Comité  d'Orientation  Franco-Américaine,  à  M. 
Wilfrid  J.  Mathieu,  président  de  l'Alliance  des  Journaux  Franco-Amé- 
ricains et  à  Mlle  Elise  Rocheleau  ,officier  de  la  Fédération  Féminine 
Franco- Américaine. 


Issue  du  Séminaire  de  Québec  fondé  en  1663  par  Mgr  François  de  Montmoren- 
cy Laval,  premier  évêque  du  Canada,  l'Université  Laval  est  la  plus  ancienne 
institution  Catholique  et  française  en  Amérique.  Les  Pères  du  Premier  Con- 
cile du  Canada  en  1851  décidaient  la  fondation  de  l'Université.  Le  8  dé- 
cembre 1876,  le  Pape  Pie  IX  proclamait  Laval  université  pontificale.  Aux 
quatre  premières  facultés,  théologie,  droit,  médecine  et  arts,  venaient  s'ajouter 
dans  la  suite  six  autres  facultés,  la  philosophie,  les  sciences  sociales,  les  sciences, 
l'agriculture,  l'arpentage  et  le  génie  forestier.  Elle  compte  aussi  les  écoles  des 
Gradués,  de  Commerce,  de  Musique,  des  Sciences  Domestiques,  de  Pédagogie, 
des  Pêcheries,  des  Sciences  hospitalières,  de  Service  social,  de  Pharmacie,  et 
les  Instituts  d'Histoire  et  de  Géographie  et  de  Philosophie.  Trente-deux  col- 
lèges classiques  sont  affiliés  à  la  faculté  des  arts. 


VII 

Rapports  des  Réunions 

Réunion  du  Bureau  —  5  avril  1952 

A  l'hôtel  Vendôme  de  Boston  sont  présents  les  officiers  Verrette, 
Carignan,  Nadeau,  Clément,  Lemelin  et  Lampron.  Le  bureau  reçoit 
les  rapports  du  secrétaire  et  du  trésorier,  celui-ci  avec  un  actif  de 
$1,344.88.  La  société  s'inscrit  à  titre  de  "membre  bienfaiteur"  du 
Troisième  Congrès  de  la  Langue  française  et  le  bureau  choisit  le  doc- 
teur Gabriel  Nadeau  pour  le  représenter  officiellement. 

La  séance  du  printemps  est  fixée  au  21  mai,  à  l'hôtel  Lenox  de 
Boston.  Le  docteur  Ulysse  Forget  et  Mlle  Yvonne  LeMaître  y  présen- 
teront des  travaux.  Le  président  nomme  le  comité  des  nominations 
pour  le  renouvellement  du  bureau:  le  docteur  Ulysse  Forget,  M.  F. 
Raymond  Lemieux  et  Me  R.  de  Blois  La  Brosse.  Les  éloges  de  sept 
membres  disparus  seront  prononcés  par  différents  membres.  Le  bulle- 
tin de  1951  sera  bientôt  distribué. 

Réunion  générale  du  21   mai  1952 

A  l'hôtel  Lenox  sous  la  présidence  de  M.  l'abbé  Verrette.  58 
membres  et  invités  présents.  Parmi  les  invités  on  remarque  M.  Delisle, 
consul  du  Canada,  et  M.  Pierre  Vieillotte,  correspondant  de  La  Presse 
de  Montréal.  On  remarque  aussi  Mgr  Boutin,  qui  vient  d'être  élevé 
à  la  prélature,  le  professeur  Alexandre  Goulet  et  le  Dr  Marins  Peladeau, 
de  Brattleboro,  Etat  du  Vermont. 

Les  éloges  des  membres  suivants,  décédés  depuis  la  dernière  réu- 
nion du  printemps,  sont  prononcés: 

L'abbé  Charles  Cormier,  par  l'abbé  G.  Duplessis 

M.  Arthur  Moreau,  par  le  juge  Emile  Lemelin 

M.  Adolphe  Bonvouloir,  par  M.  Deblois-LaBrosse 

M.  W.  Lamarine,  par  M.  Deblois-La  Brosse 

L'abbé  Roland  Massé,  par  le  P.  Thomas  Landry,  O.P. 

M.  William  Bourgeois,  par  le  juge  Lampron 

Le  Dr  Ulysse  Forget  donne  commnuication  d'un  travail  sur  la 
"Démographie  de  la  paroisse  de  Warren,  Rhode  Island".  Ensuite 
M.  le  Président  donne  lecture  du  travail  de  Mlle  Yvonne  Le  Maître, 
empêchée  d'assister  à  la  réunion. 

M.  Alexandre  Goulet  propose  ensuite,  dans  le  but  de  faire  mieux 
connaître  la  Société  historique  et  les  Franco-Américains  en  général, 
de  faire  traduire  en  anglais  le  Catéchisme  d'histoire  de  M.  Josaphat 
Benoit.     Cette  proposition  est  bien  accueillie  par  l'assemblée. 


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Diner  de  la  Société  Historique  franco-américaine,  27  novembre,  University 
Club  de  Boston,  Mass. 


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RAPPORT   DES    REUNIONS  49 

M.  le  Président  invite  ensuite  le  Consul  du  Canada  à  dire  quelques 
mots.  M.  Delisle  félicite  la  société  du  but  qu'elle  poursuit  et  parle  de 
son  influence  et  de  son  rayonnement  aux  Etats-Unis  et  au  Canada. 

Cinq  nouveaux  membres  sont  admis: 
Mlle  Paulette  Cyr,  95  Lorraine  Avenue,  Somerset,  Mass. 
Mme  Ovila  Saint-Denis,  683  Middle  St.,  Fall  River,  Mass. 
M.  Robert-G.  Lacroix,   127  Cleaver  St.,  Biddeford,  Maine. 
M.  Richard-J.  Potvin,  67  Perkins  Avenue,  Brockton,  Mass. 
Me  René  Brassard,  98  Front  St.,  Worcester,  Mass. 

Le  comité  des  élections,  composé  de  MM.  Ulysse  Forget,  Ray- 
mond Lemieux  et  Deblois  Labrosse,  fait  le  rapport  de  son  choix  pour 
le  prochain  bureau:  réélection  du  président,  du  vice-président,  du 
secrétaire,  du  secrétaire-adjoint  et  du  trésorier,  et  élection  des  con- 
seillers suivants  pour  trois  ans:  MM.  Damase  Brochu,  Lauré-B.  Lussier 
et  le  Dr  Oscar  Perrault.     Ce  choix  est  adopté  à  l'unanimité. 

Réunion  du  Bureau,  18  octobre  1952 

A  l'hôtel  Sheraton  de  Worcester.  Sont  présents  les  officiers 
Verrette,  Carignan,  Nadeau,  Clément,  Cartier  et  Lemelin.  Le  tréso- 
rier établit  son  avoir  à  $1,448.96.  La  réunion  annuelle  est  fixée  au 
21  novembre  au  Club  Universitaire  de  Boston.  Mgr  Félix- Antoine 
Savard,  P.D.,  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de  l'Université  Laval  sera 
le  conférencier  invité.  Le  bureau  choisit  le  docteur  Georges  A.  Bou- 
cher, de  Brockton  comme  titulaire  de  la  médaille  "Grand  Prix".  Ancien 
vice-président,  le  docteur  Boucher  vient  de  publier  son  recueil  "Chants 
du  Nouveau  Monde".  La  société  se  réjouit  de  l'élévation  récente  à 
la  prélature  de  deux  de  ses  membres  dévoués,  Mgr  F.-X.  Larivière  et 
Mgr  Joseph  Boutin.  Pour  fin  de  propagande  le  bureau  distribuera 
aux  institutions  ses  publications. 

Réunion  générale  du   19  novembre  vteb 

A  l'University  Club,  de  Boston,  sous  la  présidence  de  M.  l'abbé 
Adrien  Verrette.  89  membres  et  invités  présents.  On  remarque  à  la 
table  d'honneur:  Mgr  Félix  Savard,  P.D.,  conférencier;  Mgr  Alphonse 
Parent,  vice-recteur  de  Laval;  M.  Jean  Lapierre,  consul  de  France; 
M.  Jean-Louis  Delisle,  consul  du  Canada;  Mgr  Joseph  Boutin;  Mgr 
William  Drapeau  et  le  Dr  Georges  Boucher.  Dans  l'assistance  se  trou- 
vaient M.  l'abbé  Robert  Dolbec,  secrétaire  général  de  Laval,  et  Mmes 
Jean  Lapierre  et  Jean-Louis  Delisle. 

Conférence  de  Mgr  Savard  sur  Problème  d'orientation  littéraire. 
Le  conférencier  est  remercié  par  M.  l'abbé  Verrette  qui  lui  présente  le 
diplôme  de  membre  d'honneur  de  la  Société. 


50  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Mgr  Parent  décerne  ensuite  la  médaille  du  Centenaire  de  l'Uni- 
versité Laval,  avec  l'Album  du  Centenaire,  aux  six  associations  cultu- 
relles et  patriotiques  suivantes  de  la  Nouvelle- Angleterre  : 

La  Société  Historique  franco-américaine 

L'Association  canado-américaine 

L'Union  Saint- Jean-Baptiste  d'Amérique 

La  Fédération  féminine  franco-américaine 

L'Alliance  des  journaux 

Le  Comité  d'orientation 

M.  le  Président  présente  ensuite  la  médaille  Grand-Prix  de  la 
société  au  Dr  Georges  Boucher,  et  fait  l'éloge  du  récipiendaire. 

M.  Verrette  annonce  à  l'assistance  que  le  Dr  Ulysse  Forget  vient 
de  publier  l'histoire  de  la  paroisse  Saint- Jean-Baptiste  de  Warren, 
Rhode  Island,  et  recommande  à  chacun  de  se  procurer  cet  excellent 
ouvrage. 

Quatre  nouveaux  membres  sont  admis: 

M.  Louis-Israël  Martel,  693  Beech  St.,  Manchester,  N.  H. 

Le  Dr  Elzéar  Asselin,  38  Atlantic  St.,  Lynn,  Mass. 

M.  et  Mme  Frédéric  Deschambault,  31  Crescent  St.,  Biddeford, 
Maine. 

Un  vin  d'honneur  avait  été  servi,  avant  la  séance,  par  le  consul 
du  Canada,  à  Mgr  Savard  et  aux  directeurs  de  la  Société. 


VIII 


Modem  Language  Association  of  America 

North  American  French  Language 
(French  VIII) 

La  Modem  Language  Association  of  America  tenait  sa  67e 
réunion  annuelle  à  l'hôtel  Statler  de  Boston  du  27  au  29  décembre. 
Cet  organisme  continental  réunit  les  professeurs  et  universitaires  qui 
s'occupent  de  l'enseignement  et  du  rayonnement  des  langues. 

Le  secteur  North  American  French  Language  and  Literature 
(French  VIII)  était  au  programme  samedi,  le  27  décembre,  dans  la 
salle  des  Bals,  sous  la  présidence  de  Mlle  Marine  Leland  du  Collège 
Smith,  qui  remplaçait  la  présidente,  Mme  Virginia  Nyabongo.  Le 
professeur  M.  E.  Joliat,  de  l'université  de  Toronto,  remplaçait  le 
secrétaire,  William  Locke,  du  Massachusetts  Institute  of  Technology. 

Quatre  travaux  étaient  présentés  dans  l'ordre  suivant:  "Réaction 
des  Poètes  Franco-Canadiens  devant  les  invasions  américaines"  par 
M.  Léopold  Lamontagne,  professeur  au  Collège  Militaire  Saint- Jean 
de  Québec;  "Notes  pour  servir  à  une  bibliographie  franco-américaine" 
par  le  docteur  Gabriel  Nadeau,  secrétaire  de  la  Société  Historique 
Franco- Américaine  ;  "Résumé  d'un  inventaire  franco-américain"  par 
M.  Adolphe  Robert,  président  de  l'Association  Canado- Américaine  ; 
"Quelques  aspects  du  Troisième  Congrès  de  la  Langue  française"  par 
l'abbé  Adrien  Verrette,  président  du  Conseil  de  la  Vie  Française  en 
Amérique. 

Après  la  discussion  qui  se  déroula  sous  la  direction  de  Mlle  Leland, 
les  congressistes  prenaient  le  diner  au  University  Club.  Messieurs  les 
consuls  Francis  Charles-Roux  et  Jean-Louis  Delisle  assistaient  avec  plu- 
sieurs membres  et  invités  du  secteur. 

Vu  que  les  Franco-Américains  étaient  surtout  présents  à  ce  sym- 
posium et  afin  de  donner  une  plus  grande  publicité  aux  travaux  pré- 
sentés, le  bulletin  a  cru  offrir  l'hospitalité  à  ces  études.  Le  secteur 
French  VIII  fut  constitué  en  1941,  et  depuis,  plusieurs  travaux  furent 
présentés  au  symposium  annuel.  Au  nombre  des  présidents  du  secteur, 
se  succédèrent  les  professeurs  Edward  B.  Ham,  Mlle  Marine  Leland, 
M.  Joseph  M.  Carrière,  William  N.  Locke,  M.  David  M.  Dougherty 
et  Mme  Virginia  S.  Nyabongo. 


52  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

(I) 

Les  Poètes  Franco- Canadiens 
devant  les  invasions  américaines 

par 

(Léopold  Lamontagne,  Ph.D.) 

directeur  du  département  de  français 

au 

Collège  Militaire  Royal  de  Saint-Jean  (Que) 

Au  Canada  français,  la  poésie,  née  de  parents  très  pauvres  au 
milieu  du  XVIII  siècle,  a  mené  une  vie  plutôt  rachitique  jusque  vers 
1860,  alors  qu'elle  a  pris  une  vigueur  tardive  et  produit  des  fruits 
relativement  nombreux  et  robustes. 

Hélas,  c'est  de  cette  existence  poétique  plutôt  terne  d'autour  de 
1800  que  j'ai  choisi  de  traiter,  vous  laissant  le  plaisir  et  la  surprise 
d'étudier  d'autres  périodes.  Et  encore,  comme  pour  circonscrire  le 
mal,  j'ai  voulu  restreindre  mon  examen  à  un  aspect  fort  particulier 
de  cette  poésie.  Dédaignant  l'amour  et  ses  jeux,  la  bergère  folâtre  et 
les  longues  satires  morales  et  moralisantes  si  fort  dans  le  goût  de  ce 
siècle,  je  me  bornerai  à  répercuter  en  quelque  sorte  les  accents  mâles 
des  poètes  qui  ont  défendu  à  leur  manière  leur  patrie  attaquée  et  meur- 
trie. Ces  échos  bien  lointains  vont  peut-être  donner  un  son  étrange 
en  ce  milieu  bostonnais  considéré  alors  comme  ennemi;  cependant,  le 
recul  du  temps,  l'amitié  qui  unit  les  deux  peuples  et  le  souci  exclusive- 
ment littéraire  qui  nous  occupe  nous  permettent  d'analyser,  en  toute 
liberté,  les  réactions  des  poètes  franco-canadiens  aux  invasions  améri- 
caines. 

Avant  1760,  (nous  passerons  bientôt  au  déluge)  nos  poètes  n'ont 
guère  écrit  que  des  chansons  de  guerre,  la  plupart  du  temps  dirigées 
contre  les  Anglais  si  acharnés  à  la  conquête  de  la  Nouvelle-France. 
Ils  ont  célébré  à  l'envi  les  victoires  de  la  Monongahéla,  d'Oswego,  du 
fort  William  Henry  et  de  Carillon.  Pour  s'entraîner  au  combat,  ils 
composaient  des  chansons  de  ce  genre: 

"Le  Français  comme  l'Anglais 
Prétend  soutenir  ses  droits. 
Voilà  la  ressemblance; 
Le  Français  par  équité, 
L'Anglais  par  duplicité. 

Voilà  la  différence!" (\) 
Et  tous  ces  couplets  trouvent  une  multitude  de  ressemblances  anodines 
mais  de  différences  malicieuses  entre  les  deux  races. 


(1)     LaRue,  H.  —  Le  Foyer  canadien  —  "Nos  chansons  historiques  Vol.  III, 
p.   17. 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  53 

Après  la  cessation  du  Canada,  la  paix  semble  enfin  descendre  sur 
nos  rives  et  les  Muses  commencent  à  risquer  quelques  sourires  enga- 
geants à  ces  guerriers  qui  viennent  de  rentrer  dans  leurs  foyers.  Elles 
restent  encore  bien  effrayées  par  les  luttes  orageuses  que  le  vaincu 
livre  au  vainqueur  en  vue  de  conserver  sa  religion,  sa  langue  et  ses 
droits.  Cependant,  comme  on  disait  alors,  "la  discorde  a  éteint  son 
flambeau"  et  Pallas  offre  son  "pacifique  rameau."  Dans  une  ode 
composée  en  l'honneur  de  Carleton,  un  poète  peint  même  en  rose  le 
tableau  de  l'époque: 

"Déjà  les  arts  en  liberté 
Paraissant  avec  allégresse 
Dans  le  palais  de  la  sagesse 
Y  sont  reçus  avec  bonté." 

Il  trace  même  aux  dieux  cruels  une  ligne  de  conduite  non-équivoque: 

"Affreux  compagnons  de  Vulcain 
Cessez,  Cyclopes  détestables. 
Par  vos  foudres  trop  redoutables 
De  consterner  le  genre  humain."(2) 

Hélas,  il  ne  se  passe  pas  quinze  ans  que  le  territoire  canadien  est  de 
nouveau  envahi. 

Les  sentiments  canadiens  sont  alors  assez  partagés.  Le  conqué- 
rant lui  a  imposé  une  constitution  militaire,  puis  l'acte  de  Québec, 
régimes  difficiles  à  accepter.  Par  contre  l'envahisseur  lui  a  promis 
liberté  complète,  si  bien  que  lorsqu'il  se  présente  sur  les  murs  de  Québec 
en  1775,  il  vient  sur  le  point  d'emporter  la  capitale,  tant  il  s'est  acquis 
de  sympathies  chez  la  population  anglaise  et  française.  Toutefois,  la 
majorité  des  Canadiens-français,  fidèles  à  la  voix  de  ses  pasteurs,  se 
range  sous  les  ordres  de  son  gouverneur  pour  défendre  le  pays. 

Voici  dans  une  poésie  intitulée:  "L'Invasion  américaine  chantée" 
un  tableau  à  peu  près  complet  de  la  campagne  américaine  : 

En  Canada  est  arrivé 

Une  chose  à  remarquer 

Les  Canadiens  vivaient  tranquilles 

Les  Bostonnais  ont  décidé 

De  les  soumettre  à  leur  contrée 

Partant  de  la  vill(e)   de  Boston 

Ont  pris  le  fort  de  Carillon 

Et  tout{es)    les  autr{es)    place{s)    ensuite 

Et  tout  {es)    les  provisions 

Mortiers,  boulets,  bomb{es)    et  canons. 

(2)      Id.Ibid.,  "Ode  à  l'honorable  Guy  Carleton",  (18  janvier  1770)  p.  18. 


54  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Le  fort  Saint-Jean  en  vérité 
A  pour  sûr  le  mieux  résisté, 
Et  malgré  toute  leur  vaillance 
Les  Bostonnais  l'ayant  bloqué 
Il  a  fallu  capituler 

Montgomery,  leur  général, 

En  arrivant  à  Montréal, 

Sur  le  champ  fait  sommer  la  ville 

Qu'elle  (e)    doit  se  soumettre  au  congre  (sic) 

Il  a  fallu  capituler. 

Montgomery  après  cela 
Poursuit  Carleton  à  grand  pas 
A  entré  par  la  Basse-ville 
Pour  prendre  Québec  par  assaut 
C'est  là  qu'il  trouve  son  tombeau    (3) 
Les  Canadiens-français  ont  opposé  une  résistance  sérieuse  à  l'inva- 
sion américaine  et  c'est  en  grande  partie  grâce  à  eux  si  l'expédition  a 
échoué.     Par  contre  plusieurs  Anglais,  surtout  des  commerçants  sont 
sortis  de  la  ville  pour  éviter  le  siège.    Voyez  comment  un  cavalier  de 
Pégase  les  fustige: 

"J'entends  quelquefois  des  faquins 
Qui  méprisent  les  Canadiens, 
Mais  ce  sont  des  vipères; 
Quand  il  a  fallu  batailler 
Ils  n'ont  cherché  qu'à  reculer 
Demi-tour  en  arrière; 
Et  tous  ces  braves  citadins 
Sont  fanfarons  et  bons  à  rien 

Bon,  bon,  bon. 
Le  bruit  du  canon 
Leur  vaut  un  bon  clystère." 
La  fin  du  troisième  couplet  offre  une  variante  plus  propre  sans 
qu'elle  ne  soit  plus  douce: 

"       Bon,  bon,  bon. 
Le  bruit  du  canon 
Les  chasse  en  Angleterre." 
Et  je  ne  puis  m'empêcher  de  vous  citer  la  recette  tactique  que 
nos  généraux  pourraient  encore  utiliser  avec  profit: 
"       Bon,  bon,  bon. 
Canon  et  flacon 
Conduisent  à  la  victoire."{A) 

(3)  Bulletin  des  Recherches  historiques  1920  p.  242. 

(4)  LaRue  H.  —  Le  Foyer  canadien  —  "Les  chansons  historiques"  Vol.  III 
p.  40-41. 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  55 


Mais  les  poètes  ont  aussi  tiré  sur  les  Américains  leurs  traits  les 
plus  acérés,  comme  dans  cette  chanson  Yankee  Doodle: 

"Les  premiers  coups  que  je  tirai 

Sur  ces  pauvres  rebelles 

Cinq  cents  de  leurs  amis 

Ont  perdu  la  cervelle. 

Yankee  Doodle,  tiens-toi  bien 

Entends  bien  c'est  la  musique 

C'est  la  gigue  du  Canadien 

Qui  surprend  l'Amérique  (5) 
En  somme,  la  résistance  poétique  à  l'invasion  américaine  de  1775, 
si  elle  ne  s'est  guère  montrée  ardente,  est  restée  loyale  à  la  couronne. 
Entre  la  Royauté  qui  venait  de  lui  accorder  le  privilège  de  garder 
sa  religion,  sa  langue  et  ses  lois  et  la  République  qui  lui  promettait 
une  liberté  beaucoup  moins  sûre,  le  Canadien  s'en  est  tenu  au  pro- 
verbe:   Un  tiens  vaut  mieux  que  deux  tu  l'auras. 

Une  fois  l'envahisseur  rejeté  hors  des  frontières  et  l'épée  remise  au 
fourreau,  le  poète  a  repris  sa  lyre.  Le  climat  politique  est  de  plus  en 
plus  favorable.  L'Angleterre  vient  de  voter  la  loi  constitutionnelle 
accordant  aux  Canadiens  la  responsabilité  de  gouvernement.  Com- 
ment alors  ne  pas  chanter  Vive  Georges  III  "le  plus  chéri  des  Rois" 
et  r"auguste  nom"  de  ces  "fiers  Anglais"  qui  font  "régner  la  raison". 
Heureux,  s'écrie  le  poète  possédé  du  démon  (daim on)  de  la  recon- 
naissance : 

"Heureux  celui  qui  peut  comprendre 

Quel  est  le  prix  de  vos  bienfaits". {Çt) 
Cette  admiration  pour  l'Anglais  se  complique  d'un  phénomène 
historique  qui  intéresse  l'univers  de  l'époque:  l'ascension  inquiétante 
du  caporal  dompteur  de  peuples:  Napoléon.  Je  vous  laisse  à  trouver 
les  raisons  pour  lesquelles  les  poètes  canadiens-français  se  sont  rangés 
sous  la  bannière  d'Albion  contre  l'empereur  français,  et  qu'ils  sont 
même  allés  jusqu'à  célébrer  le  courage  de  Nelson: 

"Des  Français  il  dompte  la  rage 

Rien  ne  résiste  à  vos  guerriers. 

Conservons  notre  monarchie. 

Respectons  le  trône  des  rois; 

Détestons  l'affreuse  anarchie 
Qui  réduit  la  France  aux  abois." (7) 
C'est,  en   1799,  Les  Châtiments  contre  Napoléon  le  Grand,  54 
ans  avant  Les  Châtiments  contre  Napoléon  le  Petit. 

La  guerre,  du  moins  sur  notre  continent,  semble  bien  finie  et  le 
poète  canadien  va  se  tourner  probablement  vers  la  vie  des  champs 
comme  le  fait  en  France  l'abbé  Delille  qui  publie  ses  Jardins  en  1 792, 

~(5)     ïd.Ibid.  p.  39   (1775) 

(6)  Huston  —  Répertoire  national  Vol.  I  p.  72   (chanson  de  1799) 

(7)  Id.  Ibid. 


56  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


son  Homme  des  Champs  en  1800  et  ses  Trois  règnes  de  la  nature  en 
1809.     On  chante  en  tout  cas  la  paix  et  ses  bienfaits: 

"Sous  l'aile  d'Albion,  sous  les  lois  qu'elle  donne, 

Nous  .jouissons  de  cent  bienfaits  divers. 

Fortunés  habitants,  chantons  dans  nos  concerts 

La  Déité  qui  les  couronne. 

Fille  des  deux,  aimable  paix 

Qui  sur  ces  bords  as  fixé  ton  empire 

A  nos  désirs  daignes  sourire 

Et  ne  t'en  éloignes  jamais." {Q) 
Le  voeu  pacifique  que  chante  cet  hymne  ne  sera-t-il  pas  exaucé? 
Mars  viendra-t-ii  toujours  enlever  son  sceptre  à  Cérès?    Voilà  que  de 
nouveau  Bellone  menace  nos  moissons. 

En  effet,  le  18  juin  1812,  les  Etats-Unis  déclarent  la  guerre  à  la 
Grande  Bretagne  déjà  passablement  occupée  contre  la  France  de  Napo- 
léon. (Etrange  revirement  des  choses:  les  Américains  se  battaient 
alors  pour  conquérir  le  Saint-Laurent  qu'ils  se  défendent  si  ardemment 
aujourd'hui  de  vouloir  partager.) 

Le  canon  remplit  les  airs  de  ses  bruits  infernaux  au  milieu  desquels 
on  entend  les  chants  de  guerre  et  de  victoire: 

"Déjà  nos  vaillantes  cohortes 

S'avancent  au  champ  de  l'honneur 

Montréal  n'a  besoin  ni  de  murs  ni  de  portes 

Défendu  par  des  bras  qu'anime  la  valeur." {9) 
Ici  je  serai  plus  à  l'aise  car  nos  hôtes  ne  seront  plus  en  cause.  En 
effet,  l'histoire  vous  l'apprend,  lorsque  le  Congrès  des  Etats-Unis  a 
ordonné  le  recrutement  de  cent  mille  hommes  en  vue  de  l'agression 
qu'il  méditait  contre  le  Canada,  le  Massachusetts  et  le  Connecticut 
ont  refusé  de  fournir  leur  contingent.  La  Nouvelle-Angleterre  est 
même  allée  plus  loin  en  expédiant  des  vivres  aux  Canadiens. 

Pour  compléter  le  climat  historique  de  ces  années  terribles,  rappe- 
lons succinctement  que  trois  généraux  américains  envahissant  le 
Canada:  Dearborn  le  20  novembre  1812  avec  1,500  hommes,  Hamp- 
ton  le  21  octobre  1813  avec  8000  hommes  et  Wilkinson  le  30  mars 
1814  avec  8,226  hommes.  C'est  à  Châteauguay,  sur  la  route  de  Mont- 
réal, que  le  Colonel  Salaberry,  âgé  seulement  de  33  ans,  à  la  tête  de 
300  Voltigeurs  et  de  quelques  centaines  d'Indiens  repoussa  le  général 
Hampton  et  ses  8,000  hommes.  Je  ne  puis  résister  ici  au  plaisir  de  vous 
rapporter  un  fait  peu  poétique  il  est  vrai  mais  illustrant  l'utilité  de  la 
langue  française.  Au  capitaine  Daly,  le  colonel  Salaberry  crie  ses 
ordres  en  français  et  prescrit  à  son  subalterne  de  se  servir  de  cette 
langue  "afin  de  n'être  pas  compris  des  envahisseurs." 

Ces  quelques  détails  d'ordre  historique  nous  permettront  de  mieux 
situer  cette  poésie  si  florissante  de  1812.     Benjamin  Suite,  un  poète 

(8)  Ma  Saberdache  Vol.  P  "A  la  paix"   1788   (par  Joseph  Quesnel) 

(9)  Id.  vol.  2  p.  217  "Stances  sur  la  guerre  de  1812".    (Daulé,  ptre) 


MODERN    LANGUAGE    ASSOCIATION  57 


amateur  de  l'époque  ultérieure  indique  les  thèmes  généraux  que  vos 
bardes  ont  chantés: 

"Ce  jour   {de  Chateauguay)    est  immortel  . 
Ils  combattaient  pour  Dieu,  le  pays  et  les  belles. 
Et  tout  nàivement  ils  savaient  s'illustrer." {10) 
Ils  combattaient  pour  Dieu.  —  En  effet,  ayant  échappé  à  l'in- 
fluence irreligieuse  de  la  révolution  française,  nos  pères  avaient  con- 
servé une  foi  très  forte  et  ils  craignaient  le  conquérant  américain  qui 
en  établissant  l'égalité  des  cultes  leur  apportait  une  liberté  dont  ils  ne 
voulaient  pas.     C'est  pourquoi  en  tête  des  caractéristiques  de  la  poésie 
guerrière  de  l'époque     se  place  l'inspiration  religieuse.     Les  exemples 
ne  manquent  pas  mais  je  voudrais  vous  citer  au  moins  un  quatrain 
d'une  cantate  qui  rappelle  d'assez  près  certaines  stances  de  Racine 
(je  veux  dire  Louis)  : 

"Dieu  protecteur  de  l'innocence 
Que  ton  bras  s'élève,  .pour  nous. 
Tous  nos  fiers  ennemis  resteront  sans  défence. 
Un  seul  de  tes  .regards  les  dissipera  tous."{l\) 
A  cet  égard  il  faudrait  lire  au  complet  YHymne  aux  Canadiens  de 
Mermet  dont  la  deuxième  strophe  est  assez  éloquente.     A  la  voix  de 
Mgr  Plessis  "les  chrétiens.  .  .  vont  s'armer,  vaincre  ou  mourir".     Rete- 
nez ce  distique  tout  à  fait  cornélien: 

"Ah!  dès  qu'à  la  valeur  la  piété  s'allie. 
Que  peut  notre  ennemi?  Qu'il  tremble  et  s'humilie! {12) 
Religieuse,  cette  poésie  est  aussi  patriotique.  A  la  différence  des 
poètes  de  1775,  ceux  de  1812  sont  unanimes  en  faveur  de  l'Angleterre 
contre  les  Etats-Unis  et  Napoléon  qui  les  favorise.  Cette  fois  plus 
d'hésitations,  pas  de  neutralité,  pas  de  sympathie  du  côté  de  l'Améri- 
cain. Une  chanson  célèbre  de  l'époque  l'indique  clairement  dans  son 
refrain: 

"On  dit  que  l'Américain 
Menace  la  Province 
Et  qu'il  veut  d'un  coup  de  main 
Déposséder  un  Prince. 
Mais  je  suis  soldat,  moi; 
Fidèle  à  ma  Patrie 
Et  pour  elle  et  pour  mon  Roi 
Je  donnerai  ma  vie." {13) 
Cette  image  de  Dieu  qui  plane  au-dessus  de  toutes  ces  chansons, 
cette  évocation  du  roi,  cette  fidélité  à  la  patrie,  ne  rappellent-ils  par 
la  foi  robuste  et  le  patriotisme  ardent  des  chansons  de  gestes?     On 
retrouve  de  ces  traces  épiques  même  dans  les  expressions.     Par  exem- 


(10)  Taché  L.  H.  —  La  poésie  française  du  Canada  p.  223. 

(11)  Ma  Saberdache,  vol.  2  p.   217   "Stances  sur  la  guerre  de  1812' 

(12)  Ma  Saberdache,  vol.  4.  "Hymne  aux  Canadiens." 

(13)  LaRue  H.  —  Le  Foyer  canadien  vol.   III  p.  65. 


58  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


pie,  on  utilise  souvent  la  comparaison  descendant  de  l'homme  aux 
animaux  : 

"Yankees   {ce  n'est  pas  un  terme  de  la  comparaison) 

Yankees,  si  vous  bronchez  là-bas. 

Ils  iront  rencontrer  vos  pas; 

Pas  canadien,  c'est  pas  de  grue, 

Pas  de  Yankees,  pas  de  tortue  .  .   .(14) 
Cette  rudesse  verbale  provenant  d'une  conviction  toute  fruste  se 
retrouve  dans  cette  bravade  qui  semble  bien  sortir  d'une  armure  du 
moyen  âge: 

"Vous  sentirez,  cannibales. 

Si  la  mort  a  des  attraits." {\ 5) 
Chateauguay  serait  facilement  devenu  notre  Roncevaux  et  Sala- 
berry,  notre  Roland.  Mais  il  y  a  une  légère  différence  .  .  .  d'ordre 
historique.  C'est  que  Chateauguay  pour  nous  a  été  une  brillante  vic- 
toire de  trois  cents  Canadiens  contre  huit  mille  Américains.  Pour  un 
auteur  qui  a  des  lettres,  et  nos  poètes  n'en  manquaient  pas,  la  compa- 
raison s'établissait  d'elle-même: 

Oui!  trois  cents  sur  huit  mille  obtinrent  la  victoire 

"Ici,  les  Canadiens  se  couvrirent  de  gloire; 

Passant,  admire-les  .  .  .  Ces  rivages  tranquilles 

Ont  été  défendus  comme  les  Thermopyles; 

Ici  Léonidas  et  ses  trois  cents  guerriers 

Revinrent  parmi  nous  cueillir  d'autres  lauriers." (16) 
Tout  le  récit  de  cette  "Victoire  de  Chateauguay"  de  Mermet 
emprunte  d'ailleurs  la  trompette  épique.  Le  poète  apparemment 
affectionne  cette  évocation  antique  puisqu'il  la  reprend  à  l'occasion 
d'une  visite  qu'il  fait  à  son  héros  à  Chambly.  Il  nous  en  a  laissé  ce 
portrait  multiface,  fort  érudit: 

"Au  camp  Léonidas,  aux  champs  Cincinnatus, 

Thémistocle  au  conseil,  à  table  Lucullus.   .  ."(17) 
On  pourrait  difficilement  souhaiter  davantage! 
Cette  poésie  teintée  de  merveilleux  chrétien  et  chantant  les  héros 
de  la  patrie  trouve  maintes  raisons  de  défendre  le  sol  des  aïeux,  le 
foyer,  la  famille.    Mères,  filles,  épouses  s'unissent  en  une  prière  ardente 
pendant  que 

"L'époux  doit  s'arracher  des  bras  de  la  tend? esse; 

Il  bénit  au   berceau  l'enfant  qui  le  caresse. 

Adieu,  dit-il,  adieu!  je  vais  vous  secourir; 

Pour  vous,  je  vais  vaincre  ou  mourir. 

Je  suis  époux  et  père  et  je  dois  vous  défendre." (18) 


(14)  Id.  Ibid. 

(15)  Taché,  L.H.  —  La  poésie  française  au  Canada  p.   10. 

(16)  Huston   —  Le   Répertoire   national   —   "La   Victoire   de   Chateauguay 
Vol.   I.  p.  95. 

(17)  Id.  Ibid. 

(18)  Ma  Saberdache,  vol.   4,   "Hymne  aux  Canadiens". 


MODERN    LANGUAGE    ASSOCIATION  59 


Même  dans  les  malheurs  qui  affligent  leur  patrie  et 
leur  famille,  ces  poètes  restent  français:  ils  conservent  aux  plus  som- 
bres moments  leur  gaieté  proverbiale.  En  effet,  cet  "Hymne  aux 
Canadiens"  chanté  plutôt  sur  un  mode  mineur  adresse  à  l'Américain 
ce  trait  vainqueur: 

"On  chante  sur  nos  bords  quand  sur  les  tiens  on  tremble." (19) 
Le  poète  trouve  en  effet  d'autres  cordes  que  la  corde  d'airain  et 
il  sait  rire  à  l'occasion,  lorsqu'il  visite  Salaberry  par  exemple  qu'il  ra- 
conte l'engagement  de  Sackett's  Harbour: 

"Point  de  retraite 

Comme  à  Sackett 

Honte  qui  montre  aux  combats 
Ses  pays  bas!" (20) 
A  ces  thèmes  généraux  on  peut  ajouter  la  description  des  maux 
qu'apporte  la  guerre.     A  cet  égard,  rien  de  particulier  à  noter  puisque 
les  poètes  ont  déploré  à  l'envi  les  horreurs  et  les  ruines  qu'entraîne 
"la  pompe  homicide." 

Enfin  la  paix  revint  entre  les  deux  pays  et  nos  Apollons  abandon- 
nèrent la  trompette  d'airain  pour  le  rustique  chalumeau.  Dans  le 
Spectateur  du  16  mai  1815  on  trouve  un  poème  curieux  intitulé: 
"Soliloque  d'un  enfant  de  Cérès  sur  la  saison  et  les  affaires  présentes 
du  Canada" ;  il  commence  par  un  souvenir  de  rancune: 

"L'Américain  jaloux  en  vain  dans  sa  folie 

A-t-il  voulu  troubler  une  si  douce  vie.  .  ."(21) 
L'enfant  de  Cérès  continue  sur  ce  ton  à  déplorer  les  méfaits  du  "fier 
dieu  des  combats."     D'autres  poètes  conseillent  de  se  tourner  vers  des 
oeuvres  de  paix: 

"Dignes  soutiens  de  la  patrie 

Vous  qu'on  voyait  dans  les  combats 

Hasarder  mille  fois  la  vie 

Et  braver  même  le  trépas. 

Canadiens  à  vos  amantes 

{Vous  leur  devez  ce  juste  prix) 

Donnez  vos  mains  encore  fumantes 

Des  flots  de  sang  des  ennemis." {22) 
Il  faut  croire  alors  que  le  sang  de  ces  féroces  Américains  était 
agréable  aux  jeunes  amantes  Canadiennes  puisque  les  guerriers  allaient 
à  elles  sans  laver  leurs  mains  .  .  .  "des  flots  de  sang  ennemi". 

Un  autre  exemple  assez  curieux  de  notre  poésie  des  débuts  du 
XIXe  siècle  et  qui  plaira  sûrement  aux  amateurs  de  littérature  com- 

(19)  Id. 

(20)  Id.  vol.  5  p.   100. 

(21)  Le  Spectateur,   16  mai   1815. 

(22)  Id.   7  mars   1815  "Couplets  sur  la  paix". 

(23)  Id.  9  mai   1815  "Tableau  de  la  cataracte  de  Niagara  après  la  bataille 
du  25  juillet  1814. 

(24)  Id. 


60  BULLETIN    DE   LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

parée  est  une  description  des  chutes  Niagara  par  Joseph  Mermet  à 
rapprocher  du  court  tableau  en  prose  qu'en  fait  Chateaubriand. 

La  description  de  notre  poète  est  écrite  après  la  bataille  du  25 
juillet  1814,  soit  donc  treize  ans  avant  la  publication  du  Voyage  en 
Amérique,  mais  douze  ans  après  le  Génie  du  christianisme  qui  abonde 
aussi  en  descriptions  américaines. 

L'oeuvre  canadienne  commence  par  un  récit  animé  de  la  bataille. 
Du  vacarme  des  combats  le  poète  passe  naturellement  au  bruit  de  la 
cataracte  altière: 

"Emus,  nous  admirons  ces  pyramides  d'eau. 
Les  sommets  écumeux  d'un  déluge  nouveau;{23) 
c'est  là  qu'on  voit  les  soldats  canadiens  suspendre  leurs  combats  pour 
admirer  les  chutes;  le  poète  les  compare  d'une  façon  assez  inattendue 
aux  Grecs,  près  des  murs  d'Ilion,  reposant  leurs  armes  pour  s'extasier 
sur  les  rives  du  Xanthe,  devant  l'Ida  sourcilleuse.  Ces  souvenirs  de 
l'antiquité  païenne  de  la  Grèce  et  de  l'Egypte  sont  suivis  d'une  superbe 
profession  de  foi: 

"Ici,  c'est  de  Dieu  seul  que  je  vois  le  chef-d'oeuvre 
Cet  aspect  merveilleux  m'inspire  un  saint  effroi; 
Pour  être  tout  à  lui,  je  ne  suis  plus  à  moi! {24: 
Le  poète  "frémit  avec  l'eau  et  tremble  avec  le  roc".     Puis,  c'est  la 
nuit  qui  vient  et   "la  frappante  beauté  se  transforme  en  horreur". 
Devant  ce  spectacle  grandiose,  sous  les  étoiles,  au  milieu  de  "ce  calme 
que  fatigue  un  murmure  éternel,  le  poète  est  ému  et  avoue  que  "Tout 
ici  parle  à  l'âme  et  la  met  dans  les  deux". 

En  somme,  ces  deux  descriptions  de  Mermet  et  de  Chateaubriand 
sont  bien  de  leur  époque  et  manifestent  la  recherche  de  Dieu  dans  les 
phénomènes  de  la  nature.  Il  est  indéniable  cependant  que  pour  une 
fois  la  prose  l'aura  emporté  en  poésie  sur  la  versification. 

Jusqu'à  présent,  toutefois,  les  poètes  canadiens  ont  semblé  épar- 
gner Boston;  ils  ont  attaqué  l'envahisseur  américain,  mais  le  Massa- 
chusetts peut  aisément  se  disculper  pour  n'avoir  pas  fait  partie  de 
l'entreprise.  Pourtant  les  Bostonnais  ne  s'en  tireront  pas  à  si  peu  de 
frais  et  je  relèverai  au  moins  deux  oeuvres  qui  osent  s'en  prendre  à 
eux. 

La  première  est  une  satire  de  Michel  Bibaud  contre  l'intolérance, 
la  rage  fanatique  et  la  persécution.  Elle  évoque  le  tragique  décès  de 
Suzanne  Martin,  mère  d'une  nombreuse  famille,  que  vous  devez  con- 
naître mieux  que  moi.  Mais,  dit  le  poète,  au  déshonneur  du  peuple 
de  Boston,  "pour  crime  de  sorcellerie,  elle  finit  ses  jours  sur  le  bûcher. 
Vaut-il  la  peine  d'essayer  de  prendre  le  poète  en  erreur?  Après  tout, 
ce  n'est  pas  un  historien  et  il  saura  toujours  se  retrancher  derrière  les 
licences  poétiques.  Cependant,  disons  que  pour  la  bonne  réputation 
de  nos  hôtes,  Suzanne  Martin  n'était  pas  de  Boston,  mais  d'Amesbury, 
licence  assez  considérable,  qu'elle  subit  deux  procès  à  Salem,  l'un  en 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  61 

1669  OÙ  elle  fut  acquittée  et  l'autre  en  1692  où  elle  fut  condamnée. 
L'un  des  faits  semble  correspondre  exactement  chez  le  poète  et  chez 
l'historien.    Le  premier  dit: 

"A  l'entière  cité  Suzanne  était  aimable ." {2b) 
Le  second  confirme  par  la  bouche  d'un  témoin  au  procès:  "Suzanne 
Martin,  un  dimanche  soir,  s'est  introduite  dans  ma  chambre  par  une 
fenêtre  et  elle  s'est  étendue  sur  moi  pendant  près  de  deux  heures,  sans 
que  je  puisse  ni  parler  ni  bouger  .  .  ."  (26)  Le  pauvre  homme!  Et 
quelle  sorcière! 

L'autre  licence  poétique  tient  à  un  détail  peut-être  insignifiant 
pour  nous  mais  important  pour  Suzanne.  Au  lieu  de  monter  glorieu- 
sement sur  le  bûcher  comme  Jeanne  d'Arc,  elle  est  ignominieusement 
descendue  d'un  échafaud  le  19  juillet  1692.     C'est  moins  poétique! 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  Bostonnais  se  sont  lavés  encore  facilement 
de  cette  accusation  de  fanatisme.  Mais  j'ai  gardé  pour  la  fin  le  venin. 
Cette  fois,  ils  ne  peuvent  nous  échapper  et  l'on  va  enfin  connaître  les 
réactions  des  poètes  canadiens-français  à  l'égard  des  citoyens  de  la 
capitale  du  Massachusetts: 

"Après  un  grand  dîner  qu'on  donnait  à  Boston, 

Chacun  se  trouva  pris  du  hoquet  à  la  mode. 
Chacun  de  l'air  le  plus  commode 

Exhalait  ses  vapeurs,  rendait  le  même  son. 

Les  dames  même  en  faisaient  leur  chanson. 

Pris  d'un  combat  naval  on  raconta  l'histoire. 

On  disputa,  mais  sans  cesser  de  boire; 

Et  le  ho-quet  coupait  les  arguments: 

C'était  des  mais,  des  si  .  .  .  c'était  un  bruit  de  foire; 

Oui!  s'écria  l'un   d'eux,  nous  eûmes  la  vic-toire, 

La  mer  -  est  le  plus  beau  -  de  tous  les  .  .  .  élémens; 

Nous  y  trouvons  .  .  .  la  fortune  et  ...  la  gloire. 

Morbleu,  dit  un  Français,  c'est  bien  facile  à  croire, 

Puisqu'à  vos  tables  même,  on  dispose  des  vents." (27) 
Avait-on  servi  ce  jour-là  ces  fameuses  "Boston  Beans"? 
Et  voilà!    Nous  en  avons  assez  relevé  sur  le  dos  de  ces  pauvres 
Américains.     Si  l'on  se  tournait  un  peu  maintenant  vers  ces  poètes 
mêmes  pour  voir  si  à  leur  tour  ils  ne  méritent  pas  quelques  reproches. 
D'abord,  quels  sont  leurs  titres  à  la  poésie?     Nous  ne  parlerons 
pas  de  chansonniers,  versificateurs  d'occasion.    Parmi  les  autres,  Joseph 
Quesnel  était  marchand  de  village,  Joseph  Mermet,  officier  de  car- 
rière, Michel  Bibaud,  professeur  et  historien.     Bédard  était  politicien, 
et  Turcotte,  industriel.    Plus  tard  les  Muses  dédaigneront  ces  humbles 
métiers  et  n'habiteront  plus  que  chez  des  notaires  ou  des  avocats. 

(25)  Bibaud,  Michel  —  Epitres,  satires,  chansons   1830  —  "Le  fanatisme". 

(26)  Burr,  G.L.  —  Narrative  of  the  Witchcraft  Cases,  1648-1706. 

(27)  Ma  Saberdache,  vol.  5  p.   161. 


62  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Ces  poètes  ont  écrit  autres  choses  que  des  chansons,  des  hymnes 
et  des  odes  militaires;  mais  vous  avez  déjà  reconnu  les  défauts  de  ces 
sortes  d'exercices  d'écoliers:  enflure,  pédanterie,  préciosité,  goût  de  la 
cheville  et  de  l'inversion,  l'emploi  d'une  mythologie  vieillotte  si  pro- 
fondément en  désaccord  avec  l'âme  ardente  de  cette  jeune  nation 
canadienne.  Ecoutez  le  son  étrange  de  ces  vers  en  pleine  forêt  de 
Chateauguay  : 

"Mars  apprête  son  casque  et  Pallas  son  égide." (28) 
Il  faut  une  imagination  bien  sèche  pour  ne  trouver  que  cette  évoca- 
tion caduque  en  face  de  la  masse  d'eau  immense  du  Niagara: 
"C'est  le  miroir  ardent  dont  le  cristal  épais 
De  l'amant  de  Thétis  réfléchit  les  attraits. {29) 
De  telles  images  abîment  cette  poésie  déjà  gâtée  par  l'abus  de  péri- 
phrases usées.     Qui  a  déjà  vu  des  Naïades  dans  les  ondes  du  Niagara? 
Elles  y  seraient  fort  mal  à  l'aise  pour  effectuer  leurs  jeux  élégants. 
Les  canons  sont  les  "bronzes  tonnants".    Le  "fer  de  Mars"  c'est-à-dire 
l'épée  ne  servait  plus  guère  à  l'époque  de  l'artillerie.     On  a  même 
cherché  à  acclimater  sur  nos  bords  Pégase,  Pomone,  Démona.    Ils  n'y 
ont  heureusement  pas  vécu. 

A  côté  de  ces  défauts,  on  pourrait  relever  l'absence  de  certaines 
qualités  essentielles  à  la  poésie  qu'on  est  aujourd'hui  habitué  de  con- 
sidérer comme  un  mode  de  connaissance  émotionnelle,  par  qui  le 
monde  est  appelé  "à  naître  une  nouvelle  fois."  (Maulnier)  Il  lui 
manque  certes  cet  "état  de  transe"  dont  parle  Mounin.  On  voudrait 
aussi  plus  de  souplesse  et  de  variété  dans  le  rythme,  plus  de  richesse 
dans  le  vocabulaire.  Cette  poésie  est  lourde;  elle  tourne  autour  de 
l'idée,  l'amplifie  par  les  procédés  d'une  rhétorique  trop  raffinée;  elle 
se  hâte  trop  lentement.  Le  compte  exact  des  syllabes  est  là  mais 
l'inspiration  en  est  absente.  La  poésie  qui  pour  nous  est  une  combi- 
naison d'intelligence,  de  sentiment  et  d'art  devient  chez  eux  une  affaire 
de  raisonnement,  de  ressentiment  et  d'artifices.  Il  ne  faut  pas  oublier 
que  ces  versificateurs  sont  les  contemporains  de  l'abbé  Delille,  de  Jean- 
Baptiste  Rousseau,  de  Népomucène  Lemercier  et  de  Lebrun  Pindare, 
pour  lesquels  on  n'a  jamais  été  bien  tendre  en  France.  C'est  ainsi 
qu'on  les  a  appelés  les  petits  poètes  en  les  opposant  à  ceux  du  siècle 
précédent  et  suivant. 

Par  contre,  lorsque  nous  aurons  décidé  de  ne  pas  rechercher  de 
lyrisme  en  cette  poésie  nous  trouverons  peut-être  certains  motifs  d'in- 
dulgence envers  ces  poètes  du  début  du  XIXe  siècle.  Ils  ont  produit  des 
oeuvres  militantes,  belliqueuses  même.  Ou  bien  ils  défendent  une  idée 
ou  leur  territoire,  ou  bien  ils  attaquent  un  ennemi  politique  ou  littéraire. 
Ils  n'ont  pas  le  loisir  de  s'étudier  et  de  se  raconter. 

D'ailleurs,  ils  vivent  au  milieu  d'un  peuple  peu  nombreux,  dont 
la  population  mal  instruite  n'atteint  pas  les  cent  mille.    Le  siècle  qui 

"(28)     îd.  vol.  5  p.  146. 
(29)     Le  Spectateur,  9  mai  1815. 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  63 

les  a  vu  naître  n'était  guère  propice  à  l'inspiration  ni  à  la  production 
poétiques.  Ce  fut  un  âge  de  fièvre  et  de  combat  troublé  par  les  pas- 
sions politiques^  travaillé  par  les  idées  révolutionnaires.  Après  la  guerre 
de  Sept  Ans,  c'est  la  lutte  pour  la  conquête  des  libertés  religieuses, 
parlementaire  et  civile  ;  puis  c'est  en  deux  occasions  la  reprise  des  armes 
pour  la  défense  du  territoire.  A  cette  époque  les  discours  seuls  rete- 
naient l'attention.  On  écoute  Papineau;  on  n'entend  guère  Bibaud. 
Ce  petit  peuple  abandonné  sur  les  bords  du  Saint-Laurent  se  demande 
avec  anxiété  qui  va  l'emporter  dans  la  partie  oii  se  joue  son  existence 
nationale. 

Les  sources  de  cette  poésie  sont  si  desséchées  que  vingt  ans  plus 
tard  on  chantera  encore  les  braves  Voltigeurs: 

"Demi-dieux  par  le   coeur  et  géants  par  la  taille. 

Ils  tordaient  dans  leurs  bras  l'Amérique  en  arrêt!" (30) 
et  leur  vaillant  colonel  qu'on  n'a  pas  encore  oublié: 

"Sur  ton  front  où  Bellone  avait  tracé  des  rides 

Et  l'immortalité."  (31) 
On  parle  bien  de  Bellone  encore  mais  on  sent  qu'il  y  a  quelque  chose 
de  nouveau  dans  ces  vers;  ces  "demi-dieux  par  le  coeur"  et  "géants  par 
la  taille"  indiquent  l'emploi  nouveau  d'une  image  ancienne.  Ce  rejet  au 
second  vers  de  "Et  l'immortalité"  manifeste  bien  que  sur  les  bords  du 
Saint-Laurent  comme  sur  les  rives  de  la  Seine  on  essaie  de  briser  ce 
grand  niais  d'alexandrin.  D'ailleurs,  en  ce  rapprochement  du  "coeur" 
et  de  la  "taille",  en  ce  "tordaient  dans  leurs  bras  l'Amérique.  .  ."  en 
cette  juxtaposition  des  "rides"  et  de  "l'immortalité",  on  reconnaît  sans 
peine  l'auteur  qui  publiant  en  France  cette  même  année  1835  ses 
Chants  du  Crépuscule.  C'est  le  romantisme  qui  s'introduit  enfin  dans 
la  citadelle  de  Québec  et  qui  changea  la  face  de  l'art  poétique  français 
au  Canada.     . 

La  poésie  des  années  1800  se  serait  donc  perdue  en  des  disserta- 
tions morales  très  laborieuses,  en  des  épitres  et  des  satires  à  la  Boileau, 
bref  en  des  sujets  abstraits  et  en  des  vers  plus  abstraits  encore,  sans  la 
visite  armée  des  Américains  qui  ont  ainsi  eu  l'honneur,  comme  les  Sar- 
rasins en  France,  d'avoir  éveillé  la  poésie  dans  la  Nouvelle-France. 

(30)  Huston   —   Le   Répertoire    national.    J.    Phelan    "A   Salaberry"    1835. 
Vol.  I  p.  342. 

(31)  Id.  Ibid. 


64  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


(II) 

Noies  pour  servir  à  une  Bibliographie 
franco-Américaine  * 

(Gabriel  Nadeau) 

Le  bibliographe  bien  connu  Edward-Larocque  Tinker,  exposant 
les  raisons  qui  l'avaient  amené  à  compiler  un  répertoire  des  écrits 
louisianais,  s'exprimait  ainsi:  "Comme  l'usage  d'écrire  en  langue  fran- 
çaise a  réellement  cessé  en  1900  dans  la  Louisiane  et  que  cet  usage  ne 
reviendra  plus,  le  moment  est  venu  de  faire  l'inventaire  des  restes 
littéraires  «de  ce  pays»."    (  1  ) 

S'il  fallait  attendre  que  la  langue  française  fût  disparue  en  Nou- 
velle-Angleterre pour  inventorier  nos  restes  à  nous,  c'est  à  une  autre 
génération  que  cette  tâche  serait  dévolue.  Mais  est-il  essentiel  qu'une 
langue  soit  morte  pour  faire  le  détail  de  ses  productions?  Je  ne  le 
crois  pas,  car  autrement  ce  serait  se  priver  de  moyens  d'enquête  très 
utiles.  Une  bibliographie  exige  des  recherches  soignées  et  minutieu- 
ses; c'est  pendant  que  la  langue  se  parle  et  s'écrit  encore  qu'il  faut 
s'occuper  d'assembler  les  matériaux  d'une  oeuvre  aussi  importante. 

Définition 

Mais  que  je  définisse  d'abord  ce  que  j'entends  par  bibliographie 
franco-américaine.  Le  mot  de  "franco-américain"  prête  à  confusion, 
je  l'admets  volontiers,  et  on  l'emploie  dans  des  sens  bien  différents. 
Appliqué  à  la  bibliographie,  le  plus  souvent  il  englobe  les  ouvrages 
américains  se  rapportant  à  la  France,  les  ouvrages  français  se  rappor- 
tant aux  Etats-Unis  et  les  ouvrages  américains  traitant  des  groupements 
français  d'Amérique.  M.  Médard  Carrière  et  ses  collaborateurs,  par 
exemple,  intitulent  Franco-American  Studies  un  des  chapitres  de  la 
recension  bibliographique  qu'ils  publient  chaque  année,  et  ils  donnent 
à  cette  rubrique  son  sens  le  plus  étendu.  (2)  Pour  d'autres,  un  impri- 
mé franco-américain  peut  vouloir  dire  aussi  bien  un  ouvrage  du  Cana- 
da français  qu'un  ouvrage  français  de  la  Nouvelle-Angleterre.  Prenons 
un  titre  comme  Franco-American  Review  et  son  équivalent  de  Revue 
franco-américaine.  En  1908,  Joseph-Léon-Kemner  Laflamme  fon- 
dait la  Revue  franco-américaine  qui  parut  jusqu'en  1913.  (3)  En 
1936,  paraissait  aux  presses  universitaires  de  Yale  une  autre  revue  qui 
s'appelait,  elle,  Franco-American  Review  et  portait  en  sous-titre  Revue 
franco-américaine.  (4)  Or  ces  appellations  identiques  désignaient  des 
choses  différentes.  La  revue  publiée  par  Laflamme  s'intéressait  uni- 
quement aux  Canadiens-français  et  à  leurs  descendants  des  Etats-Unis, 

*  Travail  lu  au  Congrès  de  la  Modem  Language  Association  tenu  à  Boston  en 
décembre   1952. 


MODERN    LANGUAGE    ASSOCIATION  65 


tandis  que  celle  de  Yale  avait  pour  objet  l'histoire  des  relations  cultu- 
relles et  politiques  qui  rattachent  la  France  et  les  Etats-Unis. 

Pour  l'instant  il  ne  semble  pas  possible  de  trouver  un  titre  qui, 
clair  et  concis  à  la  fois,  serrerait  mon  sujet  de  plus  près.  Le  mot  de 
Franco-Américanie,  créé  récemment  pour  désigner  la  population  de 
sang  français  vivant  en  Nouvelle-Angleterre,  deviendra-t-il  d'usage 
assez  courant  pour  justifier  le  sens  particulier  que  j'emploie?  Il  est 
impossible  de  le  prévoir. 

Par  Franco- Américains  donc  j'entends  les  Américains  dont  l'as- 
cendance canadienne-française  ne  va  pas  au-delà  des  premiers  jours  de 
l'émigration.  Ils  sont  établis  surtout  en  Nouvelle-Angleterre,  dans 
l'Etat  de  New- York,  dans  l'Ouest  mitoyen.  Se  trouvent  en  dehors  de 
cette  définition  les  Louisianais,  les  Français  venus  directement  de 
France,  les  Suisses  romands,  les  Wallons,  et  une  bibliographie  franco- 
américaine  dans  le  sens  que  j'ai  indiqué  laissera  de  côté  les  écrits  rela- 
tifs à  ces  groupes-là.  Un  tel  inventaire  ne  s'occupera  pas  non  plus 
de  la  participation  de  la  France  à  la  Guerre  de  l'Indépendance  ni  des 
établissements  français  dans  l'Ouest  et  le  long  du  Mississippi  qui  remon- 
tent à  la  période  coloniale. 

Travaux  déjà  parus 

La  bibliographie  au  sens  restreint  que  je  viens  de  lui  donner  n'est 
pas  un  domaine  tout  à  fait  inexploré.  Des  essais  ont  été  tentés  qu'il 
convient  de  signaler. 

1  -  Les  répertoires  généraux.  Parmi  ceux-là  peu  sont  dignes  de 
mention.  Jacques  Ducharme  en  a  publié  un  sous  le  titre  de  Biblio- 
graphy  of  Franco-American  Literature  dans  son  ouvrage  The  Shadows 
of  the  Trees,  paru  à  New-York  en  1943.  (5) .  Mais  cette  liste,  simple- 
ment énumérative,  est  dépourvue  de  tout  appareil  scientifique.  Ce 
n'est  pas  même  ce  qu'on  appelle  en  anglais  un  check-list. 

La  compilation  de  la  Soeur  Marie-Carmel  Therriault  en  1946 
pour  sa  thèse  sur  la  Littérature  française  de  Nouvelle-Angleterre,  bien 
que  mêlée  de  titres  étrangers,  est  plus  complète.  (6)  La  thèse  du  pro- 
fesseur Alexandre  Goulet,  parue  à  Paris  en  1934  sous  le  titre  d'Une 
Nouvelle-France  en  Nouvelle-Angleterre,  contient  une  bibliographie 
générale  de  quelques  pages  dont  une  partie  seulement  concerne  le  sujet 
qui  nous  occupe.  (7)  Il  en  est  de  même  de  celle  de  Josaphat  Benoit, 
L'Ame  franco-américaine,  parue  comme  l'autre  à  Paris  en  1935.  (8) 

Mentionnons  pour  mémoire  la  thèse  encore  manuscrite  de  Mme 
Frédéric  Dupré,  de  Worcester,  thèse  présentée  à  McGill  en  1935  en 
vue  de  la  maîtrise  sous  le  titre  de  la  Survivance  française  en  Nouvelle- 
Angleterre.     Elle  comprend  une  liste  de  franco-americana. 

En  1944,  dans  les  pages  du  Canado- Américain,  M.  Adolphe 
Robert,  président  général  de  l'Association  canado-américaine,  avait 
entrepris  un  inventaire  de  la  Collection  Lambert,  qui  malheureusement 


66  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

n'a  pas  été  mené  à  bonne  fin.  (9)  Cet  inventaire  énumérait  des  auto- 
graphes, des  manuscrits,  des  imprimés,  des  albums  de  photographies. 
Les  imprimés  comprenaient  des  programmes  de  théâtre,  des  menus  de 
banquets,  mais  surtout  une  liste  de  journaux  et  de  revues.  Comme  la 
Collection  Lambert  contient  un  grand  nombre  d'ouvrages  exclusive- 
ment canadiens,  le  travail  de  M.  Robert  n'était  pas  à  proprement  parler 
•-- "»  bibliographie  franco-américaine;  mais  il  aurait  été  quand  même 
des  plus  utiles  et  on  doit  regretter  qu'il  n'ait  pas  été  mené  au-delà  des 
revues  et  des  journaux. 

2  -  Les  répertoires  spéciaux. 

a  -  Les  journaux.  Parmi  nos  imprimés  ce  sont  les  journaux  et 
les  revues  qui  ont  surtout  intéressé  les  chercheurs.  Le  premier  à  en 
dresser  la  liste  fut  Alexandre  Belisle  dans  son  Histoire  de  la  presse  fran- 
co-américaine, parue  en  1911  et  qui  sera  toujours  consultée  avec  profit. 
(10)  Mlle  Lienne  Tétrault  reprit  le  sujet  sur  un  autre  plan  en  1935 
pour  sa  thèse  de  doctorat  qu'elle  intitula  Rôle  de  la  presse  dans  l'évo- 
lution du  peuple  franco-américain  de  la  Nouvelle- Angleterre.  (11) 
On  trouve  dans  cet  ouvrage  une  liste  chronologique  des  journaux  pu- 
bliés dans  les  états  de  l'Illinois,  du  Michigan,  du  Minnesota,  de  New- 
York  et  de  la  Nouvelle-Angleterre. 

Dans  la  Justice  de  Holyoke,  M.  Maxime  Frenière,  à  diverses  épo- 
ques, a  fait  paraître  des  études  assez  fouillées  sur  nos  journaux,  études 
qui  auraient  dû  être  recueillies  en  volume  parce  qu'elles  sont  introu- 
vables aujourd'hui  dans  les  colonnes  de  cet  hebdomadaire.   (12) 

Pour  finir  mentionnons  trois  autres  répertoires.  Le  premier  a 
paru  à  Ottawa  en  1913  sous  le  titre  de  French  Newspapers  of  Canada 
and  the  United  States.  C'est  une  plaquette  de  93  pages.  (13)  Le 
deuxième,  d'une  consultation  indispensable  celui-là,  fut  publié  en  1937 
par  Winifred  Gregory  sous  la  direction  d'un  comité  formé  par  la 
Bibliographical  Society  of  America  et  il  a  pour  titre:  American  News- 
papers, 1821-1936.  A  Union  List  of  Files  Available  in  the  United 
States  and  Canada.  (14)  Dictionnaire  très  volumineux,  cet  ouvrage 
énumère  par  état  ou  province  les  journaux  de  chaque  ville,  et  chaque 
article  comporte  un  court  historique  du  journal  et  désigne  les  endroits 
oii  les  collections  sont  conservées.  Si  ces  collections  sont  incomplètes, 
les  manques  avec  leurs  dates  sont  indiqués.  Le  dernier  répertoire, 
d'une  importance  moindre  pour  nous,  détaille  les  revues  et  les  pério- 
diques. Publié  aussi  par  Winifred  Gregory  sous  la  direction  d'un 
comité  de  l' American  Library  Association,  il  s'appelle  Union  List  of 
Sériais  in  the  Lihraries  of  the  United  States  and  Canada.  Il  a  paru  en 
1927,  avec  un  supplément  en  1931  et  un  autre  en  1932.  (15) 

b  -  Les  auteurs.  Il  y  a  quinze  ans  l'Université  de  Montréal  fon- 
dait l'Ecole  des  Bibliothécaires,  dont  le  diplôme  comporte  la  prépara- 
tion d'un  travail  bibliographique.     L'élève  choisit  généralement  un 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  67 

écrivain,  mort  ou  vivant,  et  il  établit  sa  bibliographie,  c'est-à-dire  la 
liste  de  ses  oeuvres  et  celle  des  écrits  qui  les  concernent.  Une  biogra- 
phie accompagne  ce  répertoire  qui  porte  alors  le  titre  de  bio-bibliogra- 
phie. Il  existe  au  moins  trois  bio-bibliographies  d'écrivains  franco- 
américaines,  exécutées  par  des  diplômés  de  l'Ecole  des  Bibliothécaires: 
celle  d'Edmond  de  Nevers  par  Raoul  Trudeau  en  1944,  celle  du  Dr 
Georges  Boucher  par  Thérèse  Roch  en  1946,  celle  enfin  de  Louis  Dantin 
par  Marcel  Mercier  en  1939.  Cette  dernière  seule  a  été  publiée.  (16) 
Les  deux  autres  sont  conservées  aux  archives  de  l'Ecole  dont  elles 
sont  la  propriété. 

Les  matériaux 

Où  découvrira-t-on  les  matériaux  dont  la  description  raisonnée 
constituera  cette  bibliographie  franco-américaine?  "Je  suis  allé  à  l'in- 
térieur des  terres,  écrivait  Tinker  après  avoir  complété  ses  recherches 
à  la  Nouvelle-Orléans,  et  là,  dans  les  greniers,  dans  les  écuries,  dans 
les  abris  qui  prenaient  eau  de  tous  côtés,  j'ai  trouvé  d'autres  matériaux, 
en  particulier  des  collections  de  journaux  de  paroisses  imprimés  en 
langue  française,  qui  étaient  exposés  à  devenir  la  pâture  des  termites 
omnivores".   (17) 

Tinker,  comme  Philéas  Gagnon  et  d'autres  encore,  s'était  fait  col- 
lectionneur pour  devenir  bibliographe.  A  ces  recherches  préparatoires 
il  consacra  douze  années.  Je  ne  crois  pas  qu'une  enquête  poursuivie 
par  la  Nouvelle-Angleterre,  dans  les  caves  et  les  greniers,  rapporterait 
bien  des  fruits,  même  dans  le  Vermont  où  les  Canadiens  sont  d'extrac- 
tion plus  ancienne.  Les  presbytères  de  nos  vieilles  paroisses  rendraient 
peut-être  quelques  raretés.  En  tout  cas,  je  conseillerais  une  méthode 
moins  pénible  d'assembler  ses  matériaux. 

a  -  Les  dépôts  de  livres.  Les  premières  sources  à  explorer,  il  va 
sans  dire,  sont  les  bibliothèques.  Nous  n'en  possédons  aucune  qui  se 
spécialise  uniquement  dans  les  ouvrages  franco-américains.  Les  collec- 
tions de  l'Institut  canado-américain  de  Manchester  et  celles  de  la 
Bibliothèque  Mallet  de  Woonsocket  se  composent  d'ouvrages  à  la  fois 
canadiens-français  et  franco-américains.  Ces  deux  bibliothèques  ce- 
pendant sont  très  riches  en  jranco-americana,  livres,  brochures  et  jour- 
naux. Elles  sont  assez  connues  pour  que  je  me  dispense  d'en  parler 
plus  longuement.  L'Institut,  fondé,  comme  l'on  sait,  par  l'Association 
canado-américaine,  n'a  pas  de  catalogue  imprimé.  Le  catalogue  de  la 
Bibliothèque  Mallet  qui  appartient  à  l'Union  Saint- Jean-Baptiste  d'A- 
mérique fut  publié  dès  1917.  M.  Georges  Filteau,  secrétaire  actuel  de 
l'Union,  l'a  fait  rééditer  en   1935.    (18) 

On  pourrait  s'attendre  à  trouver  dans  nos  collèges  des  collections 
au  moins  élémentaires  de  jranco-americana.  La  plupart  cependant 
n'ont  rien  ou  quasi  rien.  La  collection  la  plus  considérable  est  peut- 
être  celle  de  Rivier,  qui  se  monte  à  quelques  80  ouvrages.  (19) 


68  BULLETIN   DE   LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Chez  les  Américains,  certaines  bibliothèques,  constituées  par  des 
sociétés  historiques,  méritent  de  retenir  l'attention  du  chercheur. 
Mentionnons,  par  exemple,  celle  de  l' American  Antiquarian  Society 
de  Worcester,  qui  recueille  tout  imprimé  se  rapportant  à  l'histoire  des 
Etats-Unis. 

b  -  Les  collections  particulières.  Il  arrive  parfois  qu'un  collec- 
tionneur possède  sur  un  sujet  déterminé  plus  d'imprimés  que  les  biblio- 
thèques spécialisées.  C'était  le  cas  de  Tinker  pour  les  écrits  de  la 
Louisiane,  de  Gagnon  pour  les  canadiana.  Nous  avons  en  Nouvelle- 
Angleterre  quelques  collectionneurs  parmi  lesquels  je  me  permets  de 
nommer  l'abbé  Adrien  Verrette  qui  passe  maintenant  ses  acquisitions 
à  l'Institut  canado-américain  auquel  il  a  fait  don  de  sa  bibliothèque, 
le  juge  Arthur  Eno,  le  Dr  Roland  Cartier,  enfin  M.  Maxime  Frenière 
qui  a  enrichi  sa  collection  de  celle  de  son  père. 

c  -  Les  librairies  d'occasion.  Après  les  bibliothèques  les  librairies 
d'occasion  constituent  les  sources  d'information  les  plus  importantes 
pour  le  bibliographe.  Certains  libraires  sont  de  véritables  encyclopé- 
dies. Feu  Gonzague  Ducharme  de  Montréal,  que  tous  les  collection- 
neurs du  Canada  et  des  Etats-Unis  connaissaient,  était  de  ce  nombre. 
Il  gardait  une  fiche  descriptive  de  chaque  imprimé  qui  lui  passait  par 
les  mains.  A  la  fin  de  sa  vie  ce  fichier  avait  acquis  une  telle  valeur 
que  le  service  des  archives  d'Ottawa  considéra  de  le  faire  microfilmer? 

d  -  Les  catalogues  de  libraires  et  d'éditeurs.  Une  méthode  bi- 
bliographique exacte  exige  de  ne  décrire  que  les  imprimés  qu'on  a  vus, 
de  ses  yeux  vus.  Cependant  il  faut  parfois  s'écarter  de  cette  règle. 
Des  ouvrages  sont  devenus  rares,  même  introuvables.  La  seule  ressour- 
ce alors  c'est  d'en  faire  la  description  sur  la  foi  des  catalogues  de  librai- 
res ou  d'éditeurs,  ou  sur  celle  des  journaux  et  des  revues  datant  de 
l'époque  où  ces  imprimés  ont  paru.  Ces  sources  secondaires  fournis- 
sent aussi  des  indices  qui  mettent  sur  la  piste  d'ouvrages  recherchés. 
Gonzague  Ducharme  a  publié  un  catalogue  général  de  22685  titres 
parmi  lesquels  on  relève  des  centaines  de  franco-americana.  (20) 

e  -  Les  journaux  et  revues.  Je  viens  de  parler  du  profit  qu'on 
trouve  à  dépouiller  les  anciennes  collections  de  journaux  et  de  revues. 
Quelques  exemples  vont  le  démontrer.  En  1899,  Eugène  Brault  faisait 
paraître  un  recueil  de  vers  intitulé  Amicis,  petit  in- 12  de  60  pages. 
Malgré  tous  mes  efforts  je  n'ai  jamais  pu  mettre  la  main  sur  cet  ou- 
vrage. C'est  par  une  note  du  Bulletin  des  recherches  historiques  que 
j'en  connais  l'existence.   (21) 

Prenons  maintenant  le  célèbre  conte  de  Bonin,  qui  aurait  été  im- 
primé à  500  exemplaires  au  moins  ,dont  il  ne  reste  plus  un  seul.  Adé- 
lard  Lambert  en  possédait  un,  disparu  aujourd'hui  de  sa  collection. 
Dans  son  Journal  d'un  bibliophile,  il  nous  raconte  que  cet  ouvrage  avait 
pour  titre  Les  trois  voyageurs,  qu'il  avait  été  publié  à  Springfield  vers 
1884,  enfin  que  l'auteur  s'appelait  Jules  Bonin.  (22)     La  plupart  de 


MODERN    LANGUAGE    ASSOCIATION  69 


ces  indications  sont  fautives.  Mlle  Tétrault  le  décrit  ainsi:  Le  Petit 
livre  de  trois  voyageurs,  plaquette  de  29  pages  ,marquée  à  30  centimes 
et  publiée  à  Willimantic,  Connecticut,  en  1878.  (23)  Et  voici  ce  que 
j'en  lis  dans  le  Travailleur  de  Ferdinand  Gagnon,  à  la  date  du  4  avril 
1878:  "Adressez-vous  à  Louis  Bonin,  P.O.  Box  629,  Willimantic,  Conn. 
...  Ce  petit  livre  vous  racontera  l'histoire  de  trois  voyageurs  arrivée  le 
mois  de  janvier  1878  .  .  .     Un  livre  d'histoire." 

Autres  exemples,  tirés  du  Travailleur  toujours.  Le  16  octobre 
1874  ce  journal  fait  mention  d'une  brochure  portant  le  titre  suivant: 
Constitution  et  règlements  de  la  Société  Saint- Jean-Baptiste  de  Ware, 
Mass.,  avec  préface  de  l'abbé  Charles  Boucher,  préface  que  le  journal 
reproduit  en  première  page.  Voilà  un  franco-americana  que  personne 
ne  connaît,  dont  il  ne  semble  plus  exister  un  exemplaire.  Le  18  avril 
1878  le  journal  publie  la  réclame  suivante:  "Nous  venons  de  faire 
imprimer  une  vie  de  Joseph  Lepage,  avec  quelques  courtes  considéra- 
tions morales".  Le  titre  de  cette  plaquette  qui  se  vend  10  cents  se 
trouve  en  page  3:  La  Vie  de  Joseph  Lepage,  ses  meurtres!  sa  conver- 
sion! sa  mort!  Je  n'ai  jamais  vu  cette  brochure  nulle  part.  Dernier 
exemple.  Le  7  septembre  1883,  le  Travailleur  annonce  que  J.  B. 
Rolland  et  Fils,  libraires  de  Montréal,  publieront  prochainement  l'Al- 
manach  des  Associations  Saint- Jean-Baptiste  du  Canada  et  des  Etats- 
Unis  pour  1884.  Si  cet  almanach  a  paru,  il  est  introuvable  aujour- 
d'hui. 

Mais,  dira-t-on,  ces  imprimés  que  le  temps  a  emportés  ne  méri- 
taient sans  doute  pas  de  survivre  et  leur  perte  n'appauvrit  pas  la  litté- 
rature. Pourquoi  en  faire  l'exhumation?  A  quoi  il  faut  répondre  que 
le  bibliographe  ne  se  soucie  aucunement  de  la  valeur  littéraire  ou  histo- 
rique d'un  écrit.  Ne  faisant  pas  oeuvre  de  critique,  il  doit  attacher  la 
même  importance  à  une  plaquette  qu'à  un  gros  tome  et  les  décrire 
l'un  et  l'autre  avec  une  minutie  égale. 

Les  cadres  de  la  bibliographie 
franco-américaine 

Il  faut  maintenant  diviser  en  catégories  les  imprimés  qui  ressortis- 
sent  à  la  bibliographie  franco-américaine.  Deux  groupes  se  les  par- 
tagent surtout,  en  marge  desquels  se  placent  d'autres  ouvrages  d'un 
classement  discutable. 

1  -  Dans  le  premier  groupe  nous  réunirons  les  ouvrages  écrits  par 
des  Franco-Américains.  Peu  importe  le  lieu  de  parution,  que  ce  soit 
Worcester,  Montréal  ou  Paris,  ces  ouvrages  feront  partie  de  notre 
inventaire. 

2  -  Dans  le  deuxième,  qui  comporte  bien  des  subdivisions,  pren- 
dront place  les  ouvrages  écrits  par  des  étrangers  et  concernant  les 
Franco-Américains  in  toto  ou  in  partibus.  Entrent  ici  les  écrits  prove- 
nant d'auteurs  américains,  comme  ceux  de  Robert-Cloutman  Dexter, 


70  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

par  exemple,  comme  la  thèse  de  Bessie-Bloom  Wessel,  An  Ethnie  Survey 
of  Woonsocket,  Rhode  Island,  comme  le  livre  de  Jonathan  Daniels, 
A  Southerner  Discovers  New  England;  les  écrits  sortis  de  la  plume 
d'auteurs  canadiens,  canadiens-anglais  ou  canadiens-français;  enfin 
quelques  ouvrages  d'auteurs  européens,  comme  par  exemple  le  mé- 
moire de  J.  B.  Geniesse  paru  à  Rome  en  1912,  Pour  aider  à  la  solution 
de  Questions  qui  s'agitent  aux  Etats-Unis  et  au  Canada. 

A  ce  deuxième  groupe  appartiennent  aussi  des  écrits  qui  ne  se 
rapportent  souvent  que  d'une  manière  indirecte  aux  Franco-Améri- 
cains. Ceux  qui  concernent  la  question  du  rapatriement,  par  exemple, 
la  question  de  l'émigration,  celle  de  la  colonisation,  le  mouvement 
annexioniste  de  1849;  ceux  aussi  qui  traitent  du  protestantisme,  car  le 
prosélytisme  protestant  dans  la  province  de  Québec  est  intimement  lié 
à  celui  qui  s'est  poursuivi  au  sein  des  groupes  franco-américains. 

3  -  Considérons  maintenant  quelques  ouvrages  dont  le  classe- 
ment peut  se  discuter.  Prenons  le  cas  d'un  ouvrage  écrit  par  un 
Franco-Américain  qui  a  quitté  les  Etats-Unis  pour  le  Canada.  Je  cite 
deux  exemples.  Le  Dr  Joseph  Thériault,  après  avoir  exercé  sa  pro- 
fession à  Concord  dans  le  New-Hampshire  pendant  près  de  40  ans, 
s'en  va  finir  ses  jours  au  Canada.  A  Montréal  en  1929  il  fait  paraître 
un  recueil  de  poèmes.  Loisirs  et  vacances.  Au  cours  d'un  séjour  en 
France,  vers  1929,  un  autre  médecin,  le  Dr  Philippe  Sainte-Marie  de 
Springfield,  publie  à  Paris  un  volume  de  poésie  qui  a  pour  titre  En 
passant.  Quelques  années  plus  tard  ce  médecin  versificateur  va  s'éta- 
blir au  Canada.  Ces  deux  livres,  celui  de  Thériault  et  celui  de  Sainte- 
Marie,  appartiennent-ils  à  la  bibliographie  franco-américaine?  Je 
tiendrais  pour  l'affirmative. 

Mais  la  question  peut  devenir  plus  compliquée.  Que  dire  d'un 
Franco-Américain  qui  passe  de  bonne  heure  au  Canada  pour  y  rester 
définitivement?  Le  poète  Robert  Choquette,  né  à  Manchester,  vit  à 
Montréal  depuis  nombre  d'années  et  toute  son  oeuvre  y  a  vu  le  jour. 
Le  P.  Ephrem  Longpré,  né  à  Woonsocket,  a  écrit  ses  livres  en  dehors 
des  Etats-Unis.  Il  en  est  de  même  de  l'historien  Francis  Audet,  né  à 
Détroit;  de  l'abbé  Couillard-Després,  autre  historien,  né  à  Saint- Albans. 
Ces  écrivains  nous  appartiennent-ils?  Pas  du  tout,  dira-t-on  sans 
doute.  Alors  les  Américains  ont  tort  de  réclamer  un  romancier  comme 
Henry  James  qui,  dédaigneux  de  la  culture  de  son  pays,  s'exile  en 
Angleterre  pour  y  exercer  son  métier  d'homme  de  lettres.  Ils  ont  tort 
aussi  de  compter  parmi  les  leurs  le  poète  T.  S.  Eliot  qui  proclame 
l'Angleterre  pour  sa  patrie  véritable.  C'est  à  Londres  qu'il  vit;  c'est 
dans  cette  ville  qu'il  écrit. 

Et  que  dire  des  religieux  qui  passent  du  Canada  aux  Etats-Unis, 
des  Etats-Unis  au  Canada  selon  les  volontés  de  leurs  supérieurs?  Cer- 
tains, une  fois  ici,  y  demeurent  toute  leur  vie,  comme  Henri  d'Arles; 
d'autres  font  la  navette  entre  les  deux  pays.    Doit-on,  pour  notre  objet, 


MODERN    LANGUAGE    ASSOCIATION  71 

recenser  seulement  les  écrits  qu'ils  ont  fait  paraître  pendant  leur  séjour 
aux  Etats-Unis  ou  établir  leur  bilan  littéraire  total,  c'est-à-dire  inven- 
torier tous  les  écrits  sortis  de  leur  plume?  Et  ce  que  je  viens  de  dire 
des  religieux  s'applique  aussi  à  plusieurs  de  nos  journalistes,  à  Asselin, 
à  Beaugrand,  à  Caty,  à  Turcotte. 

4  -  Le  cas  des  Franco-Américains  qui  écrivent  en  anglais.  Leurs 
oeuvres,  c'est  certain,  n'appartiennent  pas  à  la  littérature  franco-amé- 
ricaine; mais  il  ne  s'en  suit  pas  qu'elles  doivent  être  rejetées  d'une  bi- 
bliographie franco-américaine.  Je  donne  comme  exemples:  Jacques 
Ducharme,  Emile  Gauvreau,  le  juge  Albéric  Archambault,  John 
Kerouac. 

5  -  Le  cas  d'un  Français  ou  d'un  Belge  assimilé,  devenu  franco- 
américain.  Les  écrits  de  ces  Francos  d'adoption  feront  partie  de  notre 
inventaire.  Citons  Jules  Savarin,  Louis  Tesson,  Emile  Tardivel,  Yvon- 
ne Corporon,  Henri  de  Vitry,  Henri  Perdriau,  Jules  Jéhin  de  Prume 
(Jehin-Prume),  Lucien  Carissan. 

6  -  Le  cas  d'un  ouvrage  écrit  en  anglais  par  un  auteur  américain, 
mais  illustré  par  un  artiste  franco-américain.  Par  exemple  :  Five  Little 
Peppers  and  How  They  Grew,  de  Margaret  Sidney,  illustré  par  George 
Giguère. 

7  -  Le  cas  d'un  éditeur  franco-américain.  Ce  serait  tomber  dans 
une  faute  qu'on  a  reprochée  à  certains  bibliographes  que  de  pousser 
la  recension  jusqu'aux  éditeurs  et  éditeurs-imprimeurs.  D'ailleurs, 
comme  leurs  publications  la  plupart  du  temps  relèvent  par  leur  nature 
de  la  bibliographie  en  question,  une  nomenclature  à  part  devient  super- 
flue. Les  ouvrages  sortis  de  la  Caron  Press  de  Worcester  par  exemple. 
Quelques-uns  cependant  ont  imprimé  des  livres  que  j'appellerais  étran- 
gers. Il  me  semble  que  ces  éditeurs  peuvent  entrer  dans  notre  inven- 
taire. A  titre  d'exemple  je  nomme  ici  Achille  Saint-Onge  de  Worcester 
qui  se  spécialise  dans  les  éditions  miniatures. 

8  -  Le  cas  des  ouvrages  que  des  auteurs  du  Québec  font  paraître 
aux  Etats-Unis,  ouvrages  ne  concernant  en  rien  les  Franco-Américains. 
Exemple:  Dumh-Bell,  roman  d'Anna-B.  Montreuil  de  Québec,  publié 
à  Boston  en  1929.  Aussi  quelques  thèses  publiées  à  Washington  par 
les  presses  de  la  Catholic  University  of  America,  comme  Le  Premier 
concile  plénier  de  Québec  et  le  code  de  droit  canonique,  de  l'abbé 
Bruno  Desrochers. 

9  -  Le  cas  des  faux  franco-americana.  Ce  sont  des  ouvrages 
d'auteurs  canadiens,  pas  nombreux  d'ailleurs.  Citons  La  Voix  d'un 
exilé  de  Louis  Fréchette,  qui  porte  Chicago  comme  lieu  de  parution 
mais  qui  a  été  publié  au  Canada.  Sous  le  même  chef  relevons  un  cas 
inverse,  celui  d'un  Franco-Américain  qui  donne  un  lieu  d'édition  fictif 
à  son  livre:  Louis  Dantin,  Chanson  javanaise,  1930,  Samarang,  Java. 
En  réalité  publié  à  Sherbrooke. 


72  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

10  -  Une  bibliographie  franco-américaine  bien  faite  devrait  com- 
prendre dans  le  corps  de  l'ouvrage  ou  en  appendice  une  liste  des  pseu- 
donymes. 

11  -  Les  non-parus.  Il  est  souvent  utile  de  connaître  ce  qu'un 
auteur  se  proposait  d'écrire.  Quelquefois  c'est  un  manuscrit  presque 
achevé  qui  est  resté  sur  le  métier;  souvent  l'ouvrage  n'a  pas  été  mené 
au-delà  d'un  brouillon,  d'un  plan  général.  Edmond  de  Nevers,  le  Dr 
Girouard,  Bossue  dit  Lyonnais  et  d'autres  encore  ont  laissé  des  manus- 
crits. 

La  méthode 

Je  n'ai  pas  le  temps  de  m'étendre  sur  la  méthode  à  suivre  en  biblio- 
graphie, méthode  connue  des  spécialistes  d'ailleurs.  Des  règles  scien- 
tifiques rigoureuses  la  gouvernent,  aussi  rigoureuses  que  celles  qui  pré- 
sident à  la  préparation  d'une  généalogie.  De  fait,  la  bibliographie  est 
la  généalogie  des  livres. 

Un  inventaire  bibliographique  doit  comprendre  tous  les  imprimés  : 
livres,  brochures,  tirés  à  part,  mémoires,  feuillets,  feuilles  volantes, 
articles  de  journal  et  de  revue. 

La  description  de  ces  imprimés  doit  porter  sur  le  nom  de  l'auteur, 
celui  de  l'éditeur,  celui  de  l'imprimeur,  sur  le  nombre  de  pages  et  le 
format,  sur  la  date  et  le  lieu  de  publication,  sur  le  tirage  enfin.  Pour 
les  imprimés  rares  ou  anciens,  pour  les  collections  de  journaux  surtout, 
l'endroit  où  on  les  conserve  doit  être  indiqué.  Enfin  ces  renseigne- 
ments seront  complétés  d'une  courte  biographie  de  l'auteur. 

Beau  programme  qui  va  être  difficile  d'exécution.  Le  P.  Hugolin 
Lemay,  auteur  d'une  vingtaine  de  bibliographies  sur  la  température, 
sur  les  Récollets,  sur  les  Franciscains,  ouvrages  qui  sont  des  modèles  du 
genre,  écrivait  en  parlant  de  ceux  qui  voudraient  continuer  son  oeuvre  : 
"Je  souhaite  à  ces  futurs  compilateurs,  avec  beaucoup  de  constance, 
beaucoup  de  succès.  Mais  je  n'ambitionne  point  leur  tâche.  Elle  sera 
ingrate  et  je  les  plains.  Ils  auront  à  mettre,  sous  un  nombre  considéra- 
ble d'écrits  anonymes  ou  signés  d'un  pseudonyme  ou  d'initiales  très 
souvent  trompeuses,  les  noms  des  auteurs.  Puissent-ils  y  réussir!  Et 
s'ils  n'y  réussissent  pas,  les  auteurs  inconnus  —  mais  non  méconnus  — 
ne  devront  s'en  prendre  qu'à  eux-mêmes  de  l'obscurité  dans  laquelle 
ils  seront  laissés.  Pourquoi  n'ont-ils  pas  signé  leurs  écrits?  oui,  pour- 
quoi?" (24)  Ces  paroles  du  P.  Hugolin  s'appliquent  à  celui  qui  aura 
la  témérité  d'entreprendre  une  bibliographie  franco-américaine. 

J'ai  parlé  plus  haut  d'une  liste  des  pseudonymes.  La  recherche  de 
la  paternité  en  bibliographie  générale  constitue  souvent  un  problème 
ardu.  Des  chercheurs  s'y  sont  attelés,  nous  laissant,  pour  la  France 
par  exemple,  une  compilation  comme  le  Dictionnaire  des  ouvrages 
anonymes  et   pseudonymes  de  Barbier  et  Billard.     En  bibliographie 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  73 

franco-américaine  les  livres  parus  sans  nom  d'auteur,  illégitimes  donc, 
si  on  pourrait  dire,  ne  manquent  pas.  L'identité  de  celui  qui  les  a 
créés  et  mis  au  monde  est  aussi  entourée  de  mystère  que  l'endroit  et  la 
date  de  leur  naissance.  Qui  a  écrit  par  exemple  Cinquante  ans  d'acti- 
vité paroissiale  -  Sainte-Anne  de  Fall  River,  Mass.?  Et  la  plaquette 
Aux  Etats-Unis  et  dans  l'Ontario,  signée  Un  Etudiant  en  médecine, 
qui  en  est  l'auteur?  La  liste  de  nos  imprimés  pour  lesquels  la  même 
question  se  pose  est  interminable. 

Un  auteur  peut  avoir  ses  raisons,  quelquefois  parfaitement  légiti- 
mes, de  ne  pas  signer  ses  écrits  ou  de  se  dissimuler  derrière  un  psou- 
donyme  :  chez  un  religieux  la  modestie,  en  politique  la  peur  des  repré- 
sailles, parfois  la  simple  couardise.  Mais  ces  motifs  ne  valent  plus 
pour  le  bibliographe  qui  a  droit  de  regard  sur  tout  ce  qui  concerne  un 
livre. 

L'état  civil  de  nos  imprimés  est  souvent  défectueux  sous  d'autres 
rapports.  C'est  le  nom  de  l'éditeur  ou  de  l'imprimeur  qui  manque,  ou 
bien  la  date  et  le  lieu  de  parution  ne  sont  indiqués  nulle  part.  Deux 
exemples  entre  plusieurs:  La  Jeune  Franco-Américaine,  roman  paru 
sans  indication  d'éditeur  ou  d'imprimeur;  Notre  Vie  franco-américaine, 
brochure  du  Comité  d'orientation,  sans  nom  d'imprimeur. 

Si  vous  faites  remarquer  à  un  auteur  qu'une  indication  bibliogra- 
phique manque  à  son  ouvrage,  vous  vous  attirerez  parfois  une  réponse 
comme  celle-ci:  "Je  n'ai  pas  cru  ça  important  parce  que  tout  le  monde 
le  sait".  Ce  qui  me  rappelle  la  réponse  de  l'habitant  à  un  étranger  qui 
cherchait  le  bedeau  :  "Comment,  cher  monsieur,  vous  savez  pas  ous-ce 
qu'est  la  maison  du  bedeau!     Mais  tout  le  monde  sait  ça!" 

Références 

1  —  Les  Ecrits  de  langue  française  en  Louisiane  au  XIXe  siècle.     Essais  bio- 

graphiques et  bibliographiques,  Paris,   1932,  8. 

2  —  Voir   The   French   American    Review,  organe   de   l'Institut  français   de 

Washington. 

3  —  Publiée  à  Québec  puis  à  Montréal  de  1908  à  1913.     En  10  volumes. 

4  —  Parue  jusqu'au  printemps  de  1938.     Deux  volumes. 

5  —  Chez  Harper  &  Brothers.    La  bibliographie  s'étend  de  245  à  258. 

6  — ■  Parue  chez  Fides.     La  bibliographie  va  de  287  à  314. 

7  —  Deux  éditions  dont  une  édition  de  thèse  qui  ne  contient  pas  la  préface 

de  M.  Lauvrière. 

8  —  Parue  en  deux  éditions  aussi  :  une  édition  de  thèse  à  Paris  et  une  destinée 

au  commerce,  à  Montréal,  la  même  année. 

9  —  Livraisons  de  janvier-février,  de  février-mars  et  de  mai-juin. 

10  —  Publiée  à  Worcester,  Massachusetts,  aux  ateliers  de  VOprnion  publique. 

11  —  Deux  éditions,  dont  une  de  thèse  hors  commerce. 

12  —  Signalons  les  études  suivantes: 

La  presse  franco-américaine  à  Holyoke   (12  mars  1931) 

Les  journaux  de  langue  française  aux  Etats-Unis  (4  mai  1933) 

Nos  Journaux.     Le  Jean-Baptiste   (15  mars   1934) 

Inventaire  chronologique  des  journaux  publiés  en  français  dans  l'Etat 

du  Vermont   (24  janvier   1934) 

Les  jounaux  de  Holyoke    (fin  septembre   1934) 

Les  journaux  de  New- York   (novembre  et  décembre   1934) 

Les  journaux  franco-américains  du  Connecticut   (mars   1936) 


74  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


13  —  Je  n'ai  pas  eu  ce  catalogue  sous  les  yeux.     II  faisait  partie  de  la  biblio- 

thèque  de  M.   Victor  Morin    (Cat.   3,  février   1951,    #2102). 

14  —  H.  W.  Wilson  Co.,  New-York 

15  —  H.  W.  Wilson  Co. 

16  —  Edition  d'auteur,  imprimée  à  Saint-Jérôme.     Avec  portrait  de  Dantin. 

17  — ■  Op.   cit.,  8.    Tinker  est   aussi   l'auteur  de  Bibliography  of  the  French 

Newspapers  and  Periodicals  of  Louisiana  parue  dans  Proceedings  of  the 
American  Antiquarian  Society  d'octobre  1932.  Aussi  tirage  à  part  en 
1933. 

18  —  Première    édition    imprimée   à   la   Tribune   de   Woonsocket,    187    pages. 

Deuxième  édition  à  l'Imprimerie  Deschamps  de  Salem,  Mass.,  XVI-303 
pages. 

19  —  Liste   fournie   par   la   R.    S.    Marie-Marguerite   de   l'Eucharistie   que   je 

tiens  à  remercier  ici. 

20  —  Catalogue  formé  de   12  fascicules  parus  entre  1928  et  1931.     A  part  ce 

catalogue  général  M.  Ducharme  en  a  publié  un  grand  nombre  d'autres. 

21  —  Bull.  rech.  hist.,  1900,  232.     L'ouvrage  de  Brault  parut  à  l'Imprimerie 

et  librairie  française  et  anglaise  de  Woonsocket. 

22  —  Pp.  99-100. 

23  —  Bulletin  de  la  Société  historique  franco-américaine,  1946-1947,  79-80. 

24  • — ■  Bibliographie  franciscaine  .  .  .  ,  Supplément,  Québec,   1932,   15. 

N.B. — La  référence  suivante,  qui  se  place  sous  la  rubrique  des  journaux,  m'avait 
échappé  en  décembre  dernier:  Georges-J.  Joyaux,  French  Press  in  Michigan: 
A  Bibliography,  article  paru  dans  Michigan  History,  septembre  1952,  260-278. 


(III) 

"Résumé  d'un  inventaire  franco-américain"  * 
Adolphe  Robert 

L'immigration 

L'on  peut  faire  remonter  la  période  de  l'immigration  à  un  peu 
plus  d'un  siècle,  c'est-à-dire  à  l'époque  de  la  rébellion  de  1836-1837, 
dans  le  Bas-Canada,  contre  la  Couronne  anglaise.  Au  dire  des  histo- 
riens, environ  400  familles  quittèrent  les  bords  du  Saint-Laurent  pour 
passer  aux  Etats-Unis.  Par  la  suite,  le  courant  migrateur  sera  plus  ou 
moins  intense,  mais  toujours  continu  et  cela  jusqu'après  la  guerre 
mondiale  de  1914-1918.  On  peut  ramener  à  quelques  données  essen- 
tielles les  causes  de  cette  émigration.  D'un  côté,  les  familles  cana- 
diennes-françaises étaient  nombreuses  en  enfants  et  ceux-ci  ne  pouvant 
s'établir  sur  des  terres  neuves  à  cause  d'une  politique  de  colonisation 
à  courte  vue,  ces  familles  passèrent  aux  Etats-Unis  et  trouvèrent  dans 
l'industrie  le  pain  quotidien  qu'elles  ne  pouvaient  ou  ne  voulaient 
demander  à  la  culture  du  sol.  D'autre  part,  les  industriels  américains 
de  la  Nouvelle-Angleterre  appréciaient  cette  main  d'oeuvre  peu  coià- 
teuse,  assidue  au  travail,  foncièrement  honnête  et  d'une  morale  rigou- 


*  Texte  résumé  d'une  conférence  donnée  le  16  avril  devant  l'Association  Cana- 
dienne française  d'Education  d'Ontario,  a  Ottawa. 


MODERN    LANGUAGE    ASSOCIATION  75 


reuse.  Tous  les  moyens  furent  mis  en  oeuvre  pour  l'attirer,  avec  le 
succès  que  l'on  sait.  Refoulés  d'un  côté,  attirés  de  l'autre  par  l'appât 
de  forts  salaires  et  d'une  vie  plus  aisée,  les  Canadiens  français  émigrè- 
rent  en  masse  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre  de  1918,  le  courant  migrateur 
cessant  presque  complètement  vers  1924  pour  reprendre  un  peu  plus 
tard,  mais  dans  une  proportion  beaucoup  moindre. 

Flottements 

Une  période  de  flottements,  d'hésitations,  d'incertitudes,  de  tâton- 
nements a  marqué  les  premières  années  de  l'immigration  canadienne- 
française  aux  Etats-Unis. 

En  général,  on  ne  venait  pas  ici  avec  l'intention  d'y  rester.  Le 
but  de  chaque  famille  était  d'amasser  le  plus  d'argent  possible,  dans  le 
moins  de  temps  possible,  puis  de  s'en  retourner  sur  la  terre  ancestrale, 
et,  avec  l'argent  mis  de  côté,  établir  les  fils  sur  des  terres  neuves,  acheter 
du  matériel  de  ferme,  libérer  l'héritage  de  quelques  hypothèques  en- 
combrantes. On  ne  voulait  pas  bâtir  une  maison,  afin  de  n'avoir  pas 
à  payer  les  impôts.  On  ne  voulait  pas  prendre  ses  lettres  de  natura- 
lisation, afin  qu'en  cas  de  guerre,  les  fils  ne  soient  pas  appelés  sous  les 
drapeaux.  Bref,  on  voulait  bien  de  la  vie  américaine,  mais  sans  accep- 
ter les  obligations  civiques  qu'elle  comporte.  C'était  se  vouer  d'avance 
à  une  éternelle  situation  de  parias  et  de  tribus  errantes.  Ajoutons  à 
cela  que  les  pouvoirs  publics  au  Canada,  justement  alarmés  de  cet 
exode,  fondaient  des  sociétés  de  colonisation,  entreprenaient  des  cam- 
pagnes de  rapatriement  et  exerçaient  une  pression  continuelle  et  métho- 
dique pour  ramener  au  pays  les  fils  dispersés. 

Un  homme  surgit,  qui  prit  figure  de  précurseur.  C'était  Ferdi- 
nand Gagnon. 

Il  résolut  de  tirer  ses  compatriotes  de  la  condition  sociale  inférieure 
dans  laquelle  ceux-ci  s'étaient  volontairement  plongés.  Par  la  parole 
et  par  la  plume,  mais  surtout  par  la  plume,  car  il  était  journaliste  et 
il  avait  fondé  un  journal  qui  s'appelait  Le  Travailleur,  il  combattit  les 
préjugés  de  ses  frères  à  l'endroit  des  institutions  américaines.  Il  s'ap- 
pliqua surtout  à  prêcher  la  naturalisation.  "L'élément  canadien-fran- 
çais, disait-il,  ne  sera  comparativement  aux  autres  nationalités  que  fort 
peu  de  choses,  si  ceux  d'entre  nous  qui  désirent  faire  ici  leur  domicile 
perpétuel  ne  s'empressent  point  de  prendre  leurs  papiers  de  naturali- 
sation." 

La  paroisse 

A  l'appel  de  Gagnon,  les  Canadiens  français  commencèrent  à  se 
fixer  définitivement  aux  Etats-Unis,  à  faire  les  démarches  nécessaires 


76  BULLETIN   DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

pour  devenir  citoyens,  à  édifier  une  structure  sociale.  En  fait  d'orga- 
nismes sociaux,  l'Eglise  était  pour  eux  la  base.  Ils  bâtirent  donc  les 
églises. 

Depuis  sur  un  total  de  1,416  paroisses,  dans  les  neuf  diocèses  de 
la  Nouvelle- Angleterre,  les  Franco- Américains  en  ont  érigé  427,  soit 
30.1  p.c,  dûment  constituées  en  paroisses  nationales,  en  paroisses  mixtes 
à  majorité  franco-américaine  ou  tout  simplement  mixtes.  Ces  paroisses 
sont  desservies  par  970  prêtres  franco-américains  sur  un  total  de  4,944 
prêtres  réguliers  et  séculiers,  soit  une  proportion  de  19.6  p.c.  (Relevé 
de  1949).  Lorsque  l'on  saura  qu'une  seule  de  ces  églises  a  coûté 
environ  $1,500,000,  cela  donnera  une  idée  de  la  valeur  en  tant  que 
propriété  immobilière,  des  édifices  du  culte  érigés  par  les  Franco-Amé- 
ricains. Dans  ces  églises,  les  sermons  du  dimanche,  ceux  des  retraites 
surtout,  s'inspirent  des  maîtres  de  l'éloquence  sacrée  en  France  et  en 
Amérique.  Les  annonces  au  prône  se  font  en  français,  de  même  les 
instructions  aux  confréries  d'hommes  et  de  femmes.  Nous  avons  con- 
servé nos  prières  et  nos  cantiques.  Il  sera  donc  à  l'honneur  des  Franco- 
Américains  d'avoir  eu  le  souci,  dès  les  premiers  jours  de  l'immigration, 
de  la  conservation  de  leur  foi  et  de  s'être  imposé  à  cette  fin  les  sacri- 
fices nécessaires  pour  la  fondation  des  paroisses,  l'érection  des  églises 
et  l'entretien  de  leurs  prêtres. 

L'école 

Mais  pour  eux  la  conservation  de  la  langue  maternelle  devait 
marcher  de  pair  avec  la  conservation  de  la  foi.  L'école  publique? 
On  n'y  songeait  guère,  parce  qu'on  n'y  enseigne  pas  le  catéchisme. 
Enfin,  il  n'y  avait  pas  à  compter  sur  les  octrois  de  la  municipalité  ou 
de  l'Etat  pour  le  maintien  de  l'école  séparée,  contrairement  à  ce  qui 
se  passe  ici  dans  l'Ontario.  D'où  la  nécessité  de  fouiller  plus  au  fond 
dans  le  porte-monnaie,  de  travailler  un  peu  plus,  de  jouir  un  peu 
moins  et  l'école  s'élèvera  à  côté  de  l'église.  La  province  de  Québec 
fournit  les  premiers  manuels  et  nous  envoya  ses  religieux  et  ses  reli- 
gieuses enseignants.  Et  c'est  ainsi  que  s'érigea  le  système  éducationnel 
des  Franco-Américains,  lequel  comprend  aujourd'hui  264  maisons 
d'enseignement  sur  un  total  de  958  institutions  catholiques  pour  la 
Nouvelle-Angleterre  seulement  ,soit  un  pourcentage  de  27.5.  Le  per- 
sonnel enseignant  est  de  3,305  instituteurs  et  la  fréquentation  scolaire 
de  88,097  sur  un  total  de  378,017,  soit  23.3  p.c.  (Relevé  de  1949). 
L'enseignement  y  est  toujours  dans  les  deux  langvies,  anglaise  et  fran- 
çaise, à  des  degrés  divers  pour  celle-ci.  Bien  que  le  bilinguisme  soit 
considéré  par  certains  comme  une  absurdité  pédagogique,  nous  en  fai- 
sons quand  même  notre  affaire. 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  77 


L'économique 

Après  avoir  pourvu  à  la  conservation  de  la  foi  et  de  la  langue 
par  le  moyen  de  la  paroisse  et  de  l'école,  les  Franco-Américains  son- 
gèrent à  la  protection  de  la  famille  en  cas  de  maladie,  d'accident  et 
de  mort.  Ce  fut  la  raison  des  premières  Sociétés  Saint- Jean-Baptiste. 
Il  répugnait  à  nos  compatriotes  de  faire  appel  en  temps  d'épreuve  à 
l'assistance  publique,  communément  désignée  sous  le  nom  de  "pauvre 
maison".  Finir  ses  jours  à  la  "pauvre  maison"  était  en  quelque  sorte 
une  marque  de  déshonneur.  Le  rôle  des  Sociétés  Saint- Jean-Baptiste 
fut  donc  de  se  substituer  à  l'assistance  publique  en  cas  de  besoin.  Le 
moment  vint  où  ces  sociétés  furent  assez  nombreuses  pour  tenir  un 
congrès;  le  premier  eut  lieu  à  New  York,  en  1865.  Serait-il  présomp- 
tueux de  revendiquer  pour  la  franco-américanie  l'honneur  d'avoir  été 
la  première  à  inaugurer  la  série  de  ces  congrès  nationaux  qui, 
en  1865  à  1901,  se  sont  renouvelés  à  différents  intervalles  pour 
nous  conduire  jusqu'au  premier  Congrès  de  la  Langue  française 
en  1912,  au  deuxième  Congrès  de  la  Langue  française  en  1937 
et  enfin  au  troisième  Congrès  de  la  Langue  française  en  1952!  A  partir 
de  1896,  ces  Sociétés  Saint- Jean-Baptiste  établirent  entre  elles  un  lien 
fédératif,  donnant  ainsi  naissance  à  deux  de  nos  principales  sociétés 
de  secours  mutuels,  groupant  plus  de  100,000  adhérents,  avec  une  en- 
caisse d'environ  $17,000,000.  Ajoutez  à  cela  une  trentaine  de  caisses 
populaires  avec  un  avoir  d'environ  $30,000,000.  Comme  couronne- 
ment aux  oeuvres  d'assistance  et  d'hospitalization,  l'établissement  de 
28  hôpitaux,  hospices  et  orphelinats.  En  marge  de  leur  comptoir 
d'assurance,  nos  sociétés  nationales  estiment  que  la  culture  française 
est,  dans  l'ordre  naturel,  la  plus  propre  à  affiner  l'âme  et  à  lui  faire 
produire  toutes  ses  valeurs.  Elles  travaillent  donc  à  la  conservation 
de  la  langue  française,  expression  de  cette  culture. 

La  presse 

Dans  la  nomenclature  des  organismes  culturels,  la  presse  de  lan- 
gue française  aux  Etats-Unis  occupe  le  rang  de  doyenne.  Elle  est 
antérieure  à  toutes  les  autres  fondations,  puisqu'elle  remonte  à  la 
Gazette  Française,  publiée  à  Détroit  en  1825.  La  chronologie  établit 
que  plus  de  300  journaux  ont  été  fondés  par  nous  aux  Etats-Unis. 
Il  en  reste  deux  quotidiens  et  dix-neuf  autres  publications  hebdoma- 
daires et  mensuelles.  Ces  organes,  en  outre  de  fournir  à  leurs  decteurs 
l'information  à  caractère  d'universalité,  s'appliquent  à  donner  surtout 
la  nouvelle  locale  et  entre  les  nouvelles  locales,  la  préférence  et  l'espace 
sont  accordés  à  la  vie  franco-américaine. 


78  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Littérature  et  vie  sociale 

Les  organismes  de  base,  paroisses,  écoles,  sociétés,  journaux  sont 
complétés  par  d'autres  organismes  dont  quelques-uns  de  fondation  ré- 
cente: la  Société  Historique,  le  Comité  d'orientation,  la  Fédération 
féminine,  l'Union  Internationale  des  Raquetteurs,  l'Alliance  des  Jour- 
naux, l'Alliance  radiophonique  française,  le  Comité  Permanent  de  la 
Survivance  française  en  Amérique,  l'Alliance  française,  France-Amé- 
rique, etc.  Certains  de  ces  groupements  alimentent  la  vie  sociale 
franco-américaine.  Les  réunions  mondaines  de  ces  groupes  attirent 
généralement  une  assistance  respectable,  de  bonne  tenue.  Il  est  à 
noter  qu'en  matière  de  relations  sociales,  c'est  la  politique  du  chacun 
chez-soi  qui  semble  prévaloir. 

La  famille 

Dans  la  famille,  les  pratiques  religieuses  continuent  d'être  en  hon- 
neur. On  ne  voudrait  pas  manquer  la  messe  du  dimanche.  On  ne 
recule  pas  devant  les  plus  lourds  sacrifices  financiers  pour  embellir  le 
temple  paroissial.  On  travaille  d'arrache-pied,  la  journée  finie,  à 
organiser  les  manifestations  devant  rapporter  quelques  deniers  pour  les 
oeuvres  de  charité.  Il  n'est  guère  de  foyer  franco-américain  qui 
n'exibe  dans  ses  différentes  pièces  des  insignes  de  piété  :  crucifix,  statues, 
images,  lampions.  L'assiduité  aux  retraites,  les  communions  en  corps, 
le  grand  nombre  d'hommes,  femmes,  jeunes  gens,  jeunes  filles  apparte- 
nant à  diverses  confréries  sont  autant  de  signes  de  la  vitalité  du  senti- 
ment religieux.  Six  maisons  de  retraites  fermées  alimentent  la  vie 
spirituelle  de  la  famille  franco-américains. 

La  politique 

A  l'exception  de  la  présidence  et  de  la  vice-présidence  des  Etats- 
Unis,  de  même  que  la  Cour  suprême  des  Etats-Unis,  il  n'est  pratique- 
ment pas  une  fonction  à  laquelle  nous  n'ayons  accédé.  Sénateurs  et 
congressmen  à  Washington,  gouverneurs  et  lieutenants-gouverneurs 
d'Etat,  secrétaires  et  trésoriers  d'Etat,  juges  de  la  Cour  suprême  d'Etat, 
et  de  comtés,  maires,  échevins,  percepteurs  d'impôts,  maîtres  des  postes, 
prévôts,  tous  ces  postes,  nous  les  avons  occupés  successivement. 

Un  peuple 

D'après  ce  qui  précède,  on  est  en  lieu  de  conclure  que,  dans  l'en- 
semble, les  Franco-Américains  constituent  un  peuple  distinct  au  sein 
de  la  nation  américaine.  Ils  sont,  en  effet,  un  peuple  distinct  parce 
qu'ils  possèdent  certains  attributs  qui  les  différencient  dv^s  autres  peu- 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  79 


pies  comme,  par  exemple,  la  langue  française,  laquelle  est  la  marque 
distinctive  et  la  raison  d'être  de  leur  comportement,  la  clef  de  voûte 
de  leur  édifice  culturel.  Ils  possèdent  en  outre  une  fête  nationale, 
un  folklore,  un  capital  humain,  des  institutions,  une  presse,  une  litté- 
rature, des  organismes  propres,  une  identité  de  culture,  de  moeurs, 
de  souvenirs  historiques  propres,  de  foi,  de  sang  et  un  vouloir-vivre 
collectif,  le  tout  finalisé  par  le  bien  commun  de  la  nation  et  leur  bien 
particulier. 

Le  capital  humain 

J'ai  mentionné  au  début  que  l'on  évalue  à  quelque  trois  millions 
d'âmes  la  population  d'origine  française  aux  Etats-Unis,  soit  un  million 
et  demi  pour  la  Nouvelle-Angleterre  et  un  million  et  demi  pour  le 
reste  du  pays.  Comme  une  chandelle  qui  brûle  par  les  deux  bouts, 
ce  capital  humain  est  aujourd'hui  entamé  de  deux  manières.  D'abord, 
l'immigration  canadienne-française  ne  se  fait  plus  dans  une  proportion 
suffisante  pour  alimenter  et  prolonger  la  survivance  franco-américaine. 
Il  est  en  outre  une  population  à  noms  français  qui,  par  suite  des  ma- 
riages mixtes  de  langue  ou  de  religion,  est  complètement  détachée  du 
rameau  franco-américain.  Ces  noms  français  ont  fait  souche  et  se  sont 
transmis  de  génération  en  génération.  Mais  on  ne  peut  les  compter 
comme  foyers  f ranco-américains  (  parce  qu'on  n'y  parle  plus  français. 
C'est  dire  que  notre  capital  humain  ne  peut  plus  espérer  pour  son 
développement  que  sur  son  accroissement  naturel  par  le  moyen  des 
naissances. 

L'esprit  vs  la  matière 

Les  esprits  avertis  qui  suivent  l'évolution  du  peuple  franco-améri- 
cain sont  les  témoins  inquiets  d'un  duel  entre  l'esprit  et  la  matière,  dont 
l'enjeu  est  la  jeunesse.  Notre  mystique  spirituelle  l'emportera-t-elle 
sur  r"American  way  of  life?"  Ici  même  au  Canada,  vos  sociologues 
sont  pris  de  la  même  inquiétude.  Ils  constatent  que  la  civilisation 
française  autonome  de  1760,  de  1890,  cède  graduellement  le  pas  devant 
le  matérialisme  américain,  donnant  ainsi  naissance  à  un  nouveau  type 
d'homme  continental.  Or,  si  cela  est  vrai  pour  vous,  à  combien  plus 
forte  raison  cela  l'est-il  pour  nous  qui  vivons  plongés  corps  et  âme  dans 
le  maëlstrom  d'un  grand  pays.  Ce  n'est  pas  un  problème  ordinaire  que 
de  se  glisser  dans  le  creuset  américain  avec  la  volonté  d'y  conserver 
son  âme  originelle.  Cette  expérience  nous  l'avons  tentée  et  réussie 
jusqu'ici,  parce  qu'il  s'agissait  d'une  première  et  deuxième  générations. 
Mais  que  sera  la  troisième?  Née  aux  Etats-Unis,  elle  est  menacée 
d'ignorer  ses  ascendances  françaises.  Entre  les  deux  routes,  celle  de 
l'abdication  et  celle  de  la  survivance,  elle  sera  naturellement  tentée  de 
s'engager  dans  la  première,  parce  que  son  inclination  de  naissance  l'y 


80  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

pousse  et  parce  que  tous  les  vents  soufflent  de  ce  côté-là.  Heureuse- 
ment que  la  route  de  la  survivance  comporte  deux  sentiers  parallèles 
que  l'on  peut  suivre:  l'un,  dans  notre  vie  propre,  au  foyer,  à  l'école, 
à  l'église,  dans  les  sociétés,  dans  la  presse;  l'autre,  dans  notre  vie  com- 
mune avec  tous  nos  concitoyens,  dans  les  sciences  et  les  arts,  la  politi- 
que, les  professions,  l'industrie,  le  commerce,  le  travail,  le  sport. 

Raisons  de  croire 

C'est  pourquoi  j'ai  des  raisons  de  croire  que  la  jeunesse  d'aujour- 
d'hui et  celle  de  demain  prolongeront  notre  survivance.  Ces  raisons 
sont  d'ordre  personnel,  d'ordre  historique,  d'ordre  utilitaire  et  elles 
sont  en  outre  basées  sur  une  réalité  d'actualité. 

Au  cours  de  44  années  de  vie  franco-américaine,  combien  de  fois 
n'ai-je  pas  entendu  ce  pronostic:  dans  10  ans,  dans  20  ans,  one  ne 
parlera  plus  français  aux  Etats-Unis.  Les  années  ont  passé,  les  jours 
s'écoulent  et  l'on  continue  de  parler,  écrire,  chanter  et  prier  en  français. 

Dans  l'ordre  historique,  peut-on  citer  le  cas  d'un  peuple  de  3 
millions  d'habitants  qui,  bien  que  vivant  au  sein  d'une  civilisation 
homogène,  a  perdu  ses  traits  originels?  Je  ne  connais  pas  de  cas 
semblables.  Au  contraire,  tout  le  monde  sait  que  même  en  France  où 
subsiste  une  très  vieille  civilisation,  Bretons,  Normands,  Picards,  Berri- 
chons n'ont  rien  abdiqué  de  leur  idiome  provincial  et  de  leurs  qualités 
natives.  La  langue  d'un  peuple  est  un  élément  de  cohésion,  non  de 
dispersion.  Eparpillé  sur  toutes  les  plages  du  monde,  le  peuple  acadien 
a  reconstitué  son  unité,  avec  tout  ce  que  cela  comporte  de  vocables 
anciens,  de  prières,  de  légendes  et  de  chansons. 

Enfin,  la  réalité  des  faits  nous  rappelle  qu'en  cette  année  1952, 
malgré  un  siècle  de  vie  américaine,  avec  tous  les  dangers  qui  s'y  ratta- 
chent et  les  défections  que  l'on  déplore,  un  authentique  Américain  de 
descendance  canadienne-française  a  été  jugé  digne  de  présider  les 
solennelles  assises  du  Troisième  Congrès  de  la  Langue  française.  Il 
serait  paradoxal  de  songer  qu'un  congrès  qui  a  pour  objet  la  conver- 
sation d'une  langue  pourrait  être  présidé  par  le  représentant  d'un 
peuple  qui  voudrait  sa  disparition. 

Et  je  ne  vois  guère  de  meilleur  indice  de  la  fidélité  franco-améri- 
caine à  notre  commun  héritage  culturel. 

(Reproduit  de  "Vie  Française",  Québec). 


MODERN    LANGUAGE    ASSOCIATION  81 


(IV) 


Quelques  aspects  du  Troisième 
Congrès  de  la  Langue  française 

(Abbé  Adrien   Verrette) 

Le  secteur  French  VIII  de  la  Modem  Language  Association  devait 
tout  naturellement  s'intéresser  aux  échos  du  Troisième  Congrès  de  la 
Langue  française,  tenu  à  Québec,  en  juin  dernier. 

C'est  sans  doute  parce  qu'à  titre  de  président  du  Conseil  de  la 
Vie  Française  en  Amérique  j'ai  eu  à  diriger  ces  importantes  assises  que 
l'on  me  fait  l'honneur,  en  cette  séance,  de  résumer  quelques  aspects  de 
cet  important  congrès. 

J'apprécie  vivement  cette  invitation  et  je  me  permets  tout  d'abord 
de  rendre  hommage  à  ce  secteur  de  la  MLA  qui  s'emploie  à  faire 
mieux  apprécier  en  Amérique,  surtout  dans  les  milieux  anglophones,  la 
culture  et  la  langue  françaises. 

Pour  nous,  fils  authentiques  de  cet  héritage  que  nous  portons  dans 
nos  veines,  il  est  toujours  fort  agréable  de  constater  le  zèle  de  nos 
concitoyens  à  pénétrer  la  pensée  française  et  d'en  suivre  le  chemine- 
ment sur  ce  continent.  Nous  vous  disons  toute  notre  joie  et  notre 
reconaissance. 

Si  nous  comprenons  bien  les  buts  de  votre  secteur,  c'est  l'étude 
sérieuse  de  la  langue  et  de  la  culture  telles  que  nous  pouvons  les  ren- 
contrer en  Amérique  dans  toutes  leurs  manifestations  au  cours  de  trois 
siècles.  Ces  enquêtes,  en  plus  de  révéler  l'évolution  de  ce  comportement 
et  de  fournir  une  information  technique  ou  philologique,  permettent 
encore  aux  chercheurs  de  suivre  le  mouvement  de  l'influence  française 
partout  où  elle  a  pris  racine,  et  en  définitive  peut-être  favoriser  des  rela- 
tions plus  intimes  et  utiles  entre  les  tenants  des  grandes  civilisations  qui 
se  partagent  le  rayonnement  intellectuel  sur  ce  continent. 

Les  études  et  les  recherches  de  votre  secteurs  depuis  1941  ont 
produit  des  résultats  précieux  et  nous  voulons  bien  leur  ajouter  le 
fruit  de  notre  modeste  communication. 

On  l'a  répété  tant  de  fois  et  sur  tous  les  tons,  le  congrès  fut 
une  grande  réunion  de  famille  au  berceau  de  la  race.  Des  représen- 
tants des  six  millions  de  parlants  français  y  avaient  été  conviés. 

En  plus  des  heures  de  profonde  réjouissance  et  de  fraternelles 
étreintes,  on  y  ferait  aussi  un  inventaire  sérieux  sur  l'état  de  santé  de 
l'héritage  commun  dans  toutes  ses  manifestations,  avec  l'espoir  de 
trouver  les  ferments  qui  lui  donneraient  un  nouveau  rebondissement. 


82  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Naturellement  cette  convocation  allait  revêtir  une  atmosphère 
de  joie  profonde  avec  des  déploiements  religieux,  académiques  et 
populaires  comme  rarement  la  province  de  Québec  en  fut  témoin. 
Des  heures  émouvantes  se  déroulèrent  et  toute  la  famille,  d'un  océan 
à  l'autre,  en  ressentira  une  remuante  consolation. 

Il  nous  a  semblé  cependant  que  l'aspect  qui  intéressait  surtout 
la  présente  réunion  serait  plutôt  un  rapide  tour  d'horizon  sur  les 
assises  mêmes  du  congrès,  ses  heures  d'étude  et  de  résolution. 

Le  congrès  compta  cinq  sections  d'études,  à  savoir  la  langue  parlée, 
la  langue  écrite,  la  refrancisation,  la  survivance  et  l'éducation  patrioti- 
que soit  une  cinquantaine  de  travaux.  Celui  de  1937  en  avait  enre- 
gistré plus  de  120. 

Résumons  ensemble  ce  que  les  congressistes  ont  laissé  de  plus 
durable  au  cours  de  leurs  délibérations. 

Disons  d'abord  que  l'une  des  conséquences  très  heureuses  du 
congrès  fut  la  création  récente  d'une  chaire  de  Civilisation  Canadienne 
française  à  l'université  de  Montréal  dont  les  cours  seront  inaugurés 
le  mois  prochain,  sous  la  direction  de  M.  Esdras  Minville,  doyen  de 
la  faculté  des  Sciences  Sociales. 

C'est  la  Société  Saint  Jean-Baptiste  de  Montréal  à  la  suite  des 
succès  de  son  "Ecole  de  pensée  nationale"  qui  en  suggéra  l'établisse- 
ment en  assumant  les  frais  de  son  administration. 

A  l'occasion  de  la  signature  de  l'entente,  le  notaire  Athanase 
Fréchette,  le  principal  instigateur  disait:  "//  est  à  souhaiter  que  la 
création  de  cette  chaire  de  civilisation  nous  conduise  à  l'établissement 
d'un  secrétariat  national,  qui  serait  un  centre  de  documentation  et  de 
recherches  indispensables  pour  la  défense  de  notre  peuple  sur  tous  les 
fronts  et  l'expansion  de  notre  civilisation  sur  le  continent  américain." 

Pour  souligner  l'importance  que  l'on  veut  donner  à  cet  enseigne- 
ment, citons  le  préambule  du  document  qui  explique  les  raisons: 

"Afin  d'enrichir  son  âme  nationale,  au  bénéfice  de  la  patrie  et 
de  la  foi,  le  Canadien  français  se  doit  de  prendre  une  vue  claire  et 
profonde  des  valeurs  essentielles  de  civilisation  dont  découlent  son 
histoire,  son  droit  et  son  ordre  social  et  les  manifestations  principales 
de  sa  vie  collective. 

"Seule  une  étude  approfondie  des  principes  de  cette  civilisation 
et  des  raisons  qui  en  justifient  la  permanence  au  20^  siècle  peut  per- 
mettre à  nos  élites  d'en  imprégner  vigoureusement  la  vie  sociale,  éco- 
nomique, politique  et  même  religieuse  du  Canadien  français. 

Voilà  croyons-nous  une  entreprise,  qui,  avec  les  ans,  apportera 
des  lumières  d'orientation  précieuses  à  tous  ceux  qui  cherchent  à  se 
renseigner  sur  le  comportement  de  cette  civilisation  française  qui  mar- 
que la  vie  de  tant  de  foyers  de  chaque  côté  de  la  frontière.  Elle  four- 
nira sûrement  des  élites  solides. 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  83 


Un  enseignement  de  même  portée  a  aussi  été  établi  à  l'université 
Laval,  à  la  faculté  des  Lettres,  ce  qui  devrait  fournir  un  apport  consi- 
dérable de  la  part  des  deux  universités  françaises  de  Québec. 

Après  quinze  années  de  labeurs,  le  Comité  de  la  Survivance  fran- 
çaise en  Amérique,  devenu  le  Conseil  de  la  Vie  française  en  Amérique 
était  le  premier  à  reconnaître  qu'il  n'avait  pu  exécuter  tous  les  voeux 
du  congrès  de  1937.  Aussi  c'est  avec  empressement  qu'il  accueillait 
la  présente  résolution  à  savoir: 

"Considérant  que  les  voeux  émis  en  détail  par  le  Congrès  de  1937 
conservent  encore  leur  actualité,  particulièrement  ceux  qui  ont  trait 
à  la  langue  parlée  ou  écrite  au  Canada  et  en  Franco- Américanie  .  .  . 
le  Troisième  Congrès  de  la  Langue  française  émet  le  voeu: 
Que  les  membres  présents  et  futurs  du  CVFA  gardent  sous  leurs  yeux 
les  résolutions  adoptées  par  les  congressistes  de  1937,  et  qu'ils  s'appli- 
quent à  en  assurer  la  réalisation  et  la  parfaite  exécution  selon  les  cir- 
constances des  temps  et  des  régions." 

Les  congressistes  saluaient  avec  enthousiasme  le  projet  de  la  créa- 
tion d'un  Office  de  la  Langue  française  au  Canada.  C'est  Mgr  Félix 
Antoine  Savard,  doyen  de  la  faculté  des  lettres,  à  l'université  Laval, 
qui  le  demandait  au  nom  de  la  Société  du  Parler  français  dont  on 
célébrait  le  cinquantenaire. 

En  précisant  les  buts  d'un  tel  office,  Mgr  Savard  évoquait  un 
voeu  semblable  proposé  en  1937  par  le  linguiste  éminent,  M.  Jean- 
Marie  Laurence. 

L'office  aurait  donc  pour  but  d'unifier  la  langue,  en  consacrant 
l'usage  de  certains  termes,  certaines  locutions,  particulièrement  dans  le 
vocabulaire  des  affaires,  de  l'administration  publique,  de  la  finance; 
de  fournir  aux  marchands,  industriels,  techniciens,  instituteurs,  journa- 
listes, etc.,  l'aide  dont  ils  ont  besoin  pour  vaincre  les  difficultés  aux- 
quelles ils  se  heurtent  soit  dans  la  traduction,  soit  dans  la  correction 
des  impropriétés  des  termes;  d'intervenir  auprès  des  corps  publics 
pour  obtenir  la  rectification  d'erreurs  que  les  imprimés,  les  règlements, 
les  lois  propagent  dans  le  public;  de  travailler  infatigablement  à 
l'épuration  de  la  langue  française  au  Canada  en  offrant  son  concours 
bénévole  à  tous  les  individus  et  à  toutes  les  sociétés  qui  pourraient  le 
solliciter. 

La  création  d'un  tel  office  s'impose  plus  que  jamais.  Le  gouver- 
nement de  Québec  a  semblé  prêter  une  oreille  sympathique  à  ce  voeu 
réitéré.  Le  Conseil  de  la  Vie  française  en  est  saisi  et  une  réponse 
favorable  ne  peut  pas  tarder  malgré  les  frais  que  peut  exiger  l'admi- 
nistration d'un  pareil  centre  d'information.  La  Société  du  Parler 
Français  semblerait  être  l'organisme  désigné,  si  nous  pouvons  lui  four- 
nir les  moyens  de  fonctionnement. 

La  Société  du  Parler  Français  au  Canada  avait  accepté  de  pré- 
parer les  travaux  et  de  diriger  les  séances  de  la  section  de  "la  langue 


84  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

parlée".  Une  dizaine  d'études  sérieuses  et  de  facture  éprouvée  mettait 
en  pleine  lumière  le  status  actuel  de  notre  parler  dans  tous  les  domaines. 
Ce  fut  un  inventaire  sévère.  Des  maîtres  en  linguistique  ne  ménagè- 
rent pas  leur  brillante  collaboration  afin  d'améliorer  notre  langue. 

Les  séances  de  cette  section  furent  probablement  les  plus  mouve- 
mentées. A  ce  sujet,  toutes  les  sections  furent  fréquentées  par  des  assis- 
tances nombreuses  et  très  attentives. 

Les  titres  des  travaux  et  les  noms  de  leurs  auteurs  en  disent  suffi- 
samment pour  attester  que  les  assises  du  congrès  entendaient  bien  n'être 
pas  exclusivement  des  réunions  de  parlote  complaisante. 

Certaines  affirmations  de  M.  Marius  Barbeau  au  sujet  du  parler 
français  en  franco-américanie  soulevèrent  des  réactions  vigoureuses, 
signe  qu'il  existe  tout  de  même  une  certaine  vitalité  chez  les  Franco- 
Américains,  malgré  toutes  les  déficiences  que  nous  connaissons. 

Celui  qui  déclancha  les  réactions  les  plus  animées  ce  fut  M.  Pierre 
Daviault,  linguiste  et  traducteur  à  Ottawa.  Bien  que  le  texte  officiel 
de  sa  communication  ne  soit  pas  encore  connu,  il  semblerait  que  notre 
éminent  puriste,  au  cours  de  son  étude  sur  les  "Anglicismes  et  emprunts 
à  l'anglais"  ait  jeté  un  glas  sur  la  survivance  de  notre  parler  français 
en  Amérique. 

Chose  inévitable,  la  presse  anglaise  s'empressa,  "La  Gazette" 
(Montréal),  en  tête,  d'affirmer  que  les  Canadiens-français  avaient 
décrété  la  mort  de  leur  langue. 

Bien  qu'ayant  raison  sur  bien  des  points,  hélas,  M.  Daviault  n'en- 
tendait certainement  pas  ensevelir  la  langue  qui  lui  a  donné  tout  son 
prestige.  Ses  déclarations  cependant  firent  sensation  et  lui  donnèrent 
les  manchettes,  peut-être  convoitées,  de  la  presse.  En  tout  cas  à  la 
séance  académique  des  pays  de  langue  française,  le  Très  Honorable 
Louis  Saint-Laurent  crut  opportun  et  de  son  devoir  d'affirmer  que 
"le  français  n'était  pas  une  langue  morte  au  pays." 

La  langue  parlée  demeure  toujours  une  grande  préoccupation 
chez  nous.  Il  ne  faut  pas  s'en  effrayer  car  notre  parler  est  exposé  à 
tant  d'infiltrations.  Mais  il  est  réconfortant  de  constater  que  des 
mesures  sont  à  l'étude  pour  obtenir  une  amélioration  sensible  dans  le 
parler  populaire  en  tenant  compte  des  canadianismes  et  des  franco- 
américanismes  acceptables. 

D'ailleurs  ce  n'est  pas  à  des  fervents  de  la  MLA  que  l'on  puisse 
apporter  de  nouveaux  mystères  sur  le  problème  de  la  linguistique.  Et 
quel  peuple  parle  sa  langue  parfaitement!  Il  ne  faut  pas  circuler  très 
loin  même  au  pays  pour  constater  que  la  langue  anglaise  n'est  pas 
précisément  pure  sur  toutes  les  lèvres. 

Il  semblerait  qu'une  formule  très  pratique  serait  d'imposer  les 
mérites  de  la  langue  parlée  et  d'en  faire  une  matière  de  scolarité  se 
rattachant  à  l'obtention  du  diplôme  depuis  le  primaire  et  surtout  à 
l'école  normale.    Ce  projet  est  à  l'étude  et  le  Conseil  voudrait  bien  lui 


MODERN    LANGUAGE    ASSOCIATION  85 


donner  quelque  suite.  Nous  croyons  que  les  minorités  françaises  en 
Amérique  se  rallieraient  à  un  tel  programme. 

En  tout  cas,  il  faut  reconnaître  le  travail  très  utile  que  poursuit 
la  Société  du  Bon  Parler  de  Montréal  qui  compte  des  centaines  de 
foyers  de  diction  et  qui  entretient  une  ferveur  croissante  autour  de  notre 
parler.  Malgré  tout,  il  semble  exister  une  nouvelle  détermination  pour 
améliorer  notre  langue  parlée  n'en  déplaise  à  ceux  qui  s'attardent  à  la 
légende  douloureuse  du  patois  . 

D'ailleurs,  le  célèbre  linguiste  de  la  Sorbonne,  M.  Charles  Bru- 
neau  n'affirmait-il  dans  sa  lumineuse  étude  sur  "les  rapports  entre 
les  parlers  provinciaux  de  la  langue  commune" ,  "qu'il  n'est  pas  de 
langue,  si  modeste  soit-elle,  qui  n'ait  subi  une  évolution.  La  langue 
française  d'aujourd'hui  est  l'aboutissement,  d'ailleurs  provisoire  d'une 
longue  histoire,  qui  se  continue  chaque  jour  et  dont  nous  n'entre- 
voyons pas  la  fin."  Et  il  ajoutait,  "je  me  réjouis  de  me  trouver  parmi 
des  Canadiens  qui  parlent  le  français,  qui  pensent  en  français  et  qui 
ont  le  souci  de  penser  juste  et  de  parler  correctement." 

La  radio  française  au  Canada,  maintenant  officiellement  raccor- 
dée dans  tout  le  pays  va  contribuer  considérablement  à  notre  bon  et 
beau  parler.  Les  quatre  postes  de  l'Ouest  en  proclament  déjà  des 
bienfaits  nombreux. 

Le  3e  voeu  du  congrès  a  voulu  indiquer  cette  préoccupation: 

"Considérant  que  la  radio  française  heureusement  implantée  dans 
la  plus  grande  partie  du  territoire  canadien,  impose  facilement  à  nos 
populations  ,tant  rurales  qu'urbaines,  ses  modes  de  parler  et  que,  de 
ce  fait,  elle  peut  contribuer  grandement  à  relever  le  niveau  du  voca- 
bulaire et  de  l'élocution  populaire:  Considérant  aussi  que  la  télévision 
sera  bientôt,  à  son  tour,  un  puissant  facteur  possible  d'éducation  popu- 
laire, le  Troisième  congrès  émet  le  voeu: 

"Que  nos  postes  de  radio  s'appliquent  de  plus  en  plus  à  soigner 
la  langue  française,  en  vue  de  se  constituer  eux-mêmes  les  gardiens 
et  les  propagateurs  de  la  culture  française  au  Canada,  de  l'Atlantique 
au  Pacifique;  que  la  télévision  de  demain,  respectant  les  lois  de  la 
morale,  devienne  aussi  une  école  de  bon  goût  et  de  bon  langage;  que 
le  même  souci  de  culture  française  anime  les  producteurs  et  les  propa- 
gandistes  du   film   canadien." 

La  langue  parlée  fut  aussi  inventoriée.  C'est  M.  Jean  Bruchési, 
président  de  la  Société  des  Ecrivains  qui  en  dirigea  le  symposium. 
Une  quinzaine  d'écrivains  et  de  professeurs  y  exposèrent  leurs  vues 
non  sans  provoquer  des  précisions. 

M.  Victor  Barbeau  demande  que  dans  l'enseignement,  le  français 
soit  une  substance  vivifiante,  germe  et  semence.  Mgr  Savard  déclare 
que  l'écrivain  doit  se  rappeler  qu'il  se  livre  à  un  "véritable  et  difficile 
ministère  dont  la  grandeur  n'a  d'égal  que  le  sérieux."  Et  M.  Bruneau 
voulut  reconnaître  aux  Canadiens,  le  droit  au  génie  et  le  droit  à  une 


86  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

langue  canadienne,  dont  les  écrivains  peuvent  se  servir  dans  leur  litté- 
rature à  condition  de  respecter  le  génie  de  la  langue. 

Et  la  discussion  reviendra  sur  la  santé  de  la  langue.  On  demande 
des  précisions.  M.  Daviault  ne  démord  pas  — ■  "la  langue  est  morte." 
Ses  collègues  viennent  à  sa  rescousse  avec  des  ménagements.  On  re- 
connaît que  la  maladie  est  grave  mais  qu'il  y  a  tout  de  même  des 
remèdes  à  prescrire.  Enfin  des  franco-américaines  ajoutent  leur  mot 
qui  suscite  un  nouvel  intérêt,  Mme  Alice  Lemieux-Lévesque  et  Mlles 
Michaud  et  Quintal. 

Pour  résumer  les  impressions,  M.  de  Louvigny  avoue  qu'il  faut 
parfois  dire  les  choses  un  peu  rudement  pour  les  faire  comprendre. 
Le  Comte  d'Harcourt  oui  entendit  tous  ces  propos  aurait  dit:  "toutes 
les  ascensions  sont  au  prix  de  la  dureté  envers  soi-même" .  On  comprend 
que  M.  Daviault  ait  voulu  maintenir  ses  positions! 

En  somme,  personne  croit  à  la  mort  de  la  langue  et  tout  le  monde 
comprend  qu'il  faut  travailler  sérieusement  à  son  épuration  ...  et 
c'est  un  peu  pour  cela  que  le  congrès  a  lieu. 

Aussi  le  symposium  a  l'avantage  de  soumettre  des  résolutions 
sévères  et  pratiques.  On  demandera  que  l'enseignement  de  la  lan- 
gue française  soit  donné  avec  plus  de  compétence  et  que  des  sanctions 
sévères  accompagnent  la  correction  des  examens  sous  le  rapport  de  la 
langue  française. 

On  ira  même  plus  loin  en  exigeant  une  amélioration  dans  l'ensei- 
gnement du  français  dans  tous  les  collèges  classiques  en  refusant  le 
titre  de  bachelier  à  quiconque  ne  peut  écrire  une  page  en  bon  fran- 
çais ...  et  pourquoi  pas  deux.  .  .  . 

C'était  faire  échos  aux  déclarations  du  recteur  de  l'Université 
Laval,  Mgr  Vaudry,  qui,  au  banquet  de  l'ACELF  déplorait  amère- 
ment la  médiocrité  de  trop  de  bacheliers  qui  parlent  un  mauvais  fran- 
çais et  qui  ne  l'écrivent  pas  avec  soins. 

Tout  cela  indiquait  que  le  congrès  avait  provoqué  certainement 
des  réveils  salutaires. 

Les  poètes  ajouteront  leur  témoignage  parmi  les  vivants.  A  son 
déjeuner  à  la  Bastogne,  la  Société  des  Poètes,  par  son  président  Charles 
Harpes,  rendra  hommage  au  docteur  Georges  Boucher,  de  Brockton, 
qui  vient  de  lancer  ses  dernières  harmonies:  "Chants  du  Nouveau 
monde." 

Le  secteur  "La  Survivance"  comportait  à  son  tour  de  graves  exa- 
mens, car  il  ne  faut  pas  oublier  ici  que  la  culture  française  est  pour 
tous  les  congressistes  une  formule  de  vie  et  que  la  langue  française  est 
le  véhicule  de  cette  vie. 

Tous  les  groupements  français  parurent  sur  la  scène  pour  sou- 
mettre un  inventaire  sans  fard.     Le  procès  était  sérieux. 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCUTION  87 


Le  T.  R.  p.  Thomas-Marie  Landry,  o.p.  fit  lui  aussi  sensation 
dans  son  étude  "Y  aura-t-il  demain  une  vie  franco-américaine  en 
Nouvelle-Angleterre"? 

Son  réquisitoire  était  sévère  et  la  polémique  se  poursuit  encore. 
D'aucuns  trouvent  le  doux  religieux  trop  pessimiste  .  .  .  d'autres  louent 
son  courage.     Il  aurait  réveillé  des  énergies! 

Ce  que  l'éminent  religieux  affirme  est  vrai.  Nous  savons  fort 
bien  que  nous  vivons  dangereusement  en  Nouvelle-Angleterre.  Mais 
lui  pas  plus  que  les  autres  artisans  sérieux  de  notre  survivance  vou- 
draient la  voir  disparaître.  Nous  connaissons  trop  bien  les  nombreux 
services  que  le  P.  Landry  rend  au  sein  de  la  franco-américanie  et  au 
Comité  d'Orientation  F. -A.  pour  douter  de  son  entêtement  à  faire 
fleurir  notre  fait  franco-américain. 

Il  reste  cependant  qu'il  affirmait:  "Hélas!  il  faut  bien  avouer, 
au  train  où  vont  les  choses,  qu'à  la  longue,  dans  le  sens  où  la  vie  fran- 
çaise chez  nous  semble  s'engager,  elle  finira  par  ne  plus  être." 

A  ce  cri  d'alarme,  il  faut  bien  espérer  que  des  moyens  seront  con- 
sentis pour  conserver  et  améliorer  notre  situation.  Nous  avons  con- 
fiance quand  même  et  le  P.  Landry  aussi. 

Mais  il  ne  faudrait  cependant  pas  oublier  de  noter  qu'un  nouveau 
courant  s'accentue  au  sein  de  certaines  de  nos  institutions,  c'est  le 
maintien  de  la  culture  française  sans  l'usage  de  la  langue  dans  nos  vies! 

Le  manifeste  "Notre  Vie  Franco- Américaine"  préparé  par  le 
Comité  d'Orientation  a  pourtant  établi  péremptoirement  que  la  lan- 
gue est  en  fonction  de  la  culture  et  la  culture  en  fonction  de  la  vie." 

Ce  document  qui  a  été  appelé  la  charte  culturelle  des  franco- 
américains  devrait  être  connu  de  tous  ceux  qui  étudient  le  fait  fran- 
çais aux  Etats-Unis. 

M.  Paul  Gouin,  conseiller  technique  auprès  du  Comité  Exécutif 
de  la  Province  de  Québec  dirigea  les  séances  de  la  "refrancisation", 
un  domaine  qui  lui  est  familier  et  cher. 

Des  études  remarquables  apportaient  un  nouvel  intérêt  à  ce 
problème  toujours  si  nécessaire,  de  conserver  au  Québec  son  visage 
français.  Aussi  importe-t-il  de  faire  pénétrer  cette  préoccupation  dans 
tous  les  domaines  et  pas  seulement  dans  l'affichage. 

Des  conférenciers  comme  MM.  Lacourcière,  Gauvreau,  Morisset, 
Léveillée,  etc,  étaient  bien  choisis  pour  faire  ressortir  les  richesses  qui 
demandent  à  être  exploitées  dans  le  folklore,  l'artisanat,  les  arts  déco- 
ratifs, l'architecture  et  la  tradition. 

Le  Congrès  avait  choisi  un  thème  assez  général  "notre  héritage 
culturel";  il  comptait  surtout  intéresser  la  jeunesse  à  cette  oeuvre,  en 
fixant  son  orientation  patriotique,  un  aspect  vital  dans  toute  oeuvre 
de  survivance. 

L'ACELF  (Association  Canadienne  des  Educateurs  de  Langue 
française)    avait  été  chargée  de  cet  important  secteur,  "l'Education 


88  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

patriotique".  Tous  les  aspects  de  la  formation  devaient  trouver  place 
dans  cet  inventaire.  Les  séances  furent  remplies  de  rapports  solides 
apportant  des  solutions  et  des  correctifs  efficaces  dans  le  domaine  sco- 
laire pour  se  clôturer  avec  la  grandiose  manifestation  de  la  jeunesse 
au  grand  colisée,  où  le  chanoine  Groulx  résumait  les  conditions  de 
l'option  que  doit  faire  la  relève. 

Exactement  23  travaux  remplirent  les  huit  séances  consacrées  au 
sujet.  Si  nous  relevons  des  noms  comme  MM.  Minville,  Parent,  Sa- 
vard,  Boulanger,  Guénette,  Cormier,  Gauthier,  Aube,  Barbeau,  etc, 
c'est  pour  faire  ressortir  la  qualité  de  l'effort  qui  fut  déployé  et  la 
justesse  des  résolutions  qui  sortirent  de  leurs  propos. 

M.  Esdras  Minville  apportera  un  concours  très  réaliste  lors- 
qu'il déclara  que  l'économique  doit  contribuer  sa  part  "par  une 
saine  exploitation  du  milieu  naturel  pour  être  en  accord  avec  les  exi- 
gences permanentes  de  la  vocation  humaine  et  de  la  culture  nationale 
canadienne  française.  A  son  tour  ,cependant,  l'éducation  patriotique 
doit  former  un  foyer  intense  d'hommes  forts,  compétents,  conscien- 
tieux  dont  le  bien  commun  profitera."  Les  Canadiens  français  ont 
peut-être  trop  négligé  dans  le  passé  ce  double  aspect  dans  leur  orien- 
tation culturelle. 

A  dessein,  nous  avons  voulu  nous  borner  à  ce  bref  résumé  des 
assises  du  congrès,  car  c'est  bien  par  elles  surtout  qu'il  aura  des  lende- 
mains fructueux.  Cette  vue  d'ensemble  résume  le  travail  très  sérieux, 
utile  et  informateur  qui  s'effectua  durant  ces  journées  intenses. 

La  publication  prochaine  de  trois  volumes  (compte  rendu  et 
mémoires)  avec  un  album  illustré  fournira  toute  cette  documentation 
considérable. 

Si  nous  allions  choisir  les  cinq  ou  six  tâches  qui  pressent  et  qui 
devront  retenir  l'attention  et  les  labeurs  des  réalisateurs,  nous  voudrions 
songer  1)  à  l'amélioration  de  la  langue  parlée  au  moyen  de  nouvelles 
exigences  dans  la  préparation  au  diplôme  à  tous  les  degrés;  2)  l'éta- 
blissement d'un  office  central  de  la  langue  française  aux  fins  préconi- 
sées; 3)  le  développement  de  l'enseignement  de  la  civilisation  cana- 
dienne-française par  des  chaires  universitaires  et  dans  les  collèges;  4) 
l'orientation  patriotique  de  la  jeunesse;  5)  l'intensification  du  pro- 
gramme action  de  l'AJC;  6)  l'amélioration  de  la  langue  parlée  à  la 
radio  et  à  la  télévision. 

Voilà  assez  de  besogne  pour  tenir  très  occupés  tous  ceux  qui  veu- 
lent prêter  leur  concours  à  l'enrichissement  de  notre  patrimoine  cul- 
turel, pour  le  faire  rayonner  en  force  et  en  beauté  partout  où  les  nôtres 
veulent  vivre. 

On  conviendra  qu'un  petit  peuple  qui  possède  la  force  de  réunir 
périodiquement,  trois  fois  en  quarante  ans,  autour  de  la  table  de  famille, 
un  nombre  aussi  imposant  et  brillant  de  spécialistes  et  d'apôtres  de  sa 
culture,   est   certainement  engagé  sérieusement  dans  la  voie  de  son 


MODERN    LANGUAGE   ASSOCIATION  89 

amélioration.  Et  c'est  bien  le  mystère  de  la  vie  elle-même  et  le  sort 
qui  est  réservé  à  toutes  les  valeurs  qui  ont  droit  de  se  prolonger  au 
service  de  la  société. 

Le  travail  du  congrès  vient  à  peine  de  commencer.  Déjà  de  nom- 
breux échos  font  voir  que  la  semence  est  tombée  en  terre  fertile.  Tous 
les  résultats  ne  jailliront  pas  par  enchantement.  Quelques-uns  seront 
lents  à  germer,  mais  le  bond  a  été  donné  et  les  ouvriers  ne  manquent 
pas. 

En  remerciant  les  membres  de  French  VIII  de  la  ML  A  qui  me 
fournissent  cette  occasion  de  leur  traduire  la  nature  et  l'ampleur  du 
travail  que  poursuit  le  Conseil  de  la  Vie  Française  en  Amérique, 
laissez-moi  les  inviter,  si  possible,  à  une  collaboration  plus  intime. 
Elle  leur  fournira  certainement  des  aspects  séduisants  dans  leurs  sym- 
pathiques et  académiques  labeurs,  autour  d'une  culture  qu'ils  aiment 
par  choix  et  que  nous  portons  dans  nos  vies  comme  l'héritage  indes- 
tructible des  ancêtres. 


IZ 


Echos  des  Sociétés  Historiques 

La  Société  Historique  de  Québec  publiait  son  4e  cahier  d'histoire 
à  l'occasion  du  Troisième  Congrès  de  la  Langue  française.  La  bro- 
chure, in-8,32pp,  intitulée  "Québec  et  son  évolution"  était  un  sujet 
bien  choisi  pour  procurer  aux  congressistes  un  intéressant  résumé  histo- 
rique de  la  cité  de  Champlain.  L'essai  avait  pour  auteur  Gérard 
Morisset,  vice-président  de  la  société  et  très  versé  dans  les  archives  de 
la  ville.  Le  texte  est  accompagné  de  vignettes  sur  le  vieux  Québec  et 
comprend  les  chapitres  suivants:  la  ville  se  dégage  de  le  forêt,  la  ville 
se  hérisse  de  murailles  et  la  ville  grandit  quand  même.  M.  Morisset  y 
ajoute  une  esquisse  biographie  des  principaux  artistes  et  artisans  qui 
ont  contribué  à  la  configuration  historique  de  Québec. 

La  société  favorisait  encore  une  autre  initiative  avec  la  coopéra- 
tion de  la  Commission  des  Monuments  Historiques,  avec  le  dévoile- 
ment d'une  plaque  de  bronze  dans  la  basilique  de  Québec,  pour  rap- 
peler la  mémoire  de  quatre  gouverneurs  du  régime  français  enterrés 
dans  la  crypte  de  l'église,  Frontenac,  Sallières,  Vaudreuil  et  Jonquière. 
Des  inscriptions  évoquant  ces  noms  avaient  été  détruites  lors  de  l'in- 
cendie de  la  basilique  en  1922.  L'Honorable  Cyrille  Delage,  prési- 
dent de  la  société  présidait,  Mgr  Alphonse  Gagnon,  P.D.,  curé  de  la 
basilique,  prononçait  l'allocution  et  S.  E.  Gaspard  Fauteux,  Lieutenant 
Gouverneur  de  la  Province  de  Québec,  après  avoir  dévoilé  la  plaque 
remerciait  au  nom  du  gouvernement.  Tous  les  officiels  du  Congrès 
assistaient  à  la  cérémonie,  jeudi  le  19  juin,  dans  l'après-midi,  sur  le 
parvis  de  la  basilique  Notre-Dame. 

L'Institut  d'Histoire  de  l'Amérique  Française.  (Montréal).  A 
l'occasion  de  sa  5e  Réunion  Annuelle,  tenue  à  Québec,  le  17  avril, 
sur  l'invitation  de  la  Société  Historique  de  Québec,  pour  s'unir  un 
peu  à  l'esprit  du  Troisième  Congrès  de  la  Langue  française  et  au  Cen- 
tenaire de  l'Université  Laval,  l'Institut  a  fait  voir  encore  une  fois  toute 
la  valeur  d'un  tel  organisme,  où  se  rencontrent  désormais  les  spécialistes, 
les  techniciens  et  les  amis  de  notre  histoire. 

M.  le  chanoine  Lionel  Groulx,  président  de  l'Institut,  prononçait 
une  remarquable  conférence:  "Une  petite  québecquoise  devant  l'his- 
toire: Mère  Catherine  de  Saint- Augustin,  religieuse  hospitalière  de 
l'Hôtel-Dieu  de  Québec."  Le  président  rendait  aussi  hommage  à 
l'université  qui  sut  un  jour,  reconnaître  la  place  de  l'histoire  du  Canada 
en  confiant  sa  chaire  à  un  historien  de  grande  classe,  l'abbé  J.  B.  A. 
Ferland. 

Trois  études  furent  présentées:  "L'affaire  Jumonville",  Marcel 
Trudel,  secrétaire  de  l'Institut  d'Histoire  et  de  Géographie  de  Laval; 
"Papiers  de   Contrecoeur  et  autres  documents  concernant  le  conflit 


ECHOS    DES    SOCIETES  91 

anglo-français  sur  l'Ohio  de  1745  à  1756"^  Fernand  Grenier,  professeur 
au  Petit  Séminaire  de  Québec;  "L'Acte  de  Québec  est-il  la  grande 
Charte  du  Canada  français",  Maurice  Séguin. 

La  Revue  d'Histoire  de  l'Amérique  Française  entrait  dans  sa 
sixième  année,  1952-53,  livraisons  en  mars,  juin,  septembre  et  dé- 
cembre, soit  610  pages  de  texte  avec  un  index  général,  préparé  par 
Gérard  Malchelosse.  En  plus  des  études,  on  y  fait  aussi  la  chronique 
de  l'Institut  avec  Documents  Inédits  et  une  revue  critique  des  Livres 
et  Revues.  Elle  a  "d'emblée  atteint  le  plus  haut  niveau  des  publica- 
tions périodiques  de  l'ancien  continent." 

L'Institut  compte  plusieurs  sections  ou  filiales  dont  La  Société 
Historique  Franco-Américaine.  Au  nombre  de  ses  membres  corres- 
pondants sont:  J.  M.  Carrière,  University  of  Virginia,  Burton  LeDoux, 
New  York,  R.  P.  A.  Dutilly  o.m.i.,  Lowell,  Mass.,  Marine  Leland, 
Smith  Collège,  Northampton,  Mass.,  abbé  Adrien  Verrette,  Plymouth, 
N.  H.,  Adolphe  Robert,  Manchester,  N.  H.,  docteur  Gabriel  Nadeau, 
Rutland,  Mass.,  docteur  Ulysse  Forget,  Warren,  Rhode  Island,  Agnès 
Bureau,  Cleveland,  Ohio  et  S.  L.  Villeré,  Nouvelle-Orléans,  Louisiane. 

Revue  d'Histoire  de  l'Amérique  Française.     (Trimestrielle). 
Abonnement:   $5.00  par  année;  261,  avenue  Bloomfield,  Outremont, 
Québec. 

La  Société  Historique  de  Montréal  tenait  ses  réunions  mensuelles 
dans  la  salle  de  la  Bibliothèque  Municipale  sous  la  direction  de  son 
président,  Mgr  Olivier  Maurault,  P.D.,  recteur  de  l'Université  de 
Montréal.  La  Société  prépare  la  publication  du  premier  Registre  de 
la  Paroisse  Notre-Dame  de  Montréal,  "Mémorial  sacré  de  nos  origines 
montréalaises".  Mgr  Maurault  publiait  une  plaquette  illustrée  sur 
l'histoire  de  "L'Université  de  Montréal",  une  étude  qui  paraissait  dans 
Le  Cahier  des  Dix.  L'auteur  termine  dans  les  termes  suivants:  "Ainsi 
donc,  l'Université,  établie  à  Montréal,  en  1876,  grâce  aux  efforts  inces- 
sants de  Mgr  Ignace  Bourget,  émancipée  en  1919  et  complétée  par 
Mgr  Georges  Gauthier  et  ses  collaborateurs,  régie  depuis  1950  par  un 
puissant  Conseil  de  Gouverneurs,  où  siègent  l'archevêque-chancelier, 
le  recteur  et  dix  administrateurs,  offre  à  la  population  étudiante  de 
la  région  de  Montréal,  du  Canada  tout  entier  et  de  l'étranger  des  cadres 
solides  et  complets,  capables  de  rivaliser  avec  ceux  des  meilleures  insti- 
tutions du  continent.  Sa  devise  est:  Fides  splendet  et  scientia.  Dieu 
veuille  qu'elle  y  soit  entièrement  et  perpétuellement  fidèle!" 

La  Société  Historique  de  Saint-Boniface  (1902-1952).  Sous  la 
présidence  de  l'abbé  Antoine  d'Eschambault,  qui  la  dirige  avec  succès 
depuis  1933,  cette  société  cinquantenaire  célébrait  son  jubilé  d'or  le 
6  décembre,  par  une  journée  d'histoire  au  Cercle  Ouvrier  et  par  une 
séance  académique  au  collège  de  Saint-Boniface.  On  raconte  que  ce  fut 
à  l'occasion  d'une  expédition  en  vue  de  tracer  ou  de  retrouver  les  ruines 
du  fort  Saint-Charles,  excursion  partie  du  Portage-du-Rat,  le  3  sep- 


92  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

tembre  1902,  que  fut  fondée  sur  un  petit  vapeur,  le  "Catherine  S"  la 
société  cinquantenaire.  Ils  étaient  sept:  Mgr  Langevin,  archevêque, 
qui  avait  inspiré  le  projet,  le  P.  Blain,  s.j.,  les  PP.  Cahill,  Beaudin  et 
Thibodeau,  trois  Oblats  et  l'abbé  Béliveau,  le  vénérable  archevêque  de 
Saint-Boniface 

Dans  une  étude  "Cinquante  années  de  travaux".  Marins  Benoist 
a  fait  revivre  ces  années,  qui  sont  parmi  les  plus  intéressantes  dans 
l'histoire  des  nôtres  dans  cet  immense  domaine  du  Manitoba.  On  y 
apprend  comment  des  hommes  nobles,  rivés  au  sol  des  intrépides  mis- 
sionnaires ont  recueilli  pour  les  exploiter  et  les  glorifier  les  gestes  des 
pionniers  de  l'ouest. 

Le  cinquantenaire  fut  une  journée  vraiment  émouvante.  Au 
compte  des  études  présentées:  "La  Découverte  du  Fort  Saint-Charles" 
par  le  R.  P.  Lucien  Hardy  s.j.;  "Les  Richesses  de  l'histoire  manito- 
baine"  par  Régis  Lessard;  "Les  Soixante-quinze  ans  de  la  paroisse 
Saint-Jean-Baptiste"  par  l'abbé  Sylvio  Garon. 

A  la  séance  académique,  l'abbé  d'Eschambault  évoqua  "Les  fon- 
dateurs", soulignant  la  stature  géante  de  ces  hommes  d'action.  Il 
s'attarda  aux  travaux  de  Mgr  Langevin  et  du  juge  Prud'homme  au 
sein  de  la  société.  M.  Maurice  Prud'homme,  greffier  de  la  cité,  énu- 
mérait  les  publications  de  la  société;  les  sociétés  historiques  métisse  et 
manitobaine  apportaient  leur  hommage  et  Mgr  Baudoux  fixait  la 
valeur  de  cette  vaillante  sentinelle  franco-manitobaine  qui  conserve 
jalousement  tous  les  échos  des  devanciers.  Les  Cloches  de  Saint-Boni- 
face, (revue  ecclésiastique  et  historique)  qui  publièrent  tant  de  travaux 
de  la  société  étaient  encore  heureuses  de  faire  écho  au  cinquantenaire 
(Cf.  Les  Cloches  de  Saint-Boniface,  Vol.  LU,  No.  1,  p.  15-24. 

L'on  se  rappelle  comment  en  1938,  après  de  longues  et  patientes 
années  d'attente,  grâce  à  la  persévérance  de  la  société,  les  franco-mani- 
tobains  et  toute  la  race  française  d'Amérique  se  réjouissaient  à  l'inau- 
guration du  "Monument  La  Verendrye"  érigé  à  Saint-Boniface.  En 
1877,  Mgr  Taché  avait  donné  un  lopin  de  terre  pour  ce  monument. 

Par  la  voix  de  son  président,  la  Société  Historique  Franco- Améri- 
caine félicitait  chaleureusement  la  société  jubilaire  et  la  remerciait 
d'avoir  associé  le  souvenir  des  franco-américains,  qui  avaient  participé 
à  la  fondation  de  la  paroisse  St- Jean-Baptiste,  dont  on  évoquait  les  75 
ans.  Puisse  la  société  continuer  ses  inestimables  travaux  et  reprendre 
le  cours  de  ses  intéressantes  publications. 

Société  d'Histoire  du  Canada.  (The  Canadian  Association). 
Société  bilingue,  mais  surtout  de  direction  et  d'inspiration  anglaise, 
cet  organisme  de  caractère  national  était  fondé  en  1922,  dans  le  but 
"d'encourager  les  recherches  historiques  et  d'intéresser  le  public  à 
l'histoire  et  plus  particulièrement  à  l'histoire  du  Canada,  générale  et 
locale. 


ECHOS    DES    SOCIETES  93 

Bien  qu'elle  n'en  soit  pas  la  propriétaire,  depuis  1947,  la  société  a 
accepté  The  Canadian  Historical  Review  pour  publier  ses  textes  et 
rapports.    Celle-ci  est  publiée  depuis  1896  par  l'Université  de  Toronto. 

Au  cours  de  l'année,  la  société  d'histoire  tenait  un  symposium 
dans  le  but  de  discuter  l'affiliation  à  son  oeuvre  des  sociétés  régionales 
des  secteurs  anglais  eet  français.  Il  reste  que  la  société,  dans  son 
ensemble,  est  surtout  d'initiative  anglaise  bien  que  des  canadiens  fran- 
çais l'aient  dirigée.  Sir  Thomas  Chapais  1925-26;  Rodolphe  Lemieux 
1929-30,  G.  F.  Audet  1934-35,  Gustave  Lanctôt  1940-41,  Abbé  Arthur 
Maheux  1948-49  et  Jean  Bruchési  1951-52. 

Cette  année,  la  société  publiait  un  "Index  du  Rapport  Annuel" 
1922-51,  volume  gr.  in-8,  43p.  La  société  publie  donc  chaque  année 
un  rapport  de  son  assemblée  générale.  Celui  de  la  réunion  du  4  au  6 
juin  1952  à  Québec,  gr  in-8,  94  p  compte  les  études:  "L'Enseigne- 
ment de  l'histoire  du  Canada"  par  Jean  Bruchési;  "Les  Canadiens 
français  et  la  naissance  de  la  confédération"  par  Jean  Charles  Bonen- 
fant;  "Les  Urselines  de  Québec"  par  Adrien  Pouliot  s.j.  Le  président 
est  Jean  Bruchési  et  le  secrétaire  français,  Antoine  Roy. 

Dans  une  entreprise  bilingue,  il  est  difficile  de  toujours  mesurer 
la  part  égale.  Il  faut  tenir  compte  du  nombre  de  ceux  qui  s'intéressent 
à  l'oeuvre.  Le  symposium  du  mois  de  juin  a  tout  de  même  suscité  des 
considérations  utiles.  On  y  discuta  le  pour  et  le  contre  d'un  projet 
d'affiliation  ou  de  relations  plus  étroites  entre  sociétés  régionales  et  la 
société  nationale.  Les  témoignages  anglais  furent  sympathiques.  Le 
Rapport  Massey-Lévesque  les  avait  un  peu  préparés. 

Miss  Hilda  Neatby,  de  l'Université  de  la  Saskatchewan,  elle-même 
membre  de  la  Commission  Royale  Massey-Lévesque  les  résumait  en 
disant:  "It  is  now  being  increasingly  recognized  that  local  and  régional 
history,  apart  from  their  intrinsic  interest  hâve  most  important  con- 
tributions to  make  to  national  historical  studies.  This  is  particularly 
true  in  Canada.  In  Canada  also,  it  seems  évident  that  gênerai  public 
interest  in  national  history  can  most  easily  be  developed  through  local 
organizations.  There  is  ample  évidence  that  those  engaged  in  local 
history  need  and  would  welcome  doser  relations  with  the  national 
association.  I  think  that  ail  will  agrée  on  the  desirability  of  more 
effective  coopération." 

Pour  sa  part,  l'abbé  Honorius  Provost,  de  la  Société  Historique 
de  Québec  favorise  le  projet.  Il  trouve  que  dans  la  même  invitation, 
préconisée  par  l'Institut  d'Histoire  de  l'Amérique  française,  celui-ci  y 
gagnerait  un  prestige  "bien  mérité"  mais  que  les  sociétés  régionales  n'en 
retiraient  pas  un  profit  substantiel  "puisque  l'Institut  s'adresse  surtout 
aux  historiens  de  métier  et  s'occupe  surtout  de  la  grande  histoire  aca- 
démique." 

Il  est  évident  qu'une  affiliation  à  la  Société  d'Histoire  du  Canada 
fournirait  aux  sociétés  régionales  de  grands  avantages.    D'ailleurs  n'est- 


94  BULLETIN   DE   LA   SOCIETE    HISTORIQUE 

ce  pas  un  peu  la  coutume  de  ces  organismes  de  devenir  membres  de 
nombreuses  associations  d'un  caractère  plus  vaste.  De  plus,  en  his- 
toire, les  buts  sont  les  mêmes  et  il  y  a  avantage  à  frayer  avec  ceux  qui 
interprètent  les  faits  avec  les  concepts  d'une  civilisation  différente. 

Mais  il  reste  quand  même,  que  la  trentaine  de  sociétés  d'histoire 
de  langue  française  en  Amérique  trouveraient  un  avantage  bien  parti- 
culier et  irremplaçable  à  s'unir  ensemble,  pour  se  mieux  connaître  et 
s'entr'aider  dans  l'étude  de  notre  histoire.  Dans  tous  ces  engagements 
bilingues,  il  faut  toujours  considérer  sérieusement  la  part  profitable 
qui  nous  échoit. 

Le  temps  n'est-il  pas  venu,  de  la  part  de  l'une  de  nos  sociétés 
aînées  de  convoquer  un  symposium  de  cette  nature  qui  nous  permettrait 
d'étudier  ensemble  un  plan  de  collaboration  plus  étroite  et  peut-être 
un  solide  organisme  bien  à  nous,  ce  qui  n'empêcherait  pas  une  profi- 
table collaboration  avec  la  Société  d'Histoire  du  Canada  et  même  une 
affiliation  à  la  American  Association  for  State  and  Local  History. 

La  Société  Historique  du  Saguenay  (Chicoutimi)  tient  logement 
à  l'Hôtel  de  Ville  même,  et  jouit  aussi  d'un  octroi  municipal,  ce  qui 
est  un  bel  exemple  tout  à  l'honneur  de  la  population.  Au  cours  de 
l'année,  elle  enregistrait  des  progrès  marquants.  Son  actif  portait 
les  détails  suivants:  1,060  documents,  139  cartes  et  plans,  11  mémoires 
de  vieillards,  6,715  pages  de  notes  et  d'information,  4  volumes  de  dé- 
coupures de  journaux,  12  volumes  du  dossier  du  procès  relatif  aux 
frontières  du  Labrador,  1,184  photographies  nouvelles,  22  causeries, 
7  représentations  de  films,  83  articles  sur  l'histoire  régionale,  1,054  ré- 
ponses à  des  demandes  de  renseignements.  Son  musée  se  développe 
et  compte  une  centaine  d'articles  et  la  société  compte  361  membres. 
M.  le  chanoine  Victor  Tremblay,  président,  dirige  la  publication  du 
bulletin. 

La  Société  Historique  du  Nouvel  Ontario.  Le  28  avril,  au  collège 
du  Sacré-Coeur  de  Sudbury,  Ontario,  où  elle  conserve  ses  archives  et 
son  secrétariat,  cette  active  société  célébrait  son  dixième  anniversaire 
par  une  séance  académique.  On  y  accueillait  Mgr  Félix  Antoine 
Savard,  p.d.,  doyen  de  la  faculté  des  lettres  à  l'Université  Laval  dans 
une  conférence:  "Trois  Ouvrages"  et  M.  Luc  Lacourcière,  professeur 
titulaire  de  folklore  à  Laval  et  directeur  des  Archives  du  folklore, 
dans  une  étude  "La  Tradition".  Les  Compagnons  du  Folklore  y  exé- 
cutaient aussi  des  Chansons  du  folklore  ontarien.  S.  H.  le  juge  Alibert 
St-Aubin  présidait. 

Au  cours  des  dix  ans  on  relevait  le  travail  accompli:  40  réunions 
régulières,  10  soirées  publiques,  55  conférenciers  invités,  22  documents 
historiques  tirés  à  40,000  exemplaires,  2  éditions  hors-collection,  23 
spicilèges  et  albums,  25  enquêtes  folkloriques,  6  monographies  en  pré- 
paration, 400  chansons  de  folklore  régional,  182  membres,  41  membres 
à  vie  et  174  souscripteurs. 


ECHOS    DES    SOCIETES  95 


Dans  la  série:  Documents  Historiques,  le  No  23  réunissait  trois 
monographies  paroissiales:  Bonfield  1886,  Astorville  1902  et  Corbeil 
1920,  préparées  respectivement  par  M.  Joseph  Chamberland,  le  R.  P. 
Jean  Archambault,  s.j.  et  Marcel  Larocque. 

On  écrivait:  "ces  trois  paroisses  du  diocèse  de  Pembroke,  possè- 
dent des  caractéristiques  distinctes.  Bonfield  est  un  village  voisin  de 
Pembroke,  situé  à  une  vingtaine  de  milles  à  l'est  de  North  Bay,  sur  la 
voie  du  Pacifique  Canadien.  Là  encore  vivent  plusieurs  familles  dont 
les  chefs  travaillent  à  Téminscamingue  et  à  North  Bay.  Astorville  offre 
l'aspect  d'une  région  agricole  très  florissante.  Et  Corbeil  compte  d'ex- 
cellents maraichers  qui  écoulent  leurs  produits  à  la  ville  voisine." 
Ainsi  se  continue  le  travail  de  cette  société  qui  a  pour  devise:  "Faire 
revivre  notre  histoire." 

La  Société  Historique  de  Rigaud.  Cette  société  obtenait  récem- 
ment des  autorités  fédérales  la  rectification  du  véritable  nom  de  l'Ile- 
aux-Tourtres  et  non  "Tourtes".  Elle  terminait  aussi  ses  vingt  années 
d'existence  en  continuant  ses  recherches  dans  la  région  Vaudreuil- 
Soulanges. 

La  Société  Historique  de  Kamouraska,  avec  son  secrétariat  à 
Sainte-Anne-de-la-Pocatière,  accomplissait  un  beau  geste  en  publiant 
une  monographie  paroissiale,  celle  de  Saint- Alexandre  de  Kamouraska, 
in- 12,  260  p,  1952.  M.  Léo-Paul  Desrosiers  trouve  qu'elle  "est  bien 
ordonnée,  bien  divisée,  écrite  simplement  et  nettement.  L'équipe  des 
collaborateurs  mérite  les  plus  grands  éloges."  (Cf.  R.  d'H.A.F.,  1952, 
p  456). 

La  Société  Généalogique  Canadienne-Française.  (Montréal).  La 
société  annonçait  récemment  qu'elle  a  établi  à  la  bibliothèque  Saint- 
Sulpice,  à  Montréal,  un  dépôt  d'archives:  "qui  comprendra  tout  ce 
qui  a  trait  à  l'histoire  de  nos  familles:  livres,  brochures,  extraits  de 
revues  ou  de  journaux,  cartes,  photographies,  actes  notariés,  livres  de 
raison,  textes  de  toute  nature  en  originaux  ou  en  copies."  La  direc- 
tion publiait  en  janvier  et  en  juin,  les  fascicules  1  et  2  du  cinquième 
volume  des  "Mémoires",  remplis  de  textes  importants  sur  nombre  de 
familles. 

On  a  dit  avec  raison  que  la  Société  Généalogique  a  provoqué  un 
réveil  fort  utile  autour  de  la  petite  histoire,  chez  nombre  de  membres, 
qui  fournissent  un  apport  utile  à  nos  archives.  Le  Mois  Généalogique, 
publié  avec  les  dons  de  membres,  maintient  l'intérêt  dans  les  secteurs 
en  faisant  la  chronique  régulière  de  la  société. 

Ne  possédant  pas  encore  leur  secteur  propre,  les  Franco-Améri- 
cains ont  bien  des  raisons  de  se  joindre  à  cette  société  d'envergure 
nationale.  Plusieurs  des  nôtres  y  sont  déjà  inscrits.  On  devient  mem- 
bre pour  recevoir  les  publications,  à  raison  de  $3.00  par  année,  en 
s' adressant  à  M.  Roland  J.  Auger,  3818,  boul.  La  Salle,  Verdun, 
Montréal  (19). 


96 


BULLETIN    DE   LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Institut  Canada- Américain  (Manchester,  N.  H.).  Filiale  de  l'im- 
portante société  mutuelle,  l'Association  Canado-Américaine,  et  dirigé 
par  sa  Commission  des  Archives,  l'Institut  Canado-Américain  continue 
le  classement  des  précieuses  archives  qu'il  possède  pour  en  dresser 
l'inventaire  prochainement.  On  y  continue  également  la  rédaction 
du  "Fichier  Franco-Américain"  sous  la  direction  de  M.  Armand 
Verrette. 

American  Catholic  Historical  Society  of  Philadelphia.  L'aînée 
des  sociétés  historiques  catholiques  aux  Etats-Unis,  fondée  le  22  juillet 
1884,  publiait  son  LXIII  volume  de  ses  "Records",  revue  trimestrielle. 
Le  R.  P.  William  Lucey  s.j.  y  inaugurait  une  longue  rescension  critique 
des  "Catholic  Magazines"  publiés  au  pays  depuis  1865. 

Le  Bulletin  des  Recherches  Historiques,  sous  la  direction  de  M. 
Antoine  Roy,  archiviste  de  la  Province  de  Québec,  entrait  dans  sa 
58e  année.  Une  rubrique  intéressante,  rédigée  par  G.  B.  Marquis, 
conservateur  de  la  Bibliothèque  du  Parlement  et  intitulée  "Les  Dispa- 
rus", réunit  de  courtes  biographies  sur  les  personalités  décédées  au 
cours  de  l'année. 

Au  nombre  des  principaux  articles:  "Le  Fief  Jouette",  p5-23, 
J.  B.  Gareau  c.s.v.  ;  "Zouaviana,  d'après  un  manuscrit  inédit",  p  73-86, 
135-149,  Mgr  Emile  Chartier  P.D.;  "La  Famille  Delesderniers" ,  pl27- 
134,  Robert  Lionel  Séguin. 

Abonnement:  $3.00  par  année — Le  Bulletin  des  Recherches  His- 
toriques, 2050,  Saint-Cyrille,  Québec. 

Archives  de  la  Province  de  Québec.  Conformément  aux  disposi- 
tions établies  par  le  parlement  de  la  province,  chaque  année,  l'archi- 
viste exhume  des  archives  des  documents  et  travaux  qui  peuvent  servir 
à  l'étude  de  l'histoire.  Au  cours  de  l'année,  l'archiviste  Antoine  Roy 
publiait  les  "Rapports"  30  et  31  des  années  1949-50  et  1950-51,  un 
volume,  gr.  in-8,  565  p,  imprimé  chez  Redemptori  Paradis,  Québec, 
Imprimerie  de  Sa  Majesté  la  Reine,  comportant  les  documents  sui- 
vants: 1)  Correspondance  de  M.  Durand  D'Aubigny,  président  du 
roi  de  France  à  Liège,  1755-1759;  2)  Documents  sur  Pierre  Gaultier 
de  La  Verendrye;  3)  Liste  des  lieux  de  production  ou  de  fabrication 
des  principaux  articles  importés  de  France  au  Canada  avant  1763; 
4)  Documents  sur  la  seigneurie  de  Saint-Sulpice,  actes  de  Foy  et  Hom- 
mages et  Aveux  et  Dénombrements;  5)  Histoire  des  Terres  de  la 
paroisse  de  Sainte-Famille  à  l'Ile  d'Orléans;  6)  Le  Canada  Militaire 
ou  l'état  provisoire  des  officiers  de  milice  de  1641  à  1760. 

Au  compte  des  autres  publications,  l'archiviste  continuait  la  publi- 
cation de  "L'Inventaire  des  Greffes  des  Notaires  du  Régime  Français", 
volume  xvi,  gr  in-8,  265p,  Québec,  1952. 

Vie  Française  (Québec).  La  revue  du  Conseil  de  la  Vie  Fran- 
çaise en  Amérique  (Comité  de  la  Survivance)  publiait  son  sixième 
volume,  in- 12,  576p,  surtout  consacré  aux  préparatifs  du  congrès  de  la 


ECHOS    DES    SOCIETES  97 

langue  française.  On  y  trouve  les  textes  suivants:  "Parlons  un  peu 
de  nos  affaires",  Philippe  Armand  Lajoie;  "Inventaire  Franco- Améri- 
cain", Adolphe  Robert;  "La  Survivance  en  Acadie  (relation),  abbé 
Adrien  Verrette;  "Congrès  de  l'ACELF"  ( Memramcook )  ;  "La  vie 
franco-ontarienne",  Louis  Charbonneau,  J.  S.  A.  Plouffe  et  Séraphin 
Marion;  "Histoire  de  la  Louisiane"  (continuation),  Antoine  Bernard, 
c.s.v. 

"Vie  Franco- Américaine,  1951"  (La)  (Manchester).  Quator- 
zième rapport  annuel  versé  aux  archives  du  Comité  de  la  Survivance 
française  en  Amérique.  •  Volume  in-8,  454p,  illustrations,  Ballard 
Frères,  1952.  Ce  documentaire  raconte  l'histoire  vivante  au  sein  de 
l'Amérique  française:  travail  du  Comité  de  la  Survivance,  vie  des 
minorités,  voyage  de  la  Survivance  en  Acadie,  Comité  d'Orientation, 
fondation  et  congrès  de  la  Fédération  Féminine  Franco-Américaine, 
etc. 

"Histoire  du  Canada  français  depuis  la  découverte" .  M.  le  cha- 
noine Lionel  Groulx.  Vol.  III,  in-8,  326  p.  Vol.  IV,  273  p.  Index 
des  volumes  III  et  IV,  p-243-268  (vol  iv) ,  L'Action  Nationale,  Mont- 
réal, 1952.  En  conclusion  l'auteur  écrit:  "Les  Canadiens  français 
croient-ils  toujours  en  leur  histoire,  en  son  prolongement  possible,  selon 
la  ligne  tracée  par  les  ancêtres?  ....  Indéniablement  une  transforma- 
tion s'accomplit  du  type  canadien-français,  et  elle  s'accomplit  au 
rythme  accéléré.  Dans  ce  monde  volcanique  où  il  est  plongé,  les 
traditions  se  dissolvent,  les  moeurs  s'altèrent,  l'âme  perd  son  visage.  .  .  . 
Une  Renaissance  ne  sera  pas  le  fruit  de  l'unique  chance.  Chaque 
génération,  depuis  1760^  a  dû  mériter  de  rester  française.  Celle  d'au- 
jourd'hui ni  celle  de  demain  ne  le  resteront  à  un  moindre  prix  ....  Ce 
que  nous  savons,  c'est  que,  dans  le  monde  d'aujourd'hui,  un  peuple 
de  quatre  millions  d'âmes  ne  peut  se  flatter  du  durer  qu'à  force  de 
vivre". 

La  Société  St-Jean-Baptiste  de  Montréal  décernait  son  "Prix 
Duvernay",  (neuvième  titulaire),  au  chanoine  Groulx  comme  couron- 
nement de  son  "Histoire  du  Canada  français".  Dans  la  revue  Culture: 
"Journaux  et  revues  sont  unanimes  à  reconnaître  les  qualités  excep- 
tionnelles de  cette  histoire  canadienne  dont  seul  l'auteur,  qui  médite 
son  sujet  avec  amour  depuis  près  d'un  demi-siècle,  pouvait  la  doter." 
(Cf.  p  77,  1953). 

"Histoire  du  Canada  par  les  Textes",  gr.  in-8,  297  p,  Fides,  Mont- 
réal, 1952,  par  Guy  Fregault,  Michel  Brunet  et  Marcel  Trudel.  Un 
précieux  instrument  de  travail.  On  a  écrit  que  c'était  un  "recueil 
d'une  architecture  remarquable".  Le  R.  P.  Benoit  Lacroix  o.p.  ajou- 
tera: "il  demeure  que  ce  recueil  est  tout  désigné  déjà  pour  un  ensei- 
gnement de  l'histoire  du  Canada  par  les  textes:  à  cause  de  son  unité, 
de  son  contenu,  de  l'honnêteté  de  ses  compilateurs,  pour  l'amour  des 
sources  qu'il  inspire  et  le  sérieux  des  études  auxquelles  il  en  appelle. 


98  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

L'on  rêve  enfin  au  temps  où  un  futur  bachelier  n'aura  plus  à  "inventer" 
des  discours  mais  simplement  à  restituer  dans  son  contexte  historique 
et  doctrinal,  l'un  ou  l'autre  de  ces  textes.  Ce  jour-là,  l'histoire  du 
Canada  sera  à  tout  jamais  sauvée!  (cf.  Revue  d'Histoire  de  l'Améri- 
que Française,  juin  1952,  p  142.) 

"Les  Forges  de  Saint-Maurice,  1729-1883".  In-8,  200  p.  Le  Bien 
Public,  Trois-Rivières,  Mgr  Albert  Tessier,  p.d.  Grand  animateur 
de  l'histoire  en  mauricie,  l'auteur  a  remis  à  jour,  dans  un  récit  vivant, 
les  nombreuses  recherches  de  Benjamin  Suite  sur  les  forges  disparues 
mais  dont  l'histoire  fut  entourée  de  tant  de  légendes. 

"Filles  de  joie  ou  Filles  du  Roi.  Etude  sur  l'émigration  féminine 
en  Nouvelle  France."  In- 12,  230  p,  Montréal,  1952  par  Gustave  Lanc- 
tôt.  Un  sujet  qui  a  toujours  intéressé  ceux  qui  fouillent  nos  origines. 
Dans  son  appréciation  (Cf.  Revue  d'Histoire  de  l'Amérique  Française, 
p  447,  1952),  Gérard  Malchelosse  écrit:  "sans  laisser  d'emprunter  à 
beaucoup  d'autres  historiens  pour  ce  qui  a  trait  à  l'émigration  des 
filles  en  Nouvelle  France,  est,  en  somme,  un  très  beau  livre,  plein  de 
renseignements  nouveaux,  présentés  et  mis  au  point  avec  un  art  con- 
sommé." 

Le  Grand  Marquis,  Pierre  Rigaud  de  Vaudreuil  et  la  Louisiane. 
In-8,  illustrations,  Fides,  Montréal,  1952  par  Guy  Frégault.  Le  P. 
René  Latourelle,  s.j.  écrit:  "un  ouvrage  de  grande  classe.  On  éprouve 
à  le  parcourir,  cette  impression  de  solidité,  de  plénitude,  de  maturité, 
que  procurent  les  meilleurs  ouvrages  européens.  Cf.  R  d'H  A.  F.,  p. 
442,  1952). 


Sociétés  d'Histoire 


Institut  Canado  Américain 

52,  rue  Concord,  Manchester,  N.  H. 

Institut  Canadien  de  Québec 
37,  rue  Sainte-Angèle,  Québec 

Institut  d'Histoire  de  l'Amérique  Française 
261,  avenue  Bloomfield,  Montréal 

Institut  Français  de  Washington 
401,  avenue  Michigan,  N.-E. 
Washington,  17,  D.G. 

Les  Dix 

5759,  avenue  Durocher,  Montréal 

La  Société  Canadienne  d'Histoire  de  l'Eglise  Catholique 
(Séraphin  Marion)   Archives  Publiques  du  Canada 
Ottawa,  Ontario 

La  Société  d'Histoire  des  Cantons  de  l'Est 
Séminaire  St-Charles-Borromée,  Sherbrooke,  Québec 

La  Société  d'Histoire  du  Cap-de-la-Madeleine 
G.  P.  212,  Cap-de-la-Madeleine,  Québec 

La  Société  d'Histoire  Régionale  de  Rimouski 
Séminaire  de  Rimouski,  Rimouski,  Québec 

La  Société  d'Histoire  Régionale  de  St-Hyacinthe 
Séminaire  St-Hyacinthe,  Québec 

La  Société  Historique  de  la  Chaudière 
Collège  du  Sacré-Coeur,  Beauceville,  Québec 

La  Société  Historique  de  la  Côte  du  Nord 
(Gérard  Lefrançois),  Baie-Comeau,  Québec 

La  Société  Historique  Franco-Américaine 

(Dr  Gabriel  Nadeau),  Rutland,  Massachusetts 

La  Société  Historique  de  Joliette 
Palais  Episcopal,  Joliette,  Québec 

La  Société  Historique  de  Kamouraska 

(Abbé  Léon  Bélanger),  Sainte- Anne-de-la-Pocatière,  Québec 


100  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

La  Société  Historique  et  Littéraire  Acadienne 
Université  St- Joseph,  St- Joseph,  N.-B. 

La  Société  Historique  Métisse 

(Guillaume  Charette)    St-Boniface,  Manitoba 

La  Société  Historique  de  Montréal 

Bibliothèque  de  la  Ville 

1210,  rue  Sherbrooke-est,  Montréal 

La  Société  Historique  du  Nouvel  Ontario 
Collège  du  Sacré-Coeur,  Sudbury,  Ontario 

La  Société  Historique  d'Ottawa 
Université  d'Ottawa,  Ottawa,  Ontario 

La  Société  Historique  de  Québec 
Université  Laval,  Québec 

La  Société  Historique  de  Rigaud 
Collège  Bourget,  Rigaud,  Québec 

La  Société  Historique  de  St-Boniface 

(Abbé  Antoine  d'Eschambault),  Genthon,  Manitoba 

La  Société  Historique  de  Ste-Thérèse  de  Blainville 
(Abbé  Edmond  Lacroix),  Ste-Thérèse,  Québec 

La  Société  Historique  du  Saguenay 
Séminaire  de  Chicoutimi,  Chicoutimi,  Québec 

La  Société  Historique  de  Sorel 
(Roger  Auger),  Sorel,  Québec 

La  Société  Nicolétaine  d'Histoire  Régionale 

(Abbé  Walter  Houle),  Séminaire  de  Nicolet,  Nicolet,  Québec 

La  Société  Trifluvienne  d'Histoire  Régionale 
Séminaire  Saint- Joseph,  Trois-Rivières,  Québec 

La  Société  Généalogique  Canadienne  française 
3818,  boul.  La  Salle,  Verdun,  Montréal,  19,  Québec 

La  Société  d'Histoire  du  Canada  (Bilingue) 
(The  Canadian  Historical  Association) 
Archives  Publiques,  Ottawa,  Ontario 


XI 


Titulaires  de  la  Médaille  "Grand  Prix" 

1934  Jean  Charlemagne  Bracq  (Keene,  N.  H.) 

1936  L'Etoile  (Lowell,  Mass.) 

1936  Le  Messager  (Lewiston,  Maine) 

1936  L'Indépendant   (Fall  River,  Mass.) 

1937  Mgr  Camille  Roy  (Québec) 

1939  S.  E.  le  Cardinal  Villeneuve,  o.m.i.    (Québec) 

1939  L'Avenir  National   (Manchester,  N.  H.) 

1944  Jean  M.  Garand   (Springfield,  Mass.) 

1947  Ubalde  Faquin  M.D.   (New  Bedford,  Mass.) 

1947  Corinne  Rocheleau-Rouleau   (Montréal) 

1950  Adolphe  Robert   (Manchester,  N.  H.) 

1950  Juge  Eugène-L.  Jalbert   (Woonsocket,  R.  I.) 

1950  Juge  Arthur  L.  Eno   (Lowell,  Mass.) 

1950  Mgr  F.-X.  Larivière  P.D.   (Marlboro,  Mass.) 

1950  Me     Henri  T.  Ledoux  (Nashua,  N.  H.) 

1951  Philippe  Armand  Lajoie  (Fall  River,  Mass. 
1951  Yvonne  LeMaître   (Lowell,  Mass.) 

1951  R.  F.  Wilfrid  Garneau,  f.s.c.   (Central  Falls,  R.  I.) 

1951  Le  Phare  (Woonsocket,  R.  L) 

1951  Pierre  Herménégilde  Huot   (New  York) 

1951  Abbé  Paul-Emile  Gosselin   (Québec) 

1952  Georges-Alphonse  Boucher  M.D.   (Brockton,  Mass.) 


XII 

Exercice  1952-1953 

Bureau 

Gilbert  Chinard,  Président  d'Honneur 
Pierre-Georges  Roy,  Vice-Président  d'Honneur 
Antoine  Dumouchel,  M.D.,  Vice-Président  d'Honneur 
Adrien  Verrette,  ptre,  Président 
Valmore-M.  Carignan,  avocat,  Vice-Président 
Gabriel  Nadeau,  M.D.,  Secrétaire 
Roland  Cartier,  M.D.,  Secrétaire-adjoint 
Antoine  Clément,  Trésorier 

Conseillers 

1950-1953 
Emile  Lemelin,  juge 
Fernand  Hémond,  M.D. 
Valmore  Forcier 

1951-1954 
R.  P.  Thomas-M.  Landry,  o.p. 
Edouard  J.  Lampron,  juge 
Lucien  SanSouci 

1952-1955 
Damase  Brochu 
Oscar  W.  Perrault,  M.D. 
Lauré-B.  Lussier 


Table  des  Matières 

Présentation  3 

I     Conférence:    "Orientation  Littéraire"   5 

Mgr  Félix  Antoine  Sauard,  p.d. 

Allocution  du  président   9 

"Exemple  de  continuité" 

II     Remise  de  la  médaille  "Grand  Prix"  15 

(Séance  du  21  mai  1952) 

Réponse  du  docteur  Georges  Boucher  18 

III  Etudes    (Séance  du  21   mai   1952)    19 

(1)    La  paroisse  Saint  Jean-Baptiste  de  Warren  19 

Etat  du  Rhode  Island 
Dr.  Ulysse  Forget 

(II)   Vieilles  chansons  25 

Yvonne  LeMaître 

(III)    Franco-Américains   au   Manitoba   30 

Abbé  Adrien   Verrette 

IV  Eloges  des  disparus 37 

Abbé  Roland  J.  Massé  (1904-1952)  37 

(T.  R.  P.  Thomas  Marie  Landry,  o.p.) 

Abbé  J.  Charles  Cormier  (1899-1952  39 

(Abbé  Georges  J.  C.  Duplessis) 

Arthur-Edmond  Moreau  (1885-1951)  41 

(Juge  Emile  Lemelin) 

William  L.  Bourgeois  43 

(Juge  Edouard  Lampron) 

Wilford  E.  Lamarine  (1878-1950)   43 

Joseph  Adolphe  Bonvouloir  (1870-1951) 
(R.  de  Blois  La  Brosse) 

Paul  Mongeau  (1882-1952)   45 

(Abbé  Adrien  Verrette) 

V    Troisième  Congrès  de  la  Langue  Française  46 

VI     Centenaire  de  l'Université  Laval  47 


VII     Rapports  des  réunions  48 

VIII     Modem  Language  Association  of  America  51 

North  American  French  Language 

67e  réunion  annuelle,  27-29  décembre  1952 

Boston,  Mass. 

(I)   Les  poètes  franco-canadiens  devant  les  invasions 

américaines    52 

(Léopold  Lamontagne,  Ph.D.) 

(II)   Notes  pour  servir  à  une  bibliographie  franco-amé- 
ricaine         64 

(docteur  Gabriel  Nadeau) 

(III)  Résumé  d'un  inventaire  franco-américain  74 

(Adolphe  Robert) 

(IV)  Quelques    aspects    du    Troisième    Congrès    de    la 

Langue   française   81 

(Abbé  Adrien   Verrette) 

IX     Echos  des  Sociétés  Historiques  90 

X     Sociétés  d'Histoire   (Liste)    99 

XI     Titulaires  de  la  Médaille  "Grand  Prix"  101 

XII     Bureau  1952-1953  102 

Table  des  matières  103 


1953 


BULLETIN 

de  la 

Société    Historique 
Franco-Américaine 

BOSTON.  MASSACHUSETTS 


1954 


1953 


BULLETIN 


de  la 


Société    Historique 
Franco-Américaine 

BOSTON,  MASSACHUSETTS 


1954 


Présentation 

Avec  le  présent  bulletin,  la  Société  Historique 
Franco-Américaine  atteste  sa  vitalité  et  son  désir 
bien  arrêté  de  continuer  son  travail  de  pénétration 
dans  les  sillons  de  notre  comportement  français  en 
Amérique.  Le  prestige  de  la  socii'té  et  son  inaltérable 
intérêt  dans  le  dépouillement  de  nos  archives  lui 
confèrent  une  place  particulière  dans  l'oeuvre  de 
notre  rayonnement  commun.  Notre  présence  histo- 
rique sur  le  continent  vaudra  en  autant  que  nous,  les 
authentiques  porteurs  de  cette  civilisation,  nous  nous 
acharnerons  à  fixer  dans  leur  véritable  perspective 
nos  gestes  du  passé.  Il  importe  donc  de  fournir  à  cet 
organisme  les  moyens  et  l'appui  de  notre  encourage- 
ment en  l'aidant  à  élargir  ses  cadres  et  en  lui  assurant 
nos  plus  fécondes  générosités.  C'est  là  la  condition 
même  de  notre  permanence  culturelle. 


Monsieur  le  docteur  J.   Ubalde   Paquin 
Président  (1934-1946) 


Bulletin  de 

La  Société  Historique  Franco-Américaine 

Fondée   le  4  septembre    1899 

^dministration   Secrétaire:   Gabriel    Nadeau,    M.D.,    Rutland,    Mass. 

Trésorier:   Antoine   Clément,    195   W.   Sixth   St.,    Lowell,    Mass. 

BOSTON,   MASSACHUSETTES  ANNEE  1953 


I 

Conférence 
Y  a-+-il  un  Avenir? 

M.  le  chanoine  Lionel  Groulx* 

Y  a-t-il  un  avenir?  Point  de  question  que  ne  se  posent  plus  an- 
xieusement aujourd'hui,  tous  ceux-là  qui,  en  face  de  notre  univers 
désaxé,  ont  tant  soit  peu  le  goût  de  philosopher.  Les  propos  eschatolo- 
giques  sont  à  la  mode.  Phénomène  particulier  à  toutes  les  crises  de 
l'histoire,  depuis  le  jour  oià,  sous  un  ciel  déchaîné,  au-dessus  des  cîmes 
du  Mont  Ararat,  la  fragile  arche  de  Noé  portait  le  destin  du  monde. 
Entre  l'angoisse  antique  et  celle  de  nos  jours,  les  dissemblances  sont 
pourtant  assez  considérables:  le  monde  d'aujourd'hui,  c'est  toute  la 
planète;  et  ce  monde,  même  celui  des  puissants  et  des  grands,  ne  voit 
point  l'arche  où  se  réfugier.  Et  voilà  de  quoi  ne  pas  rassurer  les  petits 
et  les  cadets  de  ce  monde.  Pour  eux  de  quoi  demain  sera-t-il  fait?  Y 
a-t-il  même  un  avenir? 

Il  aura  fallu,  semblerait-il,  la  compénétration  soudaine  des  conti- 
nents et  leur  interdépendance  pour  faire  découvrir  aux  nations  mineu- 
res, en  même  temps  que  la  fin  de  leur  isolement,  l'extrême  fragilité  de 
leur  civilisation.  Nos  civilisations  sont  mortelles,  disait  Valéry.  Quel- 
ques-unes sont  plus  mortelles  que  d'autres,  si  l'on  peut  dire,  et  nous 
savons  lesquelles.  Finie,  à  jamais  finie,  ce  que  nous  avons  pu  croire 
l'imperméabilité  de  nos  âmes  et  de  nos  vies.  Nul  peuple  ne  peut  échap- 
per désormais  à  l'endosmose  universelle,  pas  plus  que  le  Saint-Laurent 
ou  l'Hudson,  débouchant  à  la  mer,  n'y  sauraient  préserver  l'identité  de 
leurs  eaux.  En  ces  derniers  temps,  j'ai  tâché  d'exprimer  l'inquiétude  du 
Canada  français.  Quelques-uns  des  vôtres  sont  venus  nous  confier  vos 
anxiétés  de  Franco-Américains.  "Y  aura-t-il  demain  une  vie  franco- 
américaine  en  Nouvelle- Angleterre?",  s'est  demandé  l'un  d'entre  vous. 
Et  la  même  voix  a  précisé:  "Non!  il  ne  faut  pas  se  cacher  la  tête  dans 

*  Conférence  prononcée  le   11   novembre   1953,  au  University  Club  de  Boston 
par  le  président  de  l'Institut  d'Histoire  de  l'Amérique  française. 


BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


le  sable!  Depuis  1937,  notre  vie  française  en  Nouvelle- Angleterre  n'a 
cessé  de  s'atrophier.  Nous  sommes  engagés  dans  le  tourbillon  de  l'assi- 
milation et  nous  y  roulons  à  une  vitesse  accrue.  Au  train  où.  vont  les 
choses,  c'est  au  fond  de  l'abîme  américain  que  nous  finirons  par  som- 
brer." Seriez-vous  à  l'implacable  croisée  des  chemins?  Vous  serait-il 
encore  possible  d'éviter  l'irréparable?  Je  ne  sais  trop  pourquoi  vous 
m'avez  prié  de  venir  vous  le  dire,  m'avertissant,  du  reste,  loyalement, 
que,  sur  maints  aspects  du  grave  problème,  vous  étiez  rien  moins  que 
d'accord:  ce  qui  prouverait  que  vous  êtes  restés  français  beaucoup  plus 
que  vous  ne  pensez.  Mais  je  n'ai  pas  moins  constaté  qu'en  l'invitation 
qui  m'a  été  faite,  vous  avez  mis  une  ténacité  toute  américaine.  J'essaie- 
rai de  vous  répondre,  sans  rien  me  cacher,  je  l'espère,  de  la  délicatesse 
de  mon  rôle,  qui,  pour  n'être  pas  tout  à  fait  celui  d'un  étranger,  est  tout 
de  même  celui  d'un  homme  du  dehors. 

Puisque  je  m'adresse  à  une  élite,  me  dispenserez-vous  de  faire  appel 
au  sentiment  à  cet  ordre  de  considérations  que  nous  nous  servons  aux 
heures  de  péril:  fidélité  aux  ancêtres,  à  une  histoire,  à  des  traditions? 
Je  voudrais  même  ne  pas  évoquer  l'ambition  légitime  et  si  naturelle  au 
père  de  famille  de  ne  pas  trouver,  en  ses  enfants,  une  image  qui  lui  soit 
étrangère.  Filiation  culturelle  ou  spirituelle  qui,  éteinte  ou  reniée,  jette 
le  drame  parfois  en  tant  de  foyers.  Toutes  choses  vénérables  que  ces 
évocations,  mais  bien  impuissantes  à  déterminer,  dans  la  vie  de  tout 
un  peuple,  les  résolutions  héroïques,  j'oserais  dire  les  coups  de  gouver- 
nail des  grands  départs.  Autant  que  possible,  je  souhaiterais  me  placer 
sur  le  plan  de  la  froide  raison  et  des  faits.  Et,  prenant  pour  acquit  que 
vous  avez  encore  des  chances  de  survie  et  cjue  ces  chances  vous  avez  le 
devoir  de  les  prendre,  je  pose  ces  questions  : 

Pour  une  entreprise  de  cette  envergure  et  de  ce  caractère,  quels 
mobiles  concrets,  pratiques  en  même  temps  qu'élevés  et  profonds,  in- 
voquer auprès  de  vos  compatriotes,  auprès  de  vos  gens  et  surtout  auprès 
de  votre  élite?  Et  parmi  ces  mobiles,  s'en  trouvent-ils  d'assez  puissants 
pour  être  déterminants? 

Je  vous  prie  d'observer,  en  premier  lieu,  la  singularité  de  la  survi- 
vance du  fait  français  en  Amérique.  En  la  première  histoire  du  jeune 
continent,  que  de  signes  lui  semblaient  présager  un  avenir  catholique. 
Les  deux  nations  les  plus  choyées  de  l'Eglise  et  les  plus  puissantes  de 
leur  époque:  celle  de  Sa  Majesté  catholique  et  celle  du  Roi  très  chré- 
tien y  occuperont  longtemps  le  plus  d'espace.  Les  deux  n'en  ont  pas 
moins  perdu  la  partie.  Mais  voici  l'étonnant.  De  ces  deux  civilisations 
catholiques,  l'espagnole  et  la  française,  plantées  dans  ce  nouveau  mon- 
de, laquelle,  après  la  débâcle  du  traité  de  Paris,  allait  survivre?  Ap- 
puyée sur  l'Amérique  latine  dont  il  n'était,  du  reste,  qu'un  prolonge- 
ment vers  le  nord,  il  eût  semblé  que  le  pourtour  espagnol  sud  et  ouest 


Y  A-T-IL  UN  AVENIR 


de  rAmérique  septentrionale,  Floride,  Texas,  Nouveau-Mexique,  Cali- 
fornie, eût  résisté  à  la  marée  anglo-saxonne,  plus  facilement  que  l'infime 
bordure  française  du  Saint-Laurent,  coupée  de  ses  sources  culturelles  et 
de  tout  voisinage  propice.  Contre  toute  prévision,  c'est  le  plus  faible  et 
le  plus  isolé  qui  a  survécu.  L'étonnant  ne  s'arrête  pas  là  .Quand  petit 
peuple  de  rien  du  tout,  à  demi  perdu  dans  la  masse  étrangère,  nous  au- 
rions eu  tant  besoin  de  cohésion,  comment  expliquer  notre  singulière 
et  troublante  dispersion  à  travers  ce  continent-nord?  La  Providence  est 
au  fond  de  toute  histoire.  Nous  est-il  interdit  de  scruter  son  dessein? 
Pourquoi  cette  survivance?  Serions-nous  les  élus  d'une  mission,  les  por- 
teurs d'un  message?  Notre  expansion  missionnaire  à  travers  le  monde, 
fait  assurément  extraordinaire,  nous  apporterait  peut-être  une  première 
réponse.  Pourquoi  n'en  pas  voir  une  seconde  en  notre  éparpillement, 
ici-même  en  Amérique,  s'il  est  vrai  que  leur  message,  les  peuples  catho- 
liques n'ont  pas  qu'à  le  porter  sur  les  continents  lointains,  mais  tout 
autant  autour  d'eux,  partout  où  ils  sont?  Un  des  spectacles  contempo- 
rains les  plus  affligeants,  et  pourquoi  ne  pas  dire  une  des  abominations 
de  notre  temps,  aura  été  ces  vastes  déplacements  de  personnes  et  même 
de  tronçons  de  peuples  livrés  à  une  sorte  de  charcuterie.  Démembre- 
ments tragiques  qui  rappellent  les  temps  féroces  des  anciens  empires  et 
qui  devaient  amener  les  penseurs  à  en  chercher  les  raisons  profondes. 
Sans  doute,  imputent-ils  ces  crimes  à  la  méchanceté  des  hommes,  à  ces 
retours  en  barbarie  qui  eussent  déconcerté  un  Néron  ou  un  Caligula. 
Mais  il  s'est  trouvé  aussi  des  penseurs  chrétiens  pour  nous  rappeler  ce 
passage  des  livres  sacrés  sur  la  déportation  d'Israël  à  Babylone: 

Yaveh  nous  a  dispersés  parmi  les  nations  qui  l'ignorent. 

Afin  que  vous  racontiez  ses  merveilles  et  que  vous  leur 
fassiez  connaître 

Qu'il  n'y  a  point  d'autre  Dieu  tout-puissant  que  lui  seul. 

(Tobie,  XIII,  4). 

Aux  malheurs  des  proscrits  et  des  fugitifs  qui  ont  encombré  notre 
monde,  il  faudrait  donc,  selon  ces  mêmes  penseurs,  rattacher  comme 
aux  antiques  déportations  juives,  l'idée  du  message  providentiel?  Fau- 
drait-il la  rattacher  à  nos  propres  déplacements?  Votre  exode  en  ce 
pays,  le  nôtre  à  travers  tout  le  Canada,  l'histoire  les  imputera  d'abord 
à  l'imbécillité  humaine,  imbécillité  d'une  politique  imprévoyante  et  pa- 
resseuse, suite  trop  naturelle  de  la  conquête  anglaise.  Pendant  trop 
longtemps  un  peuple  aura  si  bien  perdu  l'habitude  de  gouverner  sa 
propre  vie  qu'aujourd'hui  encore  il  n'est  pas  sûr  qu'il  l'ait  totalement 
réappris.  A  quelle  époque  de  son  histoire  la  province  de  Québec  a-t-elle 
jamais  eu  une  véritable  politique  de  peuplement?  Le  Bon  Dieu  se  se- 
rait-il abstenu  de  poursuivre  pour  autant  ses  habituels  desseins?  Suivez, 
observez  notre  dispersion  par  tout  le  Canada,  aussi  bien  qu'en  votre 
Nouvelle-Angleterre.  Je  l'ai  écrit  ailleurs,  cet  émigrant  du  Canada,  jeté 


BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


hors  de  son  pays  le  plus  souvent  par  la  misère,  est  de  ceux-là  qu'on  ne 
voit  pas  abandonner  le  long  des  routes,  comme  des  loques  honteuses, 
leur  passé,  leurs  traditions.  Un  bagage  ne  le  quitte  point,  parce  qu'il 
fait  corps  avec  son  esprit,  son  âme  :  et  c'est  sa  foi,  sa  langue,  part  inalié- 
nable du  patrimoine  des  ancêtres,  "étincelle  du  feu  sacré",  emportée 
pieusement  de  la  première  patrie.  Partout  où  il  s'arrête  et  s'installe,  il 
devient  un  ferment  de  liberté.  Il  revendique  des  droits:  droits  scolaires, 
droits  linguistiques,  qu'à  défaut  de  droits  positifs,  il  tient  pour  des  droits 
naturels.  Il  revendique  en  particulier  le  droit  à  l'école  confessionnelle, 
qu'il  rattache  à  la  liberté  religieuse  et  au  droit  des  parents  sur  l'enfant, 
droit  qu'il  proclame  supérieur  à  celui  de  l'Etat.  Où  l'Etat  lui  oppose 
ses  refus,  vous  savez  encore  ce  qu'il  fait:  il  se  pourvoit  lui-même  en 
marge  ou  à  l'encontre  de  la  loi;  il  se  donne  les  organismes  qu'exige  sa 
condition  d'homme  et  de  chrétien.  Et,  pour  ce  faire,  il  ne  recule  ni 
devant  les  doubles  taxes  ni  devant  les  luttes  héroïques.  Franco-Améri- 
cains, vous  savez  si  je  raconte  en  ce  moment,  une  histoire  vraie  ou  fic- 
tive. Quelque  part  qu'on  nous  ait  trouvés  sur  ce  continent,  nous  n'avons 
pas  toujours  compté  parmi  les  grands  riches;  les  grandes  réalisations 
matérielles  n'ont  pas  toujours  été  notre  fait.  Mais  partout  et  toujours, 
nous  avons  porté  avec  nous  un  message.  Nous  nous  sommes  faits  les 
propagandistes,  les  apôtres  de  quelques  vérités  et  libertés  essentielles 
qu'aux  meilleures  époques  de  l'humanité,  l'on  tenait  pour  des  biens 
incontestables,  des  éléments  des  civilisations  supérieures. 


Mais  j'entends  déjà  l'objection.  Le  message  est-il  essentiellement 
lié  à  notre  culture,  à  la  conservation  de  nos  caractéristiques  originales? 
On  nous  l'a  soufflé  quelquefois:  ne  le  porterions-nous  pas  mieux,  en 
nous  dépouillant  de  ce  qui  nous  fait  étrangers  à  notre  milieu,  à  notre 
entourage,  en  nous  identifiant  à  lui?  Pour  répondre  à  cette  question, 
permettez-moi  de  ne  point  faire  de  haute  métaphysique.  J'en  appellerai 
tout  uniment  à  l'expérience,  à  l'histoire,  à  la  vôtre  comme  à  la  nôtre. 
Partout  oii  nous  avons  cédé,  oià  nous  avons  écouté  les  sirènes  des  assi- 
milateurs,  je  vous  prie  de  me  le  dire  en  tout  franchise,  qu'est  devenu  le 
message?  Le  portons-nous  encore?  Et  si  nous  le  portons,  malgré  tout,  le 
portons-nous  à  même  hauteur,  avec  la  même  ferveur,  la  même  foi?  Cer- 
tes, je  ne  nierai  point  que  d'autres  races  que  la  nôtre  portent  le  mes- 
sage et  le  portent  vaillamment.  Et  je  n'oserai  même  pas  me  demander 
si  Dieu  a  véritablement  mis,  au  fond  de  l'âme  française,  quelque  dis- 
position exceptionnelle,  au  prosélytisme  religieux,  à  l'oeuvre  apostoli- 
que. Les  faits  restent  pourtant  les  faits.  Et  les  faits  nous  disent  que  la 
France,  après  avoir  été  longtemps,  par  sa  contribution  en  hommes  et 
en  fournitures  de  toutes  sortes,  à  la  tête  des  nations  missionnaires,  reste 
encore  l'une  des  premières,  sur  la  liste,  en  dépit  de  son  athéisme  offi- 
ciel et  de  l'entreprise  de  déchristianisation  menée  opiniâtrement  chez 


Y  A-T-IL  UN  AVENIR 


elle  depuis  au  delà  d'un  demi-siècle.  L'autre  jour,  je  lisais,  dans  le  Pro- 
blème du  christianisme  en  Extrême-Orient,  oeuvre  d'un  prêtre  améri- 
cain, André- J.  Krzesinski,  ces  lignes  à  retenir:  "Dans  cette  armée  de 
missionnaires,  les  Français  l'emportent  en  nombre.  Après  eux  viennent 
par  ordre  de  supériorité  numéricjue,  les  Italiens,  les  Irlandais,  les  Espa- 
gnols, les  Portugais,  les  Belges,  les  Allemands,  les  Américains,  les  Polo- 
nais, les  Hollandais,  les  Tchèques,  les  Suisses  et  autres."  Ainsi  parlent 
les  faits  et  parlent-ils  si  différemment  dans  l'histoire  de  ces  fils  de  la 
France  que  vous,,  Franco-Américains  et  nous,  Acadiens  et  Canadiens 
français,  croyons  être  restés? 

II 
Mais  laissons  le  message  de  côté.  Descendons  d'un  cran.  Plaçons- 
nous,  si  vous  le  voulez  bien,  sur  le  simple  plan  des  civilisations  humai- 
nes. Y  aurait-il  opportunité,  avantage,  pour  quelque  peuple  que  ce  soit, 
à  sacrifier  son  être  culturel?  Un  monde  nouveau  est  en  train  de  se  faire 
qu'on  nous  promet  unique,  grandiose,  réalisation  suprême  du  génie  hu- 
main, reprise  triomphante,  cette  fois,  de  l'antique  Babel.  En  ce  monde 
de  demain,  y  aura-t-il  encore  place  pour  les  variétés  culturelles  ou  na- 
tionales? Tout  n'est-il  pas  appelé  à  se  fondre,  à  se  laisser  broyer  dans 
l'immense  bloc  de  ciment?  Serait-il  vrai  que  les  petites  nations  enrichi- 
raient ce  monde  à  venir  en  se  laissant  absorber,  en  se  fondant  en  lui 
jusqu'à  l'anéantissement?  Et,  qu'en  nous  dévorant  l'ogre  nous  ferait 
beaucoup  d'honneur?  Quelle  est,  sur  ce  grave  problème  de  l'unification 
des  civilisations,  l'opinion  des  penseurs  contemporains?  Quelle  est,  en 
particulier,  la  pensée  de  l'Eglise? 

Avant  toute  chose,  comme  nous  aurions  besoin,  nous  chrétiens,  de 
rajuster  notre  optique,  de  juger  les  grandeurs  de  chair  selon  le  mètre  de 
la  foi.  Comme  il  nous  importerait  de  méditer,  de  temps  à  autre,  cette 
parole  de  saint  Augustin:  "Un  architecte  (c'est  Dieu)  bâtit  une  maison 
durable  (la  Cité  éternelle)  à  l'aide  d'échafauds  éphémères"  (c'est-à- 
dire  les  civilisations).  Faut-il  tant  nous  laisser  prendre  au  prestige  des 
civilisations  contemporaines,  quelque  colossales  qu'elles  nous  apparais- 
sent? Qui  nous  dit  qu'au  regard  de  Dieu,  elles  ne  sont  pas  de  ces  écha- 
fauds  jetés  à  bas  aussitôt  qu'en  a  fini  le  divin  constructeur?  La  véritable 
histoire,  ce  n'est  pas  celle  que  les  hommes  écrivent,  c'est  celle  que  Dieu 
écrit  depuis  toujours  et  surtout  depuis  2000  ans  et  l'on  sait  où  cette 
histoire  s'en  va.  Sous  cet  éclairage  d'en  haut,  la  vérité,  c'est  que  les 
civilisations  ne  se  mesurent  pas  à  la  puissance  matérielle  qu'elles  peu- 
vent étaler;  mais  à  ce  qu'elles  ajoutent  aux  dimensions  de  l'homme  éter- 
nel, à  l'avancement  spirituel  de  l'humanité.  La  civilisation,  a-t-on  dit, 
c'est  "un  degré  supérieur  d'humanité".  La  vérité,  c'est  encore  que  par- 
tout où  la  richesse  de  ce  monde  n'est  pas  évaluée  selon  la  cote  du  dollar, 
de  la  livre  sterling,  du  mark  ou  du  rouble,  partout  les  vrais  civilisés  le 
reconnaissent:   la  mort  d'une  civilisation,  même  incarnée  par  la  plus 


10  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


modeste  des  nations,  est  une  perte  pour  l'humanité.  Pensée  que  je  re- 
trouvais encore,  en  ces  derniers  jours,  dans  Essai  sur  le  mystère  de  l'His- 
toire, de  Jean  Daniélou,  l'un  des  plus  nobles  ouvrages  publiés  ces  an- 
nées-ci: "L'humanité  serait  moins  belle,  insiste  le  penseur,  s'il  n'y  avait 
la  Chine,  l'Arabie  ou  le  Monde  noir.  Chaque  race  et  donc  chaque  lan- 
gue exprime  certains  aspects  irremplaçables  de  la  nature  humaine.  Cha- 
que langue  en  particulier  a  son  génie  propre,  qui  exprime  mieux  certai- 
nes notions."  Mais  si  l'auteur  a  raison  d'évaluer  à  ce  prix  toutes  les 
langues,  toutes  les  cultures,  même  celles  du  "Monde  noir",  que  pense- 
rons-nous de  la  nôtre  qui  n'est,  à  coup  sûr,  ni  une  langue,  ni  une  culture 
de  primitifs  ou  de  sauvages?  Les  éducateurs  et  les  humanistes  de  tous 
les  mondes  qui  combattent  de  ce  temps-ci  pour  le  maintien,  dans  l'en- 
seignement supérieur,  des  disciplines  gréco-latines,  invoquent  à  l'appui 
de  leur  thèse,  le  vide  béant  fatalement  produit  dans  les  esprits,  par  l'igno- 
rance d'une  large  proportion  d'art  et  de  beauté  créée  sur  cette  terre  ou 
encore  par  la  suppression  brutale  de  deux  des  plus  grands  moments  de 
l'esprit  humain.  Fort  bien.  Mais  n'y  a-t-il  pas  lieu  d'appréhender  un 
vide  comparable  à  celui-là.  sinon  même  plus  difficile  à  combler,  si  l'on 
allait  entreprendre  de  battre  en  brèche  ou  de  supprimer  des  cultures 
plus  modernes,  plus  vivantes,  et  peut-être  plus  riches  que  tout  autre, 
parce  qu'au  butin  des  cultures  antiques,  elles  auraient  ajouté  l'apport 
chrétien? 

Interrogerons-nous  maintenant  l'Eglise,  cette  incomparable  con- 
servatrice de  tous  les  trésors  de  l'esprit  humain?  Que  pense  l'Eglise  de 
l'unification  culturelle  du  monde?  Nous  savons  le  cas  qu'elle  a  fait  des 
grandes  cultures  antiques.  A-t-elle  également  respecté  la  culture  des 
petits  peuples?  Observons,  pour  nous  édifier,  son  attitude  à  l'égard 
des  cultures  indigènes  dans  les  pays  de  mission?  En  1659,  par  consé- 
quent, il  y  a  trois  siècles,  voici  quelles  directives  un  décret  de  la  Sacrée 
Congrégation  de  la  Propagande  intimait  aux  évêques  missionnaires  de 
Chine:  "N'essayez  pas  d'amener  le  peuple  à  délaisser  les  coutumes  de 
son  pays,  tant  que  celles-ci  n'entrent  pas  en  conflit  avec  la  foi  et  la 
morale.  Il  serait  pour  vous  aussi  ridicule  d'agir  de  la  sorte  que  d'essayer 
de  transporter  en  Extrême-Orient  les  cultures  française,  italienne  ou 
espagnole.  Vous  devriez  plutôt  n'y  introduire  que  la  foi,  qui  reconnaît 
la  légitimité  de  toute  coutume  et  des  traditions  culturelles  nationales  et 
qui  en  prescrit  le  respect."  Avec  le  temps  l'opinion  de  Rome  a-t-elle 
évoluée?  Plus  récemment,  en  1922,  et  1927,  les  autorités  romaines  al- 
laient jusqu'à  recommander  instamment,  dans  la  construction  des  églises 
chrétiennes  en  Chine,  l'utilisation  de  l'art  indigène  de  préférence  à  l'art 
européen.  Les  pressions  des  puissants,  vous  le  savez  comme  moi,  ont  pu 
parfois  s'exercer  sur  la  diplomatie  romaine.  On  a  pu  même  la  tromper. 
Nulle  part,  dans  l'Histoire  de  l'Eglise,  l'on  n'a  vu  que  Rome,  dûment 
éclairée,  ait  jamais  forcé  le  chrétien  ou  le  catholique  à  opter  entre  sa 


Y  A-T-IL  UN  AVENIR 


foi  et  sa  culture  ancestrale.  Pour  l'Eglise,  Tunité  de  la  foi,  la  catholicité 
n'est  pas  l'uniformité  linguistique  ni  culturelle.  Je  retrouve  encore  cette 
idée  dans  l'ouvrage  de  Jean  Daniélou  que  je  vous  citais  tout  à  l'heure: 
"La  véritable  unité  (catholique)  écrit  l'auteur  de  V Essai  sur  le  mystère 
de  l'Histoire,  c'est  celle  qui,  à  l'intérieur  de  l'unité  de  la  foi,  de  l'unité 
de  l'Eglise,  de  l'unité  du  dogme,  de  l'unité  de  l'Eucharistie,  s'exprime  à 
travers  les  diversités  des  mentalités,  des  cultures,  des  civilisations."  Et 
l'auteur  de  ponctuer  un  peu  plus  loin:  "L'Eglise  est  l'Epouse  dont  parle 
le  Psaume,  vêtue  d'une  robe  bariolée",  "assumant  toutes  les  cultures 
pour  les  consacrer  toutes  à  la  Trinité."  Plus  haut  d'ailleurs  que  ce  der- 
nier témoignage,  nous  pouvons  apporter  ici  celui  du  grand  Pape  ac- 
tuellement régnant.  Encore  qu'il  soutienne  que  les  minorités  devraient 
"loyalement  étudier  la  langue  de  l'Etat  dont  elles  font  partie".  Pie  XII 
n'en  a  pas  moins  écrit:  "Les  Etats  devraient  accorder  aux  minorités  le 
droit  d'apprendre  la  langue  maternelle."  C'est  encore  le  même  Pape 
qui  a  ordonné  aux  missionnaires  occidentaux  de  ne  pas  traiter  les  civi- 
lisations asiatiques  ou  africaines  "en  petites  filles  cadettes",  mais  en 
soeurs  égales  en  droit,  avec  pouvoir  de  s'exprimer  selon  leur  réalité 
propre.  Et,  notez-le  bien,  Pie  XII  ne  procède  pas  ainsi  par  tactique  ou 
diplomatie,  dans  l'espoir  légitime  de  favoriser  le  succès  de  l'apostolat 
catholique.  En  son  Message  de  Noël  1945,  il  a  tenu  à  le  dire:  les  catho- 
liques occidentaux  doivent  se  rendre  compte  que  si  l'Orient  ou  l'Afrique 
ont  quelque  chose  à  recevoir  de  l'Occident,  d'autre  part,  un  échange  de 
biens  doit  s'accomplir  entre  les  diverses  Eglises,  et  l'Occident  aura  aussi 
quelque  chose  à  recevoir  de  la  chrétienté  chinoise  indienne,  viet-na- 
mienne  ou  noire.*  Qu'allons-nous  conclure  de  tout  cela?  Au  nom  de 
quoi  notre  culture  et  notre  civilisation  à  nous,  qui  ne  sortent  ni  du  bois 
ni  de  la  brousse,  mais  que  l'on  dit  adultes,  incarnant,  elle  aussi,  l'un  des 
grands  moments  de  l'esprit  humain,  au  nom  de  quoi  ne  pourraient-elles 
prétendre  à  la  même  considération,  aux  mêmes  droits  que  les  cultures 
indigènes  d'Asie  ou  d'Afrique?  Toute  la  tradition  de  la  véritable  Eglise 
enseigne,  en  tout  cas  et  de  la  façon  la  plus  péremptoire,  qu'on  ne  sau- 
rait écraser  la  plus  petite  des  nationalités  au  profit  d'une  soi-disante  ca- 
tholicité, et  encore  moins  au  profit  de  l'unité  politique  ou  linguistique 
d'un  pays.  Et  de  même,  oserai-je  dire,  l'on  voit  mal  des  croyants  se 
prêtant  à  leur  propre  asservissement  ou  spoliation  ou  se  faisant  là-dessus 
les  agents  de  la  puissance  politique. 

—  III  — 

Me  permettrez-vous  de  pousser  plus  loin  cette  argumentation?  Je 
cherche  toujours  le  mobile  décisif  qui  vous  imposerait  la  survivance 
culturelle,  à  quelque  prix  que  ce  soit.  Et  ce  mobile,  serait-ce  illusion  que 
de  l'apercevoir,  après  ce  que  je  viens  de  dire,  dans  le  lien,  le  lien  histo- 
rique, le  lien  inséparable  entre  votre  culture  et  votre  foi?  Il  ne  s'agit 
*  Cité  par  Daniélou,  op. cit.,  48. 


12  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


pas  de  raisonner  dans  l'abstrait,  de  se  demander,  par  exemple,  s'il  se 
peut,  ni  même  s'il  est  raisonnable  ou  excusable  qu'il  en  soit  ainsi.  Je 
n'entends  pas,  non  plus,  chercher  si  d'autres  groupes  ethniques  de  foi 
catholique,  ont  pu  franchir,  en  ce  pays,  sans  coupes  funèbres,  l'étape  de 
l'assimilation.  La  question  est  uniquement  de  savoir,  si,  en  fait,  il  en  est 
ainsi,  chez  nous.  Canadiens  français,  chez  vous,  Franco-Américains.  Or, 
sur  ce  terrain  des  faits  ou  des  statistiques,  tout  esprit  loyal  est  bien  obligé 
de  convenir  que,  chez  nous,  au  Canada,  la  consei-vation  de  la  culture 
n'est  pas  indifférente,  tant  s'en  faut,  à  la  conservation  de  la  foi.  Des 
statistiques  récentes  nous  l'ont  douloureusement  appris:  dans  la  seule 
province  de  l'Ontario,  60,000  des  nôtres  ont  perdu  la  foi  catholique. 
D'autres  défections  en  nombre  proportionnel  se  sont  produites  en  d'au- 
tres provinces.  Et  quand  nous  cherchons  la  cause  de  ces  malheurs,  nous 
arrivons  à  cette  constatation  invariable  qu'où  la  langue  s'est  perdue,  la 
perte  de  la  foi  a  suivi.  Là  oii  le  Canadien  français  a  trouvé  pour  l'enca- 
drer, une  paroisse  française  et  une  école  française,  l'Eglise  a  pu  compter 
sur  sa  fidélité.  En  revanche,  partout  où  ces  soutiens  lui  ont  manqué, 
notre  pauvre  compatriote  a  manqué  à  sa  foi.  Quant  à  vous,  Franco- 
Américains,  vous  n'êtes  que  d'accord,  je  le  sais,  mais  si  j'en  crois  les 
aveux  de  vos  confrères  les  plus  objectifs,  puis-je  écarter  les  mêmes  cons- 
tatations. Les  agglomérations  de  vie  catholique  qui  survivent  chez  vous, 
et  grâce  à  Dieu,  il  s'en  trouve  encore,  le  doivent-elles,  selon  vos  propres 
observateurs,  à  d'autres  soutiens  que  les  nôtres?  N'ai-je  pas  lu,  d'ailleurs, 
sous  la  plume  de  l'un  des  vôtres,  que  la  courbe  de  l'apostasie  religieuse 
suit  d'ordinaire  la  courbe  de  l'apostasie  culturelle?  Mais  alors,  devant 
ces  faits  navrants,  pouvons-nous  rester  impassibles  et  les  bras  croisés? 
Pour  nous  détenniner  à  notre  survivance  française,  nous  cherchions 
tout  à  l'heure,  le  mobile,  l'argument  décisifs.  Pour  les  croyants  que  nous 
sommes  et  que  vous  êtes,  ne  serait-ce  pas  celui  que  je  viens  d'indiquer: 
rester  français  pour  rester  catholiques?  Et  cet  argument,  n'est-ce  pas 
celui  que  vous,  les  chefs,  les  responsables,  auriez  devoir  d'exploiter  à 
fond  auprès  de  votre  peuple?  Fils  de  l'Eglise,  si  nous  comprenons  bien 
la  grandeur  de  ce  titre,  et  si  nous  admettons  qu'il  nous  engage  dans  la 
plus  grande  entreprise  de  l'histoire  humaine,  la  rédemption  du  monde, 
personne  n'a  le  droit  d'éteindre  le  plus  modeste  flambeau  allumé  par  le 
Christ  et  surtout  pas  ceux  qui  portent  le  flambeau.  Il  y  va  de  tout  notre 
message  de  chrétiens.  C'est  toute  notre  raison  d'être  de  peuple  catholi- 
que. Nous  ne  pouvons  viser  moins  haut.  Et  si  vous  me  dites  que  cette 
survivance  française  paraît  impossible,  chimérique  à  tant  des  vôtres  et 
qu'il  y  faudra  un  effort  prolongé,  surhumain,  héroïque,  je  vous  réponds, 
avec  l'Evangile  qu'il  y  a  des  valeurs  de  foi  qui  exigent  d'être  protégées 
au  prix  même  de  l'héroïsme.  Non,  mille  fois  non,  ce  que  vos  pères,  ce  que 
vos  prêtres,  vos  religieuses  ont  semé  sur  ce  sol  de  la  Nouvelle-Angleterre, 
on  ne  me  fera  pas  croire  que  tout  cela,  dans  les  desseins  de  Dieu,  soit 


Y  A-T-IL  UN  AVENIR  |3 


destiné  à  l'étouffement  dans  l'ivraie. 

Encourageons-nous,  du  reste,  d'un  côté  comme  de  l'autre  de  la 
ligne  45**^  par  la  pensée  du  grand  service  que  notre  survivance  catholi- 
que pourrait  rendre  à  nos  deux  grandes  patries.  Faire  survivre,  sur 
quelque  point  que  ce  soit,  un  foyer  de  la  vraie  foi,  importe  immensément 
à  tout  pays,  à  tout  peuple.  Il  suffit  d'une  poignée  de  sel  pour  préserver 
de  la  corruption  une  masse  considérable  d'aliments.  Combien  de  fois,  en 
ces  derniers  temps  avons-nous  entendu  les  grands  conducteurs  de  la 
civilisation  occidentale,  se  demander  anxieusement  ce  qu'ils  pourraient 
offrir  au  monde  pour  le  tirer  de  son  désarroi.  Un  idéal  de  simple  pro- 
grès ou  confort  matériel,  ils  s'en  rendent  compte,  ne  peut  rien  contre 
une  doctrine  qui  offre  la  même  séduction  à  ses  adhérents,  mais  qui  la 
promet,  avec  la  fougue  d'une  irrésistible  propagande  et  qui  la  promet  à 
tous,  sans  distinction  de  classes,  dans  ce  nivellement  social  qui  ensorcel- 
lera toujours  les  classes  populaires.  Aussi  arrive-t-il  que  les  chefs  de 
l'Occident  parlent  plus  que  jamais  de  la  nécessité  d'un  idéal  spirituel. 
Petits  groupes,  petits  peuples  catholiques,  nous  avons  au  moins  ceci  de 
grand  que,  par  la  grâce  de  Dieu,  nous  incarnons  l'idéal  sauveur  .Notre 
rôle,  ce  pourrait  être  celui  de  la  poignée  de  sel  qui,  au  moins  pour  une 
part,  sauverait  les  civilisations  des  deux  grands  pays  qui  nous  sont  chers. 

Coîiclusioîi 

Au  terme  de  ce  discours,  vous  ne  vous  attendez  pas,  j'en  suis  sûr, 
que  je  m'attarde  à  vous  indiquer  les  moyens  pratiques  de  votre  résis- 
tance. D'ailleurs,  ces  moyens,  vous  les  connaissez  et  déjà  vous  les  appli- 
quez: atmosphère  française  du  foyer,  maintien  de  la  paroisse  et  de 
l'école  franco-américaines,  soutien  de  vos  journaux,  formation  d'une 
élite,  soit  en  France,  soit  au  Canada,  nécessité  surtout  pour  continuer  la 
relève,  d'un  remembrement  de  votre  groupe,  de  votre  nationalité.  Dis- 
persés comme  vous  l'êtes,  il  vous  faut,  de  toute  première  nécessité,  un 
organisme  qui  vous  restitue  la  conscience  de  l'unité  et  de  l'étroite  com- 
munauté de  vos  intérêts.  Avec  vous,  j'insisterais  ensuite  sur  l'opportunité 
de  gagner  à  tout  prix  la  collaboration  de  la  Franco-américaine.  Elle 
seule  pourra  souvent  suppléer  à  l'école  ou  donner  à  l'enfant  une  éduca- 
tion qu'aucune  école  ne  pourra  déformer.  Puis,  notre  sexe,  qu'on  appe- 
lait naguère  le  sexe  fort,  doit  l'admettre,  malgré  qu'il  en  ait:  une  téna- 
cité dépasse  celle  de  l'homme;  et  c'est  la  ténacité  de  la  femme  quand 
elle  s'en  mêle.  Je  ne  crois  pas  trop  m'aventurer  en  vous  disant  que 
l'avenir  de  votre  prochaine  génération,  vous  le  portez  dans  votre  esprit: 
la  Franco-américaine  le  portera  dans  son  coeur  Et  c'est  encore  plus  fort. 

Si  j'osais  après  cela  me  mêler  de  vos  problèmes,  j'ajouterais  qu'en- 
tre les  formules  de  survivance  ou  de  résistance  que  vous  mettez  de 
l'avant,  je  pencherais  volontiers  pour  celle  de  1' "intégration":  intégra- 
tion - — ■  ou  si  vous  préférez  un  mot  moins  effarouchant  —  synthèse  vitale 


14  BULLETIN     DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


de  votre  vie  catholique,  de  votre  vie  française  et  de  votre  civisme  améri- 
cain. N'est-ce  pas  un  peu  rajeunie,  remise  à  date  et  complétée,  la  formule 
de  la  citoyenneté  américaine  jadis  préconisée  par  ce  grand  apôtre  de 
votre  survivance  que  fut  Ferdinand  Gagnon?  Une  chose  ne  fait  pas  de 
doute:  vous  pouvez  vous  cantonner  dans  le  rôle  d'émigrés  à  l'intérieur  ou 
d'étrangers  dans  votre  pays.  Encore  moins  et  je  m'excuse  de  le  dire,  ne 
peut-il  être  question,  pour  vous,  de  renoncer  à  votre  foi  catholique,  ou 
simplement  de  la  mettre  en  péril,  sous  prétexte  de  survivance  française. 
Il  ne  vous  reste  donc  qu'à  synthétiser,  en  leur  conservant  leur  légitime 
coordination,  vos  trois  ordres  de  valeurs  ou  vos  trois  formes  de  vie.  Et  il 
vous  reste,  me  serait-il  loisible  de  l'ajouter,  à  vous  garer  contre  un  piège 
ou  contre  une  illusion  mortelle  et  qui  serait  qu'en  cette  '"intégration", 
vous  mesureriez  artificiellement  ou  mathématiquement  la  proportion  de 
chacun  des  éléments  de  votre  vie.  Votre  catholicisme,  vous  le  savez  tout 
aussi  bien  que  moi,  n'accepte  ni  mesure  ni  partage.  On  est  catholique 
cent  pour  cent  ou  on  ne  l'est  point.  Il  ne  peut  s'agir,  non  plus,  d'ctre  50 
pour  cent  Français  et  50  pour  cent  Am'ricain.  Ce  ne  sont  point  de  ces 
choses  qui  se  juxtaposent  ni  ne  se  compartimentent.  Qui  de  vous,  du 
reste,  n'aperçoit  où  aboutirait  fatalement  cette  mathématique  ou  cette 
chimie  linguistique  et  culturelle  qui  n'a  rien  de  commun  avec  votre 
formule  d'intégration  ou  de  synthèse.  Un  élément  devra  donc  se  cons- 
tituer le  catalyseur  de  l'autre.  Et  forcément,  et  tout  en  tenant  compte 
des  exigences  de  votre  milieu,  cet  élément,  ce  sera  votre  esprit  français, 
votre  parler  français,  votre  vie  française.  Vous  agirez  un  peu  comme 
nous,  au  Canada  qui,  tout  en  réservant  notre  première  allégeance  spi- 
rituelle à  notre  culture,  à  notre  type  de  civilisation,  à  la  province-mère, 
sommes  persuadés  de  n'être  inférieurs  à  personne  sur  le  plan  du  patrio- 
tisme canadien. 

Sur  ces  bases  rationnelles  et  solides,  ayez  confiance.  Ces  conditions 
de  vie  et  ces  espoirs,  je  les  trouve,  en  formule  condensée,  dans  la  "Pré- 
sentation" que  vient  de  faire  du  Compte  rendu  du  Troisième  Congrès 
de  la  langue  française,  l'un  des  esprits  les  plus  remarquables  parmi  vous, 
M.  l'abbé  Adrien  Verrette:  "Malgré  toutes  les  appréhensions,  il  reste 
que  notre  race  doit  vivre;  mais  elle  vivra  convenablement  dans  la  me- 
sure ovl  chacun  y  apportera  son  dévouement  avec  la  passion  de  la  soli- 
darité qui  tiendra  soudées  bien  ensemble  toutes  les  pierres  de  notre 
trésor  commun."  Oui,  ayons  confiance.  Supposons  le  pire:  les  langues 
mortes  ou  demi-mortes  ressuscitent-elles?  Le  monde  contemporain  nous 
offrirait  au  moins  un  exemple:  celui  de  l'Etat  libre  d'Irlande  qui  a  en- 
trepris de  faire  revivre  le  gaélique  des  ancêtres,  lequel,  si  je  ne  me  trom- 
pe, doit  devenir  d'ici  peu  d'années,  la  langue  officielle  de  la  république. 
En  cherchant  quelque  peu,  il  ne  serait  pas  difficile,  non  plus,  de  trouver 
dans  les  pays  du  centre  de  l'Europe  ou  dans  les  anciens  débris  des  em- 
pires allemands  ou  autrichiens  de  petits  groupes  ethniques  qui,  même 


Y  A-T-IL  UN  AVENIR 


15 


en  ces  Etats  fortement  centralisés,  n'ont  pas  moins  conservé  le  parler 
ancestral. 

Ne  nous  laissons  pas  émouvoir  non  plus  par  les  opinions  des 
pseudo-prophètes  pour  qui  le  monde  d'aujourd'hui,  par  suite  de  sa 
croissante  interdépendance,  s'en  irait,  à  grands  pas,  vers  l'unification 
rigide  des  cultures  nationales.  Vue  superficielle  que  vient  démentir  l'in- 
surrection des  grandes  masses  humaines  de  l'Extrême-Orient  contre  ce 
qu'elles  appellent  l'envahisseur  occidental;  insurrection  qui,  en  ces  pays 
fiers  de  leur  antique  civilisation,  vise  non  seulement  ni  principalement 
la  domination  politique  ou  économique  de  l'envahisseur,  mais  tout  au- 
tant son  agression  d'ordre  culturel.  Qui  ne  sait,  par  exemple,  que  le  plus 
grave  obstacle  aux  missions  catholiques  provient  précisément  de  cet  état 
d'esprit  des  Orientaux,  pour  qui  le  catholicisme  prend  trop  figure  d'une 
religion  occidentale?  Et  qui  ne  sait  également  que  si,  aujourd'hui,  ces 
mêmes  Orientaux  empruntent,  à  vive  allure,  les  techniques  de  l'Occi- 
dent, c'est  pour  se  mieux  libérer  de  l'occidentatisme? 

Ghers  amis  franco-américains, 

Dans  l'effort  que  vous  allez  entreprendre,  rien  de  tout  cela, 
sans  doute  —  je  le  dis  sans  gêne  à  des  croyants  —  ne  vous  dispensera  de 
beaucoup  de  prière.  Mais  souvenez-vous  que  partout  où  il  y  a  une 
prière,  il  y  a  une  espérance.  Dieu  n'est  pas  un  infidèle.  Nous  pouvons 
manquer  à  notre  avenir.  Dieu  ne  nous  manquera  pas.  Dieu  ne  fera  pas 
notre  avenir  sans  nous.  Mais  il  sera  toujours  là  pour  le  faire  avec  nous. 

Rien  ne  vous  dispensera,  non  plus,  d'un  engagement  total,  à  fond, 
jusqu'à  pleine  tension  de  la  volonté.  L'espoir  est  à  cet  autre  prix.  Trop 
tard!  vous  crient  peut-être  les  pessimistes.  Il  n'est  jamais  trop  tard 
quand,  à  la  façon  de  ce  quelqu'un  de  la  Première  Jeanne  d'Arc  de  Pé- 
guy, homme  ou  peuple,  l'on  a  assez  de  volonté  pour  ne  jamais  prendre 
son  parti  de  rien.  Il  n'est  jamais  trop  tard  quand  il  s'agit  de  la  foi  de 
vos  enfants,  de  la  foi  d'une  génération,  de  la  foi  de  tout  un  peuple.  Le 
jeune  Etat  d'Israël,  écrivait-on  récemment,  fut  le  résultat  d'un  "pur 
acte  de  foi",  oeuvre  d'une  poignée  d'hommes  animés  "par  un  idéal 
indomptable,  courageux,  lucide".  N'en  pourrait-on  dire  autant  de  l'Etat 
libre  d'Irlande?  Cette  poignée  d'hommes  serait-il  impossible  de  la  trou- 
ver parmi  ces  fils  de  Français  que  vous  êtes  et  qui  ont  derrière  eux  le 
passé  que  vous  savez?  Longtemps  aussi  l'on  avait  cru  chimérique  la 
conquête  des  derniers  pics  de  l'Everest.  En  apprenant  ces  mois  derniers 
le  victorieux  exploit,  je  me  suis  rappelé  le  mot  de  l'un  des  devanciers  de 
ces  alpinistes  disparu  en  1895,  dans  les  gouffres  de  l'Himalaya:  "Là  où 
il  y  a  une  volonté,  il  y  a  un  chemin."  J'ajoute:  il  y  a  un  avenir! 

Lionel  Groulx,  prêtre 


BULLETIN     DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Message  du  Président 
La  Société  Historique  franco-américaine,  qui  vous  accueille  ce 
soir  avec  tant  de  cordialité,  a  le  bonheur  de  tenir  sa  cinquante-quatriè- 
me réunion  annuelle  en  un  jour  qui  demeure  toujours  cher  à  nos  coeurs, 
malgré  les  promesses  illusoires  de  paix  et  de  fraternité  qu'il  offrait  aux 
peuples  de  la  terre,  il  y  a  trente-cinq  ans  déjà,  au  lendemain  d'un  épou- 
vantable carnage. 

Il  reste  cependant  qu'en  ce  jour  consacré  de  l'Armistice,  nous  ai- 
mons à  glorifier  surtout  le  sacrifice  de  ceux  qui  ont  offert  sur  l'autel  de 
la  patrie  le  don  de  leur  vie. 

Aussi,  il  semble  bien  à  propos  qu'une  société  dont  la  mission  est  de 
faire  revivre  l'histoire,  se  fasse  un  devoir  de  gratitude,  d'évoquer  en 
pareille  circonstance  le  souvenir  de  tant  des  nôtres,  qui,  dans  l'éternel 
silence  de  leur  grandeur,  gardent  toujours  la  cité  des  vivants.  Disons 
leur  notre  inaltérable  reconnaissance  et  profitons  du  don  irremplaçable 
de  leur  vie  pour  mieux  servir  la  vérité  et  les  structures  que  nous  a  mé- 
nagées leur  suprême  renoncement! 

C'est  ainsi  que  nous  voulons  continuer  l'oeuvre  de  notre  présence 
en  Amérique  en  fortifiant,  à  la  lumière  du  passé,  les  meilleures  tradi- 
tions qui  ont  forgé  nos  âmes,  afin  de  donner  plus  de  fraîcheur  à  nos 
efforts  de  persévérance.  A  ce  travail  nous  apportons  toujours  une  ardeur 
nouvelle,  car  comme  on  l'a  écrit  quelque  part:  "ce  n'est  pas  la  grandeur 
de  nos  oeuvres  qui  leur  donne  du  prix  devant  Dieu,  c'est  l'amour  avec 
lequel  elles  sont  accomplies." 

Aussi  c'est  avec  im  légitime  réconfort  que  la  Société  Historique  se 
sent  constamment  appuyée  par  ceux  qui  lui  consacrent  des  heures  pro- 
fitables à  chercher,  dans  le  cheminement  de  notre  comportement,  les 
leçons  et  les  traits  qui  peuvent  embellir  nos  visages  français.  Pareils 
labeurs  ont  quelque  chose  d'exaltant  qui  vaut  bien  le  vil  esclavage  de 
médiocrité  auquel  trop  souvent  nos  esprits  sont  rivés  au  sein  de  cet 
empire  de  l'acier  et  du  plaisir  qui  nous  dévore. 

Pierre  Georges  Roy 
Au  compte  des  artisans  de  notre  histoire,  nous  voulons  rendre  hom- 
mage à  la  mémoire  de  l'un  des  officiers  d'honneur  de  la  société,  Pierre 
Georges  Roy,  historien  et  archiviste  qui  vient  de  mourir  à  Lévis,  à  l'âge 
de  83  ans. 

Chercheur  passionné  et  vulgarisateur  infatigable,  Pierre  Georges 
Roy  aura  été  l'un  de  ceux  qui  ont  le  plus  chez  nous  fait  aimer  la  "petite 
histoire".  C'est  ainsi  qu'il  remua  jusqu'à  la  dernière  motte  de  terre  de 
sa  patrie  lévisienne  pour  en  raconter  les  moindres  échos. 

Premier  archiviste  de  la  province  de  Québec,  pendant  plus  de 
soixante  ans,  il  dépouilla  fiévreusement  les  trésors  enfouis  de  notre  his- 


MESSAGE  DU   PRESIDENT  |7 


toire  pour  les  mettre  à  l'usage  des  chercheurs.  On  a  pu  prétendre  qu'il 
exploita  toutes  ces  richesses  à  son  profit.  Qui  ne  l'aurait  pas  fait  à  sa 
place?  Les  centaines  de  publications  qu'il  laisse,  biographies,  monogra- 
phies, inventaires,  rapports,  mémoires,  généalogies  et  conférences  sont 
autant  de  pièces  qu'il  a  remises  en  lumière  pour  éclairer  les  sentiers  de 
notre  passé. 

Fondateur  du  ^^Bulletin  des  Recherches  Historiques"  qu'il  rédigea 
depuis  1890,  jusqu'au  moment  où  la  cécité  le  força  à  le  confier  à  son 
fils,  Pierre  Georges  Roy  ramassa  encore  des  masses  de  documents  qui 
sont  d'une  inestimable  valeur.  S'il  n'a  rien  créé  en  exhumant  les  ar- 
chives, il  les  a  du  moins  fait  revivre.  Il  a  facilité  ainsi  la  découverte  de 
bien  des  mystères  qui  enveloppaient  certains  faits  de  notre  histoire. 

L'Amérique  française  doit  une  profonde  dette  de  reconnaissance  à 
ce  grand  travailleur  et,  aussi  longtemps  que  le  Canada  se  penchera  sur 
ses  archives,  il  lui  faudra  évoquer  la  figure  de  cet  incomparable  re- 
mueur  de  "vieux  papiers". 

La  Société  Historique  avait  l'honneur  de  l'accueillir  deux  fois  à  sa 
tribune.  En  1925,  dans  une  captivante  causerie,  il  nous  révélait  "les 
sources  de  la  petite  histoire" ,  où  il  excellait  lui-même  et  qui  constituent 
d'après  Michelet  la  "résurrection  de  la  vie  intégrale  du  passé." 

Quatre  ans  plus  tard,  il  venait  nous  faire  admirer  le  charme  de  nos 
chères  "Légendes  Canadiennes",  ces  poèmes  naïfs  comme  l'écrivait  un 
jour  Chauveau,  "que  transmet  à  la  jolie  jeunesse,  avec  un  saint  amour, 
la  prudente  vieillesse".  La  Société  l'avait  alors  nommé  vice-président 
d'honneur. 

La  société  s'incline  avec  respect  devant  la  tombe  de  ce  grand  dis- 
paru et  elle  se  réjouit  de  l'avoir  compté  au  nombre  de  ses  précieux 
appuis.  Elle  inscrit  pieusement  son  nom  au  listel  de  ses  bienfaiteurs. 

Il  nous  revient  à  la  pensée  le  souvenir  de  cette  froide  après-midi 
de  février,  il  y  a  de  cela  quatre  ou  cinq  ans,  alors  que  nous  nous  ren- 
dions visiter  ce  vénérable  travailleur.  Un  vent  glacial  comme  seul  en 
pousse  la  bise  du  Saint-Laurent  sur  la  côte  de  Lévis  nous  soulevait 
presque  de  terre  avec  une  poudrerie  aveuglante. 

Un  vieillard  droit,  la  barbe  fraîchement  taillée,  nous  accueille  dans 
sa  bibliothèque,  avec  chaleur  et  affection.  Pendant  de  longs  moments, 
nous  l'écoutions  évoquer  un  long  passé  hélas  qui  s'éteint  lentement 
dans  son  âme.  Il  nous  semble  le  voir  palpant  de  ses  mains  tremblantes 
volumes  et  documents  qu'il  ne  peut  plus  lire  pour  nous  faire  mieux 
saisir  peut-être  tout  l'amour  qu'il  avait  déployé  à  maîtriser  les  connais- 
sances considérables  cjui  emplissaient  son  coeur. 

C'est  la  seule  fois  que  nous  avons  rencontré  Pierre  Georges  Roy  et 
avec  quelques  ouvrages  autographiés  dont  il  nous  avait  gratifié,  nous 


BULLETIN   DE  LA  SOCIETE  HISTORIQUE 


emportions  l'image  d'une  soirée  délicieuse,  celle  d'un  véritable  pèleri- 
nage que  nous  avions  accompli  à  travers  les  sentiers  séduisants  de  notre 
histoire.  Piéride  Georges  Roy  a  dû  laisser  bien  de  ces  souvenirs  reposants 
dans  l'âme  de  ceux  qui  ont  joui  du  commerce  agréable  de  sa  personne. 

Hommage  à  la  France 

Encore  profondément  ému  de  l'honneur  que  vient  de  me  conférer 
la  France  en  me  remettant,  par  son  distingué  consul  général,  monsieur 
François  Charles-Roux  la  croix  de  sa  "Légion  d'Honneur",  vous  com- 
prendrez mon  empressement  à  vouloir  dire  toute  ma  reconnaissance  au 
gouvernement  de  la  République  française  qui  m'enveloppe  ainsi  de  son 
affection. 

Je  me  suis  souvent  réjoui  de  voir  paraître  sur  la  poitrine  de  mes 
compatriotes  cette  haute  décoration  de  la  France,  mais  je  vous  avouerai 
bien  humblement  qu'il  faut  la  porter  soi-même  sur  son  coeur  pour  en 
apprécier  toute  la  valeur. 

Descendant  des  fondateurs  de  la  Nouvelle-France,  après  dix  géné- 
rations de  fidélité  française  sur  le  sol  d'Amérique,  de  se  sentir  proclamé 
par  l'ancienne  mère  patrie,  un  modeste  mais  authentique  continuateur 
de  sa  pensée  humanisante  et  chrétienne,  voilà  une  consolation  qui  se 
peut  traduire  seulement  par  le  même  amour  que  l'on  a  pu  déployer  à 
se  dépenser  généreusement  au  rayonnement  d'un  héritage  culturel  qui 
nous  a  été  confié  avec  le  don  de  la  Foi. 

Après  plus  de  trente  ans  d'humbles  efforts  au  service  de  la  vitalité 
catholique  et  française  auprès  de  mes  compatriotes,  je  leur  laisse  cette 
pensée  qui  me  réconforte.  Dans  le  domaine  des  valeurs  supérieures,  il 
n'y  a  rien  au  monde  qui  peut  remplacer  la  satisfaction  de  demeurer 
soi-même  et  de  conserver  jalousement  dans  son  âme,  et  à  tous  les  ins- 
tants de  sa  vie,  l'idéal  qui  nous  a  été  transmis  avec  la  générosité  de  nos 
devanciers. 

En  cette  heure  qui  m'est  bien  précieuse,  je  remercie  de  nouveau  la 
France,  qui,  en  m'inscrivant  sur  la  liste  de  ses  témoins  officiels,  m'invite 
aussi  à  l'aimer  et  à  la  servir  avec  une  nouvelle  ferveur  dans  ce  qu'elle  a 
de  plus  sacré,  sa  pensée  civilisatrice  et  son  verbe  immortel! 

*  M.  le  consul  et  mes  chers  amis,  je  vous  remercie  de  vous  associer 
si  intimement  à  mon  bonheur  et  à  mes  charmants  paroissiens  de  Saint- 
Jean-Baptiste  de  Suncook,  qui  sont  venus  partager  ma  joie,  je  dis  toute 
mon  affection  et  mon  inaltérable  attachement. 

*  M.  le  consul  adjoint  René  Cérisoles  voulut  bien  relire  la  citation 
c|ue  M.  le  consul  général  François  Charles-Roux  avait  adressée  à  l'abbé 
Verrette  au  moment  de  la  remise,  quelques  heures  plus  tôt. 

C'est  un  grand  honneur  pour  moi  d'avoir  été  appelé  à  représenter 


Monsieur  le  consul  général  François  Charles-Roux  remet  la 
Croix  de  la  Légion  d'Honneur  à  l'abbé  Adrien  Verrette,  prési- 
dent de  la  société,  le  I  I  novembre. 


MESSAGE  DU   PRESIDENT  |9 


ici,  ce  soir,  mon  Gouvernement. 

Je  suis  heureux  que  cette  occasion  m'ait  été  donnée  car  elle  me 
permet  de  m'associer  à  vous  tous  pour  féliciter  à  nouveau  celui  qui  est 
l'âme  de  la  Société  Historique  et  qui  depuis  tant  d'années  travaille  au 
rapprochement  de  nos  deux  pays;  celui  qui,  cet  après-midi,  des  mains 
du  Consul  général  de  France  à  Boston,  recevait  les  insignes  de  Chevalier 
de  la  Légion  d'Honneur. 

C'est  donc  de  tout  coeur  et  bien  sincèrement  que  je  redis  ce  soir  à 
Monsieur  l'Abbé  Verrette  toutes  mes  plus  vives  félicitations  pour  son 
admission  dans  notre  ordre  national.  Admission  qui  rend  hommage  à 
son  dévouement  à  la  cause  franco-américaine,  à  son  inlassable  travail 
au  sein  de  différentes  organisations  franco-américaines,  et,  tout  parti- 
culièrement à  la  contribution  qu'il  a  apportée  à  la  rédaction  de  l'his- 
toire de  la  vie  franco-américaine,  car  c'est  surtout  l'histoire  qui  rap- 
proche la  France  et  l'Amérique.  (J'ouvre  une  parenthèse  ici  pour  saluer 
le  brillant  historien  et  conférencier  qu'est  M.  le  Chanoine  Groulx). 

Les  diplomates  français,  et  particulièrement  ceux  qui  servent  en 
Nouvelle-Angleterre  ont  tout  lieu  d'être  fiers  de  compter  dans  leur 
circonscription  des  Américains  d'origine  française,  qui  comme  l'Abbé 
Verrette,  font  tant  pour  le  rayonnement  de  notre  culture  sur  ce  con- 
tinent et  pour  que  survive  l'héritage  que  leur  ont  légué  leurs  ancêtres 
venus  de  nos  provinces  françaises. 

Avec  votre  permission,  je  voudrais  saisir  cette  opportunité  pour 
relire  maintenant  le  texte  de  la  citation  que  lisait  le  Consul  général  de 
France,  Adonsieur  Charles-Roux,  il  y  a  quelques  heures,  quand,  au  nom 
du  Président  de  la  République  et  en  vertu  des  pouvoirs  qui  lui  sont 
conférés,  il  faisait  Adrien  Verrette,  Ecclésiastique  franco-américain. 
Chevalier  de  la  Légion  d'Honneur: 

"Par  vos  travaux  historiques,  par  vos  efforts  continuels  pour  le 
maintien  de  la  culture  française  en  Nouvelle- Angleterre,  vous  vous  êtes 
acquis  des  titres  éminents  à  la  reconnaissance  de  la  France. 

Vous  êtes  actuellement  Président  de  la  "Survivance  Française", 
Président  de  la  "Société  Historique  Franco-Américaine"  et  Directeur 
du  "Comité  d'Orientation  Franco-Américain" .  Dans  chacune  de  ces 
importantes  organisations,  vous  manifestez  constamment  la  plus  remar- 
quable activité  et  le  plus  grand  dévouement  au  service  de  la  pensée 
française  et  de  l'amitié  franco-américaine" . 

M.  le  chanoine  Groulx 
Pour  la  quatrième  fois,  la  Société  Historique  a  l'insigne  honneur 
de  recevoir  à  sa  table,  un  grand  historien,  un  grand  canadien  français 
et  un  grand  ami.  C'est  que  depuis  trente  ans  et  plus  déjà,  M.  le  chanoi- 
ne Lionel  Groulx  partage  tous  nos  propos  de  persévérance  et  nous  con- 


20  BULLETIN   DE  LA  SOCIETE  HISTORIQUE 


fie  à  l'occasion  des  messages  remplis  de  la  plus  fraternelle  bienveillance 
comme  de  la  plus  lumineuse  orthodoxie. 

C'est  ainsi  qu'à  Lowell  en  1922,  devant  la  Fédération  des  Sociétés 
Franco-Américaines,  de  sa  main  de  maître,  il  nous  définissait  ce  que 
doivent  être  les  "Amitiés  françaises  en  Amérique" ,  il  en  précisait  l'utili- 
té pour  nous  tous  de  chaque  côté  de  la  frontière,  nous  rappelant  que 
sept  et  huit  générations  d'ancêtres  communs  ne  pouvaient  pas  abolir 
dans  le  coeur  de  frères  le  souci  de  la  solidarité  culturelle. 

A  Manchester  en  1935,  treize  ans  plus  tard,  lors  d'ime  inoubliable 
fête  patronale,  il  nous  résumait  en  traits  vibrants  ^'Notre  mission  de 
français  en  Amérique"  et  il  terminait  par  cette  note  d'espérance 
''quand  je  sens  monter  autour  de  moi  trop  d'inquiétude  ou  trop  d'an- 
goisse, une  pensée  me  soutient,  et,  c'est  la  magnificence  de  notre  mis- 
sion: mission  de  fidélité,  gardiens  d'une  foi  au  plus  haut  idéal:  gardiens 
d'une  foi,  gardiens  d'un  flambeau...." 

Ici  même  au  sein  de  la  société  en  1918,  dans  un  ordre  plus  tech- 
nique, il  nous  racontait  ''La  naissance  d'une  race"  (la  nôtre),  sujet  qui 
fut  le  thème  d'un  premier  cours  d'histoire  à  l'université  de  Montréal. 

Quatre  ans  plus  tard,  il  nous  résumait  une  page  captivante  de  notre 
histoire  américaine  sur  ''Les  canadiens  et  la  révolution  américaine". 

Enfin  en  1935,  dans  une  brillante  reconstitution  des  faits,  il  éta- 
blissait comment,  les  fondateurs  de  la  Nouvelle-France  s'étant  livrés  à 
l'aventure  "sans  savoir  au  juste  sur  quel  rivage  jeter  la  cargaison,  à  quel 
point  précis  du  continent  tenter  fortune"  avaient  fait  "Pourquoi  Québec 
ne  fut  pas  New  York." 

Après  dix-huit  ans,  M.  le  chanoine  Groulx  nous  revient,  rajeuni 
par  les  ans,  portant  toujours  à  ses  lèvres  l'auréole  de  la  fidélité  pour 
répondre  à  cette  question  que  se  posent  certains  des  nôtres,  inquiets  ou 
las  de  persévérer  "Y  a-t-il  un  avenir?" 

En  face  de  certaines  démissions  navrantes  qui  affligent  présente- 
ment la  franco-américanie,  il  nous  semble  que  le  message  de  M.  le  cha- 
noine Groulx  re\  et  une  valeur  saisissante.  Je  l'invite  donc  à  nous  livrer 
les  secrets  de  sa  profonde  méditation  d'historien  et  de  sociologue  au 
sujet  de  la  confiance  inébranlable  qui  doit  remplir  nos  coeurs  et  nos  vies! 


Remise  de  la  médaille  "Grand  Prix" 

à  Monsieur  le  chanoine  Lionel  Groulx 

En  vous  invitant  pour  la  septième  fois,  au  sein  de  la  franco-améri- 
canie,  pour  recevoir  de  nouveau  cette  solide  nourriture,  que  depuis  plus 
de  cinquante  ans  vous  dispensez  avec  tant  de  générosité  et  d'amour  à 
tous  vos  frères  d'Amérique,  la  Société  Historique  voulait  aussi  rendre 
hommage  à  votre  illustre  carrière  qui  vous  fixe  au  nombre  des  grands 
historiens  sur  notre  continent. 

C'est  en  1923  déjà  que  l'inimitable  Olivar  Asselin  écrivait:  "la 
gloire  propre  de  l'abbé  Groulx,  ce  qui  fait  de  son  cours  d'histoire  l'hon- 
neur incomparable  de  l'Université  de  Montréal,  c'est  d'avoir  assis  sur 
la  réalité  la  plus  solidement  démontrée  les  fondements  de  nos  espéran- 
ces." Et  ne  vous  a-t-on  pas  récemment  décerné  ce  titre  très  enviable 
"d'historien  de  l'avenir",  pour  un  apôtre  qui  porte  allègrement  tou- 
jours ses  soixante-quinze  ans. 

L'occasion  ne  se  prête  peut-être  pas  à  l'énumération  de  vos  nom- 
breux ouvrages  qui  ont  établi  jusque  par  delà  les  mers  votre  renommée 
d'historien  de  grande  classe.  Depuis  "Une  croisade  d'adolescents"  qui 
vous  révélait  un  indéfectible  serviteur  de  votre  race  et  vos  premiers  vers 
où  vous  chantiez  avec  tant  de  sincérité  "ils  gardent  l'avenir  ceux  qui 
gardent  l'histoire"  votre  long  apostolat  en  a  été  un  de  générosité  qui  n'a 
jamais  modifié  son  timbre  de  sincérité  et  de  fidélité  à  l'héritage  des  an- 
cêtres. 

C'est  encore  Asselin  qui  écrira:  "ces  coups  de  clairons,  quel  autre 
de  nos  historiens  les  a  prodigués,  du  moins  avec  pareil  éclat  et  pareille 
autorité,  à  une  noble  race  que  la  défaite  politique  et  économique  incli- 
nait définitivement  à  tous  les  abandons." 

Et  à  la  suite  de  la  trentaine  de  vos  ouvrages,  tous  frappés  de  la 
même  mystique,  de  vos  innombrables  conférences  et  cours,  de  vos  lumi- 
neux mots  d'ordre,  de  vos  récentes  consignes  à  la  jeunesse,  nous  voulons 
vous  dire  avec  quelle  fierté  nous  avons  enfin  accueilli  votre  "Histoire  du 
Canada  français" ,  en  quatre  volumes,  un  ouvrage  qui  vient  couronner 
si  magnifiquement  et  avec  tant  d'autorité,  votre  oeuvre  d'historien. 

Et  pour  tout  dire,  ne  faudrait-il  pas  encore  vous  féliciter  d'avoir 
créé  en  1947,  malgré  le  poids  des  ans,  avec  cette  équipe  de  vos  brillants 
disciples  "L'Institut  d'Histoire  de  l'Amérique  française"  dont  la  savante 
revue  favorise  avec  tant  de  succès,  la  formation  de  chercheurs  du  fait 
français  en  Amérique. 

Pour  toutes  ces  raisons  et  surtout  à  cause  de  cette  habituelle  sympa- 
thie dont  vous  les  entourez  depuis  toujours,  les  Franco-Américains  cher- 


22  BULLETIN     DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


chaient  une  occasion  solennelle  pour  vous  dire  leur  affection  profonde, 
leur  admiration  et  leur  vénération. 

Prêtre  du  Christ  avant  tout,  homme  de  lettres  et  historien,  au  soir 
de  votre  cinquantenaire  sacerdotal  qui  résume  tant  de  générosité  au 
service  de  la  vérité  et  de  vos  frères,  permettez  au  président  de  la  Société 
Historique  de  vous  remettre,  au  nom  de  tous  ses  compatriotes  ,cette 
médaille  "Grand  Prix"  qui  symbolise  dans  nos  coeurs  cette  imbrisable 
solidarité  que  vous  aurez  bien  des  fois  préconisée  au  sein  de  la  franco- 
américanie. 

Monsieur  le  chanoine  Groulx 
En  acceptant  cette  décoration  qui  le  fixait  au  nombre  des  grands 
serviteurs  de  la  Franco-Américanie,  monsieur  le  chanoine  Groulx  ajou- 
tait: "]'ai  reçu  quelques  médailles  dans  ma  vie.  Aucune  ne  m'a  jamais 
été  offerte  avec  si  grande  cordialité.  C'est  pourquoi  du  plus  profond  de 
mon  coeur,  je  sens  monter  le  plus  fervent  de  mes  mercis". 


■m 


BUREAU    1953-54: 

Debout  de  gauche,  docteur  Gabriel  Nadeau,  secrétaire,  docteur  Antoine  Dumouchel,  vice-prési- 
dent d'honneur,  Lauré  B.  Lussier,  conseiller,  Mlle  Rhéa  Caron,  conseiller,  docteur  Roland  Cartier, 
secrétaire  adjoint.  Me  Valmore  Carignan,  vice-président,  J.  Raymond  Lemieux,  conseiller.  Me  Ernest 
R.  D'Amours,  conseiller. 

Assis,  Monsieur  le  chanoine  Lionel  Groulx,  l'abbé  Adrien  Verrette,  président,  Monsieur  le  consul 
René  Cérisoles,  Mgr  William  Drapeau  et  M.  Antoine  Clément,  trésorier. 


Monsieur  le  président  remet  à  Monsieur  le  chanoine  Lionel  Groulx,  historien  du 
Canada  français,  la  médaille  "Grand  Prix"  de  la  Société. 


III 

Séance  d'étude* 

Message  du   Président 

La  société  inaugure  ce  soir  son  54ème  exercice.  Je  suis  heureux  de 
vous  accueillir  en  son  nom.  Cette  réunion  revêt  comme  vous  le  savez  le 
caractère  propre  à  une  société  d'histoire.  Nous  y  venons  pour  nous  en- 
tretenir plus  sérieusement  des  choses  de  notre  histoire  franco-améri- 
caine. 

Aussi  nous  pourrions  bien  nous  demander:  avons-nous  jusqu'ici 
donné  assez  de  considérations  sérieuses  à  notre  histoire?  Avons-nous 
suffisamment  fouillé  les  traces  de  nos  devanciers  pour  en  dresser  un 
inventaire  qui  pourrait  démontrer  d'une  façon  péremptoire  et  impo- 
sante notre  présence  dans  cette  partie  du  pays? 

Et  par  cette  présence,  je  ne  fais  pas  allusion  aux  grands  gestes  des 
explorateurs  qui  ont  déjà  été  signalés  par  tous  les  historiens  du  continent. 
Il  s'agit  ici  du  fait  franco-américain,  tel  que  nous  le  constituons  depuis 
plus  d'un  siècle,  ce  déversement  de  vie  catholique  et  française,  venue  du 
Canada  français  et  qui  est  représenté  aujourd'hui  par  des  milliers  d'ins- 
titutions que  fréquentent  plus  d'un  million  de  nos  congénères. 

En  1890,  le  R.  P.  Edouard  Hamon,  jésuite  de  Montréal,  qui  avait 
visité  nos  centres,  résumait  ses  recherches  et  impressions  dans  un  volume 
intitulé  "Les  Canadiens  français  de  la  Nouvelle-Angleterre",  ouvrage 
devenu  assez  rare  et  qui  nous  a  rendu  service,  car  il  contenait  les  germes 
et  certaines  explications  justes  sur  la  nature  de  ce  mouvement  migra- 
teur qu'avaient  déclanché  nos  pères,  au  siècle  dernier.  Il  y  a  plus  de  60 
ans  de  cela.  Ce  volume  devrait  se  trouver  dans  les  bibliothèques  de  tou- 
tes nos  institutions.  C'est  un  document. 

En  1913,  l'abbé  D.  M.  A.  Magnan,  qui  avait  été  un  peu  l'un  des 
nôtres,  publiait  chez  Charles  Amata,  à  Paris,  la  deuxième  édition,  revue 
et  corrigée,  de  son  "Histoire  de  la  Race  française  en  Amérique" .  L'au- 
teur y  avait  tenté  avec  assez  de  succès  une  synthèse  sur  le  rayonnement 
français  au  pays  avec  une  partie  assez  substantielle  sur  notre  compte  en 
Nouvelle-Angleterre.  Malgré  ces  nombreuses  inexactitudes,  l'ouvrage 
ne  manquait  pas  de  valeur  et  il  est  encore  très  précieux  à  consulter, 
mais  il  est  encore  à  quarante  ans  de  nous. 

Nous  avons  il  est  vrai,  nombre  de  monographies  assez  bien  faites  qui 
ont  été  publiées  à  l'occasion  de  jubilés  ou  de  bénédictions  etc.,  qui  ra- 
content les  gestes  de  nos  devanciers  en  certains  endroits.  Quelques  autres 
ouvrages  comme  VHistoire  de  Southhridge,  de  Félix  Gatineau,  celle  de 

*  Hôtel  Lenox,  27  mai  1953 


24  BULLETIN     DE    LA    SOCIETE    HISTORigUE 


Woonsocket  par  Mlle  Lamarine,  l'histoire  de  nos  grandes  conventions 
nationales  et  nombre  de  brochures  sur  des  institutions  etc.,  avec  une 
"'Histoire  de  la  Presse  Franco-Américaine  et  des  Canadiens  français  aux 
Etats-Unis",  publiée  en  1911,  à  l'Opinion  Publique  de  Worcester  par 
Alexandre  Belisle.  Celle-ci  ne  manque  pas  de  valeur. 

Nos  archives  sont-elles  assez  convenables  pour  nous  pemiettre  de 
songer  à  une  synthèse  historique  du  fait  franco-américain? 

Depuis  assez  longtemps,  nous  écoutons  ces  récits  généraux  envelop- 
pés d'émotion  qui  racontent  la  venue  de  nos  fondateurs,  leurs  sacrifices 
et  leurs  succès.  Nous  pourrions  retracer  nombre  de  courtes  biographies 
ou  portraits  de  nos  artisans,  mais  encore  là,  à  l'heure  actuelle,  possé- 
dons-nous assez  de  matière  et  de  substance  pour  édifier  un  monument 
définitif? 

Et  le  nombre  des  ouvriers  et  chercheurs  tend-il  à  augmenter  ou  à 
diminuer?  Nous  avons  à  relever  une  seule  de  nos  institutions  qui  ait  mis 
à  son  programme  l'étude  de  notre  histoire. 

Il  semblerait  aujourd'hui,  en  plusieurs  endroits,  que  toute  cette 
affaire  de  survivance  ou  d'histoire  franco-américaine  soit  un  mauvais 
rêve  ou  un  cauchemar  dont  il  faut  débarrasser  le  cerveau  de  nos  enfants 
afin  de  leur  permettre  une  meilleure  ascension  dans  la  vie  américaine! 

Au  cours  de  notre  existence  plus  que  centenaire,  comment  se  fait-il 
que  nous  n'ayions  pu  produire  un  seul  historien  de  classe,  qui  aurait 
fixé  ces  valeurs  de  l'indéniable  aventure  historique  que  nous  constituons! 

Je  vous  avouerai  franchement  que  cette  constatation  désole  plus 
d'un  des  nôtres.  Est-il  encore  temps  d'y  songer  sérieusement?  Je  répon- 
drai: plus  que  jamais!  Je  le  crois  et  notre  société  peut  faire  beaucoup 
pour  provoquer  l'apparition  de  cet  historien,  avant  que  trop  de  nos  sou- 
venirs soient  emportés  par  les  vents. 

Ce  que  nous  pouvons  faire  de  suite,  c'est  de  colliger  et  de  publier 
de  plus  en  plus  les  détails  sur  notre  histoire,  dans  des  monographies 
sérieuses.  Nous  pouvons  facilement  déterrer  les  gestes  grands  et  petits 
de  nos  devanciers  en  consultant  les  aînés. 

Je  sais  qu'il  y  a  plusieurs  chapitres  de  lutte  qui  seraient  difficiles  à 
traiter,  mais  la  vérité  doit-elle  être  refusée  seulement  à  ceux  qui  ont 
souffert  pour  la  faire  respecter? 

On  se  demande  parfois,  si  l'heure  ne  vient  pas  ou  ce  sera  une  tare 
que  de  se  rallier  au  terme  "franco-américain".  Vous  n'ignorez  pas  que 
trop  des  nôtres  ont  déjà  pris  cette  allure  navrante. 

A  tout  considérer,  il  nous  semble  que  l'histoire  franco-américaine 


25 


devrait  être  écrite  d'une  façon  franche,  objective  dans  un  esprit  de 
vérité  et  de  charité  et  sur  un  ton  qui  ne  soit  pas  provocateur.  Nous  ne 
prétendons  pas  être  les  seuls  américains  qui  ont  de  la  grandeur.  Nous 
voulons  simplement  faire  valoir  dans  sa  juste  perspective  notre  place 
au  soleil. 

Nous  Tavons  répété  bien  des  fois,  hélas,  nous  gaspillons  trop  de 
temps,  chacun  de  son  côté,  à  perdre  ce  que  nos  devanciers  ont  édifié. 

Il  y  a  déjà  plusieurs  années  que  nous  réclamons  un  manuel  d'his- 
toire pour  nos  écoliers.  Il  est  encore  à  venir.  Il  y  a  plus  de  vingt  ans, 
certains  propos  avaient  provoqué  un  élan  qui  valut  la  parution  du 
Catéchisme  Franco-Américain.  Celui-ci  a  rendu  des  services  mais  après 
tout  ce  n'est  pas  un  manuel  et  il  possède  aucune  valeur  technique  d'in- 
formation ou  de  référence,  simple  nomenclature  de  questions  et  de  ré- 
ponses. 

Je  vous  avouerai  que  j'ai  fait  plusieurs  démarches  sans  succès  pour 
dénicher  un  auteur.  La  tâche  n'est  pas  facile,  mais  je  crois  que  la  So- 
ciété Historique  devrait  maintenir  cette  préoccupation  chez  les  nôtres, 
ce  besoin  de  manuel,  etc. 

J'irai  plus  loin,  nos  anciens  ont  trop  peiné  et  trop  travaillé  pour 
que  nous  n'ayions  pas  le  souci  de  conserver  leurs  labeurs  dans  un  écrin 
ou  une  grande  fresque  d'histoire  bien  à  nous.  Elle  ne  manquerait  pas  de 
réduire  bien  des  préjugés  ou  malentendus  contre  nous-mêmes  et  chez 
les  étrangers.  Un  pareil  ouvrage  pourrait  être  traduit  en  anglais,  même 
afin  de  servir  à  l'information  de  ceux  qui  refusent  de  nous  apprécier 
parce  qu'ils  ne  nous  connaissent  pas. 

Depuis  quelques  années  j'ai  fréquenté  plusieurs  sociétés  d'histoire 
régionale,  celles  de  Montréal,  Québec,  Sherbrooke,  St-Boniface,  celle  de 
l'Ontario  Nord  et  la  vivante  société  du  Saguenay.  J'ai  été  émerveillé  par 
l'intérêt  que  les  membres  apportent  à  la  petite  histoire.  Des  hommes  qui 
ne  sont  pas  par  profession  des  historiens,  mais  des  amants  de  l'histoire, 
ont  dressé  des  inventaires  et  des  découvertes  passionnantes.  Ces  person- 
nes sont  de  toutes  les  professions  et  elles  aiment  à  consacrer  leurs  loisirs 
à  des  choses  sérieuses. 

Les  mêmes  réactions  devraient  se  produire  chez  nous.  Il  y  a  tant  de 
manières  à  notre  disposition  et  un  choix  illimité  de  sujets,  etc.  C'est  un 
peu  le  désir  de  ceux  qui  ont  demandé  la  tenue  de  réunions  comme  celle- 
ci  afin  de  permettre  aux  véritables  intéressés  de  trouver  des  formules 
pour  favoriser  l'étude  de  notre  histoire  qui  s'intègre  si  bien  dans  celle 
de  notre  patrie. 

Les  études  qui  nous  seront  présentées  ce  soir  ne  manquent  pas  d'in- 
térêt. Nous  voulons  remercier  les  auteurs  qui  ont  eu  l'amabilité  de  nous 
les  soumettre. 


25  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

L'oeuvre  de  Saint-Benoit-du-Lac* 

(Dom  Jean  Anselme  Mathys,  o.s.b.) 

^Résumé  du  Texte  de  la  Conférence  prononcée  le  27  mai  à  la  Société 
Historique  Franco-Américaine  par  le  Très  Révérend  Père  Dom  Jean 
Anselme  Mathys,  o.s.b..  Prieur  de  l'Abbaye  Saint-Benoit-du-Lac. 


Me  voici  au  milieu  de  vous  à  l'invitation  de  votre  si  admirable 
Président  alors  que  vous  êtes  tous  ici  réunis  un  peu  comme  au  Cénacle 
(ne  sommes-nous  pas  dans  l'Octave  de  la  Pentecôte). 

Ne  communions  nous  pas  par  notre  Foi  —  notre  esprit  et  notre 
culture  chrétienne  à  la  même  Foi  et  aux  mêmes  aspirations  de  charité 
fraternelle  et  apostolique?  ne  participons-nous  pas  sur  ce  continent 
Américain  à  la  vie  intime  de  cette  Eglise  qui  le  Jour  de  la  Pentecôte  a 
reçu  le  St-Esprit  et  le  don  des  langues?  Esprit  de  force  et  de  charité  tout 
ensemble,  car  la  force  sans  la  charité  est  brutalité  cause  de  haine  et  de 
division;  et  la  charité  sans  la  force  est  facilement  sentimentalité  morbide 
et  faiblesse.  Esprit  de  Vérité  et  de  Justice  (de  Vérité  dans  la  Charité  et 
de  Justice  orientée  par  la  Charité). 

On  m'invite  à  vous  entretenir  de  l'oeuvre  d'un  homme  et  d'un 
saint  qui  a  joué  une  influence  prépondérante  dans  l'histoire  de  l'Eglise 
et  de  la  Civilisation  depuis  14  siècles,  on  l'a  surnommé  "le  dernier  des 
Romains",  et  le  Pape  Pie  XII  le  saluait  dernièrement  comme  "Le  Père 
Nourricier  de  l'Europe".  S'il  est  le  père  nourricier  de  l'Europe,  pourquoi 
ne  serait-il  pas  notre  grand-père?  Nous  ne  devons  pas  oublier  cjue  tous 
nos  ancêtres  venaient  de  la  vieille  Europe.  Et  le  message  de  St-Benoit, 
car  c'est  de  St-Benoit  que  je  veux  vous  parler,  si  utile  en  particulier  à  la 
France  d'autrefois,  pourquoi  ne  serait-il  pas  une  inspiration  très  pratique 
pour  les  Canadiens  Français  et  les  Franco- Américains  d'aujourd'hui?  Si 
au  dire  de  St-Grégoire,  son  biographe,  il  était  "rempli  de  l'Esprit  de  tous 
les  justes",  pourquoi  ne  lui  demanderions  nous  pas  de  nous  obtenir  du 
Père  des  Lumières  un  accroissement  de  docilité  aux  dons  du  St-Esprit 
que  nous  aussi  nous  avons  reçu  le  Jour  de  notre  Confirmation. 

Il  y  a  quatorze  cents  ans,  sentant  sa  mort  prochaine,  St-Benoit  se 
fit  porter  par  ses  disciples  dans  l'église  du  Mont-Cassin  et  là,  après  avoir 
reçu  la  sainte  Communion  entre  les  bras  de  ses  fils  qui  soutenaient  ses 
membres,  défaillants,  les  mains  elvées  vers  le  Ciel,  il  se  tint  immobile  et, 
murmurant  des  paroles  de  prière,  il  rendit  le  dernier  soupir. 

La  Règle  qu'il  écrivit  et  laissait  à  ses  fils  et  à  l'Eglise  comme  un 
testament  n'a  rien  perdu  de  son  actualité  et  Sa  Sainteté  le  Papie  Pie  XII 
déclarait  dans  son  Encyclique  "Fulgens  Radiatur":  "Si  les  enseigne- 


27 


inents,  qui  portèrent  jadis  Benoit,  ému  par  eux,  à  instruire,  rétablir  et 
moraliser  la  société  décadente  et  troublée  de  son  époque,  retrouvaient 
aujourd'hui  le  plus  grand  crédit  possible,  plus  facilement  aussi,  sans  nul 
doute,  notre  monde  moderne  pourrait  émerger  de  son  formidable  nau- 
frage, réparer  ses  ruines  matérielles  ou  morales,  et  trouver  à  ses  maux 
immenses  d'opportuns  et  efficaces  remèdes." 

L'Ordre  fondé  par  notre  Bienheureux  Père  St-Benoit  a  donné  à 
l'Eglise  plus  de  50  papes,  un  grand  nombre  de  saints  et  de  saintes  ca- 
nonisés, des  cardinaux,  des  archevêques,  des  évêques,  des  artistes,  des 
philosophes  et  de  grands  historiens  et  théologiens  ...  voilà  "ses  oeuvres" 
selon  l'expression  moderne  du  mot;  si  l'on  vous  demande  quelles  sont 
"les  oeuvres  des  Bénédictins",  je  compte  sur  vous  pour  nous  justifier. 
Car,  que  ne  dit-on  pas  sur  les  moines  contemplatifs  ...  ces  êtres  inutiles, 
égoïstes,  utopistes  et  lâches  qui  se  réfugient  dans  des  monastères  pour 
fuir  le  monde  et  ses  luttes?  Est-ce  bien  le  temps  de  s'en  aller  dans  la 
solitude  pour  se  livrer  à  une  vie  de  Prière,  de  Travail,  de  Pénitence, 
d'Obéissance  et  de  soi  disant  Charité  Fraternelle  dans  une  Atmosphère 
de  Silence  alors  que  le  monde  a  tant  besoin  d'hommes  politiques  intè- 
gres et  de  soldats  pour  le  défendre  contre  le  péril  communiste?  Ce  sont 
les  mêmes  points  d'interrogation  que  se  posaient  bien  des  gens  au  temps 
de  St-Benoit,  le  moment  où  l'Empire  Romain  s'écroulait  sous  les  inva- 
sions des  Barbares!  Mais  la  Divine  Providence  et  l'Histoire  ont  donné 
raison  à  St-Benoit.  Soyons  donc  de  ceux  qui  sont  heureux  de  se  mettre 
à  Son  Ecole. 

Une  Ecole  du  Service  du  Seigneur 

Car  c'est  une  école  qu'il  avait  la  prétention  de  fonder  au  Mont- 
Cassin  en  529,  "Ecole  du  Service  du  Seigneur" ,  une  famille  chrétienne 
avec  à  sa  tête  un  Abbé  élu  à  vie,  le  père  du  monastère.  Ecole  de  Prière 
et  de  Travail  en  commun;  école  d'obéissance  et  de  charité  fraternelle; 
école  d'hospitalité.  Le  monastère  bénédictin  est  tout  cela.  Dieu  sait  si 
nous  en  avons  besoin  de  ses  "Ecoles  du  Sei-vice  du  Seigneur"  à  une  épo- 
que où  l'on  méconnaît  et  sous-estime  la  valeur  et  l'importance  de  la 
prière  —  où  l'on  ne  veut  plus  travailler  ou  travailler  le  moins  possible 
—  où  le  cri  général  est  un  cri  de  révolte  et  de  "non  serviam"  ...  plus  de 
devoirs  mais  seulement  revendications  de  droits  et  de  libertés!  Dieu  sait 
si  nous  en  avons  besoin  de  ces  écoles  de  charité  fraternelle  à  un  moment 
où  la  discorde  et  la  haine  régnent  dans  le  monde  même  chrétien!  Je 
cède  encore  la  parole  au  Souverain  Pontife  dans  son  Encyclique  "Fui- 
gens  Radiatur"  écrite  à  l'occasion  du  quatorzième  centenaire  de  la  mort 
de  St-Benoit:  "Notre  saint  patriarche  nous  fournit  encore  une  autre 
leçon,  un  autre  avertissement,  dont  notre  siècle  a  tant  besoin:  à  savoir 
que  Dieu,  ne  doit  pas  seulement  être  honoré  et  adoré;  il  doit  être  aussi 
aimé,  comme  un  Père  d'une  ardente  charité.  Et  parce  que  cet  amour 


28  BULLETIN     DE    LA    SOCIETE    HISTORigUb 


s'est  malheureusement  aujourd'hui  attiédi  et  allangui,  il  en  résulte  qu'un 
grand  nombre  d'hommes  recherchent  les  biens  de  la  terre  plus  que  ceux 
du  Ciel,  et  avec  une  passion  si  immodérée,  qu'elle  engendre  souvent  des 
troubles,  qu'elle  entretient  les  rivalités  et  les  haines  les  plus  farouches. 
Or,  puisque  le  Dieu  Eternel  est  l'auteur  de  notre  vie  et  que  de  lui  nous 
viennent  des  bienfaits  sans  nombre,  c'est  un  devoir  strict  pour  tous  de 
l'aimer  par-dessus  toutes  choses  et  de  tourner  vers  lui,  avant  tout  le  reste, 
nos  personnes  et  nos  biens.  De  cet  amour  envers  Dieu  doit  naître  ensuite 
une  charité  fraternelle  envers  les  hommes  que  tous,  à  quelque  race,  na- 
tion ou  condition  sociale  qu'ils  appartiennent,  nous  devons  considérer 
comme  nos  frères  dans  le  Christ,  en  sorte  que  tous  les  peuples  et  toutes 
les  classes  de  la  société  se  constituent  une  seule  famille  chrétienne,  non 
pas  divisée  par  la  recherche  excessive  de  l'utilité  personnelle,  mais  cor- 
dialement unie  par  un  mutuel  échange  de  services  rendus". 

Ici  le  conférencier  donne  quelques  exemples  pratiques  pour  la  vie 
courante  et  continue:  "J'ai  l'honneur  de  parler  à  une  Société  d'histoire, 
il  n'est  donc  pas  hors  de  propos  de  vous  citer  le  témoignage  d'un  grand 
historien  des  Moines,  Montalembert;  dans  sa  préface  "des  Moines  d'Oc- 
cident" il  affirme:  "On  admire  les  oeuvres  des  Romains;  maîtres  et 
tyrans  du  monde,  ils  usaient  la  sève  de  cent  peuples  divers  à  créer  les 
constructions  que  les  archéologues  et  les  érudits  nous  ont  appris  à  placer 
au-dessus  de  tout.  Mais  que  ne  faudrait-il  donc  pas  dire  de  ces  moines, 
pauvres  solitaires?  Ils  n'ont  jamais  rien  pris  à  personne;  mais  sans  ar- 
mes, sans  trésors,  avec  la  seule  ressource  de  l'aumône  spontanée,  et  grâce 
à  leurs  propres  sueurs,  ils  ont  couvert  le  monde  d'édifices  gigantesques, 
qui  lassent  encore  maintenant  la  pioche  des  vandales  civilisés." 

"Ils  ont  achevé  ces  oeuvres  dans  les  déserts,  sans  routes,  sans  ca- 
naux, sans  machines,  sans  aucun  des  instruments  puissants  de  l'industrie 
moderne,  mais  avec  une  patience  et  une  constance  inépuisables,  et  en 
même  temps  avec  un  goût,  un  discernement  des  conditions  de  l'art  que 
toutes  les  académies  pourraient  leur  envier.  Disons  plus:  il  n'y  a  pas  de 
société  au  monde  qui  ne  puisse  aller  à  leur  école  pour  y  apprendre  à  la 
fois  les  lois  de  la  beauté  et  de  la  durée." 

Permettez-moi  de  vous  affirmer  que  les  moines  bénédictins  du 
vingtième  siècle  continuent  cette  tradition  et  vous  n'ignorez  pas  toute  la 
renaissance  architecturale  due  au  moins  Dom  Paul  Bellot;  le  dôme  de 
l'Oratoire  St- Joseph  du  Mont-Royal,  dont  nous  sommes  tous  fiers,  est 
son  oeuvre,  et  ses  restes  mortels  reposent  dans  le  cimetière  de  notre  ab- 
baye de  St-Benoit-du-Lac,  son  dernier  chef-d'oeuvre! 

L'Abbaye  de  Saint-Benoit-du-Lac 

Fondé  en  1912  par  des  moines  bénédictins  venus  de  France,  doté 
d'un  noviciat  en  1924,  érigé  en  Prieuré  Conventuel  en  1935,  le  monas- 


29 


tère  de  St-Benoit-du-Lac  compte  plus  de  soixante-dix  moines  dont  trois 
américains  et  un  mexicain.  Un  rescrit  Pontifical  du  25  juillet,  promul- 
gué le  23  septembre  1952,  a  élevé  le  monastère  à  la  dignité  d'Abbaye. 

Notre  abbaye  de  St-Benoit-du-Lac  est  située  dans  la  Province  de 
Québec  (archidiocèse  de  Sherbrooke),  sur  la  rive  nord-ouest  du  Lac 
Memphremagog,  à  quelques  milles  de  Magog  et  de  Newport,  Vermont; 
elle  est  facilement  accessible  par  la  route  #  1  venant  de  Montréal  ou  de 
Québec,  par  la  route  U.  S.  #5  passant  à  Newport.  Un  endroit  idéal 
pour  la  vie  monastique,  perdu  au  milieu  des  montagnes  sur  les  bords 
enchanteurs  de  l'un  des  beaux  lacs  de  notre  continent  Américain  ...  per- 
mettez-moi de  vous  raconter  un  souvenir  personnel  qui  se  trouve  à  être 
une  prophétie:  En  1938,  quand  il  s'était  agi  de  décider  de  l'endroit  dé- 
finitif où  nous  ferions  la  construction  de  notre  monastère  à  l'épreuve  du 
feu,  on  m'avait  envoyé  consulter  notre  grand  ami  et  bienfaiteur  le  Car- 
dinal Villeneuve,  archevêque  de  Québec.  Après  quelques  remarques  sur 
les  avantages  et  les  desavantages  de  notre  grande  solitude,  loin  de  Mont- 
r'al  et  loin  de  Québec,  à  trente  milles  de  Sherbrooke,  le  Cardinal  me 
dit  en  me  montrant  une  carte  routière  ...  "vous  êtes  plus  prêts  de  Boston 
que  vous  ne  l'êtes  de  Rimouski,  je  suis  certain  qu'un  jour  votre  rayon- 
nement spirituel  et  culturel  sera  grand  aux  Etats-Unis!" 

Foyer  de  vie  contemplative  et  d'hospitalité 
St-Benoit-du-Lac  est  la  seule  abbaye  de  moines  bénédictins  con- 
templatifs sur  le  continent  Américain;  nous  avons  hérité  heureusement 
de  la  tradition  plusieurs  fois  séculaire  de  la  Congrégation  bénédictine 
de  France,  et  cette  fidélité  à  la  tradition  est  un  puissant  ferment  de 
stabilité  au  milieu  de  l'effervescence  actuelle  des  théories  et  des  idées; 
elle  est  un  apport  nécessaire  à  la  culture  d'inspiration  latine  et  française 
et  à  la  civilisation  chrétienne  sur  le  continent  américain.  Je  crois  bien 
sincèrement  que  nous  pouvons  vous  rendre  service  et  je  tiens  à  vous  dire 
que  les  portes  de  notre  hôtellerie  vous  sont  grandes  ouvertes  ....  Nous 
avons  gardé  à  St-Benoit-du-Lac  les  enseignements  des  Apôtres  et  de 
notre  Bienheureux  Père  qui  recommandent  si  fortement  la  vertu  d'hos- 
pitalité. 

Notre  hospitalité  permet  à  tous  ceux,  prêtre  et  laïcs,  qui  veulent 
participer  quelques  instants  ou  quelques  jours  à  notre  prière  de  trouver 
le  silence,  le  repos  et  la  paix.  En  suivant  les  offices,  en  prenant  leurs 
repas  avec  les  moines  dans  le  même  réfectoire,  les  hôtes  ou  visiteurs  de 
passage  trouvent  dans  cette  atmosphère  toute  familiale  un  réconfort 
moral  qui  devient  un  secours  spirituel  et  une  inspiration.  En  effet,  tout 
chrétien  désireux  de  vivre  plus  intégralement  sa  vie  familiale  et  sociale 
peut  s'inspirer  des  principes  de  la  Règle  de  St-Benoit. 

Il  n'est  pas  normal  pour  l'homme  de  vivre  seul,  la  vie  sociale  est 
aussi  ancrée  au  coeur  de  l'homme  que  l'Amour  au  sein  de  l'Adorable 


30  BULLETIN   DE  LA  SOCIETE  HISTORIQUE 


Trinité,  car  Dieu,  notre  Créateur  et  Notre  Père  n'est  pas  seul.  Il  en- 
gendre éternellement  Son  Fils  et  de  cet  élan  mutuel  d'Amour  procède 
le  Saint-Esprit.  Sous  l'inspiration  du  Saint-Esprit,  c'est  une  Cellule  Fa- 
miliale Complète  que  St-Benoit  allait  donc  fonder  sur  le  haut  de  sa 
sainte  montagne  et  rien  de  surprenant  à  ce  qu'elle  soit  devenue  par  le 
monastère  bénédictin  le  type  parfait  des  familles  chrétiennes  de  l'Eu- 
rope, cellules  familiales  et  sociales  d'où  sortiraient  comme  d'un  tronc 
toute  notre  civilisation. 

Permettez-moi  de  vous  citer  encore  la  parole  pontificale  à  l'appui 
de  ma  thèse.  Notre  Saint-Père  reprenant  un  texte  du  Panégyrique  de 
Saint-Benoit  par  le  grand  prédicateur  Bossuet  dit:  "Dans  la  vie  béné- 
dictine, la  prudence  se  joint  à  la  simplicité,  l'humilité  chrétienne  s'as- 
socie au  courage  généreux;  la  douceur  tempère  la  sévérité  et  une  saine 
liberté  ennoblit  la  nécessaire  obéissance.  En  elle,  la  correction  conserve 
toute  sa  vigueur,  mais  l'indulgence  et  la  bonté  l'agrémentent  de  suavité; 
les  préceptes  gardent  toute  leur  fermeté,  mais  l'obéissance  donne  repos 
aux  esprits  et  paix  aux  âmes;  le  silence  plaît  par  sa  gravité,  mais  la 
conversation  s'orne  d'une  douce  grâce;  enfin  l'exercice  de  l'autorité  ne 
manque  pas  de  force,  mais  la  faiblesse  ne  manque  pas  de  soutien." 

Sagesse  de  la  Règle  de  Saint-Benoit 

Que  de  sagesse  et  pour  notre  vie  familiale  et  pour  notre  vie  sociale 
dans  ces  conseils  de  St-Benoit  à  celui  qui  vient  d'assumer  la  direction 
paternelle,  au  chef  et  au  père  de  l'Abbaye:  "Il  doit  songer  davantage  à 
être  utile  qu'à  être  le  maître  ...  davantage  à  être  aimé  qu'à  être  craint  ... 
qu'il  soit  docte  dans  la  loi  divine  et  qu'il  sache  puiser  les  maximes  an- 
ciennes et  nouvelles  ...  qu'il  dispose  toutes  choses  afin  que  les  forts  dé- 
sirent faire  davantage  et  que  les  faibles  ne  se  découragent  pas."  Que  de 
pages  splendides  et  combien  pratiques  sur  l'humilité  et  l'obéissance,  sur 
le  travail  et  la  mesure  du  boire  et  de  la  nourriture;  sur  les  qualités  d'un 
bon  administrateur  des  biens  matériels.  Que  dire  des  chapitres  de  sa 
Règle  sur  l'importance  de  la  louange  divine  sur  "l'Oeuvre  de  Dieu" 
"Opuis  Dei"  à  laquelle  il  ne  faut  absolument  rien  préférer! 

Nécessité  urgente  de  St-Benoit-du-Lac 

C'est  un  honneur  pour  tout  homme  conscient  de  sa  responsabilité 
sociale  d'aider  à  la  construction  d'un  hôpital  —  d'une  école  scientifique, 
d'un  collège,  d'une  bibliothèque  —  d'un  musée  d'art  ou  d'une  univer- 
sité! Quel  plus  grand  honneur  encore  de  contribuer  soit  par  ses  prières, 
soit  par  son  dévouement  personnel,  ou  un  sacrifice  d'argent  à  la  cons- 
truction d'un  monastère  contemplatif  bénédictin:  Centre  d'Adoration 
—  Centre  de  Culture  —  Centre  d'Hospitalité!  Je  compte  sur  vous  pour 
être  des  apôtres  de  la  bonne  cause  dans  vos  milieux  respectifs. 


31 


Notre  vie  doit  être  un  Témoignage 

Gardez  votre  foi  agissante  de  vrais  franco-américains  fidèles  aux 
traditions  ancestrales;  qu'elle  soit  un  témoignage  au  Christ  au  milieu  de 
cette  grande  nation  où  vivent  plus  de  60,000,000  d'hommes  qui  ne  sont 
pas  baptisés  et  n'ont  pas  le  privilège  d'être  enfants  de  Dieu!  Aimez 
l'Eglise  — •  aimez  son  enseignement  —  encouragez  ses  oeuvres  —  de- 
meurez fidèles  à  une  vie  paroissiale  fervente.  Et  si  pour  vivre  d'une  telle 
Foi,  vous  avez  à  souffrir,  faut-il  vous  en  surprendre?  N'est-ce  pas  la 
marque  du  vrai  disciple  du  Christ?  Même  si  vous  aviez  à  souffrir  per- 
sécution pour  la  justice,  ne  succombez  pas  à  la  tentation  de  tout  aban- 
donner ou  de  vous  révolter  —  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  attitudes  n'est 
constructive  ni  grande!  Méditons  ensemble,  si  vous  le  voulez  bien  ces 
paroles  sublimes  et  combien  vraies  de  l'encyclique  Pontificale  "Mystici 
Corporis",  la  lettre  du  Pape  sur  l'Eglise:  "Que  si  l'Eglise  manifeste  des 
traces  évidentes  de  la  condition  de  notre  humaine  faiblesse,  il  ne  faut 
pas  l'attribuer  à  sa  constitution  juridique,  mais  plutôt  à  ce  lamentable 
penchant  au  mal  des  individus,  que  son  divin  Fondateur  souffre  jusque 
dans  les  membres  les  plus  élevés  de  son  Corps  mystique  dans  le  but 
d'éprouver  la  vertu  des  ouailles  et  des  pasteurs,  et  de  faire  croître,  en 
tous,  les  mérites  de  la  foi  chrétienne;  si  donc  certains  membres  de  l'Egli- 
se souffrent  de  maladie  spirituelle,  ce  n'est  pas  une  raison  de  diminuer 
notre  amour  envers  l'Eglise,  mais  plutôt  d'augmenter  notre  piété  envers 
ses  membres." 

Gardez  également  votre  patriotisme,  qu'il  soit  toujours  loyal  à  votre 
pays  et  vous  porte  à  "Rendre  à  César  ce  qui  est  à  César  et  à  Dieu  ce  qui 
est  à  Dieu"  ...  patriotisme  éclairé  qui  vous  portera  sur  le  Continent  Nord 
Américain  à  ne  pas  sacrifier  vos  origines  et  votre  langue  —  votre  culture 
et  vos  traditions,  bien  au  contraire  qui  vous  portera  à  faire  bénéficier 
votre  pays  et  vos  frères  de  toute  la  richesse  de  votre  patrimoine  français 
et  canadien  français  ...  patriotisme  enrichissant  qui  vous  portera  à  être 
vous-mêmes  sans  mépriser  ou  bouder  les  autres  —  mais  à  les  enrichir  en 
les  éclairant  et  même  en  les  retenant  par  les  procédés  toujours  les  plus 
courtois  mais  aussi  avec  une  patience  et  une  persévérance  à  toute  épreu- 
ve et  une  expression  de  conviction  ouverte  et  franche  qui  sache  cepen- 
dant toujours  demeurer  respectueuse  des  droits  de  toute  autorité  légitime 
...  abandonnant  au  Seigneur  Juste  Juge  les  jugements  et  les  châtiments. 

Plus  que  jamais  dans  notre  histoire,  il  faut  tous  ensemble  nous  don- 
ner la  main,  contemplatifs  et  actifs,  prêtres  et  laïcs,  catholiques  de  races 
différentes  et  de  cultures  différentes  pour  assurer  le  travail  de  recons- 
truction du  monde  cjui  attend  notre  génération.  Vous  pouvez  compter 
sur  l'Ordre  de  St-Benoit;  de  notre  côté,  nous  comptons  sur  vous  pour 
nous  aider  à  mener  à  bien  l'oeuvre  monastique  commencée  il  y  a  qua- 
rante ans  à  peine  sur  les  bords  du  lac  Memphremagog. 


32  BULLETIN   DE  LA  SOCIETE  HISTORIQUE 


Il  y  eut  présentation  d'un  film  documentaire  excellent  de  l'Office 
National  du  Film  canadien  sur  "Les  Moines  de  St-Benoit"  et  le  Très 
R.  P.  Prieur  de  St-Benoit-du-Lac  au  nom  de  Son  Abbé,  le  Rme.  Père 
Dom  Odule  Sylvain,  o.s.b.,  remit  au  Président  de  la  Société  Franco- 
Américaine,  Monsieur  l'Abbé  Adrien  Verrette,  une  magnifique  médail- 
le en  bronze  de  St-Benoit,  oeuvre  du  sculpteur  français  Fernand  Py, 
oblat  bénédictin,  gage  d'union  fraternelle  et  de  reconnaissance. 

II 

La   Blessure  du   Major   Mallet 

(Gabriel  N  ad  eau) 

L'exposition  pan-américaine  battait  son  plein  à  Buffalo  depuis  le 
printemps  de  1901  lorsque  le  Président  McKinley  décida  de  la  visiter 
en  septembre.  Arrivé  le  5,  il  voulut  le  lendemain  tenir  audience  dans  le 
Temple  de  la  Musicjue  pour  recevoir  les  hommages  de  la  foule. 

Parmi  ceux  qui  s'avançaient  à  la  file  ce  jour-là  pour  offrir  leurs 
respects  au  Président,  se  trouvait  un  homme  du  nom  de  Czolgosz.  De 
taille  moyenne  et  de  mine  respectable,  il  portait  un  pansement  à  la 
main  droite.  Du  moins  sa  main  était  enveloppée  d'un  mouchoir  et  il 
marchait  en  serrant  de  près  celui  qui  le  précédait.  Bientôt  son  tour 
arrive  et  le  voilà  en  face  de  McKinley  qui,  le  sourire  aux  lèvres,  avance 
la  main  pour  prendre  la  sienne.  A  cet  instant,  un  coup  de  feu  se  fait 
entendre  et  aussitôt  après,  un  deuxième.  Ce  faux  bandage  en  effet 
cachait  un  revolver.  Stupéfait,  le  Président  chancelle,  puis  il  s'affaisse 
dans  les  bras  de  Cortelyou  son  secrétaire  en  s'écriant:  "Am  I  shot?" 

La  première  balle  avait  atteint  McKinley  en  pleine  poitrine;  l'au- 
tre, dans  la  région  de  l'estomac.  Pourtant  la  main  de  l'assassin  n'avait 
pas  paru  remuer  pendant  l'attentat.  Comment  alors,  si  la  direction  du 
tir  était  restée  la  même,  le  Président  reçut-il  des  blessures  si  éloignées 
l'une  de  l'autre?  On  prétend  qu'après  le  premier  coup,  soit  par  frayeur, 
soit  pour  s'élancer  sur  son  meurtrier,  il  s'éleva  sur  le  bout  des  pieds, 
recevant  ainsi  la  deuxième  balle  dans  l'abdomen. 

Sur  la  table  d'opération  on  constata  que  la  blessure  de  la  poitrine 
n'était  en  réalité  qu'une  éraflure,  la  peau  n'ayant  pas  même  été  percée; 
mais  l'autre  pénétrait  dans  l'abdomen  jusqu'à  la  paroi  postérieure. 
L'orifice  d'entrée  de  la  balle  —  une  balle  de  calibre  .32  —  était  située 
environ  deux  pouces  à  gauche  de  la  ligne  médiane  et  à  peu  près  à 
mi-chemin  du  mamelon  et  du  nombril.  On  sonda  la  blessure.  La  direc- 
tion générale  en  était  de  haut  en  bas  et  de  dedans  en  dehors.  On  fit 
une  incision  parallèle  à  la  ligne  médiane  et  passant  par  l'ouverture  de 


33 


la  plaie.  A  l'ouverture  un  morceau  d'habit  s'échappa  des  tissus  grais- 
seux qui  capitonnent  habituellement  les  organes  abdominaux  et  qui, 
chez  McKinley,  étaient  très  abondants. 

Le  premier  organe  qui  se  présenta  à  la  vue  des  chirurgiens  fut 
l'estomac.  On  le  tira  au  dehors  pour  l'examiner.  Ce  sac  ressemble  à  une 
cornemuse.  Sur  sa  face  antérieure,  près  de  la  grande  courbe,  apparut 
un  trou  béant  d'un  peu  plus  d'un  demi-pouce  de  diamètre  aux  bords 
nets  et  bien  tranchés,  comme  si  le  morceau  avait  été  enlevé  à  l'emporte- 
pièce.  Sur  la  face  postérieure  se  trouvait  une  autre  ouverture,  à  peu 
près  vis-à-vis  de  la  première,  mais  plus  grande  et  avec  des  bords  déchi- 
quetés. L'estomac  avait  donc  été  perforé  en  deux  endroits  et  comme 
ces  plaies  occupaient  la  partie  la  plus  déclive  de  l'organe,  tout  aliment 
qu'on  introduirait  plus  tard  par  la  bouche  entrerait  tout  de  suite  en 
contact  avec  elles. 

Après  avoir  suturé  l'estomac,  on  examina  les  intestins  et  les  or- 
ganes voisins,  qu'on  trouva  intacts.  On  passa  ensuite  quelques  minutes 
à  chercher  le  projectile  qui  s'était  ou  arrêté  sur  la  paroi  du  dos  ou  per- 
du dans  les  muscles  de  cette  paroi,  mais  on  ne  réussit  pas  à  le  repérer. 

Le  Président  survécut  sept  jours  à  ses  blessures.  A  l'autopsie  on 
découvrit  plus  de  ravages  qu'on  n'en  avait  soupçonnés,  car  la  balle 
avait  touché  le  rein  gauche  et  très  probablement  aussi  le  pancréas. 

Pendant  que  le  Président  succombait  lentement  à  ses  blessures,  un 
homme,  à  Randolph  dans  l'Etat  du  Maryland,  suivait  avec  la  plus 
grande  attention  les  diverses  péripéties  de  sa  maladie.  C'était  le  major 
Edmond  Mallet.  Un  jour  qu'il  venait  de  lire  les  dernières  nouvelles,  il 
déclara  à  des  amis  qui  le  visitaient,  Wilfrid  Rouleau  et  sa  femme:  "Le 
Président  a  reçu  les  mêmes  blessures  que  moi  pendant  la  guerre  de 
Sécession." §  Mais  peut-être  conviendrait-il  d'abord  de  rappeler  qui 
était  le  major  Mallet. 

Engagé  volontaire  pendant  la  guerre  de  Sécession,  haut  fonction- 
naire de  l'Etat,  agent  du  gouvernement  auprès  des  tribus  indiennes  du 
Pacifique,  on  peut  dire  que  Mallet  fut  l'une  de  nos  gloires  nationales 
aux  Etats-Unis.  Il  fut  un  patriote  sincère  et  éclairé  et  amassa  une  large 
collection  d'ouvrages  se  rapportant  à  l'histoire  de  la  France  en  Améri- 
que. Cet  intérêt  l'amena  à  publier  des  travaux  qui  se  lisent  encore  avec 
plaisir  et  profit.  Pendant  les  troubles  du  Nord-Ouest  il  se  trouva  un 
moment  mêlé  à  la  politique  du  Canada  parce  qu'il  avait  été  confident 
et  protecteur  de  Riel.  Jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  il  joua  auprès  de  ses  com- 
patriotes un  rôle  de  premier  plan.  En  mourant,  il  laissa  une  correspon- 
dance qui  témoigne  de  son  activité  et  de  son  influence  dans  les  domaines 
les  plus  divers,  et  une  bibliothèque  qui  perpétue  le  souvenir  de  son  nom. 
A  l'époque  qui  nous  occupe,  il  avait  près  de  60  ans. 


34  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Mallet  avait  été  blessé  au  ventre  par  une  balle  de  fusil  à  la  bataille 
de  Gold  Harbor,  le  3  juin  1864.  Le  projectile  l'atteignit  à  trois  pouces 
du  nombril,  pour  aller  sortir  au  même  niveau  par  le  dos,  un  peu  à  droite 
de  la  colonne  vertébrale.  En  sortant,  il  frôla  et  peut-être  fractura  une 
pointe  des  vertèbres  lombaires. 

Quelques  années  après  la  guerre,  en  1873,  le  Gouvernement  décida 
de  publier  un  ouvrage  qui  s'intitulerait  Histoire  médicale  et  chirurgicale 
de  la  Guerre  de  Sécession.  Ce  recueil,  qui  devait  former  un  véritable 
traité  de  médecine  et  chirurgie  militaire,  comporterait  pour  chaque 
section  un  certain  nombre  de  cas  particuliers  qui  seraient  étudiés  dans 
le  détail.  Pour  la  section  de  l'abdomen  la  blessure  de  Mallet  fut  jugée 
d'un  intérêt  si  grand  qu'on  la  prit  pour  blessure-type  et  on  s'adressa  au 
major  pour  en  connaître  toutes  les  circonstances.  J 

Depuis  cet  événement  près  de  dix  années  s'étaient  écoulées.  Mais 
pendant  son  séjour  à  l'hôpital  Mallet  avait  heureusement  tenu  un  jour- 
nal dans  lequel  il  notait  les  symptômes  de  sa  maladie  et  les  étapes  de  sa 
longue  convalescence,  de  sorte  que,  mettant  ce  journal  à  profit,  il  se 
trouva  en  mesure  de  rédiger  pour  l'ouvrage  qu'on  préparait  un  mémoi- 
re qui  frappa  par  l'observation  des  détails  et  la  précision  des  souvenirs. 
Pour  l'illustrer  les  éditeurs  firent  photographier  les  cicatrices  que  Mallet 
portait  encore  et  tirer  une  gravure  sur  bois  qu'on  conserve  toujours  au 
Musée  médical  de  l'Armée,  à  Washington. 

Voici  le  récit  de  Mallet. 

Je  fus  blessé  à  la  bataille  de  Gold  Harbor,  alors  que  je  servais 
comme  adjudant  au  81ème  New- York-Infanterie,  appelé  aussi  le  2ème 
Oswego-Infanterie.  Mon  régiment,  qui  était  avec  l'Armée  du  Potomac, 
faisait  partie  de  la  première  brigade  sous  les  ordres  du  brigadier-général 
Marston,  de  la  première  division  sous  les  ordres  du  général  Brooks  et  du 
dix-huitième  corps  d'armée  commandé  par  le  général  Smith. 

Il  était  environ  cinq  heures  du  matin  et  c'est  en  chargeant  les  re- 
tranchements ennemis  que  je  reçus  ma  blessure.  Je  tombai  à  15  pas  à 
peu  près  des  travaux  de  défense  que  nos  soldats  essayaient  d'emporter 
avec  leurs  fusils  non  amorcés.  Je  reçus  le  coup  dans  le  flanc  gauche.  Je 
me  rappelle  très  bien  les  sensations  que  j'éprouvai  au  moment  où  la 
balle  me  frappa.  Ge  fut  comme  si  un  boulet  de  canon  m'eût  fracassé  la 
hanche.  Il  me  sembla  que  ce  boulet  me  déchirait  les  entrailles  pour 
s'arrêter  dans  l'os  de  ma  cuisse  droite.  Je  vis  des  étincelles  et  des  toiles 
d'araignées  couvertes  de  rosée  qui  brillaient  au  soleil.  En  même  temps 
j'entendais  un  grondement  sourd  et  monotone,  comme  celui  que  fe- 
raient les  cataractes  d'un  fleuve  éloigné. 

Les  dents  me  claquaient  dans  la  bouche  et  je  sentais  mon  sang  qui 
m'emplissait  les  yeux,  les  oreilles  et  le  nez.  Je  le  sentais  jusque  dans  le 


35 


bout  des  doigts  et  des  orteils.  Toutes  ces  sensations,  je  les  éprouvai  dans 
l'espace  de  quelques  secondes,  pendant  que  je  faisais  des  efforts  pour 
me  relever;  mais  je  m'affaissai  bientôt  la  face  contre  terre.  Dans  ma 
chute  je  ressentis  soudain  un  coup  violent  à  la  nuque. 

Je  perdis  connaissance.  Des  cris  de  joie  me  firent  revenir  à  moi. 
De  peur  d'être  piétiné  par  les  soldats  qui  avançaient  derrière  moi,  je  fis 
un  effort  désespéré  pour  me  remettre  debout.  Courbé  comme  un  hom- 
me qui  a  les  reins  cassés,  la  courroie  de  mon  sabre  entortillée  autour  du 
poignet  droit  et  le  fourreau  dans  la  main  gauche,  je  fis  une  quarantaine 
de  pas,  de  misère  et  de  chicane,  vers  l'arrière  de  nos  lignes.  Bientôt  je 
me  trouvai  dans  un  bois,  situé  à  la  droite,  et  là  je  remarquai  des  soldats 
qui  se  tenaient  cachés  derrière  les  arbres.  Cela  me  mit  en  colère  et  je 
perdis  connaissance  une  deuxième  fois.  Je  me  souviens  ensuite  que  des 
soldats  d'un  régiment  du  Massachusetts  me  placèrent  sur  un  brancard 
pour  me  porter  à  une  ambulance. 

Au  cours  de  la  journée  on  me  donna  un  morceau  de  biscuit  trempé 
dans  du  vin,  que  je  rendis  bientôt.  Quelqu'un  me  couvrit  d'une  toile 
caoutchoutée  pour  me  protéger  de  la  pluie  qui  tombait,  mais  un  hom- 
me qui  passait  me  la  prit.  Je  voulus  l'en  empêcher,  mais  je  n'en  avais 
pas  la  force,  et  puis  ma  blessure  me  causait  des  douleurs  atroces  dans  le 
dos.  Je  n'ai  qu'un  souvenir  assez  vague  de  mon  arrivée  à  l'hôpital  de 
notre  division.  Je  me  rappelle  cependant  la  visite  du  Dr  Rice,  qui  sonda 
ma  plaie.  Je  l'entendis  demander  à  un  ami  qui  se  tenait  près  de  mon 
lit  de  s'assurer  de  ma  montre  et  des  objets  de  valeur  que  j'avais  en  ma 
possession.  J'en  conclus  que  mon  état  était  désespéré  et  qu'on  allait 
expédier  ces  objets  à  ma  famille. 

Au  cours  de  l'après-midi  je  fus  mis  dans  une  ambulance  et  trans- 
porté au  Temple  de  Bethsaïde  (Bethesda  Church).  Le  lieutenant  Mc- 
Kinney  m'accompagnait.  Nous  passâmes  tous  les  deux  la  nuit  dans  cet- 
te chapelle  et  le  lendemain  matin  nous  reprîmes  notre  route.  Le  chemin 
était  rempli  d'ornières.  Des  blessés  qui  avaient  la  force  de  marcher  nous 
suivaient  à  pied  et  je  me  souviens  qu'ils  mettaient  souvent  l'épaule  à 
l'ambulance  pour  l'empêcher  de  verser.  Tard  dans  l'après-midi  du  4 
juin,  nous  arrivâmes  à  White  House  Landing  qui  se  trouve  sur  la  ri- 
vière York.  J'éprouvais  toujours  de  grandes  souffrances,  ne  respirant 
qu'avec  beaucoup  de  difficulté,  ce  qui  aggravait  mes  douleurs.  Mais  je 
buvais  de  l'eau  et  cela  me  soulageait.  On  m'embarqua  sur  un  bateau- 
hôpital  et  on  m'étendit  sur  le  pont  oii  j'étais  exposé  à  la  brise.  Mais  le 
vent  qui  me  frappait  en  plein  visage,  au  lieu  de  rendre  ma  respiration 
plus  facile,  me  coupait  le  souffle.  Ma  faiblesse  était  très  grande.  Le 
capitaine  Tyler  de  mon  régiment,  et  d'autres  personnes  aussi  m'ont 
raconté  depuis  que  l'on  me  considérait  comme  un  homme  fini.  Je  n'ai 
souvenir  de  rieai  jusqu'à  mon  arrivée  à  Alexandria.  Enfin  nous  attei- 


36  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIÇUE 


gnîmes  Washington  et  je  demandai  à  être  transporté  à  l'hôpital 
Douglas.  On  se  mit  en  frais  de  débarquer  les  blessés  et  bientôt  je  res- 
tai seul  sur  le  pont.  Je  crus  qu'on  m'abandonnait.  Enfin  des  infirmiers 
arrivèrent  avec  une  civière  pour  me  porter  à  l'hôpital  de  l'Armory 
Square,  plus  rapproché  du  débarcadère  que  l'hôpital  Douglas.  Je  fus 
admis  dans  la  salle  I  aux  environs  de  minuit. 

Le  lendemain  6  juin,  dans  la  matinée,  le  Dr  Goolidge,  médecin- 
inspecteur,  vint  faire  l'examen  de  mes  blessures.  En  relisant  les  notes 
que  j'ai  prises  dans  le  temps,  je  constate  que  souvent  au  cours  de  la 
semaine  qui  suivit  mon  entrée  à  l'hôpital  je  n'avais  connaissance  de 
rien.  Le  12  cependant  je  parvenais  à  lire  les  gros  titres  de  gazettes.  Le 
15  j'éprouvai  une  douleur  violente  dans  les  intestins.  Ma  vue  aussi 
s'améliora  petit  à  petit  et  le  22  juin  je  commençai  à  tenir  un  journal. 
J'étais  sous  les  soins  de  l'assistant  chirurgien  Bowen  qui  était  alors  de 
service. 

Le  27  je  mangeai  quelques  mûres  sauvages  qui  me  rendirent  ma- 
lade. Je  passai  deux  jours  accablé  et  fiévreux.  Le  1er  juillet  je  ressentis 
de  fortes  coliques  et  le  3  le  Dr  Bliss  vint  me  voir.  Je  prenais  du  mieux 
cependant  et  le  5  juillet  je  me  sentis  assez  bien  pour  demander  mon 
congé.  Le  6  je  pus  m'asseoir  dans  un  fauteuil.  Le  12,  en  changeant  le 
pansement  de  ma  plaie,  on  remarqua  quelques  grains  de  mûres  sur  la 
charpie.  Le  17  je  bus  un  verre  d'eau  de  Seltz,  que  je  rendis  par  le  côté 
dans  l'espace  d'une  quinzaine  de  minutes.  L'eau  bouillonnait  et,  en 
sortant,  décolla  le  diachylon  ainsi  que  les  compresses  que  ce  bandage 
maintenait  en  place,  entraînant  un  épanchement  abondant  de  couleur 
jaunâtre  qui  empestait  et  souilla  mes  vêtements. 

Dix  jours  plus  tard  on  me  porta  à  la  gare  sur  un  brancard,  oi^i  je 
pris  le  train  de  New- York.  De  là  je  voyageai  par  bateau  jusqu'à  Albany 
d'où  je  me  rendis  à  Oswego.  J'y  arrivai  le  29.  Le  Dr  C.  P.  P.  Clark  du 
Fort  Ontario  m'attendait.  C'est  lui  qui  était  désoiTnais  chargé  de  me 
soigner. 

Le  régime  qu'on  m'avait  forcé  de  suivre  jusque-là  m'avait  presque 
fait  mourir  de  faim.  A  part  ça,  mon  pansement  me  faisait  souffrir  énor- 
mément chaque  fois  qu'on  le  changeait.  De  temps  en  temps  on  ex- 
trayait de  ma  plaie  tantôt  des  morceaux  de  chemise  ou  de  pantalon, 
tantôt  des  morceaux  de  bretelle.  Au-dessous  de  l'orifice  il  y  avait  une 
tumeur  qui  était  très  douloureuse.  Des  chirurgiens  étaient  d'avis  que  la 
balle  se  trouvait  logée  dans  cette  tuméfaction;  d'autres  pensaient  plutôt 
que  c'était  un  éclat  de  la  onzième  côte.  Le  1 1  août  je  fis  quelques  pas 
pour  la  première  fois.  Le  26  cette  masse  dont  je  viens  de  parler  me  fai- 
sait tellement  souffrir  que  les  chirurgiens  décidèrent  de  l'ouvrir.  C'est 
le  Dr  Clark  qui  pratiqua  l'opération,  deux  jours  plus  tard.  Il  trouva  un 


37 


gros  bouton  de  métal  qui  avait  pénétré  dans  les  chairs  sous  la  force  de 
la  balle. 

Le  1er  octobre  je  fis  le  voyage  d'AnnapoIis  pour  subir  un  examen 
devant  le  bureau  médical  et,  le  31  du  même  mois,  sur  les  recommanda- 
tions d'un  conseil  de  guerre  présidé  par  le  général  Graham,  je  fus  li- 
cencié avec  mention  honorable  pour  blessures  reçues  sur  le  champ  de 
bataille. 

Dans  le  cours  de  l'année  suivante  ma  santé  s'améliora  assez  pour 
me  permettre  de  m'occuper  d'écritures.  Depuis  cette  date  jusqu'à  au- 
jourd'hui elle  s'est  maintenue  passablement  bonne.  Quand  le  temps  est 
à  l'humidité  cependant  j'éprouve  souvent  des  douleurs  dans  la  colonne 
vertébrale.  Je  ressens  toujours  une  faiblesse  dans  le  côté  gauche  et  dans 
le  bras  gauche,  et  si  je  fais  une  marche  un  peu  longue,  je  boite  de  la 
jambe  gauche.  Il  est  peut-être  utile  d'ajouter  qu'au  moment  de  ma 
blessure  je  n'avais  pas  mangé  depuis  deux  jours. 

Voilà  le  récit  du  major.  Voyons  maintenant  si,  comme  il  le  pré- 
tendait, ses  blessures  ressemblaient  bien  à  celles  de  McKinley.  Cette 
comparaison  ne  sera  pas  facile  parce  que  la  nature  de  ses  blessures  in- 
ternes ne  nous  est  qu'imparfaitement  connue.  Pour  McKinley  au  con- 
traire, nous  savons  exactement  qu'elle  en  était  l'étendue.  Nous  le  savons 
par  l'opération  et  par  l'autopsie.  Mallet  ne  fut  pas  opéré.  On  n'osa  pas, 
sans  doute  parce  que  son  état  était  sans  espoir,  aller  suturer  des  organes 
qu'on  savait  perforés. 

Pour  nous  servir  de  guide  dans  cette  comparaison,  nous  possédons 
à  part  les  notes  de  Mallet  le  dossier  tenu  par  ses  médecins  à  l'hôpital. 
Ces  deux  sources  d'information,  si  elles  ne  sont  pas  complètes,  suffiront, 
je  crois,  pour  les  besoins  de  notre  étude. 

En  premier  lieu  on  peut  présumer  que  Mallet,  à  cause  du  caractère 
de  sa  plaie,  a  été  blessé  par  une  balle  Minié,  projectile  qui  tire  son  nom 
du  Commandant  Claude-Etienne  Minié,  un  Français  qui  est  aussi  l'in- 
venteur d'un  fusil.  Le  gouvernement  américain  avait  plusieurs  milliers 
de  fusils  et  de  cartouches  Minié  en  magasin  dans  les  ports  et  arsenaux 
du  Sud  au  moment  de  la  rébellion,  armes  dont  les  Sudistes,  il  va  sans 
dire,  se  servirent  contre  les  troupes  du  Nord.  La  balle  Minié  avait  ceci 
de  particulier  que  sa  base  était  évidée.  Les  gaz  d'explosion,  s'engouf- 
frant  dans  cette  espèce  d'entonnoir,  augmentaient  la  circonférence  de 
la  balle,  dont  la  base  se  fragmentait  généralement  en  frappant  un  obs- 
tacle. 

Quels  sont  les  organes  susceptibles  d'avoir  été  touchés  par  la  balle 
qui  abattit  Mallet?  Il  y  a  d'abord  l'estomac.  Il  ne  semble  pas  avoir  été 
perforé.  On  se  rappelle  que  Mallet  termine  son  récit  par  ces  mots  :  "Au 


BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


moment  de  ma  blessure  je  n'avais  pas  mangé  depuis  deux  jours".  L'es- 
tomac, à  jeun  depuis  si  longtemps,  se  trouvait  rétracté  sur  lui-même, 
donc  vraisemblablement  en  dehors  du  trajet  que  parcourut  la  balle.  Et 
puis  Mallet  nous  dit  qu'il  boit  de  l'eau  à  plusieurs  reprises  pendant  la 
journée,  sans  rendre  ce  liquide  ni  par  la  bouche  ni  par  sa  plaie.  Il  est 
vrai  que  le  biscuit  trempé  de  vin  il  le  vomit  aussitôt  après  l'avoir  man- 
gé; mais  ce  vomissement,  le  seul  que  nous  rapporte  le  récit,  peut  s'ex- 
pliquer par  l'état  de  choc  dans  lequel  dut  se  trouver  tout  le  système 
nerveux  abdominal  après  le  passage  de  la  balle.  De  plus,  si  l'estomac 
avait  été  perforé,  les  chirurgiens  auraient  été  en  face  d'un  ensemble  de 
symptômes  tout  différent  de  celui  qu'ils  ont  noté. 

Les  intestins,  eux,  ont  été  perforés;  il  n'y  a  aucun  doute  là-dessus. 
Mais  dans  quelle  partie?  Dans  la  partie  qui  s'appelle  colon  ou  gros 
intestin  et  qui  longe  le  flanc  gauche.  Nous  le  savons  par  les  commen- 
taires du  Dr  Otis  qui  a  consulté  non  seulement  le  dossier  de  Mallet  à 
l'hôpital  de  l'Armory  Square,  mais  aussi  les  notes  des  chirurgiens  mili- 
taires qui  soignèrent  le  major:  le  Dr  Rice  du  régiment  de  Mallet,  les 
Drs  Porter,  Bowen  et  Vanderkieft.  "Dr.  Bowen  remarks,  écrit  Otis, 
that  the  évidence  of  extensive  destruction  of  the  wall  of  the  descending 
colon  was  conclusive  ...  The  évidence  of  the  intestinal  lésion  consisted 
in  a  copious  fecal  discharge  from  the  wound,  which  persisted  for  several 
weeks,  while  the  patient  was  at  Armory  Square. "f 

Mais  nous  aurions  pu,  avec  le  seul  récit  de  Mallet,  déduire  une 
lésion  sur  le  cours  de  l'intestin  et  cette  lésion  la  situer  dans  la  partie 
descendante  du  colon.  Le  27  juin  Mallet  mange  des  mûres  dont  on  re- 
trouve les  graines  sur  le  pansement  quelques  jours  après.  Ce  renseigne- 
ment nous  suffit  à  conclure  que  la  cavité  intestinale  communiquait  avec 
le  dehors,  et  cela  à  une  distance  assez  éloignée  de  l'estomac  puisque  les 
graines  mettent  un  temps  considérable  à  apparaître  sur  la  charpie. 

Passons  maintenant  au  pancréas,  organe  qui  avoisine  l'estomac  et 
joue  un  rôle  essentiel  dans  l'économie,  car  il  secrète  l'insuline.  Chez 
McKinley  la  balle  avait  provoqué  une  inflammation  aiguë  du  pan- 
créas.. Toucha-t-elle  cet  organe  chez  Mallet?  Pas  directement,  nous 
pouvons  l'affirmer.  Cependant,  n'y  aurait-il  pas  eu  traumatisme,  choc 
indirect  subi  par  le  pancréas  et  amené  par  une  réaction  inflammatoire 
dans  le  voisinage  immédiat?  Disons  que  Mallet  souffrit  de  diabète  pen- 
dant de  nombreuses  années  et  qu'il  finit  par  succomber  à  cette  maladie. 
Sa  blessure  aurait-elle  été  la  cause  éloignée  et  de  sa  maladie  et  de  sa 
mort?  Il  est  impossible  de  répondre  catégoriquement  à  cette  question. 

Dans  le  récit  de  Mallet  on  relève  un  détail  bizarre  qui  reste  inex- 
plicable. Après  avoir  parlé  des  symptômes  de  sa  maladie  il  dit  tout  à 
coup:  "Ma  vue  s'améliora  petit  à  petit".  Nous  apprenons  pour  la  pre- 


39 


mière  fois  qu'il  souffrait  de  troubles  de  la  vision.  Il  est  impossible  d'ex- 
pliquer cette  cécité  temporaire.  L'histoire  médicale  cependant  nous 
fournit  un  exemple  qui  n'est  pas  loin  d'être  analogue  à  celui  de  Mallet. 
En  1854  le  Dr  Cole,  médecin  célèbre  de  San  Francisco,  se  tire  par 
accident  une  balle  de  revolver  à  travers  l'estomac.  ''Ail  the  learned  men 
were  quite  concerned,  écrit  son  biographe,  for  the  patient  was  very  low 
and  there  was  small  hope  that  his  life  could  be  saved.  It  was  obvious 
that  the  bail  had  travelled  not  only  into,  but  entirely  through  the 
stomach.  Besides  having  the  usual  difficulties  attendant  upon  a  wound 
of  this  nature,  Dr.  Cole  was  stone  blind,  a  phenomenon  which  nobody 
understood."!! 

Mallet  ne  se  rétablit  jamais  complètement  de  sa  blessure.  Les 
grandes  lacérations,  les  arrachements  créés  par  la  balle  ne  purent  se 
réparer  qu'au  prix  de  larges  cicatrices  rétractiles  dans  les  muscles  du 
ventre,  dans  ceux  du  dos  et  dans  les  viscères  abdominaux  eux-mêmes. 
N'oublions  pas  non  plus  que  le  bouton  de  métal,  poussé  dans  les  chairs 
par  la  balle,  avait  agi  à  la  manière  d'un  autre  projectile,  causant  de  ce 
fait  des  dégâts  autonomes.  Avec  les  années  ce  bouton  finit  par  prendre 
une  importance  prépondérante  dans  les  souvenirs  de  Mallet,  et  il  le 
blâmait  tout  autant  que  la  balle  pour  ses  infirmités.  Son  neveu  Francis 
Hurtubis,  de  Boston,  m'écrivait  il  y  a  quelques  années:  "I  hâve  heard 
my  uncle  talk  about  his  wound,  when  visiting  my  grandmother's  home 
in  Oswego,  and,  as  I  recall,  it  was  the  resuit  of  a  bullet  shot  against  the 
button  on  the  side  of  his  trouser  waistband,  which  button  was  driven 
into  his  body,  and  one  Joseph  Monette,  a  brother  soldier,  picked  him 
up  in  a  dying  condition  and  carried  him  to  the  rear.  After  some  hos- 
pitalization,  he  recovered,  but  the  wound  affected  him  for  many  years 
throughout  his  life.  I  believe  he  had  to  wear  a  corset  to  protect  him- 
self". 

A  cette  époque-là,  une  plaie  pénétrante  de  l'abdomen,  du  genre  de 
celle  de  Mallet,  était  presque  toujours  mortelle.  Aussi  sa  guérison  éton- 
na-t-elle  tout  le  monde.  Quelques-uns  crièrent  au  miracle;  d'autres  y 
virent  seulement  le  résultat  des  soins  habiles  dont  Mallet  avait  été  en- 
touré. 

En  1881.  en  pleine  gare  de  Washington,  Charles  Guiteau  abattait 
le  Président  Garfield  d'un  coup  de  revolver.  Au  cours  du  procès  de 
Guiteau,  Robinson  son  avocat  voulut  assigner  Mallet  pour  la  défense. 
La  mort  de  Garfield,  soutenait-il,  était  plutôt  due  à  l'ignorance  de  ses 
chirurgiens  qu'à  la  balle  de  Guiteau.  Par  le  témoignage  de  Mallet  il 
comptait  "faire  contraster  l'heureux  traitement  que  ce  dernier  avait 
reçu  avec  le  traitement  suivi  par  les  médecins  de  Garfield,  et  tirer  de 
cette  comparaison  des  conclusions  favorables  à  sa  cause".  Ce  système 
de  défense  fut  abandonné  cependant,  à  la  grande  joie  de  Mallet  "qui 


40  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


ne  se  souciait  pas  de  servir,  même  involontairement,  la  cause  d'un  lâche 
et  vil  assassin".* 

Résumons  en  quelques  mots  pour  conclure.  Chez  McKinley,  la 
balle  avait  surtout  lacéré  l'estomac  et  le  rein;  chez  Mallet,  les  intestins 
et  la  paroi  abdominale.  Malgré  ces  caractères  qui  les  différencient,  Mal- 
let avait  raison  jusqu'à  un  certain  point  de  comparer  les  blessures  du 
Président  à  celles  qu'il  avait  si  glorieusement  reçues  en  ce  mois  de  juin 
1864  sur  le  champ  de  bataille  de  Cold  Harbor. 

REFERENCES 

§  Wilfrid  Rouleau  épousa  en  deuxièmes  noces  Corinne  Rocheleau, 
femme  de  lettres  bien  connue  qui  a  publié  sur  son  mari  et  sur  le 
major  Mallet  des  souvenirs  d'un  vif  intérêt  dans  le  Bulletin  de 
la  Société  Historique  franco-américaine  (livraison  de  1942). 

%  La  compilation  dont  il  s'agit,  publiée  sous  les  suspices  du  Secré- 
taire de  la  Guerre,  porte  le  titre  suivant:  "The  Médical  and  Sur- 
gical  History  of  the  War  of  the  Rébellion  (1861-1865).  Pre- 
pared  in  Accordance  with  Acts  of  Congress,  under  the  Direction, 
of  the  Surgeon-General,  Joseph  K.  Barnes,  United  States  Army". 
(Washington,  D.  C,  1870-1883).  Cet  ouvrage,  divisé  en  trois 
parties,  fonne  six  énormes  volumes  in-quarto.  La  description  des 
blessures  de  Mallet  se  trouve  aux  pages  90  et  91  du  volume  II 
de  la  deuxième  partie. 

t  Ces  commentaires  accompagnent  le  récit  de  Mallet. 

]j  Annals  of  Médical  History,  mai  1940,  257. 

*  U Opinion  publique  (Montréal),  1  juin  1882.  Tiré  d'un  article 
sur  Mallet  paru  d'abord  dans  VOswego  Morning  Express  du  25 
mai  1882  et  reproduit  en  français  dans  V Opinion  publique.  J'en 
dois  la  transcription  à  l'obligeance  de  M.  Adolphe  Robert,  pré- 
sident général  de  l'Association  canado-américaine. 

III 

Impressions  d'un  Etudiant  Franco-Américain 
au  Sein  de  la  France  Catholique 

(Abbé  Wilfrid  Paradis,  d.d.c.) 

Pour  comprendre  et  apprécier  les  cathédrales  de  la  vieille  Europe, 
il  faut  tout  au  moins,  une  certaine  culture,  quelques  connaissances  de 
l'art,  de  l'architecture  et  de  l'histoire.  La  foi,  les  croyances,  la  pratique 
religieuse  qu'abritent  ces  monuments  séculaires  sont  encore  plus  cachées 
aux  yeux  des  non  initiés  que  les  splendeurs  de  l'art  roman,  gothique  ou 


encore  celles  de  la  Renaissance.  C'est  pourquoi  il  faut  éviter  les  juge- 
ments simples  et  faciles  en  parlant  de  la  France  catholique  d'aujour- 
d'hui. Trop  d'Américains  sont  restés  insensibles  devant  le  parvis  de 
Notre-Dame  de  Paris,  n'y  voyant  qu'une  église  sale  et  délabrée.  Aussi, 
ne  peut-on  accepter  sans  réserves,  leurs  comptes-rendus  sur  ce  qui  se 
passe  à  l'intérieur. 

Même  après  avoir  passé  presque  trois  ans  et  demi  en  France,  à  pré- 
parer mes  doctorats  en  Histoire  et  en  Droit  Canonique,  je  n'ai  pas 
l'audace  de  prétendre  que  je  comprends  parfaitement  le  tempérament 
du  peuple  français  et  ses  attitudes  religieuses.  Toutefois,  j'ai  fait  un 
effort  pour  étudier  d'une  manière  scientifique,  la  société  contemporaine 
française  au  point  de  vue  de  sa  foi.  J'ai  eu  l'avantage  indiscutable 
d'avoir  pour  professeur,  à  l'Ecole  Pratique  des  Hautes  Etudes,  le  fon- 
dateur de  la  Sociologie  religieuse,  M.  Gabriel  LeBras.  Et  pendant  tout 
mon  séjour  à  Paris,  je  suis  chez  des  Français,  prêtres  et  laïques,  en  com- 
munauté d'abord  et  ensuite  dans  un  appartement  d'un  cjuartier  bour- 
geois. De  plus,  j'ai  fait  du  ministère  dans  plusieurs  paroisses  parisiennes 
et  j'ai  servi  d'aumônier  auxiliaire  de  l'armée  française,  ce  qui  m'a  fourni 
l'occasion  d'un  contact  avec  un  autre  milieu  intéressant.  Devrais-je 
ajouter  que  je  connais  la  France  depuis  1944  et  1945?  En  ces  années 
j'ai  visité  ce  pays,  de  l'ouest  à  l'est,  grâce  aux  bons  soins  du  service 
touristique  de  l'infanterie  de  l'armée  américaine.  Y  compris  mes  années 
de  service  militaire,  j'ai  donc  passé  plus  de  quatre  ans  de  ma  vie  parmi 
nos  ancêtres  d'outre-mer. 

Quand  on  compare  le  nombre  de  gens  baptisés  avec  les  non-bap- 
tisés,  les  protestants  et  les  Juifs,  on  est  vivement  impressionné  par  la 
prépondérance  incontestée  des  premiers.  Sur  une  population  d'un  peu 
plus  de  40,000,000  d'habitants,  près  de  90%  ont  été  incorporés  à  l'Eglise 
par  le  baptême  (entre  35  et  37,000,000).  Dans  tout  le  pays  il  n'y  a  pas 
plus  de  800,000  protestants,  moins  de  3%  et  200,000  Juifs.  Seulement 
8%  des  Français  ne  pratiquent  aucune  religion.  Le  chiffre  est  minine 
en  comparaison  des  40%  de  païens  modernes  des  Etats-Unis. 

Mais  ce  grand  nombre  de  baptisés  demande  beaucoup  d'explica- 
tions. Si  l'union  fait  la  force,  la  statistique  ne  la  fait  pas  nécessairement. 
L'Eglise  demande  beaucoup  plus  des  fidèles,  qu'une  simple  inscription 
sur  les  registres  paroissiaux  à  l'occasion  d'une  fête  familiale  sous  pré- 
texte d'un  baptême  solennel.  Si  le  Français  est  bon  catholique,  dans  le 
sens  où  nous  l'entendons,  il  l'est,  les  trois  ou  quatre  premières  semaines 
de  sa  vie,  ensuite  il  y  a  des  défections  ou  une  conformité  beaucoup  moins 
rigoureuse  aux  préceptes  de  l'Eglise. 

La  pratique  religieuse  varie  énormément  suivant  les  différentes 
régions  de  la  France  et  même  entre  les  différents  cantons  d'une  même 


42  BULLETIN   DE  LA  SOCIETE  HISTORIQUE 


région.  Ce  phénomène  n'est  pas  extraordinaire  car  nous  le  constatons 
aux  Etats-Unis.  Nos  catholiques  sont  groupés  dans  l'est,  sur  la  côte  de 
l'Atlantique,  dans  l'ouest  mitoyen,  sur  la  frontière  du  Mexique  et  en 
quelques  autres  endroits.  En  France,  les  régions  où  se  rencontrent  les 
catholiques  pratiquants  sont  le  nord-ouest,  c'est-à-dire  en  cinq  dépar- 
tements de  la  Bretagne,  en  Mayence,  dans  la  Manche,  la  Vendée,  le 
Maine-et-Loire  et  en  certains  coins  de  départements  voisins.  En  Alsace, 
en  Lorraine,  en  Franche-Comté  et  dans  une  bonne  partie  de  la  Savoie 
et  une  fraction  du  Dauphiné,  tout  à  fait  à  l'autre  bout  de  la  Bretagne, 
les  bons  catholiques  dépassent  les  45%.  Une  troisième  région  vaut  les 
deux  autres:  le  Massif  Central  que  vous  trouverez  sur  vos  cartes  un  peu 
plus  au  sud  que  le  centre  de  la  France. 

A  ces  régions  peuplées  de  fervents  catholiques,  il  faut  en  ajouter 
deux  autres  où  l'Eglise  est  presque  aussi  forte:  la  partie  nord  du  Nord, 
la  frontière  belge,  le  Pas-de-Calais  et  la  frontière  sud-ouest,  le  pays 
basque. 

Au  centre  de  la  France  et  sur  la  Méditerranée,  seulement  entre  20 
et  35%  des  catholiques  baptisés  vont  régulièrement  à  l'église.  En  plu- 
sieurs cas,  les  pratiquants  sont  même  inférieurs  au  cinquième  de  la  po- 
pulation. De  plus,  la  carte  religieuse  de  la  France  est  entachée  des  noms 
de  certains  centres  qui  sont  complètement  déchristianisés  ou  en  voie  de 
l'être.  Qui  n'a  entendu  parler  de  la  ceinture  rouge  de  Paris?  Sens,  la 
Creuse,  Bourganeuf  ne  sont  guère  mieux.  Et  nous  pourrions  prolonger 
la  liste. 

Pourquoi  nous  attarder  plus  longuement  sur  les  raisons  qui  ont 
contribué  à  tailler  en  pièces  l'unité  religieuse  de  la  France?  Notre  mé- 
tier d'historien  nous  dispose  à  les  rechercher  mais  je  dois  me  contenter 
de  vous  dire  que  les  provinces  isolées  où  même  l'émigration  n'a  pas  été 
importante  et  où  la  hiérarchie  nobiliaire  et  familiale  sont  demeurées 
fortes,  restent  également  des  régions  de  chrétiens  fervents.  Pour  com- 
prendre les  divergences  dans  une  province  autrement  unie,  il  faut  fouil- 
ler profondément  dans  l'histoire  régionale.  Les  causes  du  refroidissement 
envers  l'Eglise  sont  aussi  nombreuses  que  les  villages  de  France.  Saviez- 
vous,  par  exemple,  que  la  présence  d'un  monastère  dans  une  région  a 
toujours  été  mortelle  pour  la  pratique  religieuse? 

La  fidélité  des  catholiques  à  leiu"  religion  nous  offre  non  seulement 
des  contrastes  géographiques  mais  aussi  des  contrastes  sociaux.  Votre 
classe  sociale,  votre  rang,  votre  travail  ou  profession  détermineront  en 
grande  mesure  si  vous  irez  à  l'égHse  le  dimanche  et  si  vous  fréquenterez 
les  sacrements.  La  haute  bourgeoisie,  c'est-à-dire  les  grands  proprié- 
taires fonciers,  la  noblesse  et  les  capitalistes  sont  fidèles  à  l'Eglise  catho- 
lique. Je  regrette  ne  pas  avoir  le  temps  de  vous  en  dire  davantage  car 


43 


les  précisions,  les  nuances  à  apporter  sont  très  importantes  pour  bien 
comprendre  le  problème.  La  moyenne  bourgeoisie  suit  de  près  la  haute 
bourgeoisie:  elle  aussi  est  partisane  de  l'Eglise.  C'est  la  classe  la  plus 
éloignée  de  ces  deux-là  qui  est  la  plus  païenne:  le  prolétariat,  c'est-à- 
dire  la  classe  ouvrière.  La  banlieue  parisienne  offre  l'exemple  le  plus 
frappant  de  cette  déchristianisation.  Jamais  plus  de  2%  de  toute  cette 
classe  sociale  fréquente  l'église  et  les  sacrements.  Souvent  c'est  même 
moins  que  cela. 

La  petite  bourgeoisie,  les  petits  propriétaires,  les  petits  rentiers,  les 
commerçants,  les  petits  fonctionnaires,  etc.,  sont  partagés  sur  cette  ques- 
tion, ainsi  que  les  paysans.  Il  est  toutefois  étrange  que  la  pratique  de 
ces  derniers  dépende  dans  une  large  mesure  de  leur  genre  d'occupation. 
L'agriculteur  et  le  laboureur  sont  plus  attachés  au  clocher  paroissial  que 
l'éleveur,  tandis  que  le  vigneron  est  complètement  indifférent  à  la  pré- 
dication évangélique. 

L'attitude  religieuse  du  Français  dépend  également  de  son  âge  et 
de  son  sexe.  Les  femmes  pratiquent,  les  hommes,  baucoup  moins.  Dans 
une  paroisse  où  la  grande  majorité  des  fidèles  obéit  aux  préceptes  de 
l'Eglise,  il  y  aura  probablement  autant  d'hommes  que  de  femmes,  mais 
aussitôt  que  la  fidélité  aux  sacrements  va  en  diminuant,  l'écart  grandit. 
Dans  une  paroisse  déchristianisée  il  n'y  aura  que  des  femmes.  Le  phé- 
nomène contraire  est  toutefois  commun  dans  les  communautés  dirigées 
par  les  prêtres  ouvriers. 

Quant  à  l'âge,  les  enfants  de  moins  de  13  ans  sont  les  seuls  qui 
soient  bien  représentés  à  l'église.  La  raison  en  est  que  le  Français  quoi- 
que peu  fidèle  aux  ordonnances  ecclésiastiques,  veut  toujours  que  ses 
enfants  fassent  leur  communion  solennelle  et  leur  confirmation.  Ensuite, 
il  n'est  plus  question  de  retourner  à  l'église  avant  le  mariage,  et  la  dé- 
croissance suit  la  courbe  de  mortalité  pour  les  hommes.  Les  femmes 
passent  par  une  période  d'éloignement  de  l'Eglise  entre  les  âges  de  20 
et  45  ans  pour  revenir  aux  sacrements  plus  tard.  Ces  années  sont  dif- 
ficiles car  elles  ont  à  voir  à  leurs  enfants;  et  qui  ne  soupçonnerait  pas 
qu'une  multitude  de  problèmes  moraux  se  posent  pourtant  avec  urgence 
pour  les  jeunes  épouses?  Quand  ces  problèmes  disparaissent  avec  les 
années,  elles  reviennent  à  l'église. 

Un  mot  sur  le  clergé  séculier.  Depuis  la  séparation  de  l'Eglise  et 
de  l'Etat  au  début  du  siècle,  il  va  en  diminuant.  Aujourd'hui,  il  y  a  un 
seul  prêtre  pour  chaque  1,029  personnes.  En  1904,  le  prêtre  était  char- 
gé de  739  catholiques  seulement.  De  plus,  une  moyenne  de  17%  des 
prêtres  séculiers  ne  sont  pas  dans  le  ministère  paroissial  mais  s'occupent 
d'enseignement.  Toutefois,  les  religieux  trouvent  plus  de  vocations 
maintenant  qu'à  aucun  moment  depuis  une  cinquantaine  d'années.  Les 
jeunes  gens  trouvent  que  les  prêtres  réguliers  sont  plus  apostoliques, 


44  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


plus  au  courant  des  problèmes  religieux  et  sociaux  et  plus  cultives  que 
le  clergé  diocésain  et  avec  raison,  je  crois. 

Vous  n'avez  pas  dû  être  impressionnés  de  la  vitalité  de  l'Eglise  par 
le  compte-rendu  que  je  viens  de  vous  exposer  sur  l'état  actuel  du  catho- 
licisme en  France:  des  grandes  régions  déchristianisées,  des  classes  so- 
ciales qui  ne  pratiquent  pas  et  des  paroisses  qui  se  meurent  faute  de 
prêtres.  Malgré  tout  cela,  si  vous  demandiez  à  Rome,  ou  à  quiconque 
s'y  connaît,  quelle  est  l'Eglise  dans  le  monde  entier  qui  est  la  plus  vi- 
vante, la  plus  originale,  la  plus  active  et  progressive,  on  vous  répondrait 
sans  hésitation  que  c'est  celle  de  France.  Car  il  y  a  en  ce  pays  une  mul- 
titude de  mouvements  destinés  à  ranimer  la  foi  et  la  pratique  défaillante. 

Dans  le  domaine  intellectuel,  les  savants  catholiques  de  France  ont 
une  supériorité  incontestée  sur  les  autres.  Vous  n'avez  qu'à  consulter  les 
revues  philosophiques,  théologiques,  bibliques  et  scientifiques  pour  vous 
en  convaincre.  Je  ne  parle  évidemment  pas  du  nombre  de  ces  publica- 
tions, quoique  ce  nombre  soit  très  grand,  mais  de  la  qualité  des  travaux. 
Je  lisais  une  revue  théologique  américaine  tout  récemment  où  le  rédac- 
teur se  plaignait  que  90%  de  ses  articles  de  fond  lui  venaient  de  l'étran- 
ger, surtout  de  la  France. 

Quel  prêtre  averti  ne  connaît  le  nom  du  Cardinal  Suhard  qui  a 
donné  une  nouvelle  direction  révolutionnaire  à  l'Eglise,  et  ceux  de  Lu- 
bac,  Danielou,  Taillard  de  Chardun,  Congar,  Gilson,  Maritain,  Ancel, 
Mauriac,  Claudel,  etc.  J'entremêle  les  noms  et  les  sciences  et  je  ne  donne 
même  pas  un  aperçu  de  leurs  tendances  pas  plus  que  celles  de  tous  les 
autres  savants  catholiques  de  ce  pays.  Laissez-moi  vous  dire  simplement 
que  leurs  cerveaux  féconds  et  chercheurs  s'inquiètent  de  tout. 

Il  faudrait  étudier  le  travail  de  la  gauche  catholique  et  de  l'intérêt 
que  l'Eglise  porte  aux  questions  sociales.  Ensuite,  mentionnons  le  re- 
nouveau liturgique  que  nous  commençons  à  copier,  comme  c'est  notre 
habitude  en  toute  chose.  Qui  n'a  entendu  parler  des  mouvements  spé- 
cialisés d'action  catholique  qui  ont  donné  à  l'Eglise  des  milliers  d'apô- 
tres sincères  et  dévoués,  des  prêtres  ouvriers,  de  l'art  et  de  l'architecture 
religieuse  moderne,  du  cinéma  catholique  français? 

Cette  énumération  est  incomplète  et,  de  plus,  toutes  les  choses  que 
je  viens  de  mentionner  demanderaient  une  explication  et  une  critique 
en  chaque  cas. 

La  France  chrétienne  passe  par  une  période  très  difficile,  il  n'y  a 
aucun  doute.  Mais  j'ai  confiance  que  l'énergie,  l'intelligence,  l'adapta- 
tion et  la  foi  du  peuple  français,  surtout  celles  de  ses  grands  chefs  reli- 
gieux surmonteront  tous  les  obstacles.  Je  suis  même  convaincu  que 
malgré  les  petites  erreurs  commises  par  les  nouveaux  pionniers  de  la  foi, 
l'Eglise  de  France  formera  l'Eglise  universelle  de  demain. 


IV 

Eloge  des  membres  disparus 

Albert  Po+vin 
(1877  -   1950) 

(Docteur   Ubalde  Paquin) 

J'ai  bien  connu  Albert  Potvin.  Il  a  été  mon  ami  intime  pendant 
plusieurs  années.  — ■  Nous  avons  passé  plusieurs  vacances  ensemble  en 
compagnie  de  sa  charmante  épouse  et  de  ma  femme,  et  nous  sommes 
venus  souvent  ensemble  aussi,  aux  réunions  de  la  Société  Historique. 

Albert  Potvin  était  un  homme  de  devoir.  —  Toujours  bien  mis, 
d'une  belle  éducation  commerciale,  gai,  intelligent,  pouvant  très  bien 
parler  le  français  et  l'anglais. 

Il  est  né  à  St-Ours,  tout  près  de  Montréal,  en  1877.  Il  a  fait  ses 
études  primaires  à  l'école  de  St-Ours,  au  collège  St-Denis,  et  ses  études 
commerciales  au  Montréal  Business  Collège. 

En  1894,  il  émigra  à  Fall  River  et  travailla  d'abord,  pour  Peloquin 
&  Sons,  marchands  de  foin  et  de  grains,  jusqu'à  ce  qu'en  1895,  il  entra 
à  l'emploi  de  la  Gie  R.  A.  McWhirr  de  Fall  River,  position  qu'il  occupa 
jusqu'en   1907. 

Il  épousait  Mademoiselle  Arcelia  R.  Nadeau  de  Fall  River,  en 
1905,  et  de  ce  mariage  naquirent  deux  enfants,  Albert  et  Béatrice. 

Il  fut  prié  de  s'affilier  au  magasin  de  la  Gie  McWhirr  de  New 
Bedford  connu  sous  le  nom  de  New  Bedford  Dry  Goods  Go.  en  1907, 
position  qu'il  occupa  jusqu'au  temps  de  sa  mort,  le  15  septembre  1950. 

Albert  Potvin  débuta  dans  le  commerce  comme  "stock  boy"  chez 
McWhirr  et  par  son  application  au  travail,  ses  efforts,  et  ses  talents,  il 
devint  bientôt  "Merchandise  Manager",  gérant  d'achats  au  Star  Store. 

Sa  réputation  comme  gérant  d'achats  dépassa  bientôt  les  limites 
de  New  Bedford.  —  Plusieurs  fois,  la  même  position  lui  fut  offerte  par 
des  maisons  de  Commerce  plus  considérables  que  le  Star  Store,  mais 
toujours  il  refusa  parce  qu'il  n'aimait  pas  la  vie  fiévreuse  des  grandes 
villes  et  préférait  la  vie  transquille  de  villes  moins  nombreuses  où  il 
pouvait  être  en  contact  plus  serré  avec  sa  famille  et  ses  amis.  Gomme  il 
aimait  à  le  dire:  Je  suis  fils  de  fermier  et  au  fond  de  mon  coeur,  je 
suis  un  fermier. 

Albert  Potvin  était  un  patriote.  Il  aimait  sa  race,  sa  langue,  ses 
traditions  et  son  catholicisme. 

Pendant  40  ans,  il  a  participé  à  tout  ce  qui  pouvait  favoriser  sa 
survivance. 


45  BULLETIN     DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 

Il  aimait  à  assister  aux  réunions  de  la  Société  Historique. 
Je  dépose  sur  sa  tombe,  l'hommage  d'un  pieux  souvenir. 

II 

Abbé  Théodore  Alphonse   Demers 

1893  -   1949 

(Abbé  Adrien   \^errette) 

La  société  se  doit  de  rappeler  le  souvenir,  pour  l'inscrire  dans  ses 
archives,  de  l'un  de  ses  membres  distingués,  l'abbé  Théodore  Alphonse 
Demers,  décédé  le  22  octobre  1949,  à  l'âge  de  56  ans.  La  notice  de  son 
décès  avait  échappé  à  la  vigilance  du  secrétariat. 

Né  le  18  juillet  1893  dans  la  paroisse  Ste-Marie,  de  Jefferson, 
Massachusetts,  fils  de  Lévi  et  de  Rosalie  Demers,  il  avait  étudié  chez 
les  RR.  PP.  Oblats  d'Ottawa  et  à  Montréal,  pour  être  ordonné  le  23 
novembre  1918,  pour  le  diocèse  de  Springfield,  qui  comprenait  alors 
celui  de  Worcester. 

Après  de  fructueux  vicariats  à  Worcester,  à  Adams,  à  Indian  Or- 
chard,  à  Grafton,  à  Holyoke,  et  à  Willimansett,  il  était  nommé  curé  de 
la  paroisse  Ste-Thérèse  de  l'Enfant  Jésus  à  East  Blackstone,  sur  la  fron- 
tière du  Rhode-Island  en  1942,  c'est  là  qu'il  célébrait  son  jubilé  d'ar- 
gent sacerdotal,  le  25  novembre  1943,  un  événement  toujours  impor- 
tant dans  la  vie  d'un  prêtre,  car  il  lui  rappelle  généralement  que  la 
majeure  partie  de  sa  vie  de  prêtre  est  déjà  écoulée.  Il  avait  en  cette 
circonstance  la  joie  d'avoir  au  nombre  de  ses  invités  Mgr  Joseph  Guy, 
o.m.i.,  ancien  évêque  de  Gravelbourg,  son  professeur  d'autrefois. 

Le  1er  juillet  1944,  l'abbé  Demers  est  appelé  à  la  cure  Notre  Dame 
du  Bon  Conseil  d'Easthampton,  l'une  des  belles  chrétientés  franco-amé- 
ricaines de  la  partie  centre  du  Massachusetts.  Prêtre  très  estimé,  l'abbé 
Demers  était  bien  connu  dans  son  diocèse,  où  il  donnait  tout  son  dé- 
vouement auprès  de  ses  compatriotes,  à  qui  il  prêchait  l'exemple  de  la 
fidélité. 

A  Easthampton,  il  était  surtout  dévoué  à  ses  écoliers  et  leur  prodi- 
guait les  meilleurs  intérêts  pour  appuyer  le  travail  des  excellentes  reli- 
gieuses de  Ste-Anne  qui  dirigeaient  son  école.  Il  tenait  à  prolonger  dans 
son  école  le  même  climat  franco-américain  qui  doit  exister  dans  nos 
familles. 

Il  était  membre  de  la  société  depuis  1941.  Dans  sa  personne,  la 
société  veut  saluer  un  autre  de  nos  apôtres  de  notre  vie  catholique  et 
française,  qui  sont  demeurés  au  poste,  afin  de  conserver  à  nos  chré- 
tientés nos  richesses  spirituelles  et  culturelles. 


Rapports  des  Réunions 

Réunion  du  bureau,  8  avril 

La  réunion  s'ouvre  sous  la  présidence  de  l'abbé  Adrien  Verrette. 
Sont  présents,  Antoine  Clément,  docteur  Roland  Cartier,  Lauré  Lus- 
sier,  docteur  Oscar  Perrault  et  Damase  Brochu.  Le  secrétaire  fait  rap- 
port de  la  réunion  annuelle  du  19  novembre  1952,  au  University  Club, 
alors  que  Mgr  Félix  Antoine  Savard  prononçait  une  brillante  confé- 
rence. Le  trésorier  établissait  l'actif  de  la  société  à  $1,187.01  et  deman- 
dait la  diffusion  du  "chansonnier",  publié  par  L'Etoile  (Lowell). 

La  séance  d'étude  était  fixée  au  27  mai,  à  l'hôtel  Lenox,  salle  Mo- 
naco. Les  éloges  des  membres  disparus  Albert  Potvin  (New  Bedford) 
et  l'abbé  Théodore  Demers  (Springfield)  seront  prononcés. 

Le  programme  des  études  comportera:  L'Oeuvre  de  St.  Benoit  du 
Lac",  Dom  Jean-Anselme  Mathys,  o.s.b.,  prieur;  "La  blessure  du  ma- 
jor Mallet",  docteur  Gabriel  Nadeau  et  "Impressions  d'un  étudiant 
franco-américain  en  France" ,  l'abbé  Wilfrid  Paradis,  d.d.c. 

Le  projet  du  manuel  d'histoire  franco-américaine  est  de  nouveau 
discuté  et  le  bureau  est  d'avis  que  ce  travail  presse  et  devrait  être  entre- 
pris au  plus  tôt  possible.  L'élection  des  officiers  du  bureau  aura  lieu  à 
la  séance  du  27  mai  et  le  président  nommera  un  comité  de  nominations. 

Réunion  Annuelle,  27  mai 

A  l'hôtel  Lenox,  salle  Monaco,  les  membres  se  réunissaient,  mer- 
credi soir,  le  27  mai  pour  la  séance  d'étude  et  le  choix  des  officiers.  La 
soirée  obtenait  un  beau  succès.  L'abbé  Adrien  Verrette  présidait.  En 
saluant  les  membres,  il  résumait  le  travail  de  l'année  écoulée.  Le  secré- 
taire et  le  trésorier  présentaient  également  leur  rapport. 

Deux  éloges  furent  prononcés  à  la  mémoire  de  Albert  J.  Potvin 
(New  Bedford),  décédé  le  15  septembre  1950,  par  le  docteur  J.  Ubalde 
Paquin  et  de  l'abbé  Théodore  Demers  (Easthampton),  décédé  le  22 
octobre  1949,  par  l'abbé  Verrette. 

Quatre  nouveaux  membres  furent  admis:  Léon  J.  Alarie  (Spring- 
field), Mme  Emile  Cousineau  et  Mme  Donat  Blanchette  (Fall  River) 
et  René  Bourcier  (Manchester). 

Le  comité  des  nominations  se  composait  de  J.-Henri  Goguen,  de 
Mlle  Hélène  Thivierge  et  du  docteur  Ulysse  Forget.  Pour  la  première 
fois,  la  société  élisait  une  dame  sur  son  conseil,  dans  la  personne  de  Mlle 
Rhéa  Caron.  Les  officiers  élus:  Abbé  Adrien  Verrette,  président;  Me 
Valmore  Carignan,  vice-président;  docteur  Gabriel  Nadeau,  secrétaire; 


4y  BULLETIN     DE    LA    bOCIEIE    HISIORI^UE 


docteur  Roland  Cartier,  adjoint;  Antoine  Clément,  trésorier;  conseillers 
pour  trois  ans,  Me  Ernest  R.  D'Amours,  Mlle  Rhéa  Caron  et  F.  Ray- 
mond Lemieux. 

Trois  intéressants  travaux  furent  présentés.  "La  Blessure  du  Major 
Mallet"  par  le  docteur  Nadeau;  "Impressions  d'un  étudiant  franco- 
américain  au  sein  de  la  France  catholique" ,  par  l'abbé  Wilfrid  Paradis, 
(cette  communication  fut  lue  par  le  président,  l'auteur  étant  incapable 
d'assister)  ;  "Qui  nous  enlèvera  la  pierre",  conférence  avec  film  sur 
l'oeuvre  bénédictine  de  Saint  Benoit  du  Lac,  par  Dom  Jean  Anselme 
Mathys,  prieur  de  l'abbaye.  Le  conférencier  présentait  ensuite  une  mé- 
daille de  Saint  Benoit,  oeuvre  du  sculpteur  Pyx,  au  président. 

A  la  suite  des  communications,  une  discussion  fort  instructive  s'en- 
gagea sur  les  moyens  à  prendre  pour  favoriser  l'étude  de  notre  histoire 
régionale  afin  de  compléter  nos  archives  avant  que  tous  les  fondateurs 
soient  disparus.  D'autres  oeuvres  furent  commentées:  La  Société  des 
Concours  de  Français  (Fall  River),  Le  Concours  Historico-Culturel  de 
l'Alliance  des  Journaux  F.-A.,  ainsi  que  le  projet  d'une  fédération  de 
sociétés  d'histoire  et  l'établissement  d'une  section  généalogique  au  sein 
de  la  société. 

Les  membres  étaient  heureux  de  saluer  la  présence  de  Me  Henri 
T.  Ledoux,  le  seul  membre  fondateur  vivant.  MM.  les  consuls  Jean 
Lapierre  (France)  et  Jean  Louis  Delisle  (Canada)  prononcèrent  de 
courtes  allocutions  soulignant  le  mérite  de  la  société.  M.  le  professeur 
Alexandre  Goulet  recommandait  l'importance  de  faire  mieux  connaître 
notre  société  dans  les  milieux  de  langue  anglaise.  On  recommandait  la 
diffusion  du  roman  "Sur  la  route  d'Oka",  de  l'abbé  Aimé  Carmel,  dont 
plusieurs  pages  racontent  certains  aspects  de  la  vie  franco-américaine. 
Le  président  invitait  ensuite  les  membres  à  favoriser  la  diffusion  du 
nouveau  chansonnier  "Chants  populaires"  pour  les  écoles  franco-amé- 
ricaines de  la  Nouvelle-Angleterre,  avec  présentation  par  Antoine  Clé- 
ment, in-16,32p,  15  sous,  L'Etoile  (Lowell),  1953. 

Réunion  du  bureau,  10  octobre 

Présidée  par  l'abbé  Adrien  Verrette,  à  l'hôtel  Lenox,  Mlle  Rhéa 
Caron  présenta  le  rapport  à  la  place  du  secrétaire.  Le  rapport  du  tré- 
sorier, après  l'impression  du  bulletin,  fixe  à  $813.13,  le  montant  en 
caisse. 

Le  bureau  prend  connaissance  du  voeu  exprimé  par  le  Conseil  de 
la  Vie  française  en  Amérique,  lors  de  la  dernière  réunion  plénière  à 
l'effet  que  "s'inspirant  d'un  voeu  du  Congrès  de  1937  qui  recomman- 
dait la  diffusion  des  sociétés  régionales  d'histoire,  le  Conseil  de  la  Vie 
française  demande  au  bureau  de  convoquer  un  symposium  constitué  de 


RAPPORT  DES  REUNIONS  49 


représentants  ou  de  délégués  de  sociétés  françaises  d'histoire  en  Améri- 
que en  vue  de  favoriser  et  de  vulgariser  l'étude  de  l'histoire  locale  en 
fonction  de  l'oeuvre  de  notre  vitalité  française  en  Amérique."  La  socié- 
té serait  heureuse  de  prendre  part  à  de  telles  assises. 

Le  bureau  vote  un  don  de  $25  à  la  Fédération  Féminine  Franco- 
Américaine  pour  son  concours  de  français  et  aussi  au  Comité  d'Orien- 
tation Franco-Américaine  en  faveur  de  son  prochain  congrès. 

La  réunion  de  l'automne  est  fixée  au  11  novembre,  au  University 
Club  de  Boston.  M.  le  chanoine  Lionel  Groulx,  président  de  l'Institut 
d'Histoire  de  l'Amérique  française  sera  le  conférencier  invité.  En  re- 
connaissance de  ses  hauts  mérites  d'historien  et  pour  ses  appuis  répétés 
à  notre  oeuvre  de  rayonnement  français  en  Nouvelle-Angleterre,  le 
bureau  attribue  à  Monsieur  le  chanoine  Groulx,  la  médaille  "Grand 
Prix"  de  la  société.  La  remise  sera  faite  à  l'occasion  de  la  réunion  de 
novembre. 

Réunion  générale,  11   novembre 

Un  programme  bien  réussi  marquait  la  54ème  réunion  annuelle 
de  la  société,  au  University  Club,  sous  la  présidence  de  l'abbé  Adrien 
Verrette,  le  11  novembre.  Jour  de  l'Armistice.  Dans  son  message,  le 
président  rendait  hommage  à  la  mémoire  de  Pierre  Georgs  Roy,  vice- 
président  d'honneur  de  la  société.  Il  remerciait  la  France  qui  venait  de 
lui  décerner  la  croix  de  la  Légion  d'Honneur  et  évoquait  le  souvenir 
des  compatriotes  morts  pour  la  patrie. 

M.  le  chanoine  Lionel  Groulx,  président  de  l'Institut  d'Histoire  de 
l'Amérique  française  et  historien  de  grande  réputation  prononçait  une 
remuante  conférence  intitulée  "Y  a-t-il  un  avenir?"  pour  les  Franco- 
Américains,  bien  entendu.  Après  l'avoir  remercié,  le  président  lui  re- 
mettait la  médaille  "Grand  Prix"  de  la  société  avec  le  diplôme  de  mem- 
bre d'honneur.  M.  le  chanoine  fut  très  sensible  à  cette  distinction  qui  lui 
était  conférée. 

Mgr  William  Drapeau  avait  béni  la  table  et  parmi  les  convives 
une  imposante  délégation  du  Cercle  Littéraire  de  Fall  River  était  saluée. 
M.  René  Cerisoles  prononçait  une  brève  allocution  pour  rappeler  la 
citation,  que  M.  le  consul  François  Charles-Roux  avait  prononcée  lors 
de  la  remise  de  la  Légion  d'Honneur  au  président,  quelques  heures  plus 
tôt. 

Quatre  nouveaux  membres  furent  admis:  R.  P.  Armand  Desautels, 
a.  a.  (Worcester),  Georges-Henri  Des  Roberts  (Biddeford),  Mme  Délia 
J.  LeDoux  (New  Bedford)  et  le  professeur  Roland  Gervais  (Worces- 
ter). M.  le  consul  Jean-Louis  Delisle  dût  contremander  un  vin  d'hon- 
neur par  suite  de  la  mort  subite  de  son  collègue  au  consulat  canadien. 


VI 

La  famille  franco-américaine  à  l'honneur 

Le  R.  P.  Antoine  Fortier,  s.  j.,  a  fait  un  relevé  de  1931  familles, 
depuis  1950,  qui  ont  donné  à  l'Eglise  au  moins  trois  prêtres  ou  quatre 
vocations.  La  liste  est  loin  d'être  complète,  mais  ces  1931  familles  ont 
donné  20,912  enfants,  soit  une  moyenne  de  12.8  enfants  par  famille.  De 
ces  familles  sont  sorties  7,535  vocations  dont  1,333  prêtres,  16  archevê- 
ques et  16  évêques.  Pour  la  Nouvelle- Angleterre,  le  P.  Fortier  nous  con- 
fie la  liste  suivante  qui  est  très  intéressante.  Toute  famille  qui  voudrait 
figurer  à  ce  tableau  d'honneur  devrait  communiquer  avec  le  Père  For- 
tier en  donnant  l'endroit  de  résidence  de  la  famille,  le  nombre  des  voca- 
tions et  les  noms.  Cette  coopération  serait  très  appréciée  et  contribuerait 
à  fixer  une  belle  page  de  rayonnement  catholique  et  français  de  nos 
familles:  Adresse:  —  R.  P.  Antoine  Fortier,  s.  j.,  Collège  Sainte-Marie, 
1180  rue  Bleury,  Montréal,  Canada. 

Famille  MM. — Profession — Domicilié  à 
AUaire,  Alexandre — Gérant — Woonsocket,  R.  L 
Alain,  Henri — Journalier — Gardner,  Mass. 
Barrette,  Ferdinand — Journalier — Saylesville,  R.  L 
Beaudoin,  Egide — Mécanicien — Manchester,  N.  H. 
Beauregard,  Alfred — Holyoke,  Mass. 
Bélanger — Chauffeur  d'Autobus — Worcester,  Mass. 
Bélanger,  Léonidas — Menuisier — Brunswick,  Maine 
Bellemare,  Maxime — Médecin — Wild  Rice,  N.  D. 
Benoit,  Henri — Tisserand — West  Warwick,  R.  L 
Bérard,  Jude — Maçon — Woonsocket,  R.  L 
Bérard,  Pierre — Woonsocket,  R.  L 
Bernard,  Michel — Meunier — Woonsocket,  R.  L 
Bernard,  Rémi — Marchand — Lawrence,  Mass. 
Bérubé,  Charles — Cultivateur — Lewiston,  Maine 
Biscornet,  Julien — Journalier — Suncook,  N.  H. 
Blain,  Octave — Menuisier — Albion,  R.  L 
Biais,  Joseph — Peintre-décorateur — Central  Falls,  R.  L 
Blanchard,  Louis-J. — Plombier — Seattle,  Wash. 
Blanchette,  Eugène — Concierge — Woonsocket,  R.  L 
Bolduc,  Félix — Charpentier — Lawrence,  Mass. 
Bouchard,  Léo — Ouvrier — Burlington,  Vermont 
Boutet,  Georges — Imprimeur — Berlin,  N.  H. 
Bouvier,  Albert — Imprimeur — Manchester,  N.  H. 
Brissette,  Albert — Contremaître — Providence,  R.  I. 
Brisson,  J.  T. — Journalier — Holyoke,  Mass. 
Brodeur,  Wilfrid — Cultivateur — Mèche,  N.  D. 
Carrier,  Stanislas — Tisserand — Lewiston,  Maine 
Champoux,  Louis — Cultivateur-  -Fall  River,  Mass. 


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LA  FAMILLE  FRANCO-AMERICAINE  A  L'HONNEUR  5| 


Charron,  Dieudonné — Cultivateur — Lowell,  Mass. 

Chassé,  Fortunat — Cultivateur — Upper  Frenchville 

Chassé,  Thomas — Journalier — Lille,  Maine 

Cormier,  Amédée — PhaiTnacien — Marlboro,  Mass. 

Côté,  Fortunat — Ouvrier — Berlin,  N.  H. 

Côté,  Joseph — Garagiste — Biddeford,  Maine 

Côté,  Théophile — Menuisier — Lawrence,  Mass. 

Daveau,  Odilon — Van  Buren,  Maine 

Deslauriers,  Zotique — Menuisier — Worcester,  Mass. 

Drouin,  Alfred — Tisserand — Lowell,  Mass. 

Dubé,  Malcolm — Journalier — Fall  River,  Mass. 

Duclos,  Aimé — Journalier — Manchester,  N.  H. 

Dufour,  L.  G.  Joseph — Commis — Nashua,  N.  H. 

Dufresne,  Pierre — Cultivateur — Winooski,  Vermont 

Dumais,  Thomas — Somersworth,  N.  H. 

Duperry,  Aimé — Ouvrier — Hartford,  Conn. 

Duperry,  Napoléon — Marchand — Keegan,  Maine 

Dupont,  Adélard — Cultivateur 

Duval,  Joseph — Insp.  d'hygiène — Manchester,  N.  H. 

Falardeau,  Wilfrid — Usine — Holyoke,  Mass. 

Fortier,  Joseph — Ouvrier — Biddeford,  Maine 

Fortin,  Alphonse — Cultivateur — Winslow,  Maine 

Fréchette,  Félix — Ouvrier — Dalton,  N.  H. 

Gagné,  Albert — Ing.  en  Chauffage — Meriden,  Conn. 

Gagnon,  Honoré — Marchand — Van  Buren,  Maine 

Gagnon,  Joseph — Menuisier — Berlin,  N.  H. 

Gamache,  Apollinaire — Meunier — Manchester,  N.  H. 

Gautreau,  Fred — Charpentier — Lynn,  Mass. 

Généreux,  Ildège — Boucher — Lowell,  Mass. 

Gélineau,  Herménégilde — Boulanger — Burlington,  Vt. 

Gignac,  Napoléon — Journalier — Woonsocket,  R.  L 

Gingras,  Fortunat — Epicier — Rochester,  N.  H. 

Georges,  Cyprien — Cultivateur — Westbrookfield,  Mass. 

Grégoire,  Godfroy — Peintre — Somersworth,  N.  H. 

Hamelin,  Didyme — Spencer,  Mass. 

Hamel,  Philippe — Journalier — Lawrence,  Mass. 

Hébert,  Frank — Cultivateur — Guérette,  Maine 

Houle,  Joseph — Cultivateur — Olympia,  Wash. 

Janelle,  Omer — Mécanicien — Manchester,  N.  H. 

Labrecque,  Eugène — Mécanicien — Lawrence,  Mass. 

Labrecque,  Hormisdas — Cultivateur — Newport  Center,  Vt. 

Labrecque,  Maxime — Mécanicien — Lowell,  Mass. 

Laçasse,  Alexis — Ouvrier — Manchester,  N.  H. 

Laçasse,  Alfred — Journalier — Rochester,  N.  H. 


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52  BULLETIN     DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Laçasse,  Amédée — Journaliste — Woonsocket,  R.  I. 
Laberge,  J.  B. — Cultivateur — Oakwood,  N.  D. 
Lacroix,  Alexis — Vendeur — Holyoke,  Mass. 
Lamirande,  William — Mécanicien — Biddeford,  Maine 
Landreville,  Stanislas — Contremaître — Schenectady,  N.  Y. 
Lapierre,  Joseph — Cultivateur — Van  Buren,  Maine 
Laplante,  Pierre — Cultivateur 

Lapointe,  Ambroise — Journalier — New  Bedford,  Mass. 
Lapointe,  Arthur — Concierge — Burlington,  Vt. 
Lapointe,  Elzéar — Cultivateur — Van  Buren,  Maine 
Lausier,  Alfred — Ouvrier — Grand  Isle,  Maine 
Lausier,  Thaddée — Journalier — Grand  Isle,  Maine 
Lavallée,  F.  X. — Cultivateur — Fall  River,  Mass. 
Lavertu,  Edouard — Journalier — Grand  Isle,  Maine 
Ledoux — Frédéric — Barbier — Nashua,  N.  H. 
Leduc,  Ferdinand — Graniteville,  Mass. 
Lessard,  J.  B. — Boulanger — Nashua,  N.  H. 
Lescarbeau,  Orgellas — Lawrence,  Mass. 
Lettre,  Joseph — Commis — Berlin,  N.  H. 
L'Heureux,  Rodolphe — Manchester,  N.  H. 
Lizotte,  Sylvio — Cultivateur — Van  Buren,  Maine 
Lusignan,  Victor — Tailleur — Fall  River,  Mass. 
Marquis,  William — Sacristain — Van  Buren,  Maine 
Martin,  Xavier — Cultivateur — Caribou,  Maine 
Massé,  Dieudonné — Marchand — Fall  Rivei,  Mass. 
Messier,  Louis  P. — Conducteur — Manchester,  N.  H. 
Michaud,  Eussèbe — Cultivateur — Fort  Kent,  Maine 
Michaud,  Pit — Cultivateur — Lille,  Maine 
Mouette,  Hector — Lowell,  Mass. 
Morin,  Philibert — Charpentier — Fall  River,  Mass. 
Morin,  Calixte — Comptable — Manchester,  N.  H. 
Nadeau,  Albert — Contracteur — Providence,  R.  I. 
Niquette,  Joseph  A. — Tisserand — Winooski,  Vt. 
Paré,  Gédéon — Journalier — Augusta,  Maine 
Parent,  Louis  J. — Cultivateur — Otis  Orchard,  Wash. 
Patenaude,  Wilffid — Marchand — Augusta,  Maine 
Picard,  Xavier — Journalier — Van  Buren,  Maine 
Perreault,  Albéric — Cultivateur — Yakima,  Wash. 
Pinard,  Napoléon — Cultivateur — Manchester,  N.  H. 
Plourde,  Wilfrid — Plombier — Manchester,  N.  H. 
Potvin,  Joseph  Alfred — Holyoke,  Mass. 
Précourt,  Israël — Boulanger — West  Port,  Mass. 
Provencher,  A.  Omer — Charpentier — Waltham,  Mass. 
Racette,  Joseph — Industriel — Alpena,  Mich. 


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LA  FAMILLE  FRANCO-AMERICAINE  A  L'HONNEUR 


Racicot,  Jacques — Jardinier — St.  Johnsbury,  Vt. 

Raymond,  Francis — Cultivateur — Rutland,  Vt. 

Rhéaume,  Edmond — Peintre-décorateur — Fall  River,  Mass. 

Rhéaume,  Frédéric — Courtier  Immeubles — Détroit,  Mich. 

Richard,  Joseph — Médecin — Dover,  N.  H. 

Rondeau,  Joseph — Cultivateur — New  Port  Center,  Vt. 

St-Amant,  André 

St-Georges,  Ulric — Menuisier — Worcester,  Mass. 

St-Georges,  William — Epicier — Fall  River,  Mass. 

Sansoucy,  Abraham — Pompier — Woonsocket,  R.  I. 

Soucy,  Théophile  G. — Cultivateur 

Taupier,  Joseph — Journalier — Holyoke,  Mass. 

Thériault,  Fred — Journalier — Van  Buren,  Maine 

Thibault,  Amédée — Marchand — St.  Albans,  Vt. 

Thibault,  Pierre — Barbier — Auburn,  Maine 

Tremblay,  Edouard — Ouvrier — Merrimac,  Mass. 

Trottier,  Eugène — Manchester,  N.  H. 

Turcotte,  Désiré — Cordonnier — Somersworth,  N.  H. 

Turcotte,  Randolph — Cultivateur 

Turcotte,  Joseph — Tisserand — St-Joseph  Caswell,  Maine 

Vaillancourt,  Alphée — Ouvrier — Winterville,  Maine 

Vallières,  Amédée — Marchand — Biddeford,  Maine 

Violette,  Laurent  B. — Charpentier — Van  Buren,  Maine 

Violette,  Léo  E. — Journalier — Van  Buren,  Maine 


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VII 

Monument  de  Mgr  Provencher 
Saint-Boniface,   Mani+oba 

Au  lendemain  de  son  cinquantenaire,  la  Société  Historique  de 
Saint-Boniface,  au  Manitoba,  entreprenait  le  projet  d'un  monument  à 
la  mémoire  de  Mgr  Norbert  Provencher,  fondateur  de  l'église  de  l'Ouest 
canadien.  La  société  organisait  la  fête  du  dévoilement  du  monument, 
érigé  dans  le  cimetière,  en  face  de  la  cathédrale,  non  loin  du  tombeau 
de  Louis  Riel,  dimanche  le  9  août.  Plusieurs  milliers  de  personnes  as- 
sistaient, à  l'issue  d'une  messe  pontificale,  célébrée  par  S.  E.  le  cardinal 
Paul-Emile  Léger,  archevêque  de  Montréal,  alors  que  S.  E.  Mgr  Mau- 
rice Roy,  archevêque  de  Québec  prononçait  le  sermon,  à  l'occasion  du 
centenaire  de  la  mort  de  Mgr  Provencher.  Cette  manifestation  coïnci- 
dait avec  la  tenue  du  Ve  congrès  de  l'ACELF,  l'Association  Canadienne 
des  Educateurs  de  Langue  française  et  le  voyage  de  la  Liaison  Fran- 
çaise dans  l'Ouest. 

M.  l'abbé  Antoine  d'Eschambault,  président  de  la  société  présidait. 
Mgr  Paul  Mayrand,  p.  d.  (Drummondville)  et  l'hon.  Douglais  Camp- 
bell, premier  ministre  de  la  province  du  Manitoba  prononçaient  des 
allocutions.  S.  E.  le  Cardinal  Léger  prononçait  la  prière  et  S.  E.  Mgr 
Arthur  Béliveau,  le  vénéré  archevêque  de  Saint-Boniface  dévoilait  le 
monument  dont  le  relief  sera  sculpté  prochainement.  Sur  la  pierre  se 
lisait  l'inscription:  ''Provencher  Pasteur  et  Evêque.  Il  établit  et  affermit 
le  siège  de  Saint-Boniface,  Mère  de  toutes  les  églises  ultérieures.  Né 
1787— mort  1853." 

A  titre  de  président  du  Conseil  de  la  Vie  française  en  Amérique  et 
comme  président  de  la  Société  Historique  Franco-Américaine,  l'abbé 
Adrien  Verrette  prononçait  l'éloge  suivant:  '"Hommage  de  tout  un 
peuple". 

''En  cette  année  centenaire  de  la  mort  de  Mgr  Joseph  Norbert 
Provencher,  il  convenait  que  notre  peuple  rende  hommage  à  la  mémoi- 
re de  ce  grand  pontife  de  l'Eglise  en  A?nérique,  premier  évêque  de  la 
Rivière  Rouge  et  père  fondateur  de  l'église  de  Saint-Boniface.  Bossuet 
na-t-il  pas  écrit:  "l'univers  n'a  rien  de  plus  grand  que  les  grands  hom- 
mes". 

La  présente  cérémonie  vient  mettre  de  nouveau  en  relief  la  vie  et 
les  labeurs  de  ce  géant  de  la  Foi  que  l'Eglise  de  nos  pères  se  plait  à 
compter  parmi  les  plus  illustres  de  ses  chefs,  à  la  suite  des  Laval,  des 
Plessis,  des  Bourget,  des  Taché,  des  Langevin  et  des  Latulippe. 

Sur  l'invitation  de  S.  E.  Mgr  l'archevêque  coadjuteur,  en  présence 
de  cette  auguste  assemblée,  en  cette  heure  vraiment  solennelle,  nous 


MONUMENT  DE  MGR  PROVENCHER  55 


évoquons  avec  admiration  la  figure  si  noble  et  si  imposante  de  cet 
"envoyé  de  Dieu",  qui  un  jour,  dans  ces  immenses  plaines,  vint  instau- 
rer le  règne  du  Christ  dans  les  âm,es. 

Longtemps  après  les  courses  hardies  de  La  Vérendrye,  de  ce  qui 
fut  une  première  semence  pénible,  plus  de  vingt  diocèses  ont  été  taillés 
dans  ce  riche  butin.  Grand  serait  aujourd'hui  V étonnement  de  Mgr 
Provencher  à  la  vue  d'une  telle  croissance!  Mais  n'avait-il  pas  un  peu 
entrevu  cet  avenir,  lorsqu'au  lendemain  d'une  inondation,  qui  avait 
presqu  anéanti  son  oeuvre  naissante,  il  s'était  écrié:  '"Ce  pays,  aujour- 
d'hui sauvage,  deviendra  un  grand  pays;  vos  enfants  le  verront!"  C'est 
que  la  vérité  et  la  croix  y  avaient  déjà  fixé  les  racines  de  leur  inépuisable 
fécondité. 

Remercions  cet  apôtre  incomparable,  qui  se  disait  avec  humilité 
en  1818,  incapable  d'affronter  une  tâche  si  lourde,  d'avoir  aussi  géné- 
reusement répondu  à  l'appel  du  Maître.  C'est  que  le  Ciel  lui  avait  tendu 
les  filets  de  ses  insondables  desseins. 

Ce  n'est  pas  tant  le  missionnaire  aux  mains  rugueuses  et  à  la  sou- 
tane usée  que  nous  voulons  admirer  ;  celui  qui  se  fit  menuisier,  cons- 
tructeur, architecte,  catéchiste  et  voyageur;  celui  qui  souleva  de  ses 
mains  les  pierres  de  sa  cathédrale,  de  son  collège  et  de  ses  institutions. 
Ce  travail  héroïque,  combien  de  prêtres,  de  religieux  et  de  colons  l'ont 
crânement  accompli  au  cours  de  notre  histoire,  pour  refouler  des  rives 
du  Saint-Laurent  la  grande  forêt! 

Ce  que  nous  voulons  glorifier,  c'est  bien  le  pontife  à  la  taille  altière 
et  majestueuse,  au  coeur  à  la  fois  magnanime  et  tenace,  qui,  malgré  les 
privations,  les  angoisses,  les  disettes  et  souvent  le  dénuement  complet, 
sonda  la  plaine  avec  une  confiance  inébranlable,  pour  y  établir  l'oeuvre 
du  Christ  sur  des  bases  solides  et  durables. 

Quelle  joie  pour  nous,  ses  fils,  et  ses  continuateurs  de  saluer  ce 
père  dans  son  éternelle  demeure,  par  la  voix  de  notre  affectueuse  recon- 
naissance! A  la  vérité,  c'est  donc  tout  un  peuple  qui  lui  adresse  ce  té- 
moignage de  gratitude  et  d'admiration,  et  qui  demande  à  ce  grand 
travailleur  du  Seigneur  d'obtenir  pour  nos  oeuvres,  ses  oeuvres  multi- 
pliées admirablement  dans  ces  quatre  provinces  de  l'Ouest,  la  faveur 
insigne  de  continuer  tenacement  et  sans  défaillance  la  volonté  de  Dieu 
et  la  fidélité  des  ancêtres. 

Mais  il  arrive  que  ce  grand  pontife  était  aussi  notre  frère  par  le 
sang  et  la  langue.  Il  voulut  fonder  une  chrétienté  vivante.  Il  savait 
naturellement  que  seul  un  dévouement  total  à  ses  enfants,  avec  le  res- 
pect et  l' enrichissement  de  leurs  profondes  traditions  de  vie  catholique 
et  française,  pouvait  leur  obtenir  les  bienfaits  de  l'idéal  chrétien. 


5^  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Pour  servir  ses  frères,  il  avait  apporté  du  Québec  une  âme  à  la 
frappe  française,  et  c'est  lui  qui  décida,  par  sa  présence,  que  désormais, 
la  langue  de  ses  pères  qui  était  aussi  la  leur,  avec  toutes  les  valeurs 
humanisantes  qu'elle  porte  dans  ses  vocables,  s'implanterait  dans  l'Ouest 
pour  y  demeurer  et  pour  claironner  à  jamais  au  dessus  des  blanches 
moissons. 

Cette  consigne,  qui  l'avait  fait  le  grand  protecteur  des  intérêts 
éducationnels  de  ses  compatriotes,  avec  quelle  ferveur  S.  E.  Mgr  Béli- 
veau,  en  1918,  voulut  la  réaffirmer,  à  l'occasion  du  Centenaire  de  l'ar- 
rivée de  Mgr  Provencher,  lorsqu'il  écrivait  dans  son  mandement  pasto- 
ral: "nous  ne  cesserons  avec  calme  et  dignité,  de  revendiquer  nos  droits 
dans  le  double  domaine  de  l'école  et  de  la  langue.  Nous  nous  efforce- 
rons de  rester  fidèles  à  la  pensée  de  nos  prédécesseurs." 

Mgr  Provencher  a  été  surtout  l'homme  de  la  prière  et  du  sacrifice 
parfait.  Sa  parole  pleine  de  charité,  de  mansuétude  et  d'humilité,  enve- 
loppe encore  toutes  les  générosités  de  la  fidélité  franco-manitobaine, 
comme  elle  soutenait  le  courage  des  fondateurs.  Bénissons  le  Seigneur 
de  nous  avoir  donné  un  tel  modèle. 

Près  des  cendres  de  cet  apôtre  vénéré,  sur  cette  terre  sanctifiée  par 
ses  labeurs,  à  un  siècle  d'éloignement,  jurons  de  demeurer  fidèles  à 
l'idéal  chrétien  qu'il  nous  a  légué.  C'est  ainsi  que  le  souvenir  impéris- 
sable de  ses  vertus,  les  leçons  séduisantes  de  son  incomparable  apostolat, 
les  promesses  de  son  éternelle  vigilance  nous  aideront  à  guider  notre 
route  et  à  édifier  dans  nos  âmes  ces  monuments  vivants,  qui  justifieront 
celui  que  nous  confions  aujourd'hui  à  la  postérité,  symbole  des  grandes 
fidélités,  qui  allumèrent  le  courage  de  nos  devanciers  et  qui  conserveront 
nos  vies  catholiques  et  françaises  au  service  de  Dieu  et  de  la  Patrie,  dans 
la  paix,  la  tolérance  et  la  charité. 


VIII 

Echos  des  Sociétés  Historiques 

L'Institut  d'Histoire  de  l' Amérique  française   (Montréal) 
Sous  la  présidence  de  son  fondateur,  le  chanoine  Lionel  Groulx, 
l'Institut  tenait  sa  réunion  annuelle,  le  18  avril,  à  la  Bibliothèque  Mu- 
nicipale de  Montréal,  "avec  une  assistance  plus  nombreuse,  des  discus- 
sions opportunes  et  bien  conduites:  travaux  fort  goûtés  par  l'auditoire." 

Avec  ses  nombreuses  sections,  l'Institut  est  devenu  un  peu  comme 
la  centrale  des  échanges  entre  les  diverses  sociétés  historiques.  Les  tra- 
vaux au  programme:  "Une  illustre  plagiaire:  François  Perrin  du  Lac", 
Fernand  Grenier;  "Les  Archives  acadiennes" ,  René  Beaudry  esc;  "L'E- 
piscopat  de  Mgr  de  S aint-V allier",  Alfred  Rambaud;  "D'une  transmi- 
gration des  Canadiens  en  Louisiane  après  1760",  chanoine  Groulx. 

Le  banquet  avait  lieu  à  l'hôtel  Queen's.  M.  le  maire  Camillien 
Houde,  S.  E.  Mgr  Percival  Gaza  et  Mgr  Olivier  Maurault ,  p.  a., 
étaient  les  invités  d'honneur.  Le  R.  P.  Robert  Valois,  csv.,  était  le  con- 
férencier: "L'Ecole  des  Chartes". 

La  chronique  de  l'institut,  publiée  dans  la  revue,  fait  voir  son  pro- 
grès. On  affirmait  "en  peu  de  temps  nous  avons  groupé,  autour  de 
l'oeuvre,  une  solide  équipe  qui  nous  permet  d'affronter  l'avenir  sans 
crainte".  La  revue  terminait  son  Vile  volume  avec  la  livraison  de  mars 
1954,  quatre  numéros  avec  un  total  de  604  pages  et  un  index  général, 
préparé  par  Gérard  Malchelosse.  L'abonnement  est  de  $5.00  par  année, 
261,  avenue  Bloomfield,  Outremont,  Montréal. 

La  Société  Historique  du  Saguenay:  L'une  des  plus  actives  sociétés 
d'histoire  sur  le  continent  est  bien  celle  qui  rayonne  dans  le  royaume  du 
Saguenay.  Lors  de  sa  300e  réunion,  tenue  à  Ghicoutimi,  le  14  mars, 
Mgr  Edmond  Duchesne,  fondateur,  en  résumait  les  modestes  débuts  et 
attribuait  avec  fierté,  tout  le  succès  et  le  travail,  au  dévouement  de 
l'infatigable  président,  monsieur  le  chanoine  Victor  Tremblay. 

Au  cours  de  son  rapport,  le  président  ajoutait:  "Nous  voudrions 
avoir  des  membres  partout,  pour  que  partout  il  y  ait  quelqu'un  qui  fasse 
penser  à  ne  pas  détruire  les  papiers  et  les  choses  qui  peuvent  servir  à 
l'histoire  des  familles,  des  paroisses  et  de  toutes  ces  institutions  d'ordre 
religieux,  éducationnel,  social,  économique,  qui,  sans  tapage,  bâtissent 
notre  pays.  Il  faudrait  des  membres  de  la  Société  Historique  partout 
aussi  pour  empêcher  les  gens  d'ignorer  son  existence  et  de  perdre  la 

chance  de  bénéficier  des  services  qu'elle  peut  leur  rendre Car  elle 

accomplit  une  oeuvre.  Elle  commence  par  recueillir,  conserver  et  clas- 
sifier  tout  ce  qui  peut  renseigner  sur  l'histoire,  c'est  le  premier  travail  à 
faire,  parce  que  l'histoire  vraie,  profitable,  est  celle  qui  rend  compte  de 
ce  qui  s'est  fait  réellement,  et  cela  ne  s'invente  pas;  mais  toute  cette 


58  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIÇUE 


matière  documentaire  et  tout  cet  effort  de  classification  méthodique  a 
pour  but  de  servir;  de  servir  à  comprendre  le  passé  pour  voir  clair  dans 
l'orientation  de  l'avenir.  La  devise  de  notre  société  historique:  "Je  dé- 
voile", et  son  motto:  "Pour  l'avenir  je  parle  du  passé",  ne  sont  pas 
seulement  des  mots  de  façade,  mais  l'expression  du  principe  actif  qui 
l'anime  comme  l'âme  anime  le  corps  et  règle  ses  opérations." 

Pour  donner  une  idée  du  travail  accompli  depuis  vingt-cinq  ans, 
la  société  a  à  son  actif:  5,000  volumes  et  1,700  brochures;  7,800  docu- 
ments formant  58,000  pages;  1,500  dossiers  donnant  150,000  pages; 
10,000  pages  de  découpures;  116  collections  de  journaux  publiés  dans 
la  région;  18,000  photographies;  450  mémoires  de  vieillards,  précieux 
pour  préciser  l'histoire  des  familles  et  faciliter  l'étude  du  folklore;  3,700 
pièces  de  musée;  14  publications;  18  bulletins,  1,350  articles  et  270 
conférences. 

Au  compte  des  publications:  1 — "Le  Temps  de  Jacques  Cartier", 
causeries  historiques,  abbé  Victor  Tremblay,  in-8,130p,  table  (1934); 
2 — "Ici  ont  passé",  (Le  monument  du  Coteau  du  Portage),  in-8,40p, 
(1937);  3 — "L'Histoire  du  Saguenay" ,  depuis  l'origine  jusqu'à  1870, 
rédigée  en  collaboration,  Tome  I,  in-8,331p.  Edition  du  Centenaire 
(1938)  ;  A~"Saint  Alexis  de  Grande-Baie",  l'abbé  Eugène  Otis,  Ph.  L., 
in-8,48p,  (1938);  6 — "Mon  fleuve  et  ma  cité",  Laurent  Tremblay,  o. 
m.i.,  in-8,68p,  (1942)  ;  7 — "Bon  Désir",  un  coin  de  la  paroisse  des  Ber- 
geronnes,  abbé  Victor  Tremblay,  in-8,48p,  (1945);  9 — "Les  Oblats  au 
Saguenay",  abbé  Victor  Tremblay,  in-8,  (  1944)  ;  10 — "Les  Escoumins" , 
abbé  René  Bélanger,  in-8,58p,  (1946);  11 — "L'Evangélisation  du 
Saguenay  par  les  Jésuites,  1641-1782",  une  épopée  ignorée,  abbé  Victor 
Tremblay,  in-8,15p,  (1946)  ;  12 — "La  plus  ancienne  famille  du  Sague- 
nay", J.  Allan  Burgesse,  in-8,40p,  (1948);  13 — "Une  pionnière  du 
Yukon",  M.  Bobilier,  o.m.i.,  in-8,85p,  (1948);  14 — "Rivière-du-Mou- 
lin" ,  esquisse  de  son  histoire  religieuse,  Léonidas  Bélanger,  in-8,70p, 
(1953). 

La  Société  Canadienne  d'Histoire  de  l'Eglise  Catholique.  Elle  te- 
nait son  20e  congrès  annuel,  à  Antigonish,  en  Nouvelle-Ecosse,  à  l'oc- 
casion du  centenaire  de  l'Université  St.  Francis  Xavier.  Les  réunions 
furent  présidées  par  monsieur  le  chanoine  Victor  Tremblay,  qui  fut  élu 
président.  Dans  la  section  française  les  travaux  suivants  furent  présen- 
tés: L'Encyclique  "Affari  vos"  de  Léon  XIII  par  le  R.  P.  Thomas 
Charland,  o.  p.;  "L'Acadie  religieuse  en  1755",  R.  P.  René  Beaudry, 
esc;  "Les  Eudistes  et  le  développement  de  l'Eglise  en  Acadie"  Marcel 
Tremblay,  cjm.  ;  "Mgr  Labelle,  apôtre  de  la  colonisation  et  fondateur 
de  diocèses",  Lionel  Bertrand,  m. p.  ;  "Mgr  Thomas  Cooke,  missionnai- 
re de  la  Baie  des  Chaleurs  1817-1823",  abbé  Edgar  Godin;  "Le  Père  F. 
X.  J.  Michaud,  grand  curé,  bâtisseur  et  organisateur" ,  Marguerite  Mi- 
chaud. 


ECHOS  DES  SOCIETES  D'HISTOIRE  59 


La  Société  Historique  de  Montréal  tenait  sa  réunion  annuelle,  le 
28  janvier,  en  la  salle  de  la  bibliothèque  municipale  pour  recevoir  le 
rapport  des  travaux  accomplis  et  faire  le  choix  de  ses  officiers.  M.  Jules 
Bazin  présentait  un  rapport  détaillé  sur  l'état  des  manuscrits,  des  col- 
lections documentaires  et  de  la  bibliothèque  de  la  société.  Le  bureau 
élu  comportait:  Mgr  Olivier  Maurault,  p.  a.,  président;  Jean  Jacques 
Lefebvre,  vice-président;  Gabrielle  Carrière,  secrétaire;  Gaston  Dedo- 
me,  trésorier;  Jules  Bazin,  bibliothécaire;  Me  Victor  Morin,  Léon  Tré- 
panier,  J.  Alfred  Perreault,  l'abbé  Adélard  Desrosiers  et  Rosario  Fortin, 
directeurs. 

La  Société  Historique  de  Québec.  A  sa  réunion  de  janvier,  M. 
Sylvio  Dumais,  l'un  des  membres  actifs,  résumait  "l'état  présent  des 
recherches  sur  le  tombeau  de  Champlain".  Il  conclut  son  étude  en  dé- 
clarant que  depuis  7  ans,  la  société  poursuit  son  travail  en  utilisant 
toute  la  documentation  fournie  par  ceux,  qui,  depuis  au  moins  cent 
ans,  cherchent  à  éclaircir  ce  mystère  autour  du  tombeau  du  fondateur 
de  Québec.  Il  ajoute:  "les  travaux  reprendront  en  mai  prochain  (1953). 
Des  fouilles  scientifiques  seront  effectuées  à  l'intérieur  des  fondations 
présumées  de  la  chapelle  Champlain  (dans  la  cour  du  restaurant  "Aux 
Délices") ;  elles  permettront  de  les  identifier  avec  précision.  Sont-elles 
bien  celles  de  la  chapelle  construite  en  1636,  puis  rebâtie  en  1640,  pour 
abriter  les  restes  du  fondateur  de  Québec?  Les  ossements  de  Champlain 
ont-ils  été  exhumés  du  sous-sol  de  cette  chapelle  ou  y  reposent-ils  encore? 
Les  fouilles  de  mai  prochain  apporteront  une  réponse  à  ces  deux  ques- 
tions". 

La  société  publiait  son  5e  cahier  d'histoire.  La  collection  des  "Ca- 
hiers d'Histoire"  comprend:  1 — "Vieilles  Maisons  de  Québec":  pre- 
mière série;  a)  La  maison  de  Louis  Jolliet,  b)  La  maison  Cadet,  c) 
L'hôtel  Louis  XIV  (1947)  par  l'abbé  Honorius  Provost.  2 — "Bois  de 
Coulonge",  1950,  par  Clément  Dussault.  3 — "Notre  héritage  histori- 
que", 1951,  par  Silvio  Dumas  et  Marcel  Trudel.  4 — "Québec  et  son 
évolution",  essai  par  Gérard  Morisset,  1952.  5 — "Une  petite  Québé- 
coise devant  l'histoire":  Mère  Catherine  de  Saint  Augustin  (1953)  par 
le  chanoine  Lionel  Groulx. 

La  Société  Historique  du  Nouvel  Ontario  (Sudbury).  La  société 
inaugurait  en  janvier  une  série  de  conférences  mensuelles  sur  l'histoire 
du  Canada.  La  première  série  comportait  six  cours  sur  le  Régime  Fran- 
çais. Au  compte  de  ses  publications,  la  société  ajoutait  les  numéros  25 
et  26.  La  collection  complète  est  très  intéressante  et  précieuse.  Elle  com- 
prend: 1 — La  Société  Historique  du  Nouvel  Ontario;  2 — Aperçu  sur 
les  origines  de  Sudbury  ;  3 — Faune  et  mines  régionales  ;  4 — Chelmsford, 
Goniston,  Chapleau;  5 — Familles  pionnières;  6 — Fondateurs  du  dio- 
cèse du  Sault-Sainte-Marie;  7 — Flore  régionale  et  industrie  forestière; 


^Q  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


8 — Verner  et  Lafontaine;  9 — Couvent  FFGF,  Orphelinat  à  Sudbury; 
10 — Saint-Ignace  II  et  Welland;  11 — Vieux  remèdes  au  tribunal  de 
l'histoire;  12 — L'histoire  de  Sturgeon  Falls;  13 — Jean  Nicolet,  Nicolas 
Point,  Toronto;  14 — Gloires  Ontariennes:  Saints  Jean  de  Brébeuf  et 
Gabriel  Lalemant;  15 — Gloires  Ontariennes:  Saints  Antoine  Daniel, 
Gharles  Garnier  et  Noël  Chabanel;  16 — Trois  grands  hurons;  17 — Folk- 
lore Franco-Ontarien  I;  18 — Région  agricole  Sudbury-Nipissing;  19 — 
North  Bay  et  les  Jumelles  Dionne;  20 — Folklore  Franco-Ontarien  II; 
21 — Notre  Histoire  en  Cinq  Actes;  22 — Timmins,  métropole  de  l'or; 
23— Bonfield,  Astorville,  Corbeil;  24— Blind-River,  Blezard  Valley; 
25 — Contes  populaires  franco-ontariens;  26 — Paroisse  Sainte- Anne  de 
Sudbury. 

Ces  cahiers  de  48  pages  environ  établissent  une  histoire  assez  com- 
plète des  franco-ontariens  du  nord  Ontario.  Cette  documentation  est 
d'une  grande  valeur. 

La  Société  Historique  d'Amos.  La  plus  jeune  des  sociétés  d'histoi- 
re, fondée  le  7  mai  1952.  Elle  a  pour  but  de  retracer  surtout  l'histoire 
de  cette  localité  qui  se  confond  naturellement  avec  les  débuts  de  l'Abi- 
tibi.  L'exécutif  de  la  fondation  comprend:  Mgr  J.  O.  V.  Dudemaine, 
président  d'honneur,  le  docteur  Joseph  Dion,  président,  l'abbé  Jean- 
Marie  Roy,  secrétaire,  Jean-Paul  Gariépy,  adjoint,  abbé  Jean-Marie 
Pageau  et  Yvon  Limoges,  conseillers.  La  société  a  établi  son  siège  social 
au  séminaire  d'Amos. 

La  Société  Historique  de  la  Vallée  du  Richelieu.  Elle  publiait  son 
premier  cahier  d'histoire,  reproduisant  le  texte  d'une  conférence,  pro- 
noncée le  26  avril  1953,  à  Iberville,  par  Mgr  Arsène  Goyette,  p.  d. 
"Iberuille  il  y  a  cent  ans". 

L'Institut  Français  de  Washington.  La  43e  réunion  annuelle  avait 
lieu  le  21  novembre,  dans  les  salles  des  American  Sons  of  the  American 
Révolution,  à  Washington,  D.  S.,  sous  la  présidence  de  Measmore 
Kendall,  vice-président.  Le  secrétaire  Jules  A.  Baisnée  soumettait  un 
projet  de  dissolution  de  l'Institut,  préparé  par  la  firme  Spaulding, 
Reiter  &  Co.  On  remettait  la  décision  à  l'an  prochain.  Les  amis  de 
l'Institut  espèrent  qu'une  formule  permettra  de  continuer  la  vie  de  cet 
organisme,  qui  a  certainement  rendu  d'immenses  services  aux  relations 
Franco-Américaines. 

Dans  son  bulletin,  Nouvelle  Série,  Numéro  3,  in-8,136p,  décembre 
1953,  les  articles  suivants  paraissent:  "Franco- American  Studies",  a 
current  bibliography,  préparée  par  Joseph  M.  Carrière,  John  Francis 
McDermott  et  Howard  C.  Rice  Jr.,  des  universités  de  Virginie,  de 
Washington  et  de  Princeton;  "La  double  victoire,  poème  dédié  à  ma- 
dame la  comtesse  de  Rochambeau" ,  soit  "The  Yorktown  Campaign  in 


ECHOS  DES  SOCIETES  D'HISTOIRE  ^j 


Verse",  Howard  G.  Rice;  "David  Bailie  Warden,  A  bibliographie  al 
sketch  of  America's  cultural  ambassador  in  France,  1804-1845" ,  Fran- 
cis C.  Haber;  '"Franklin's  lost  letter  on  the  Cincinnati" ,  Durand  Eche- 
verria. 

La  Société  Généalogique  C.  F.  Avec  le  4e  fascicule,  elle  terminait 
en  juin,  le  Ve  volume  des  ''Mémoires"  et  "Le  Mois  Généalogique"  com- 
plétait son  Vie  volume,  comme  organe  officieux.  La  société  compte 
plusieurs  secteurs  très  actifs  dont  Montréal,  Québec,  Ottawa-Hull, 
Trois  Rivières  qui  tiennent  des  réunions  régulières.  Le  travail  accompli 
par  la  société  grandit  toujours.  Avec  plus  de  900  membres  intéressés,  il 
est  certain  que  l'orientation  que  prend  cet  organisme  généalogique  l'en 
fait  l'un  des  plus  importants  gardiens  de  notre  présence  française  en 
Amérique.  La  Société  Généalogique  est  certainement  au  nombre  de  nos 
grandes  créations  et  il  faut  nous  réjouir  de  son  existence  et  de  sa  crois- 
sance dans  l'art  si  précieux  de  retracer  la  filiation  de  nos  familles. 

A  son  premier  congrès,  tenu  au  pavillon  Mgr  Vachon,  à  Québec, 
les  16  et  17  mai,  le  R.  P.  Archange  Godbout,  o.f.m.,  président  fonda- 
teur, dans  un  rapport  faisait  la  revue  des  dix  premières  années  de  la 
société.  En  plus  de  la  collation  des  diplômes  des  nouveaux  membres 
émérites,  l'abbé  W.  J.  Laverdière,  M.  le  chanoine  Victor  Tremblay  et 
M.  Léon  Roy,  trois  communications  étaient  présentées  au  cours  des 
assises:  "L'Ecole  de  Chartres" ,  Robert  Valois  csv.,  "L'importance  du 
microfilm" ,  Raymond  Denault  et  "\'ue  d'ensemble  de  nos  dix  ans". 
Archange  Godbout,  ofm. 

Le  Bulletin  des  Recherches  Historiques.  Complétant  sa  59e  année, 
sous  la  direction  d'Antoine  Roy,  le  bulletin  avait  à  déplorer  la  mort  de 
son  fondateur  Pierre-Georges  Roy,  décédé  le  4  novembre  et  déclarait: 
"pendant  plus  de  soixante  ans,  cet  homme  a  fourni  un  labeur  immense. 
Il  a  accumulé  des  trésors  d'érudition  et  projeté  des  clartés  nouvelles  sur 
la  vie  de  nos  ancêtres  et  sur  presque  toutes  les  époques  et  les  choses  de 
notre  histoire.  Il  a  conçu  et  édifié  des  oeuvres  fortes  et  substantielles." 
Pierre  Georges  Roy  quittait  la  direction  du  bulletin  en  1948.  Il  en  con- 
fiait la  direction  à  son  fils  Antoine  Roy.  Dans  ces  quatre  livraisons,  le 
bulletin  de  1953  publiait  nombre  d'articles,  continuant  ainsi  le  sondage 
des  archives  du  Québec. 

The  Diocèse  of  Burlington,  Vermont:  1853 

William  Lucey,  s.  j..  Records  of  the  American 

Catholic  Historical  Society  of  Philadelphia. 

Le  centenaire  de  l'Eglise  au  Vermont  fut  commémoré,  en  fin  de 
juillet,  par  des  fêtes  qui  ne  manquèrent  pas  d'éclat.  Louis  de  Goes- 
briand,  originaire  de  Bretagne  et  vicaire  général  du  diocèse  de  Cleve- 


^2  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


land,  fut  sacré  premier  évêque  de  ce  diocèse,  le  30  octobre  1853  par 
l'archevêque  de  New  York.  Il  venait  prendre  possession  de  son  siège  le 
6  novembre  suivant. 

Il  n'y  eut  pas  grande  place  dans  le  décor  centenaire  pour  la  pré- 
sence franco-américaine.  Il  est  vrai  que  la  présence  du  Cardinal  Léger, 
archevêque  de  Montréal,  donna  un  lustre  particulier  aux  manifesta- 
tions. Son  Eminence  déclarait  que  "l'Eglise  unit  tous  les  peuples".  Et 
le  sens  franco-américain  est  tellement  anémié  dans  le  Vermont  qu'il  eut 
été  difficile  de  lui  faciliter  les  moindres  échos.  N'empêche  que  des  mil- 
liers de  compatriotes  sur  les  bords  du  lac  Champlain  ne  sont  pas  parti- 
culièrement heureux  du  traitement  qui  leur  est  fait. 

Dans  une  série  de  deux  articles,  publiés  dans  les  "Records  of  the 
American  Catholic  Historical  Society  of  Philadelphia,  Vol  XIV,  No.  3, 
pp.  123-254  et  No.  4,  pp  213-235,  le  P.  William  Lucey  ,s.  j.,  professeur 
au  collège  Holy  Cross  (Worcester),  a  voulu  reconstituer  le  tableau  his- 
torique aux  débuts  du  diocèse  de  Burlington.  Ces  pages  sont  à  lire  pour 
bien  des  raisons! 

L'auteur  ne  manque  pas  de  mentionner  et  de  souligner  à  plusieurs 
reprises  les  deux  principaux  éléments  nationaux,  Franco-Américains  et 
Irlandais  qui  ont  constitué  la  trame  du  centenaire.  Mais,  comme  il  faut 
s'y  attendre,  malgré  une  apparente  objectivité,  l'accent  irlandais  y 
abonde.  Et  c'est  toujours  le  même  esprit  qui  anime  les  jugements  des 
Irlandais  à  l'endroit  des  Franco-Américains.  Ces  derniers  sont  jugés  en 
marge  des  grandes  attestations  de  vie  catholique  aux  Etats-Unis. 

L'auteur  résume  bien  la  pensée  irlando-catholique  lorsqu'il  écrit, 
page  144  "The  Irish  and  Franco-Américain  were  about  equal  in  nume- 
rical  strength  when  Vermont  hecame  a  diocèse,  and  that  factor  helps 
to  explain  why  the  history  of  the  Catholic  Church  in  this  State  was 
relatiuely  free  of  the  bitter  conflicts  between  thèse  two  national  groups 
and  of  the  controversies  between  the  Franco-Americans  and  the  hierar- 
chy  which  seriously  disturbed  other  New-England  diocèses."  Et  cette 
opinion  devient  loi  pour  faire  son  petit  chemin  jusque  dans  les  chancel- 
leries romaines.  Toujours  les  Franco-Américains  qui  sont  dans  le  tort, 
mais  on  ne  parle  pas  des  injustices  qui  leur  ont  été  infligées. 

Et  plus  loin  l'auteur  ajoute  encore  pour  justifier  l'assimilation  et 
expliquer  la  disparition  désirable  des  Franco-Américains,  expliquant 
l'attitude  de  ces  derniers  il  déclare:  "Indeed,  the  Irish  had  little  sympa- 
thy  for  the  Franco-Americans  who  insisted  on  the  rétention  of  language 
in  order  to  retain  the  Catholic  faith.  Had  they  not  lost  their  language 
without  losing  the  faith?  Serious  clashes  resulted,  and  more  serious 
schisms  disturbed  some  diocèses  and  parishes." 


ECHOS  DES  SOCIETES  D'HISTOIRE  ^3 


Pour  établir  le  principe  de  la  bonne  entente,  l'auteur  ajoute  encore  : 
"John  Stephen  Michaud,  second  bishop  of  Burlington,  was  a  living 
example  of  tlie  good  tliat  came  from  this  enjorced  mingling.  He  was 
born  in  Burlington  ...  the  son  of  Etienne  Michaud,  a  Canadian  immi- 
grant, and  Catheriîie  Rogan,  an  Irish  immigrant."  L'on  sait  que  ce 
dernier  prélat  était  loin  d'avoir  des  sympathies  pro  franco-américaines. 

C'est  ainsi  que  s'écrit,  en  sens  unique,  l'histoire  sur  le  compte  de 
ce  groupe  ethnique,  qui  réclame  devant  Dieu  autre  chose  qu'un  fana- 
tisme qui  semble  être  la  force  de  ceux  qui  voudraient  que  le  droit  et  la 
vérité  soient  toujours  de  leur  côté.  On  se  demande  souvent,  si  les  rôles 
avaient  été  renversés,  et  que  les  Irlandais  avaient  été  dans  la  position 
d'aimer  leur  langue  et  de  la  conserver,  de  quelle  façon  ils  auraient 
procédé. 

J.  B. 

Histoire  de  la  Louisiane  Française,  Tome  Premier,  Le  Règne  de 
Louis  XIV  (1698-1715)  in-8,368p,  cartes,  tables,  (Presses  Universitaires 
de  France),  108  boulevard  Saint-Germain,  Paris,  par  Marcel  Giraud, 
professeur  au  collège  de  France.  Dans  cet  ouvrage  l'auteur  se  propose 
de  fixer  la  présence  française  en  faisant  ""'l'étude  de  la  colonisation  sé- 
dentaire et  du  peuplement"  c'est-à-dire  "la  prise  de  possession  du  sol, 
les  phases  et  les  modalités  de  sa  mise  en  valeur,  la  société  qui  prend 
naissance  dans  les  espaces  de  la  Louisiane,  la  vie  intérieure  des  agglo- 
mérations qui  se  forment  sur  le  littoral  du  Golfe  et  sur  le  cours  inférieur 
et  moyen  du  Mississipi,  leurs  rapports  avec  les  tribus  indigènes,  les  pro- 
blèmes que  le  voisinage  de  ces  dernières  suscite  aux  représentants  de  la 
France".  Cet  ouvrage  appuyé  sur  une  bibliographie  considérable  et 
charpentée  est  rédigé  d'une  façon  technique  quoique  très  agréable  à 
lire.  Il  apporte  un  intérêt  nouveau  dans  l'étude  de  l'histoire  de  la  Nou- 
velle-France qui  se  prolongea  jusqu'à  la  rivière  de  Mobile.  Ce  document 
est  précieux  et  il  est  digne  de  la  réputation  du  professeur  Giraud. 

Histoire  de  la  Louisiane,  (de  ses  origines  à  nos  jours,  avec  cartes  et 
illustrations),  in-8,446p;  Le  Conseil  de  la  Vie  française  en  Amérique, 
Université  Laval,  Québec,  par  Antoine  Bernard  csv.  Cette  histoire  parut 
d'abord  dans  la  revue  Vie  Française  de  1949-1953.  Elle  a  le  mérite 
d'avoir  semé  un  plus  grand  intérêt  autour  de  l'existence  de  cet  impor- 
tant ilôt  de  nos  frères,  un  ilôt  qui  posséda  un  jour  un  puissant  rayon- 
nement français. 

Certains  maîtres  reprocheront  peut-être  à  l'auteur  l'absence  de  la 
technique  scientifique  et  aussi  celle  des  sources  etc.  Ils  considéreront 
peut-être  cet  ouvrage  comme  un  simple  essai  qui  doit  s'endormir  dans 
une  vétusté  précoce.  Tout  cela  dépasserait  le  but  de  l'auteur,  qui  a 
simplement  voulu  faire  aimer  la  Louisiane  française  et  peut-être  pro- 
voquer chez  les  louisianais  un  regain  de  fierté  agissante. 


^4  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


Quoique  très  à  l'aise  dans  les  archives,  M.  Bernard  a  préféré  ra- 
conter, et  cela  d'une  façon  très  captivante,  ce  qu'il  a  puisé  aux  sources 
et  les  impressions  qu'il  a  lui-même  recueillies  au  cours  de  ses  voyages  de 
conférences  en  Louisiane. 

D'ailleurs,  sans  prétention  à  une  érudition  impeccable,  il  ajoute  au 

début  de  son  étude  " et  puis,  écrire  de  la  Louisiane  où  continuent  de 

parler,  de  prier  en  français  des  milliers  de  nos  frères  par  le  sang,  l'âme 
et  le  souvenir,  n'est-ce  pas  faire  oeuvre  utile?  N'est-ce  pas  s'associer  aux 
forces  du  bien  dans  le  monde?  Quelques  pages  de  synthèse,  plongeant 
leurs  racines  dans  le  passé  et  portant  à  leur  tige  des  faits,  des  conclu- 
sions du  présent,  ont  chance  d'être  lues  et  de  servir  une  cause  louable." 

L'auteur  a  donc  rendu  un  grand  service  à  tous  ses  frères  de  l'Amé- 
rique française.  Quiconque  veut  connaître  la  Louisiane  ou  la  visiter 
ne  pourrait  mieux  faire  que  de  parcourir  ce  volume.  Il  y  apprendra  des 
choses  réconfortantes  et  comme  le  déclare  M.  Bernard  en  terminant  sa 
synthèse:  "héritiers  d'un  même  capital  d'énergie  humaine  et  de  foi 
chrétienne,  puissent  Français  du  Nord  et  Français  du  Sud,  mieux  ins- 
truits des  faits,  des  leçons  du  passé,  continuer  de  se  tendre  la  main  et  de 
cultiver  une  fraternité  d'âme  qui,  par  dessus  les  grands  noms  français 
du  XVIle  siècle,  nous  rattache  à  la  France,  nous  groupe  parmi  les  na- 
tions dont  le  Prophète  a  chanté  qu'elles  seraient  'l'héritage  du  Christ'." 

"Ce  qui  demeure,  après  tout  et  par  dessus  tout,  ce  sont  les  promes- 
ses de  la  foi  du  Christ  dont  la  langue  française  fut  l'infatigable  héraut, 
dans  toute  l'étendue  de  l'Amérique  du  Nord!  Une  grande  réalité  reste 
gravée  sur  ce  continent:  la  première  évangélisation  faite  par  des  mis- 
sionnaires, des  martyrs  de  sang  latin  et  français,  témoins  du  Christ  et 
du  génie  chrétien  de  la  France,  semeurs  de  courage,  d'espérance,  d'in- 
lassable fidélité.  Soyons  dignes  de  ces  Pionniers! 

Il  appartenait  au  Conseil  de  la  Vie  française  de  répandre  cet  ou- 
vrage dont  les  pages  nous  invitent,  malgré  tout,  à  une  persévérance 
raisonnée. 

Cet  ouvrage  paraît  au  moment  oià  l'on  rappelle  le  150e  anniversaire 
de  l'achat  de  la  Louisiane  par  les  Etats-Unis.  Un  timbre  anniversaire 
reproduit  la  signature  de  l'acte  de  vente  à  Paris,  le  30  avril  1803  par 
Monroe,  Livingston  et  Marbois.  Ce  fut  le  geste  qui  termina  la  présence 
officielle  de  la  France  en  Amérique  et  qui  modifia  sûrement  le  status  de 
la  civilisation  française  sur  le  continent. 

Quinze  Etats  furent  taillés  dans  ce  butin,  jugé  inutile  par  Napoléon 
Bonaparte,  territoire  qui  permit  l'expansion  décisive  des  Etats-Unis 
jusqu'à  la  côte  du  Pacifique.  Le  tiers  du  territoire  actuel  du  pays  était 
vendu  pour  la  somme  de  onze  millions. 


ECHOS  DES  SOCIETES  D'HISTOIRE 


65 


Route  de  Champlain.  Titre  d'un  guide  international  de  vacances, 
édité  par  l'Association  "Sur  les  Pas  de  Champlain"  et  publié  annuelle- 
ment par  Le  Droit  (Ottawa)  dans  le  but  de  favoriser  le  tourisme  des 
deux  côtés  de  la  frontière,  en  soulignant  l'intérêt  des  sites  historiques 
dont  le  parcours  a  été  surtout  inauguré  par  Champlain.  Rédigé  dans 
les  langues  française  et  anglaise,  de  grand  format  à  152  pages  avec 
cartes,  notices,  historiques,  illustrations  et  routes,  le  guide  veut  faciliter 
le  tourisme  en  offrant  toute  l'information  nécessaire.  Dans  une  note 
liminaire,  il  est  déclaré  que  "l'Association  sur  les  pas  de  Champlain"  a 
été  formée  en  vue  d'encourager  entre  Canadiens  et  Américains  des  deux 
langues,  la  bonne  entente  qui  s'est  de  plus  en  plus  manifestée  pendant 
et  depuis  la  seconde  grande  guerre.  Elle  invite  les  gens  de  langue  an- 
glaise à  visiter  les  pèlerinages  et  sites  historiques  du  Québec  pour  qu'ils 
puissent  comprendre  l'importance  de  garder  la  culture  et  l'héritage 
historique  des  Canadiens-français.  Elle  veut  d'autre  part,  encourager 
ceux-ci  à  visiter  les  régions  habitées  par  les  Canadiens  anglais  et  les 
Américains,  afin  d'accentuer  cette  bonne  entente,  d'intensifier  l'unité 
canadienne.  La  route  de  Champlain  traverse  le  Québec,  le  Vermont, 
l'Etat  de  New  York  et  la  province  d'Ontario.  C'est  la  grande  route  de 
l'histoire  et  l'itinéraire  de  voyage  le  plus  intéressant  et  le  plus  agréable 
de  l'est  de  l' Amérique  du  Nord." 

''La  Fayette,  soldat  de  deux  patries",  par  Maurice  de  la  Fuye  et 
Emile  Albert  Babeau,  in-8,292p,  Amicot-Dumont,  Paris,  1953:  Collec- 
tion Présence  de  l'Histoire",  dirigée  par  André  Castelot.  Il  est  assez 
difficile  de  faire  la  part  du  mérite  d'un  chacun  dans  im  ouvrage  rédigé 
en  collaboration  ou  en  équipe. 

La  vie  de  La  Fayette  continue  d'intéresser  deux  continents.  Les 
Américains  y  apportent  en  général  plus  de  parade  que  de  conviction.  Il 
arrive  que  Gilbert  de  Motier  de  La  Fayette,  fils  du  marquis  Gilbert  de 
La  Fayette  et  de  Marie-Louise  Julie  de  La  Rivière  joua  un  rôle  assez 
important  dans  la  naissance  des  Etats-Unis.  Il  porta  ensuite  son  dé- 
vouement à  la  liberté  à  ses  frères  de  France,  au  cours  de  la  révolution 
française  de   1789. 

La  Fayette  a-t-il  fait  plus  de  bien  que  de  mal  à  sa  patrie?  Il  avoua 
un  jour  qu'il  commença  à  réussir,  le  jour  où  il  fut  initié  à  la  francma- 
çonnerie  américaine.  Il  en  fut  l'un  des  grands  maîtres  des  deux  côtés  de 
l'océan.  Il  avait  épousé  une  catholique  très  pieuse,  Adrienne  de  Noail- 
les,  fille  du  duc  d'Ayen.  L'abbé  Paul  de  Murât,  un  cousin,  avait  célébré 
le  mariage,  le  11  avril  1774.  La  Fayette  avait  seize  ans  et  six  mois, 
et  Adrienne,  13  et  5  mois.  Il  décédait  le  20  mai  1834  à  l'âge  de  77  ans  et 
les  funérailles  eurent  lieu  en  l'église  de  l'Assomption.  Son  épouse  qu'il 
avait  adorée  l'avait  précédé  dans  la  mort.  Il  fut  inhumé  près  d'elle  dans 
le  petit  cimetière  de  Picpus.  Il  avait  voulu  être  déposé  dans  la  terre 


66 


BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


américaine  qu'il  avait  rapportée  avec  lui,  lors  de  son  dernier  voyage  en 
Amérique,  en  1825.  Sur  sa  pierre  tombale  on  lit  encore  son  nom  et 
l'inscription:  Lieutenant  Général,  membre  de  la  chambre  des  Députés." 

En  liminaire,  les  auteurs  ont  écrit:  "parmi  les  personnages  de  notre 
histoire,  il  en  est  peu  qui  jurent  aussi  aimés  et  aussi  hais  que  Gilbert  de 
La  Fayette.  Celui  qu'on  a  nommé  le  héros  des  Deux  Mondes  a  cherché 

toute  sa  vie  le  règne  de  la  Liberté  dans  le  maintien  de  l'ordre Par 

son  action,  La  Fayette  a-t-il  servi  ou  compromis  la  cause  qui  lui  tenait 
tant  à  coeur?  L'objet  de  cette  étude  est  de  contribuer  à  réunir  les  élé- 
ments d'un  procès  qui  n'est  pas  encore  jugé". 

Cet  ouvrage  sur  La  Fayette  est  rédigé  sérieusement  et  révèle  de 
nouveaux  aspects  de  cette  vie  mouvementée.  Les  sources  sont  indiquées. 
La  lecture  en  est  captivante. 

Les  Cahiers  des  Dix,  No  18,  Montréal,  in-8,252p,  portrait  de  Pier- 
re Georges  Roy,  Index  général  (Malchelosse). 

Dans  la  préface,  Mgr  Olivier  Maurault  écrit  "je  ne  crois  pas  me 
tromper  en  disant  que  ce  XVIIIe  Cahier  vous  fournira  une  lecture 
variée  et  instructive.  Certains  chapitres  comptent  parmi  les  mieux  réus- 
sis de  la  collection.  L'ensemble  illustre  à  merveille  le  tempérament  du 
Groupe  des  Dix  qui,  malgré  ses  pertes,  a  su  se  renouveler  et  continuer 
son  oeuvre.  Sur  le  coup  de  l'épreuve,  que  Dieu  lui  prête  vie". 

En  effet,  les  '"Cahiers  des  Dix"  sont  toujours  très  intéressants  et 
présentés  dans  une  belle  toilette  littéraire  et  typographique.  Ils  suscitent 
un  fort  intérêt  autour  de  notre  histoire.  Même  si  tous  les  travaux  ne 
sont  pas  d'égale  valeur,  la  collection  constitue  une  utile  et  précieuse 
addition  à  nos  recueils. 

Le  groupe  déplorait  la  perte  de  l'un  de  ses  fondateurs,  titulaire 
du  Vile  fauteuil,  Pierre  Georges  Roy.  En  évoquant  sa  mémoire,  Me 
Victor  Morin  écrit:  "qui  donc  recueillera  désormais  les  'petites  choses' 
de  notre  histoire  afin  d'en  dégager  les  aspects  pittoresques  à  l'intention 
des  générations  futures?  Qui  donc  s'usera  les  yeux  à  déchiffrer  les  pages 
jaunies  de  nos  vieux  grimoires  pour  en  tirer  de  l'obscurité  les  faits  et 
gestes  de  nos  devanciers,  afin  que  les  écrivains  puissent  en  édifier  la 
'grande  histoire'  d'un  pays  en  plein  essor  de  développement.  Telle  est, 
en  effet,  la  tâche  à  laquelle  Pierre  Georges  Roy  a  consacré  toute  une 
vie  bien  remplie." 


IX 

Titulaires  de  là   Médaille  "Grand   Prix" 

1934  Jean  Charlemagne  Bracq  (Keene,  N.  H.) 

1936  L'Etoile  (Lowell,  Mass.) 

1936  Le  Messager  (Lewiston,  Maine) 

1936  L'Indépendant  (Fall  River,  Mass.) 

1937  Mgr  Camille  Roy  (Québec) 

1939  S.  E.  le  Cardinal  Villeneuve,  o.m.i.  (Québec) 

1939  L'Avenir  National  (Manchester,  N.  H.) 

1945  Jean-M.  Garand  (Springfield,  Mass.) 

1947  J.-Ubalde  Paquin,  M.  D.  (New  Bedford,  Mass.) 

1947  Corinne  Rocheleau-Rouleau  (Montréal) 

1950  Adolphe  Robert  (Manchester,  N.  H.) 

1950  Juge  Eugène-L.  Jalbert  (Woonsocket,  R.  L) 

1950  Juge  Arthur-L.  Eno  (Lowell,  Mass.) 

1950  Mgr  F.-X.  Larivière,  P.  D.  (Marlboro,  Mass.) 

1950  Me  Henri  T.  Ledoux  (Nashua,  N.  H.) 

1951  Philippe  Armand  Lajoie  (Fall  River,  Mass.) 
1951   Yvonne  Le  Maître  (Lowell,  Mass.) 

1951  R.  F.  Wilfrid  Garneau,  f.s.c.  (Central  Falls,  R.  L) 

1951   Le  Phare  (Woonsocket,  R.  L) 

1951   Pierre  Herménégilde  Huot  (New  York) 

1951  Abbé  Paul-Emile  Gosselin  (Québec) 

1952  Georges- Alphonse  Boucher,  M.  D.  (Brockton,  Mass. 

1953  Le  chanoine  Lionel  Groulx  (Montréal) 

Titulaires  de  la  Médaille  Guillet-Dubuque-Bédard 


M.  Armand  Cyr 

le  20  novembre   1934 

M.  Robert  Lefebvre 

le  26  octobre   1938 

Concours  d'histoire  de  Fall  River 

le  2  avril   1939 

M.  Josaphat  Benoit 

le   12  octobre   1939 

M.  Antoine  Clément 

le   14  mai   1941 

Dr  Georges-A.  Boucher 

le  19  novembre   1941 

Rosaire  Dion-Lévesque 

le   19  novembre  1941 

Soeur  Mary-Carmel,  s.  m. 

le   11  mai   1949 

M.  Edouard  Fecteau 

le  23  mai   1951 

Médaille  du  Congrès  de  Québec 

gagnée  par 

M.  Alfred  Desautels 

le  27  juin  1937 

M.  René  Manès 

le  27  juin  1937 

Membres  Honoraires  (1899-1953) 


Présidents  d'honneur 

Le  major  Edmond  Mallet,  élu  le   1er  septembre   1902. 
S.  Exe.  Jules  J.  Jusserand,  élu  le  7  septembre  1903. 
M.  lé  prof.  Gilbert  Chinard,  élu  le  24  mars  1934. 

Vice-Présidents  d'honneur 

M.  Gaston  Deschamps,  élu  le  9  mars  1901. 

M.  Honoré  Beaugrand,  élu  le  2  septembre  1901. 

M.  Hugues  LeRoux,  élu  le  22  février  1902. 

M.  James  Geddes,  élu  le  24  mars  1934. 

M.  Pierre  Georges  Roy,  élu  le  24  mars  1934. 

M.  l'abbé  Adrien  Verrette,  élu  le  3  novembre  1948. 

M.  le  Dr  Antoine  Dumouchel,  élu  le  15  décembre  1949. 

Mennbres  honoraires 


S.  Exe.  Jules  Cambon 

M.  René  Doumic 

M.  Louis  Fréchette 

M.  Frédéric  Coudert 

M.  Edmond  de  Nevers 

M.  James  Geddes 

S.  Exe.  Curtis  Guild  fils 

M.  Henri  Baulig 

M.  James  Phinney  Baxter 

M.  William  Bennett  Munro 

Abbé  Henri  Beaudé 

Abbé  Camille  Roy 

M.  Hector  Garneau 

M.  Léon  Dupriez 

M.  Ludovic  Leblanc 

M.  Robert  M.  Johnson 

Lt-col  Paul  Azan 

Cap.  Amman 

M.  François  Veuillot 

M.  Ulric  Barthe 

Chanoine  Emile  Chartier 

M.  Régis  Roy 

Le  R.  P.  Paul  de  Mangeleere,  s.  j. 

M.  Alfred  Jeanroy 

M.  Etienne  Gilson 

M.  Raoul  Blanchard 


M.  Ferdinand  Brunetière 

M.  Edouard  Rod 

M.  Louis  Herbette 

M.  Henri  de  Régnier 

M.  Télesphore  St-Pierre 

M.  René  Millet 

Le  R.  P.  Louis  Lalande,  s.  j. 

Dr  N.-E.  Dionne 

M.  Adjutor  Rivard 

M.  Joseph-Edmond  Roy 

M.  Albert  Bushnell  Hart 

M.  Alcée  Portier 

M.  Benjamin  Suite 

M.  Maurice  de  Wulf 

Mgr  Léon-Adolphe  Lenfant 

Abbé  Thellier  de  Poncheville 

M.  Charles  Cestre 

Lt  André  Morize 

Abbé  Lionel  Groulx 

M.  Henri  Guy 

M.  Aegidius  Fauteux 

M.  Louis  J.  A.  Mercier 

M.  Pierre-Georges  Roy 

M.  Louis-Philippe  Geoffrion 

M.  Jean-Charlemagne  Bracq 

M.  Gilbert  Chinard 


MEMBRES  HONORAIRES  (1899-1953) 


69 


M.  Paul  Hazard 

M.  Léon  Vallas 

Le  R.  P.  Engelbert,  a.  a. 

M.  Henri  Bergeron 

M.  Emile  Lauvrière 

M.  Jean-Etienne  Maigret 

M.  J.-G.  LeBoutillier 

S.  E.  le  cardinal  Villeneuve,  o.m.i. 

M.  François  Brière 

Le  R.  P.  J.-V.  Ducattillon,  o.  p. 

M.  Jean  Seznec 

M.  Séraphin  Marion 

Le  R.  P.  Pierre  Goube,  s.  j. 

Le  Dr  Robert  Goffin 

Le  prof.  René  de  Messières 

Mgr  Georges  Chevrot 

M.  Albert  Chambon 

Mgr  Joseph  Guérin 

Abbé  Albert  Tessier 

Chanoine  Arthur  Sideleau 

M.  Jean  Bruchési 

Mgr  Félix- 


Le  duc  de  Bauffi-emont 

M.  Max  Vivier 

M.  Damase  Potvin 

M.  Emile  Vaillancourt 

Le  R.  P.  Henri  Lalande,  s.  j. 

Mgr  L.-J.-A.  Doucet 

Mgr  Olivier  Maurault,  p.  s.  s. 

S.  Exe.  René  Doynel  de  St-Quentin 

M.  Félix  Desrochers 

Me  André  Lafargue 

M.  Gustave  Lanctôt 

Le  prof.  Arsène  Croteau 

M.  J. -Henri  Frenière 

S.  Exe.  Dantès  Bellegarde 

Me  Roger  Picard 

Frère  Antoine  Bernard,  s.c.v. 

M.  Henry  Longfellow  Dana 

M.  Luc  Lacoursière 

L'hon.  Omer  Côté 

Le  T.  H.  Louis  St-Laurent 

Abbé  Paul-Emile  Gosselin 

A.  Savard 


Membres  Correspondants 

M.  Gaston  Deschamps,  élu  le  9  mars  1901. 

M.  William  Frédéric  Osborne,  élu  le  2  septembre  1901. 


XI 

Nos  conférenciers  et  orateurs 

Par   ordre  alphabétique  jusqu'au  quarantenaire 

Le  It-col.  Paul  Azan,  Ulric  Barthe,  Henri  Baulig,  James-P.  Baxter, 
Abbé  Henri  Beaudé,  Dr  J.-Armand  Bédard,  Alexandre  Bélisle,  Hector- 
L.  Bélisle,  Josaphat  Benoit,  Raoul  Blanchard,  J.-O.-D.  de  Bondy,  Dr 
Georges-A.  Boucher,  Jean-Charlemagne  Bracq,  Chanoine  Emile  Char- 
tier,  Prof.  Gilbert  Chinard,  Gaston  Deschamps,  Félix  Desrochers,  R.  P. 
Engelbert  Devincq,  a.  a.,  N.-E.  Dionne,  Hugo-A.  Dubuque,  R.  P.  J.-V. 
Ducattillon,  o.  p.,  Léon  Dupriez,  Aegidius  Fauteux,  J. -Arthur  Favreau, 
Alcée  Portier,  Hector  Garneau,  Alphonse  Gaulin,  James  Geddes  fils, 
Louis-Philippe  Geoffrion,  Abbé  Lionel  Groulx,  S.  Exe.  Curtis  Guild 
fils,  Henri  Guy,  Albert  Bushnell  Hart,  Paul  Hazard,  Francis  Hurtubis 
fils,  Alfred  Jeanroy,  Louis-J.  Jobin,  Robert-M.  Johnston,  André  La- 
fargue,  R.  P.  Henri  Lalande,  s.  j.,  R.  P.  Louis  Lalande,  s.  j.,  S.  Exe. 
Mgr  Léon-Adolphe  Lenfant,  Hugues  Le  Roux,  le  major  Edmond 
Mallet,  R.  P.  Paul  de  Mangeleere,  s.  j.,  Charles-J.  Martel,  Mgr  Olivier 
Maurault,  p.s.s.,  Louis-J. -A.  Mercier,  René  Millet,  André  Morize, 
William-B.  Munro,  Edmond  de  Nevers,  Roch  Pinard,  Abbé  Thellier 
de  Poncheville,  Damase  Potvin,  Henri  de  Régnier,  Adjutor  Rivard, 
Mgr  Camille  Roy,  J. -Edmond  Roy,  Pierre-Georges  Roy,  Régis  Roy, 
Télesphore-H.  Saint-Pierre,  le  comte  René  Doynel  de  Saint-Quentin, 
Benjamin  Suite,  Edouard  Fabre-Surveyer,  Emile  Vaillancourt,  Léon 
Vallas,  François  Veuillot,  Elle  Vézina,  S.  Em.  le  cardinal  Villeneuve, 
Max  Vivier,  Barrett  Wendell  et  Maurice  de  Wulf. 

Par  ordre  chronologique  depuis  1941 
Jean  Seznec,  Gustave  Lanctôt,  Séraphin  Marion,  Arsène  Croteau, 
R.  P.  Pierre  Goube,  s.  j.,  Dr  Robert  Goffin,  S.  Exe.  Dantès  Bellegarde, 
René  de  Messières,  Roger  Picard,  Mgr  Georges  Chevrot,  Frère  Antoine 
Bernard,  c.s.v.,  Henry  Wadsworth  Longfellow  Dana,  Mlle  Cécile 
Saint- Jorre,  Mgr  Joseph  Guérin,  Luc  Lacoursière,  Abbé  Albert  Tessier, 
Thon.  Omer  Côté,  chanoine  Arthur  Sideleau,  le  T.  H.  Louis  St-Laurent, 
Jean  Bruchési,  Abbé  Paul-Emile  Gosselin,  Mgr  Félix-A.  Savard,  cha- 
noine Lionel  Groulx. 

Aux  séances  d'études  du  printemps  depuis  1950 
R.  P.  Thomas-M.  Landry,  o.  p.,  Adolphe  Robert,  Antoine  Clé- 
ment, Abbé  Adrien  Verrette,  Frère  Wilfrid,  Dr  Louis-B.  Amyot,  Dr 
Ulysse  Forget,  Mlle  Yvonne  Le  Maître,  Thérèse  SanSouci,  Dr  Gabriel 
Nadeau,  Abbé  Wilfrid  Paradis  et  Dom  Jean-Anselme  Mathys,  o.s.b. 

Autres  membres,  visiteurs  ou   amis  qui  ont  contribué 
au  succès  de  nos  réunions  ou  de  notre  Bulletin 
Me  J.-H.   Guillet,   Me   Wilfrid-J.   Lessard,   Dr  Stanislas  Martel, 


NOS  CONFERENCIERS  ET  ORATEURS  f  \ 


Alexandre  Goulet,  Maximilienne  Tétrault,  Adolphe  Robert,  Mgr  J.-B. 
Labossière,  R.  P.  Léon  Loranger,  o.m.i.,  Henri  Bergeron,  Jean-Etienne 
Maigret,  Antoine  Clément,  Me  Télesphore  Leboeuf,  Joseph  Lussier, 
Jules  Savarin,  abbé  Adrien  Verrette,  Louis-J.  Jobin,  Mgr  Louis-J.-A. 
Doucet,  Jean-Georges  Le  Boutillier,  François  Brière,  Mme  Malaterre- 
Sellier,  R.  P.  Rodolphe  Martel,  a.  a.,  Bertrand-L.  Plante,  Mgr  Stephen 
el-Douaihy,  Dr  Antoine  Dumouchel,  juge  Edouard  Lajoie,  Robert  Le- 
febvre,  juge  Arthur-L.  Eno,  Hector-L.  Bélisle,  Ernest  Bournival,  Me 
Henri-T.  Ledoux,  Dr  Gabriel  Nadeau,  Edward-B.  Ham,  Antoine-J. 
Jobin,  Jacques  Ducharme,  Me  Adonat-J.  Demers,  Dr  Thomas- Joseph 
Dion,  Corinne  Rocheleau  Rouleau,  Burton  LeDoux,  Yvonne  Le  Maître, 
Maxime-O.  Frenière,  Dr  Paul  Dufault,  Nemo,  abbé  F.-X.  Larivière, 
Dr  Henri  Gauthier,  Saul  Colin,  Edouard  Fecteau,  juge  Hugo-A.  Du- 
buque,  J. -Arthur  Favreau,  Dr  Ulysse  Forget,  Jean-Jacques  Lefebvre, 
abbé  William-E.  Drapeau,  R.  P.  Thomas-M.  Landry,  o.  p.,  Dr  Omer 
E.  Boivin,  J.-Wilfrid  Mathieu,  Me  Valmore-M.  Carignan,  William-N. 
Locke,  Jean  Picher,  Dr  Wilfrid-R.  Delaney,  R.  P.  Polyeucte  Cuissard, 
a.  a.,  abbé  René  Constant,  Louis  Clapin,  Rodolphe  Carrier,  abbé 
Joseph  Boutin,  abbé  Camille  Blain,  abbé  Georges-J.-C.  Duplessis,  juge 
Emile  Lemelin,  juge  Edouard- J.  Lampron,  Me  R.  de  Blois  La  Brosse 
et  Léopold  Lamontagne. 


XII 

Les  membres  du   Bureau  depuis    1899 

Présidents 
Me  J.-Henri  Guillet,  Lovv^ell,  1899-1902. 
Me  Hugo- A.  Dubuque,  Fall-River,  1902-1904. 
Me  Joseph  Monette,  Lawrence,  1904-1906. 
Dr  J.-Armand  Bédard,  Lynn,  1906-1932. 
Me  Wilfrid-J.  Lessard,  Manchester,  1932-1934. 
Dr  J.-Ubalde  Paquin,  New-Bedford,  1934-1946. 
Me  Eugène-L.  Jalbert,  Woonsocket,  1946-1949. 
M.  l'abbé  Adrien  Verrette,  Suncook,  1949. 

Vice-Présidents 

M.  Paul-A.  Primeau,  Me  Hugo-A.  Dubuque,  Me  Joseph  Monette, 
Dr  J.-Armand  Bédard,  Me  Elphège  Daignault,  M.  O. -Edmond  Bélisle, 
M.  l'abbé  Henri  Beaudé,  M.  le  prof.  William  B.  Munro,  Me  Wilfrid-J. 
Lessard,  Dr  J.-Ubalde  Paquin,  M.  Louis-J.  Jobin,  Dr  Georges-A.  Bou- 
cher, Me  Eugène-L.  Jalbert,  M.  Joseph  Lussier,  Dr  Antoine  Dumou- 
chel  et  Me  Valmore-M.  Carignan. 

Secrétaires 

Me  Alphonse  Gaulin,  Woonsocket,   1899-1905. 
M.  J.- Arthur  Favreau,  Boston,  1905-1933. 
Prof.  William  Bourgeois,  Boston,  1934-1936. 
Prof.  Alexandre  Goulet,  Boston,  1936-1937. 
M.  Antoine  Clément,  Lowell,  1937-1945. 
Dr  Gabriel  Nadeau,  Rutland,  Mass.,  1945. 

Secrétaires  adjoints 
M.  J. -Arthur  Favreau,  Worcester,  1899-1905. 
M.  Hector-L.  Bélisle,  Lawrence,  1905-1920. 
M.  Louis-J.  Jobin,  Boston,  1920-1934. 
R.  P.  Léon  Loranger,  o.m.i.,  Natick,  1934-1936. 
M.  Antoine  Clément,  Lowell,  1936-1937. 
M.  Arthur  Milot,  Woonsocket,  1937-1941. 
M.  Wilfrid  Beaulieu,  Worcester,  1941-1948. 
Dr  Roland  Cartier,  North  Reading,  1948. 

Trésoriers 

Dr  Omer  LaRue,  Putnam,  1899-1906. 
M.  Louis-P.  Turcotte,  Lowell,  1906-1908. 
Me  J.-Henri  Guillet,  Lowell,  1908-1931. 
L'hon.  juge  Arthur-L.  Eno,  Lowell,  1931-1949. 
M.  Antoine  Clément,  Lowell,  1949. 


LES  MEMBRES  DU   BUREAU   DEPUIS   1899 


73 


Conseillers 
Me  Hugo-A.  Dubuque,  Me  Emile-H.  Tardivel,  Dr  Charles-J. 
Leclaire,  M.  Auguste-H.  Jean,  Dr  A.-Wilfrid  Petit,  M.  Hector-L. 
Bélisle,  Dr  A.-A.-E.  Brien,  Me  Joseph  Monette,  Dr  Joseph-H.  Boucher, 
Dr  G.-Tancrède  Lamarche,  Me  J-Henri  Guillet,  Dr  L.-P.  de  Grand- 
pré,  M.  L.-P.  Turcotte,  Dr  J. -Armand  Bédard,  M.  FéHx-A.  Bélisle,  M. 
Francis  Hurtubis  fils,  M.  Joseph  Boucher,  M.  Alexandre  Bélisle,  M. 
Pierre  Bonvouloir,  M.  J.-D.-O.  de  Bondy,  Dr  Noël-E.  Guillet,  Dr  Orner 
LaRue,  M.  Alfred  Bonneau,  M.  Louis-J.  Jobin,  M.  Noé-L.  Nadeau, 
Me  Henri-T.  Ledoux,  M.  Louis-E.  Cadieux,  M.  J.-E.  Lachance,  M. 
Clarence-F.  Cormier,  Prof.  William-B.  Munro  fils.  Me  Wilfrid-J. 
Lessard,  Me  Eugène-L.  Jalbert,  M.  Eugène  Bélisle,  Dr  J.-Ubalde  Pa- 
quin,  Dr  Léon  Vallière,  M.  Joseph  Lussier,  Me  Albert-L.  Bourgeois, 
Prof.  Antonio  Provost,  M.  Rodolphe  Carrier,  M.  Adolphe  Robert,  Dr 
Georges-A.  Boucher,  M.  le  curé  Philias  Jalbert,  Dr  Omer-E.  Boivin, 
M.  le  curé  F.-X.  Larivière,  M.  Josaphat  Benoit,  M.  Arthur-E.  Moreau, 
M.  Donat  Corriveau,  Dr  Antoine  Dumouchel,  Dr  J.-B.-A.  Falcon,  Dr 
Albert  Poirier,  Dr  Wilfrid-R.  Delaney,  M.  Louis-P.  Clapin,  M.  l'abbé 
Adrien  Verrette,  M.  Antoine  Clément,  M.  Wilfrid-J.  Mathieu,  M. 
Hector  Cormier,  M.  Dolord  Hamel,  Dr  Ulysse  Forget,  Me  Valmore-M. 
Carignan,  l'hon.  juge  Alfred-J.  Chrétien,  M.  William  Arseneault,  Dr 
Benoit  Garneau,  M.  le  curé  F.-X.  Larivière,  l'hon.  juge  Emile  Lemelin, 
Dr  Fernand  Hémond,  M.  Valmore  Forcier,  R.  P.  Thomas-M.  Landry, 
o.  p.,  l'hon.  juge  Edouard-J.  Lampron,  M.  Lucien  SanSouci,  M. 
Lauré-B.  Lussier,  M.  Damase  Brochu,  Dr  Oscar  Perrault,  Me  Ernest-R. 
D'Amours,  Mlle  Rhéa-A.  Caron  et  M.  F. -Raymond  Lemieux. 


XIII 

La  liste  des  membres  a  l'exercice  de    1953-1954 

Amesbury,  Mass. 
Me  Laurie-A.  Ebacher,   177  rue  Elm 

Ann  Arbor,  Micliigaîi 
Prof.  Edward-B.  Ham,  Université  du  Michigan 

Belmont,  Mass. 
Juge  Raoul-H.  Beaudreau,   151   route  Rutledge 

Biddejord,  Maine 

M.  Edgar-R.  Corneau,   173  rue  South 

Mme  Edgar-R.  Corneau,   173  rue  South 

M.  Frédéric  Deschambeault,  31   rue  Crescent 

Mme  Frédéric  Deschambeault,  31  rue  Crescent 

M.  Georges-Henri  DesRoberts,   121   rue  Alfred 

Me  Robert-G.  Lacroix,   127  rue  Cleaves 

Dr  Oscar-W.  Perrault,  30  rue  South 

Mlle  Hélène  Thivierge,  30A  rue  May 

Boston,  Mass. 

Me  Pierre  Belliveau,  84  rue  State 

M.  Damase-J.  Brochu,   154  avenue  Huntington 

M.  Rodolphe-E.  Pépin,  58  route  Fenwood 

Brattleboro,   Vermont 
Dr  Marius  Peladeau,  Brattleboro,  Vermont 

Brockton,  Mass. 

Dr  Georges-A.  Boucher,  20  avenue  Clinton 

M.  Hector-E.  Cormier,  210  rue  Court 

Me  Alfred  DeQuoy,  54  route  Winifred 

M.  Horace-J.  Grenier,  238  rue  Court 

M.  René  Janson-La  Palme,  48  rue  Fairfield 

M.  Richard-J.  Potvin,  67  avenue  Perkins 

Burlington,   Vermont 
M.  Jean  Picher,   156  rue  Saint-Paul 

Cambridge,  Mass. 

M.  Azade  Arseneault,   16  rue  Clay 

M.  William  Arseneault,  60  avenue  Rindge 

M.  Camille  Beaulieu,   19  rue  Haskell 

Dr  R.-Wilfrid  Delaney,  6  rue  Milton 

Dr  Albert  Poirier,  2179  avenue  Massachusetts 


MEMBRES  DE  LA  SOCIETE  75 


M.  Elie-J.  Poirier,  2179  avenue  Massachusetts 

Central  Falls,  Rhode-Island 

Mme  J.-A.  Bonvouloir,  92  rue  Clay 

M.  Léopold-F.  Bonvouloir,   141   rue  Illinois 

Mme  Léopold-F.  Bonvouloir,   141   rue  Illinois 

M.  Arthur-W.  Héroux,   11   rue  Ledge 

M.  Edgar- A.  Langlois,   1060  avenue  Lonsdale 

M.  Léo-E.  Le  Beau,  56  avenue  Shawmut 

Chestnut  Hill,  Mass. 

R.  P.  Wilfrid  Bouvier,  s.  j.,  Boston  Collège 

R.  P.  Joseph-D.  Gauthier,  s.  j.,  Boston  Collège 

Claremont,  New-Hampshire 
M.  Arthur-J.  Rouillard,  C.  P.  34 

Danielson,  Connecticut 

M.  Valmore-H.  Forcier,  C.  P.  294 

M.  F. -Raymond  Lemieux,  rue  Dorrance 

Everett,  Mass. 
M.  Joseph-L.-A.  Genest,   15  avenue  Bellingham 

Fall  River,  Mass. 

Mme  Donat  Blanchette,  483  route  Stafford 

Dr  Omer-E.  Boivin,   187  rue  North  Main 

R.  P.  R.-M.  Burgess,  o.  p.,  au  Canada 

Mlle  Rhéa-A.  Caron,  32  rue  Saucier 

M.  Louis-P.  Clapin,   1353  rue  Robeson 

Mme  Emile  Cousineau,  663  rue  Locust 

Mme  Julie  de  Champlain  Lagassé,  256  rue  Whipple 

R  .P.  Thomas-M.  Landry,  o.  p.,  818  rue  Middle 

Mlle  Annette  Martineau,  341   rue  Fourth 

Mlle  Marguerite  Martineau,  341   rue  Fourth 

Dr  J.-E.  Mercier,   1621   rue  South  Main 

Mme  Célina  Normand,   183  rue  Hunter 

Mme  Albert-J.-F.  Plante,  96  rue  Rockland 

Mme  Anne-Marie  St-Denis,  577  rue  Middle 

M.  Marcel  St-Denis,   104  rue  East  Main 
Mme  Marcel  St-Denis,   104  rue  East  Main 

Farmington,  New-Hampshire 
M.  l'abbé  Arthur-J.  Dufour,  90  rue  Central 

Fitchburg,  Mass. 
M.  W.-E.  Aubuchon,  28  rue  Rollstone 


76 


BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


M.  l'abbé  Camille-A.  Blain,  64  rue  Dover 

Dr  J.- Armand  Gélinas,   190  rue  Milk,  dans  l'armée 

M.  Edmond-J.  Tousignant,   117  rue  Fine 

Gardner,  Mass. 

Mgr  Joseph-H.  Boutin,   135  rue  Nichols 

Dr  Alfred-P.  Lachance,  66  rue  Parker 

Dr  Raymond-E.  Lcvesque,  66  rue  Parker 

Holyoke,  Mass. 
M.  l'abbé  Pierre-H.  Gauthier,  271   rue  Chestnut 
M.  Joseph  Lussier   (maintenant  à  Adams,  Mass.) 
M.  Roméo-D.  Raymond,  433  rue  Appleton 

H u dson,  Ncw-Ha mpsh ire 
R.  P.  J.-B.-A.  Barette,  o.m.i.,  Maison  Oblate 

Leominster,  Mass. 
M.  J. -Henri  Goguen,   163  rue  Seventh 
Dr  Albert-L.  Ménard,  81   rue  Laurel 

Linwood,  Mass. 
M.  l'abbé  Alvin-N.  Gagnon,  presbytère  Bon-Pasteur 

Lowell,  Mass. 

M.  Louis-A.  Biron  fils,  235  route  Mammoth 

M.  Antoine  Clément,   195  rue  West  Sixth 

M.  l'abbé  Georges  Duplessis,  221   rue  West  Sixth 

L'hon.  juge  Arthur-L.  Eno,  219  Hildreth  Building 

Me  Paul-R.  Foisy,   174  rue  Central 

Mlle  Estelle  Landry,  boulevard  Pawtucket 

M.  Léon- A.  Lavallée,  99  rue  Harvard 

R.  P.  Armand  Morissette,  o.m.i.,  216  rue  Nesmith 

M.  Joseph  Peloquin,  834  rue  Stevens 

Dr  Laval-U.  Peloquin,  99  rue  Harvard 

Prof.  Paul-H.  Phaneuf,  559  rue  Fletcher 

M.  Arthur-L.  Turcotte,  555  rue  Andover 

Lynn,  Mass. 

Dr  Elzéar  Asselin,  38  avenue  Atlantic 

Mgr  William-E.  Drapeau,  7  rue  Endicott 

Manchester,  New-Hampshire 

M.  Albert-F.  Ballard,  294  avenue  Lake 

M.  Albert-J.  Beaudry,  ci-devant  52  rue  Concord 

Le  maire  Josaphat  Benoit,  23  rue  Stearns 

Me  Gérard-O.  Bergevin,  greffier  du  tribunal 


MEMBRES  DE  LA  SOCIETE  77 


M.  René-L.  Bourcier,  212  rue  Ray 

M.  Armand  Capistran,  65  rue  Ray 

L'hon.  juge  Alfred- J.  Chrétien,   1008  rue  Elm 

Me  Jean-A.-L.  Chrétien,   1008  rue  Elm 

Me  Ernest-R.  D'Amours,  795  rue  Elm 

M.  l'abbé  Doria  Desruisseaux,  411   route  Calef 

Dr  Jules-O.  Gagnon,   160  rue  Wilson 

Mgr  Napoléon-J.  Gilbert,   117  rue  Youville 

M.  Albert-W.  Hamel,  48  rue  Carpenter 

M.  Basil- A.  Joannides,   105  rue  Ray 

M.  Philippe  LaRonde,  741   rue  Silver 

L'hon.  juge  Emile  Lemelin,  944  rue  Elm 

M.  Louis-Israël  Martel,  693  rue  Beech 

M.  Wilfrid-J.   Mathieu,  52  rue  Concord 

M.  l'abbé  Wilfrid  Paradis,  411   route  Calef 

Dr  Adolphe  Provost,  36  rue  Lowell 

M.  Adolphe  Robert,  52  rue  Concord 

M.  Gérald  Robert,  410  rue  Kelley 

M.  l'abbé  Gilles  Simard,  383  rue  Beech 

M.  Armand  Verrette,  545  rue  Maple 

Manville,  Rhode-hland 
M.  Lauré-B.  Lussier,  20  avenue  Bouvier 

Marlhoro,  Mass. 

Me  Robert-H.  Beaudreau,  rue  Homer 

M.  Roland-N.  Dessein,  42  rue  Broad 

Dr  Albert-E.  LeMarbre,  32  rue  Pleasant 

Millhury,  Mass. 

M.  Jean-B.  Danis,  rue  West  Main 

Mme  Jean-B.  Danis,  rue  West  Main 

M.  Pierre-E.  Desrosiers,  rue  West  Main 

Mlle  Margaret  Dunn,   17  rue  Grove 

Nashua,  New-Hampshire 

M.  Charles-M.  Brodeur  fils,  57  rue  Main 

Dr  O.-E.  Caron,  51   rue  Zellwood 

M.  Donat  Corriveau,    115  rue  Main 

Dr  Maurice-H.  Dumas,   100  rue  Main 

M.  Louis-M.  Janelle,  2nd  National  Bank  Buildin^ 

L'hon.  juge  Edouard-J.  Lampron,  92  rue  Main 

Me  Henri-T.  Ledoux,  23  rue  Cross 

Needham,  Mass. 
M.  Hervé-E.  Généreux,  59  avenue  Beaufort 


78  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


New  Bedford,  Mass. 

M.  Rodolphe-J.  Carrier,   131   rue  Deane 

Club  des  Francs-Tireurs,  70  rue  Hicks 

M.  Orner  Grenon,  51   rue  Mount  Pleasant 

Mme  Omer  Grenon,  51   rue  Mount     Pleasant 

Mme  Délia- J.   LeDoux,  91   rue  Bullard 

M.  Antonio  Lemieux,  2287  avenue  Acushnet 

Mme  Antonio  Lemieux,  2287  avenue  Acushnet 

M.  Albert-J.  Loranger,  3574  avenue  Acushnet 

Dr  J.-Ubalde  Faquin,  633  rue  Coggeshall 

Me  Zéphyr  Faquin,  758  rue  Purchase 

Dr  Wilfrid-J.  Rousseau,  2055  avenue  Acushnet 

Newton,  Mass. 
M.  l'abbé  Sylvio  Barrette,  253  rue  Watertown 

Newton  Centre,  Mass. 
Me  Ralph-J.  Thibodeau,   194  rue  Parker 

New-York,  N.   Y. 
M.  Robert-L.  Frédette,  24  rue  West  95th 

Nortli  Adams,  Mass. 
Dr  Antoine  Dumouchei,  56  rue  Summer 

No.   Grosvenordale,  Conn. 
M.  l'abbé  Oscar  Normand,  presbytère  St-Joseph 

No.   Wilmington,  Mass. 
Dr  Gérald  Caron,  sanatorium  de  No.  Reading 
Dr  Roland  Cartier,  sanatorium  de  No.  Reading 

Orlando,  Floride 
Mlle  Lienne  Tétrault,  Route  6— C.  F.  380 

Pawtucket,  Rhode-Island 

Dr  Arthur-J.-B.  Falcon,  38  rue  Exchange 

Me  R.-Deblois  LaBrosse,  301   rue  Main 

M.  Albert-J.  Lamarre,  25  avenue  Capwell 

M.  Hervé-J.  Lemieux,   !25  rue  Sisson 

Dr  Edouard  Morin,   156  Broadway 

Pittsfield,  Mass. 
M.  l'abbé  Albert-T.  Beaudry,  presbytère  Notre-Dame 

Portland,  Maine 
Mme  Marguerite-G.  Robinson,  C.  P.   1741 


MEMBRES  DE  LA  SOCIETE  79 


Rutland,  Mass. 

Dr  Paul  Dufault,  sanatorium  d'Etat 

Dr  Gabriel  Nadeau,  sanatorium  d'Etat 

Salem,  Mass. 

M.  Antonio  Goulet,  30  avenue  Loring 

M.  l'abbé  Philias  Lefèvre,   135  rue  Lafayette 

M.  l'abbé  Arthur-O.  Mercier,   135  rue  Lafayette 

M.  Stephen-H.  Richard,  53  rue  Prince 

M.  William  Thériault,   129  rue  Lafayette 

Sanbornville,  New-Hampshire 
M.  l'abbé  Henri  Brodeur,  presbytère  St-Antoine 

Schenectady,  N.   Y. 
Dr  Louis-B.  Amyot,  9  rue  North  Church 

Somerset,  Mass. 
Mlle  Paulette  Cyr,  95  avenue  Lorraine 

Somerswortli,  New-Hampshire 
M.  l'abbé  Hector-A.  Benoit,  presbytère  St-Martin 

Springjield,  Mass. 
M.  Léon-J.  Alarie,   108  rue  Fenwick 

Storrs,  Conn. 
Prof.  Arsène  Croteau,  Université  du  Connecticut 

Suncook,  New-Hampshire 
M.  l'abbé  Adrien  Verrette,  presbytère  St-Jean-Baptiste 

Warren,  Rhode-Island 
Dr  Ulysse  Forget,  600  rue  Mont  Main 

Waterville,  Maine 
Me  Napoléon-A.   Marcou,  Professional  Building 

West   Warwick,  Rhode-Island 
Dr  Fernand-J.  Hémond,   12  rue  St.  John 

Woojisocket,  Rhode-Island 
M.  Ephrem  Barthélémy,   166  rue  Grove 
Me  Valmore-M.  Carignan,   1   rue  Social 

M.  George  Filteau,  81   rue  Pine 

M.  Vernon-F.-A.  Fiola,  23  rue  Moore 

Dr  Auray  Fontaine,  56  avenue  Hamlet 

Dr  Henri-E.  Gauthier,  34  avenue  Hamlet 


80  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


L'hon.  juge  Eugène-L.  Jalbert,  62  route  Glen 

M.  Serge  Lamoureux,  546  avenue  Park 

M.  Jacques  Lepoutre,  G.  P.  996 

Dr  Armand-F.  Picard,  52  avenue  Hamlet 

M.  Willy  St-Germain,  648  route  Cumberland  Hill 

Mme  Willy  St-Germain,  648  route  Gumberland  Hill 

Worcester,  Mass. 

M.  Wilfrid  Beaulieu,  G.  P.   195 

M.  J.-Arthur  Belisle,  22  rue  Richards 

M.  l'abbé  Herménégilde  Boutin,  51   rue  Illinois 

Me  René-A.  Brassard,  98  rue  Front 

M.  L.-Paul  Gourchesne,  82  rue  Plantation 

Mme  L.-Paul  Gourchesne,  82  rue  Plantation 

R.  P.  Armand  Desautels,  a.  a.,  collège  de  l'Assomption 

T.  R.  P.  Wilfrid  Dufault,  a.  a.,  à  Rome 

Dr     Frédéric-E.  Dupré,  8  rue  Germain 

M.  Gharles-P.  Gemme,  66  rue  Plantation 

M.   Roland-E.  Gervais,  512  route  Massasoit 

Dr  Adélard-J.  Harpin,  98  rue  Front 

M.  Archibald-R.  LeMieux,  69  rue  Armory 

R.  P.  Henri  Moquin,  a. a.,  provincial  à  New- York 

Mlle  Elise  Rocheleau,  483  avenue  Park 

M.  Albert-J.  Roy,  39  rue  Dartmouth 

Dr  R.-J.  Savignac,  390  rue  Main 

Le  trésorier  Antoine  Clément 


Appendice 

Dans  les  archives  de  la  Société 

A  la  réunion  du  20  novembre  1934 

"Une  Nouvelle  France  dans  la   Nouvelle-Angleterre" 

par  Alexandre  Goulet  * 

En  me  conviant  à  participer  aux  noces  de  corail  de  la  Société,  les 
dignitaires  m'ont  demandé  de  vous  parler  de  la  bourse  que  j'ai  obtenue, 
de  mon  voyage  en  Europe  et  enfin  de  ma  thèse.  Evidemment  je  n'ai  pas 
le  loisir  de  vous  entretenir  pleinement  de  ces  différents  sujets.  D'ailleurs, 
en  ceci  je  ne  crois  pas  me  tromper,  vous  avez  tous  sûrement  hâte  d'en- 
tendre le  conférencier  de  circonstance,  et  je  vous  fais  dès  maintenant  la 
promesse  de  ne  pas  retarder  outre  mesure  le  plaisir  qui  vous  attend. 

Le  Dr  Paquin  vous  ayant  parlé  de  la  bourse  dont  je  fus  l'an  dernier 
le  huitième  titulaire,  je  vous  dirai  un  mot  de  mon  séjour  en  France,  puis 
j'esquisserai  seulement  les  traits  saillants  de  ma  thèse. 

Lors  de  ma  première  année  d'études  à  Paris,  il  me  fut  donné  à 
plusieurs  reprises  d'adresser  la  parole  à  des  auditoires  français,  la  pre- 
mière fois  du  poste  radiophonique  Radio-Côte-d'Azur,  près  de  Nice,  la 
seconde  du  poste  d'Etat  de  Lyon  oii  j'assistais  à  la  Conférence  Univer- 
sitaire Franco-Américaine  à  titre  de  représentant  de  l'American  Uni- 
versity  Union  de  Paris.  Comme  vous  le  pensez  bien  chacune  de  ces 
causeries  porta  sur  mes  compatriotes  franco-américains. 

Nous  étions  si  peu  connus  en  France,  que  je  m'efforçais  par  tous 
les  moyens  de  répandre  ce  que  vous  me  permettrez  d'appeler  la  "bonne 
nouvelle".  Aussi  j'eus  bientôt  la  consolation  de  voir  certains  journaux 
là-bas  s'intéresser  à  nous  au  point  de  nous  consacrer  plusieurs  lignes  et 
ce,  en  première  page.  "Le  Grand  Echo  du  Nord",  publié  à  Lille,  fut,  à 
cet  égard,  d'une  admirable  générosité. 

C'est  pourquoi,  revenu  à  Paris  en  1933,  j'étais  résolu  à  y  présenter 
une  thèse  pour  le  doctorat  de  l'université  de  Paris,  dont  le  titre  serait 
l'histoire  des  Franco-Américains  en  Nouvelle-Angleterre.  Je  dois  avouer 
que  j'entrepris  ce  travail  contre  l'avis  de  mon  conseiller  et  notre  ami  à 
tous,  je  nomme  M.  Emile  Lauvrière,  qui  estimait  comme  trop  court  le 
peu  de  temps  dont  je  disposais.  Néanmoins,  je  me  mis  hardiment  à  la 
tâche  et  songeant  à  la  vigueur  de  notre  vie  française  en  cette  région 
colonisée  par  les  Puritains,  je  n'hésitai  pas  à  intituler  mon  manuscrit 
"Une  Nouvelle  France  en  Nouvelle- Angleterre". 

Et  c'est  ce  dont  je  vais  vous  donner  maintenant  un  bien  faible 
résumé. 

On  entend  dire  parfois  que  les  Franco-Américains  ne  sont  au  pays 
que  depuis  peu  d'années.  Cependant  si  nous  consultons  les  chiffres  du 

*  Ancien  secrétaire  de  la  Société  et  maintenant  professeur  à  l'université 
Princeton  à  Trenton,  New  Jersey. 


82  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


recensement  du  seul  Etat  du  Massachusetts  en  1764,  nous  constatons 
que  déjà  564  Français  neutres  (French  neutrals)  y  avaient  établi  leur 
demeure.  Ces  Français  étaient,  selon  toute  probabilité,  des  Français  et 
Canadiens-français,  anciens  soldats  de  Montcalm  et  Lévis,  à  qui  il  ré- 
pugnait de  servir  leur  nouveau  maître  sur  le  sol  de  la  patrie  conquise. 

Aussi  pendant  la  guerre  de  l'Indépendance  américaine  plusieurs  cen- 
taines de  Canadiens  français  accoururent  se  mettre  sous  les  ordres  de 
Washington  qui  leur  donna  même  des  chefs  de  leur  race. 

La  paix  conclue  et  craignant  les  représailles  dont  ils  auraient  sans 
doute  été  victimes  en  retournant  au  Canada,  ils  s'établirent  en  grand 
nombre  sur  les  terres  du  New- York  et  du  Vermont  que  leur  accorda  le 
congrès  américain  pour  les  récompenser  de  leurs  services. 
Emigratioii: 

Petit  à  petit  d'autres  Canadiens  commencèrent  à  émigrer  aux 
Etats-Unis.  Woonsocket,  R.-I.  en  1815  et  Worcester,  Mass.  en  1820 
comptaient  déjà  de  ces  nouveaux  citoyens. 

Mais  l'insurrection  des  Patriotes  combattant  sous  Papineau  en  1837 
amena  le  plus  fort  contingent  d'émigrés  qui  pour  la  plupart,  s'arrêtè- 
rent dans  le  Vermont.  C'est  alors  que  naquit,  à  Burlington,  le  premier 
journal  vraiment  franco-américain.  Duvernay  qui,  trois  ans  plus  tôt, 
avait  jeté  les  bases  de  la  Société  Saint- Jean-Baptiste,  publia  Le  Patriote. 
La  même  année  nos  ancêtres  purent  enfin  avoir  leur  église  à  eux  après 
que  le  temple  catholique  des  Irlandais  eut  été  incendié  par  des  fana- 
tiques. Je  passe  sous  silence  les  événements  regrettables  auxquels  donna 
lieu  alors  la  présence,  dans  une  même  ville,  de  coreligionnaires  de  lan- 
gues différentes. 

D'abord  desservis  surtout  par  des  prêtres  bretons,  les  Canadiens 
français  eurent  plus  tard  toute  une  pléiade  de  pasteurs  du  Canada, 
grâce  aux  efforts  apostoliques  et  inlassables  de  leur  évêque,  Mgr  de 
Goesbriand. 

Guerre  de  1861: 

En  1861,  lors  de  la  guerre  civile,  un  grand  nombre  d'ouvriers  amé- 
ricains ayant  dû  prendre  les  armes,  les  patrons  des  filatures  firent  appel 
à  la  main-d'oeuvre  canadienne  qui  dès  lors  ne  cessa  de  combler  les  vides. 
La  grande  émigration  était  commencée  et  elle  devait  durer  plus  d'un 
quart  de  siècle.  L'ouvrier  et  l'artisan  canadiens  eurent  bientôt  acquis  la 
réputation  d'être  les  piliers  de  l'industrie  de  la  Nouvelle-Angleterre. 
Mais  cette  conquête  pacifique  des  nôtres  ne  pouvait  se  faire  sans  pro- 
voquer le  mécontentement,  la  colère  de  ceux  qui  se  voyaient  ainsi  sup- 
plantés. 

Rapport: 

Le  rapport  du  chef  du  bureau  des  statistiques  du  Massachusetts  en 
1880  leur  fournit  l'occasion  désirée  et  ils  y  distillèrent  le  venin  de  la 
calomnie  contre  leurs  rivaux.    La  rapide  entrée  en  scène  d'éminents 


UNE  NOUVELLE  FRANCE  DANS  LA  NOUVELLE-ANGLETERRE 


83 


Franco-Américains  d'alors,  et  ici  il  me  fait  plaisir  de  saluer  la  mémoire 
de  deux  fondateurs  de  la  Société  Historique,  MM.  Dubuque  et  Guillet, 
des  pétitions  affluèrent  de  toutes  part  protestant  contre  les  accusations 
du  rapport,  surtout  contre  celle  qui  nous  traitait  de  "Chinois  de  l'Est". 
Une  audience-enquête  eut  lieu,  à  laquelle  d'autres  compatriotes  vigi- 
lants, tels  Ferdinand  Gagnon,  rédacteur  du  "Travailleur"  de  Worcester, 
et  l'abbé  Bédard  de  Fall  River,  se  présentèrent  pour  défendre  la  cause 
de  leurs  frères.  Les  preuves  apportées  contre  l'inique  document  donnè- 
rent immédiatement  raison  aux  requérants.  Aussi  le  rapport  de  l'année 
suivante  réhabilitait-il  les  Canadiens  français  en  rétablissant  les  faits  et 
la  vérité.  Le  colonel  Wright,  chef  de  ce  rapport  étant  devenu  dans  la 
suite  commissaire  du  travail  à  Washington,  écrivait  ce  qui  suit  à  M. 
Alex.  Belisle  de  Worcester  en  1907: 

"J'ai  trouvé  dans  mes  études  que  pas  une  nationalité  ne  s'est  déve- 
loppée aussi  rapidement  et  d'une  manière  si  satisfaisante,  en  venant  en 
ce  pays,  que  les  Canadiens  français,  et  je  suis  convaincu  qu'ils  ont  beau- 
coup fait  dans  le  développement  de  notre  pays". 

On  peut  dire  sans  crainte  de  se  tromper  que  les  honneurs  du  com- 
bat revenaient  surtout  à  la  presse  des  émigrés  avec  qui  il  fallait  désor- 
mais compter.  En  1868  avait  paru  le  premier  journal  franco-américain 
viable,  "Le  Protecteur  Canadien"  de  Saint-Albans,  Vermont.  D'autres 
lui  succédèrent  dont  le  plus  important  fut  sans  contredit  le  "Travail- 
leur", publié  à  Worcester  de  1874  à  1886  par  celui  dont  nous  devrions 
chérir  la  mémoire  à  jamais,  j'ai  nommé  Ferdinand  Gagnon.  Pendant  les 
18  années  qu'il  passa  en  ce  pays,  Gagnon  fut  le  champion  de  ses  com- 
patriotes et  le  chef  le  plus  écouté  de  leur  presse.  Avec  lui  nos  sociétés 
naissantes  prirent  plus  d'ampleur  et  groupèrent  plus  de  membres.  En 
1874,  si  nous  en  croyons  "La  Minerve"  de  Montréal,  18,000  émigrés  le 
suivirent,  lui  et  ses  lieutenants,  à  la  fête  nationale  qu'on  célébrait  avec 
une  solennité  inaccoutumée  à  Montréal. 

Ici,  comme  à  Québec  en  1880,  Gagnon  réclama  pour  les  siens  le 
mérite  qu'on  s'obstinait  à  leur  nier  et,  en  termes  émouvants,  il  exhorta 
ses  frères  à  plus  de  sympathie  pour  les  Canadiens  des  Etats-Unis. 

Depuis  la  guerre  civile  nos  paroisses  avec  clergé  national  s'étaient 
constamment  multipliées  dans  toute  la  Nouvelle-Angleterre.  D'autres 
attaques,  comme  celle  de  1880,  dirigées  contre  nos  sociétés,  nos  parois- 
ses et  nos  écoles  françaises,  échouèrent  grâce  à  l'énergie  de  notre  clergé, 
de  nos  journalistes  et  de  nos  législateurs,  car,  disons-le,  nous  avions  déjà 
commencé  à  envahir  les  gouvernements  des  Etats  où  nous  comptions. 

Le  tableau  que  présentait  notre  groupe  en  1891  prouve  que  nous 
étions  bien  établis  à  demeure  en  Nouvelle-Angleterre.  Pendant  la  déca- 
de qui  suivit  la  plupart  de  nos  sociétés  s'incorporèrent  ,soit  à  l'Associa- 


84  BULLETIN    DE    LA    SOCIETE    HISTORIQUE 


tion  Canado-Américaine,  soit  à  l'Union  Saint-Jean-Baptiste  d'Améri- 
que, ou  encore,  dans  le  Rhode  Island,  à  la  Société  Jacques-Cartier. 
Sentant  que  nous  étions  appelés  à  fournir  notre  part  à  l'histoire  géné- 
rale du  pays,  quelques-uns  des  nôtres  conçurent  l'excellent  projet  d'une 
société  historique  franco-américaine.  Peu  de  temps  après  et  répondant 
au  voeu  unanime  de  toute  notre  population,  les  Pères  Augustins  de 
l'Assomption  fondaient,  à  Worcester,  le  collège  classique  bilingue  qui 
leur  fait  ainsi  qu'à  nous  le  plus  grand  honneur. 

Aujourd'hui,  en  plus  grand  nombre  que  jamais,  nos  églises,  écoles, 
sociétés  et  journaux  sont  unis  dans  un  commun  effort  pour  conserver  à 
notre  peuple  sa  physionomie,  ses  particularités.  La  jeunesse  elle-même 
s'intéresse  aux  questions  vitales  concernant  notre  élément.  La  plupart 
de  nos  jeunes  étudiants  font  leur  stage  universitaire  à  Boston,  où  ils  de- 
viennent membres  du  Cercle  des  Etudiants  Franco-Américains.  Quel- 
ques-uns, et  le  nombre  augmente  d'année  en  année,  traversent  l'Atlan- 
tique et  rappellent  ces  paroles  prononcées  par  l'abbé  Groulx,  au  congrès 
franco-américain  de  Lowell  en  1922:  "A  l'heure  choisie  par  vous,  une 
élite  ira  chercher  en  France  pour  vous  les  apporter  ici  la  discipline  et 
tout  le  trésor  du  vieux  génie.  Ce  sera  ensuite  le  rôle  magnifique  de  vos 
intellectuels  de  vous  fournir,  dans  tous  les  domaines,  les  directives  dont 
vous  aurez  besoin  et,  entretemps,  d'aller  porter  jusque  dans  les  plus 
hautes  chaires  des  universités  américaines,  le  renom  de  leur  culture". 

Mais  poLU"  se  connaître,  pour  s'apprécier  et  faire  valoir  sa  culture, 
un  peuple  a  surtout  besoin  de  son  histoire.  Histoire  qui  lui  fera  prendre 
conscience  de  sa  valeur  et  de  ses  mérites;  histoire  dont  il  se  servira  pour 
bâtir  et  fortifier  son  avenir  et  celui  de  la  race. 

Cette  noble  tâche,  qui  comporte  aussi  le  devoir  de  fournir  de  hauts 
et  lucides  motifs  de  survivance  française,  j'ai  le  ferme  espoir  que  la  So- 
ciété Historique  Franco-Américaine  n'y  faillira  pas. 


Exercice    1953-1954 
Bureau 

Gilbert  Chinard,  Président  d'Honneur 

Pierre-Georges  Roy,  Vice-Président  d'Honneur 

Antoine  Dumouchel,  M.  D.,  Vice-Président  d'Honneur 

Adrien  Verrette,  prêtre,  Président 

Valmore-M.  Carignan,  avocat,  Vice-Président 

Gabriel  Nadeau,  M.  D.,  Secrétaire 

Roland  Cartier,  M.  D.,  Secrétaire  adjoint 

Antoine  Clément,  Trésorier 

Conseillers 

1951-1954 

R.  P.  Thomas-M.  Landry,  o.  p. 
Edouard-J.  Lampron,  juge 
Lucien  SanSouci 

1952-1955 

Damase  Brochu 
Oscar-W.  Perrault,  M.  D. 
Lauré-B.  Lussier 

1953-1956 

Ernest-R.  D'Amours,  avocat 
Mlle  Rhéa-A.  Caron 
F. -Raymond  Lemieux 


Table  des  Matières 

Présentation     3 

I.  Conférence:  "Y  a-t-il  un  avenir?" 

M.  le  chmioine  Lionel  Groulx 
Président  de  l'Institut  d'Histoire  de 

l'Amérique  Française  5 

Message  du  président  de  la  société  16 

II.  Remise  de  la  médaille  "Graiid  Prix"  à 
M.  le  chanoine  Lionel  Groulx 
Eloge  du  président  21 

III.  Etudes    23 

"Qui  nous  enlèvera  la  Pierre?" 

(Conférence  avec  film  sur  l'Oeuvre  de 
l'Abbaye  St-Benoit-du-Lac) 
Dom  Jean  Anselme  Mathys,  o.s.b.,  prieur  de 

l'abbaye  St-Benoit-du-Lac  26 

"La  Blessure  du  Major  Mallet"  32 

M.  le  docteur  Gabriel  Nadeau 
"Impressions  d'un  étudiant  franco-américain 

au  sein  de  la  France  catholique 40 

Abbé  Wilfrid  Paradis  (Manchester) 
Docteur  de  l'université  de  Paris 

IV.  Eloges  des  disparus  45 

Albert  J.  Potvin  (New  Bedford)  45 

Docteur  J.  Ubalde  Paquin 

Abbé  Théodore  Demers  (Easthampton)  46 

Abbé  Adrien   Verrette 

V.  Rapports  des  réunions  47 

a.  Réunion  du  Bureau,  8  avril  47 

b.  Réunion  annuelle  et  Séance  d'Etude,  27  mai  47 

c.  Réunion  du  Bureau,  10  octobre  48 

d.  Réunion  générale,  II  novembre  49 

VI.  La  Famille  Franco-Américaine  à  l'honneur  50 

R.  P.  Antoine  Portier,  s.  j. 

VIL  Monument  de  Mgr  Provencher 

Fondateur  de  l'Eglise  dans  l'Ouest  canadien  54 


VIII.  Echos  des  sociétés  d'histoire  57 

IX.  Titulaires  de  la  Médaille  "Grand  Prix" 

Médaille  Guillet-Dubuque-Bédard  67 

X.  Membres  honoraires  (1899-1953)   68 

XI.  Nos  conférenciers  et  orateurs 70 

XII.  Officiers  de  la  Société  (1899-1953)  72 

XIII.  Membres  de  la  Société  74 

Appendice 

Une  Nouvelle  France  dans  la  Nouvelle- Angleterre  ....  81 
Alexandre  Goulet 

Bureau  1953-1954 85 

Table  des  matières  86 


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